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Day Créations réflexives 2012 Défilement manuel

Day Créations réflexives 2012 Défilement manuel

Lorsque j’étais enfant, dans ma Gaspésie natale, les gens de la ville ou de

Lorsque j’étais enfant, dans ma Gaspésie natale, les gens de la ville ou de l’extérieur de la région nous appelaient des «mangeux de morue» . Et croyez-moi, ce n’était pas un compliment qu’ils nous adressaient. À cette époque, ce poisson était très abondant dans les eaux gaspésiennes et il ne coûtait pas cher. Alors comparer un poisson «bas de gamme» comme la morue à un poisson «noble» et dispendieux comme le saumon ou aux fruits de mer signifiait que la morue était l’aliment du pauvre. Les temps ont changé. Aujourd’hui, la morue coûte cher et elle est devenue tellement rare dans les eaux gaspésiennes que le gouvernement a dû imposer un moratoire sur cette pêche. Il y a deux ans par exemple, dans un restaurant de Carleton, j’ai savouré un très bon filet de morue… en provenance d’Islande. Pourtant, la place que la morue a occupée dans l’histoire passée de la Gaspésie ne devrait pas susciter chez les Gaspésiens que de la gêne. Aux 18 e, 19 e et 20 e siècles, cette pêche fut la première véritable industrie de la péninsule et, selon les historiens, le principal moteur économique de cette région éloignée des grands centres urbains et souvent négligée par les pouvoirs politiques. Ce qui, en revanche, n’a pas empêché les pêcheurs gaspésiens de morue d’être victimes d’exploitation de la part de compagnies, comme celle de Charles Robin, qui détenaient un véritable monopole sur ce produit et les tenaient dans un perpétuel état de dépendance financière. Bien des Gaspésiens en ont gardé un souvenir amer. C’est dans la municipalité de Paspébiac, où était installé dès le 18 e siècle le siège social de la plus importante compagnie dans le domaine des pêches, qu’on peut en apprendre davantage sur cette période importante de l’histoire gaspésienne en visitant le site historique du Banc-de-Pêche-de-Paspébiac, classé depuis 1981 par le ministre des Affaires culturelles du Québec. J’avais visité ce site au début des années 1980. Je suis retourné le voir à l’été 2011. Je partage avec vous dans ce diaporama le fruit de mes découvertes. R. Day

Au site historique du Banc-de-Pêche de Paspébiac, on nous raconte… Une histoire de morue

Au site historique du Banc-de-Pêche de Paspébiac, on nous raconte… Une histoire de morue

Nos anciens manuels d’histoire nous enseignaient que le navigateur malouin Jacques Cartier avait découvert

Nos anciens manuels d’histoire nous enseignaient que le navigateur malouin Jacques Cartier avait découvert le Canada et qu’il en avait pris possession au nom du roi de France en plantant une croix à Gaspé le 24 juillet 1534. Si l’épisode de la croix est véridique, en revanche celui de la découverte du territoire requiert quelques nuances. Il est en effet prouvé que les marins européens connaissaient les eaux canadiennes avant le voyage de Cartier puisqu’ils venaient y pêcher. Les Basques, par exemple, avaient remonté le Saint-Laurent en y pêchant phoques et marsouins bien avant Cartier et s’étaient installés sur une île qui porte leur nom (Îleaux-Basques) pour y dépecer les baleines qu’ils capturaient à la hauteur du Saguenay.

C’est au 18 e siècle que la pêche de la morue dans les eaux

C’est au 18 e siècle que la pêche de la morue dans les eaux gaspésiennes prend une tournure différente. En effet, sous le régime français, les pêcheurs français se limitaient à venir y pêcher durant la belle saison puis repartaient pour l’Europe sitôt les cales de leurs navires remplies. Mais en 1765, Charles Robin, âgé de 23 ans et originaire de Saint-Aubin dans l’île Jersey, vient explorer les côtes de la baie des Chaleurs en vue d’y développer une pêche commerciale de la morue. Et en 1766, il choisit le site de Paspébiac pour établir un premier poste de pêche permanent puis en faire le siège de ce qui deviendra l’une des plus importantes compagnies dans le domaine des pêches. Il a remarqué que le lieu offre d’importants avantages : havre de protection des navires, vent sec d’est en ouest, déglacement hâtif des rives. Au début, ses activités rencontrent bien des embûches. Ainsi, en 1770, son premier établissement est détruit par le feu. Et en 1778, lors de la Guerre d’indépendance américaine, des corsaires attaquent son entreprise et s’emparent de 2 navires et de leur cargaison (1 400 quintaux de morue séchée). Les dépôts de marchandise sont ensuite pillés par des Amérindiens affamés. Robin décide alors de retourner à Jersey. Mais à la fin de la guerre, en 1783, il revient à Paspébiac et reprend rapidement le contrôle du commerce de la morue. Contrôle, pour ne pas dire monopole, que son entreprise qu’il ne cesse d’agrandir conservera jusqu’au 20 e siècle, et ce même si d’autres compagnies jersiaises et guernesiaises viendront s’implanter en Gaspésie.

Même si le nom de Robin s’incruste à demeure dans l’histoire et le paysage

Même si le nom de Robin s’incruste à demeure dans l’histoire et le paysage gaspésien, ce n’est pas le cas du fondateur de l’entreprise. En 1802, Charles Robin quitte la Gaspésie et retourne à Jersey. Il avait alors 59 ans. De 1788 à 1792, il avait été juge à la Cour des plaids communs de la Gaspésie et juge de paix. Il siégeait aussi au Conseil des terres de la Gaspésie; à ce titre, il faisait distribuer les terres par petits lots, de manière à s’assurer que personne ne soit détourné de la pêche au détriment de l’agriculture. On ne se surprendra guère qu’il s’alliait à des politiciens et qu’il travaillait bien sûr à leur élection. Il est décédé à Saint-Aubin en 1824. Déjà, on le surnommait le «roi de la morue» . Célibataire, on dit qu’il avait peu d’intérêt en dehors de son entreprise. Il placera ses neveux James et Philip Robin en charge de sa compagnie. Cette carte de l’île Jersey, sculptée dans une pierre fossilisée, souligne l’importance et l’apport des Jersiais à la vie gaspésienne.

Robin construit ses bâtiments sur le banc de Paspébiac et obtient un titre de

Robin construit ses bâtiments sur le banc de Paspébiac et obtient un titre de propriété sur l’emplacement qu’il occupe. Puis en 1838 un employé de sa compagnie – David Le Boutillier – la quitte pour fonder la sienne avec ses deux frères. La Le Boutillier Brothers s’installe elle aussi sur le banc de Paspébiac, juste à côté de la Charles Robin and Co. La présence de ces deux entreprises sur le même site fait en sorte que ce poste de pêche deviendra une plaque tournante du commerce international de la morue séchée pendant plus d’un siècle. Morues séchant sur des vigneaux

Sur cette gravure réalisée par Thomas Pye, on voit le banc de Paspébiac tel

Sur cette gravure réalisée par Thomas Pye, on voit le banc de Paspébiac tel qu’il se présentait en 1864 -1865. Voici la description qu’en fait Pye : «[…] au centre de l’avant-plan les établissements de la Charles Robin & Co et de la Le Boutillier Brothers. À droite se trouvent l’entrepôt et le magasin de monsieur Bisson, le maître de poste; on voit l’église catholique romaine dans le lointain. Sur la montée à gauche, on aperçoit la maison d’hiver et les bâtiments de ferme de la Le Boutillier Brothers. Plus loin à droite se trouvent la maison d’hiver et les dépendances de la Charles Robin & Co, avec, à l’arrière, l’église épiscopale. Toutes les autres maisons visibles sont les demeures des pêcheurs et des employés [des deux compagnies]. »

Cette autre gravure de Pye fait voir avec plus de détail l’établissement de la

Cette autre gravure de Pye fait voir avec plus de détail l’établissement de la compagnie Robin. Il la commente ainsi : «Cette gravure montre le quartier général de la Charles Robin & Co, la plus importante compagnie engagée dans le commerce du poisson dans les trois provinces sœurs, le Canada [le Québec d’aujourd’hui], la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick. Prise depuis leur exploitation agricole sur la terre ferme, la gravure montre l’arrière des locaux de l’entreprise. Le pont, que l’on voit distinctement, ne sert qu’aux piétons pour traverser le barachois. Les bâtiments à droite se rattachent plus particulièrement au chantier naval de la compagnie. Ceux à gauche sont leur résidence, leur magasin, leurs entrepôts, etc. Celui-là plus loin sur la pointe, est l’entrepôt de monsieur Bisson, près duquel on aperçoit la courbe de cette pointe si curieusement formée. La mer occupe l’arrière-plan. Les bâtiments dans le coin droit font partie de l’établissement de la Le Boutillier Brothers. »

Sur cette dernière gravure que Pye a consacrée au banc de Paspébiac, il nous

Sur cette dernière gravure que Pye a consacrée au banc de Paspébiac, il nous présente les installations de la Le Boutillier Brothers. Il écrit : «Notre troisième gravure […] montre l’arrière de l’établissement de la Le Boutillier Brothers. Quelques-uns des bâtiments faisant partie de la Charles Robin & Co apparaissent dans le coin gauche. La goélette dont on voit les mâts est accostée au quai de la Le Boutillier Brothers. L’entrepôt, au centre de la gravure, s’avère la plus grande et la plus parfaite chose du genre dans le district de Gaspé. Il est construit sur un quai, de sorte que les marchandises peuvent y être déchargées directement des chalands et des bateaux qui transportent la cargaison des navires ancrés dans la rade. C’est le premier quai à avoir été construit à Paspébiac. Les frères Le Boutillier ont peu à peu développé leur entreprise. Paspébiac est leur dépôt principal et la résidence [du] gérant-chef. »

Ces deux photos du banc de Paspébiac ont été prises plusieurs années après les

Ces deux photos du banc de Paspébiac ont été prises plusieurs années après les gravures de Thomas Pye. Mais, vous le constaterez sans peine, elles datent de bien avant les photos en couleurs et l’ère du numérique Les entreprises de la famille Robin et des frères Le Boutillier deviennent au 19 e siècle les deux plus importantes compagnies de morues séchées de la Gaspésie. Et Paspébiac acquiert le titre de «capitale gaspésienne du commerce morutier» .

Sur cette photo ancienne, on peut constater l’ampleur des installations des Robin et Le

Sur cette photo ancienne, on peut constater l’ampleur des installations des Robin et Le Boutillier à Paspébiac.

Pour assurer leur ravitaillement en morue, les maisons mères de Paspébiac installent des dizaines

Pour assurer leur ravitaillement en morue, les maisons mères de Paspébiac installent des dizaines de postes de pêche des côtes de la baie des Chaleurs jusqu’à la Côte Nord du Québec. Et leurs goélettes sillonnent les eaux pour aller y recueillir la morue que les pêcheurs ont pris. On voit ici le schooner Peace fabriqué en 1812 au banc de Paspébiac par la compagnie Charles Robin.

Sur cette photo, on voit le voilier L’Écho, construit au Nouveau-Brunswick en 1841. C’est

Sur cette photo, on voit le voilier L’Écho, construit au Nouveau-Brunswick en 1841. C’est sur des grands voiliers semblables (mesurant entre 90 et 130 pieds et jaugeant de 140 à 350 tonneaux) que la morue séchée à Paspébiac, sur des vigneaux exposés au soleil, était exportée vers les marchés d’Europe (Portugal, Espagne, Italie, Jersey) ainsi qu’au Brésil et dans les Antilles. Dans son ouvrage publié en 1866, Thomas Pye mentionne que ces exportations s’élevaient entre 40 000 et 50 000 quintaux annuellement. Un voilier trois-mâts comme celui-ci pouvait requérir entre 10 et 25 hommes d’équipage.

En Espagne, la morue séchée était expédiée au port de Cadix. Les voiliers revenaient

En Espagne, la morue séchée était expédiée au port de Cadix. Les voiliers revenaient à Paspébiac chargés de sel et d’autres produits de première nécessité.

Les Portugais étaient eux aussi très friands de la morue séchée de la Gaspésie

Les Portugais étaient eux aussi très friands de la morue séchée de la Gaspésie – la fameuse «Gaspé Cure» . En 1871, par exemple, le navire Diton livra à Porto une cargaison de 1 747 quintaux de morue séchée. Il en ramena lui aussi le précieux sel, un ingrédient indispensable dans le processus de séchage de la morue.

Dans un des bâtiments du site, on peut voir des maquettes différents types de

Dans un des bâtiments du site, on peut voir des maquettes différents types de bateaux utilisés par les compagnies opérant sur le banc de Paspébiac : barques, goélettes, bricks, brigantins, qui étaient tous entièrement fabriqués sur place, de la sélection des arbres jusqu’à la mise à l’eau du navire. La tradition maritime de Jersey avait ainsi été transmise aux Gaspésiens. Plus le bateau était de grande taille et pouvait transporter une grande quantité de marchandises, plus le périple était rentable; en revanche, les risques de perte étaient plus considérables en cas de naufrage ou d’attaques en temps de guerre.

Thomas Pye mentionne que la pêche d’été se terminait vers la mi-août. De petites

Thomas Pye mentionne que la pêche d’été se terminait vers la mi-août. De petites goélettes s’affairaient alors à collecter le poisson et l’huile tout le long de la côte. Les dernières livraisons de morue vers les marchés d’exportation avaient lieu à l’automne. Au printemps, une main-d’œuvre jersiaise faisait souvent partie du voyage de retour vers Paspébiac. Vers le milieu du 19 e siècle, toutefois, la compagnie Robin importera de plus en plus ses marchandises (tissus, vêtements, chaussures, farine, goudron, biscuits, tabac et beurre) non plus des marchés européens, mais davantage de Québec et des autres marchés américains. Après 1890, les importations de marchandises de Québec, des Maritimes et des États -Unis supplantent celles d’Europe. Quant aux navires qui livraient la morue en Amérique du sud et aux Antilles, ils remontaient habituellement vers l’Europe une fois leur livraison faite. La compagnie se procurait des produits tropicaux comme mélasse, sucre, cacao, riz, café et rhum via le marché d’Halifax.

La navigation entre Paspébiac et Québec, surtout en remontant le fleuve Saint-Laurent, n’est pas

La navigation entre Paspébiac et Québec, surtout en remontant le fleuve Saint-Laurent, n’est pas une mince affaire. Les vents sont souvent contraires et le courant du fleuve descend vers la mer. Lorsque la marée baisse, le courant descendant peut atteindre jusqu’à 8 nœuds (14, 8 km/h). Les navires en route vers Québec doivent alors jeter l’ancre et attendre la marée montante.

Travailleurs au chantier de Paspébiac prenant leur repas au 20 e siècle.

Travailleurs au chantier de Paspébiac prenant leur repas au 20 e siècle.

À l’étage supérieur du lieu des repas (qui est aujourd’hui le pavillon d’accueil), on

À l’étage supérieur du lieu des repas (qui est aujourd’hui le pavillon d’accueil), on peut voir la solidité de la construction des édifices.

À l’étage supérieur du lieu des repas (qui est aujourd’hui le pavillon d’accueil), on

À l’étage supérieur du lieu des repas (qui est aujourd’hui le pavillon d’accueil), on peut voir la solidité de la construction des édifices.

Si ces grandes compagnies prennent de l’expansion et prospèrent, il n’en va nullement de

Si ces grandes compagnies prennent de l’expansion et prospèrent, il n’en va nullement de même pour les pêcheurs de morue gaspésiens.

Charles Robin instaure en effet un système de crédit – communément appelé «système de

Charles Robin instaure en effet un système de crédit – communément appelé «système de troc» – qui lui permet un contrôle total sur les pêcheurs. En effet, la plupart de ses transactions avec les pêcheurs s’effectuent sans argent. Sa compagnie détermine à la fois le prix de la morue qu’elle leur achète et la valeur des biens qu’elle leur vend. Le pêcheur est donc constamment endetté envers la compagnie. Pour une famille de pêcheurs, la moitié de son revenu est consacré à l’alimentation, le tiers pour pêcher et travailler et le dixième pour se vêtir. À elle seule, la farine représente près du quart des dépenses. On peut lire cette lettre d’un pêcheur à son épouse sur le site : «Ma femme, cette année, avec l’aide des jeunes, on a réussi à livrer 185 quintaux de morue séchée… notre meilleure année depuis douze ans! On va pouvoir solder not’dette pis se pâyer des ptits luxes! Pis les garçons qui grandissent vont pouvoir m’aider à faire mon ouvrage d’hiver… la compagnie m’a commandé six cordes de bois à feu, seize traînes de brousse pis 220 piquets de cèdre. Émérentienne, l’année prochaine, on s’ra pas obligés de vendre notre veau pour se payer de la farine! Grand-père Chapados, avez-vous entendu ça? » [sic]

Tout le matériel dont il a besoin pour exercer son métier, le pêcheur doit

Tout le matériel dont il a besoin pour exercer son métier, le pêcheur doit se le procurer au magasin des Robin et au prix fixé par eux. Et la compagnie fixe invariablement la valeur de ses achats à un niveau supérieur à la valeur de la morue qu’elle lui achète.

 «Des mains du trancheur, la morue passe dans celles du saleur qui la

«Des mains du trancheur, la morue passe dans celles du saleur qui la pile, en ayant soin de bien l’étendre, la chair en haut et les collets en dehors, et met un lit de sel entre chaque rangée au moyen d’une pelle de bois […] Quand la morue a été ainsi pendant quelques jours, on défait les piles et on l’étend une à une, sur des claies de trois pieds de large, recouvertes de branches d’épinette ou de sapin et reposant sur des poteaux à environ trois pieds de terre, afin qu’exposée ainsi à l’action du soleil, elle finisse par perdre toute l’eau qu’elle contient et acquière cet état de siccité qui lui permette de se conserver, même dans les pays chauds, pendant plusieurs années. » (Pierre Fortin, 1859) Morue séchant au soleil, à Sainte-Thérèse-de-Gaspé Photo : Gouvernement du Québec (publiée dans Jules Bélanger, Gaspésie – Visages et paysages, Montréal, Boréal Express, 1984, p. 94)

 «C’est la morue salée et séchée à la gaspésienne. Une chair à la

«C’est la morue salée et séchée à la gaspésienne. Une chair à la texture exclusive, reconnue et recherchée en maints pays depuis des siècles. La nature elle-même transforme cette denrée : une combinaison spéciale des facteurs de température, d’humidité et de vent, sous le soleil gaspésien en est le secret jalousement gardé. Les Gaspésiens exportent annuellement 8, 5 millions de livres de leur bien connue "Gaspé cure" vers les marchés de Porto-Rico, d’Italie et des États-Unis. » (Pierre Fortin, 1859) Vigneaux de «Pêcheries Malbaie» , à Malbaie Photo : Lise M. Gravel (publiée dans Jules Bélanger, Gaspésie – Visages et paysages, Montréal, Boréal Express, 1984, p. 95)

À partir de 1880, le marché européen de la morue séchée commence à se

À partir de 1880, le marché européen de la morue séchée commence à se saturer. La valeur de la morue baisse, atteignant les niveaux qu’elle avait en 1820. Puis l’abolition de l’esclavage aux États-Unis entraîne une baisse de la demande. Et pour finir, en 1886, la Banque commerciale de Jersey fait faillite : les liquidités des compagnies disparaissent. L’ordonnance de saisie des compagnies Robin et Le Boutillier menace plus de 5 000 familles de pêcheurs en Gaspésie, sur la Côte Nord et en Acadie, qui dépendent d’elles pour se nourrir. Le 16 février 1886, malgré une maigre aide d’urgence gouvernementale de 4 000 $, les magasins de Paspébiac sont pillés, on emporte farine et nourriture. Car malgré la famine menaçante, la compagnie refusait de céder ses 4 000 barils de farine entreposés à ceux qui ne pouvaient payer.

Au moment de la «révolte» de 1886, on estime que la Charles Robin &

Au moment de la «révolte» de 1886, on estime que la Charles Robin & Co possède 14 voiliers de commerce et de cabotage, 300 embarcations de pêche et que 2 000 personnes dépendent d’elle. Quant à la Le Boutillier Brothers, on calcule qu’elle possède 12 navires, 165 embarcations et que 1 200 personnes dépendent d’elle.

Devant ces difficultés, les compagnies de pêche n’ont d’autre choix que de se fusionner.

Devant ces difficultés, les compagnies de pêche n’ont d’autre choix que de se fusionner. Charles Robin & Co s’associe d’abord avec la compagnie Collas de Pointe-Saint-Pierre, puis avec Philippe Robin & Co, puis avec A. G. Jones & A. H. Whitman. Elle deviendra finalement Robin, Jones & Whitman. En 1904, cette dernière démarre une chaîne de magasins généraux qu’on retrouvera pendant la majeure partie du 20 e siècle sur la péninsule gaspésienne et la Côte Nord.

Sur le site du Banc-de-Paspébiac, cet édifice est sans doute le plus impressionnant. Thomas

Sur le site du Banc-de-Paspébiac, cet édifice est sans doute le plus impressionnant. Thomas Pye avait bien raison d’écrire que cet entrepôt de la Le Boutillier Brothers était la plus grande et la plus parfaite chose du genre en Gaspésie. Nous allons maintenant y faire une visite et jeter un coup d’œil sur son architecture et les objets qui y sont exposés.

Ce qui frappe dans cet entrepôt, c’est le nombre de tonneaux qu’on y trouve.

Ce qui frappe dans cet entrepôt, c’est le nombre de tonneaux qu’on y trouve. Il y en a! Il faut dire que le tonneau était le récipient qui contenait la morue séchée destinée à l’exportation. Les tonneaux fabriqués à Paspébiac étaient appelés «boucauts» . Ils n’avaient pas besoin d’être étanches car l’aération permettait une meilleure conservation de la morue séchée. Quant aux tonneaux destinés à contenir des liquides (par exemple mélasse, rhum), ils devaient bien sûr être étanches et très solides. On les appelait «futailles» . Le tonnelier jouait donc un rôle irremplaçable dans la construction de cet objet autant nécessaire dans la vie quotidienne de l’époque pour les activités d’import-export des compagnies. La tonnellerie est un art qui requiert expérience et dextérité. Parmi ses nombreux avantages, on note qu’il pouvait résister à une pression exercée autant de l’extérieur que de l’intérieur, qu’il pouvait être réutilisé maintes et maintes fois pour fins de transport et d’entreposage, qu’un seul homme pouvait facilement le déplacer en le roulant et qu’on pouvait l’ouvrir et le refermer facilement sans l’endommager ni porter atteinte à son étanchéité.

Ce coffre à outils appartenait à George Fallu, un charpentier originaire de Saint-Pierre (Jersey),

Ce coffre à outils appartenait à George Fallu, un charpentier originaire de Saint-Pierre (Jersey), venu à Paspébiac en 1826, à l’âge de 18 ans. Arrivé au Canada, le jeune George tomba en amour et épousa une irlandaise catholique, Geneviève Mc. Intyre. Comme l’exigeait l’Église, il dut se convertir au catholicisme. Mais du même coup, il perdit son emploi pour la compagnie Robin. En effet, celle-ci exigeait dans ses contrats d’engagement que ses employés soient célibataires et de religion protestante. George Fallu vint s’établir à Nouvelle, dont il fut l’un des pionniers et le troisième maire de cette localité.

 «Y avait pas de mécanique dans ce temps là. Y’avait pas d’outils modernes,

«Y avait pas de mécanique dans ce temps là. Y’avait pas d’outils modernes, y’avait des hommes qui savaient manœuvrer la hache pis la scie, fendre à la scie de long […] C’ést tout travaillé à la maiin comme ça. C’est toute des scies de long qu’y avait à part de ça… d’autre petites scies là, les égoïnes» [sic]

Dans ce bâtiment sont exposés des objets nécessaires à la tenue des livres. Un

Dans ce bâtiment sont exposés des objets nécessaires à la tenue des livres. Un secrétariat en quelque sorte. Mais vous remarquerez que rien ne ressemble à ce que l’on trouve de nos jours dans les grandes compagnies…

C’est dans la charpenterie que sont construits les navires de la Charles Robin &

C’est dans la charpenterie que sont construits les navires de la Charles Robin & Co. Ce bâtiment est au cœur du chantier naval de Paspébiac, avec de nombreux ateliers et hangars tout autour. On y trouve des espaces spécialisés répondant aux différents besoins de la construction navale : plancher de traçage, plancher des gabarits, établi de menuiserie, atelier de confection et de réparation des voiles.

Poêle et bois servant au séchage du bois entrant dans la construction des bateaux.

Poêle et bois servant au séchage du bois entrant dans la construction des bateaux.

Dans le bâtiment de droite se trouve la forge.

Dans le bâtiment de droite se trouve la forge.

Tant à l’intérieur des bâtiments que sur le site extérieur, on peut voir des

Tant à l’intérieur des bâtiments que sur le site extérieur, on peut voir des objets d’une époque révolue.

En comparant ces deux photos, on peut voir que le nombre de bâtiments qu’il

En comparant ces deux photos, on peut voir que le nombre de bâtiments qu’il y a aujourd’hui sur le site du Banc-de-Paspébiac a beaucoup diminué par rapport aux temps anciens. C’est qu’à la suite du déclin des compagnies de pêche, les bâtiments sont abandonnés en 1920 et peu à peu tombent en ruine. On s’en sert dès lors uniquement comme entrepôts ou comme lieu d’hébergement pour des travailleurs saisonniers. Puis, le 21 juin 1964, un violent incendie réduit en cendre une trentaine de bâtiments. Les pertes sont alors évaluées à 1, 5 million $. Disparaissaient donc de précieux témoins de l’histoire de la pêche de la morue en Gaspésie.

Dans les années 1970, un groupe de citoyens de Paspébiac, constatant l’état de décrépitude

Dans les années 1970, un groupe de citoyens de Paspébiac, constatant l’état de décrépitude avancé des édifices qui avaient survécu à l’incendie et au temps, décide de mettre sur pied le Comité pour la sauvegarde des bâtiments historiques de Paspébiac. Leur travail sera finalement récompensé, lorsque le gouvernement du Québec classe le site «monument historique» en juillet 1981. Celui-ci ouvre ses portes un mois plus tard.

Photos historiques Collection du site historique du Banc-de-Pêche-de-Paspébiac. Ces photos sont exposées dans les

Photos historiques Collection du site historique du Banc-de-Pêche-de-Paspébiac. Ces photos sont exposées dans les divers bâtiments du site. Photos récentes R. Day (juillet 2011). Sources documentaires ▪ Les renseignements figurant dans ce diaporama proviennent, pour la majorité, du site historique. ▪ Thomas Pye, Images de la Gaspésie au XIXe siècle, Québec, Presses Coméditex, Collection Littoral, 1980. ▪ Jules Bélanger, Gaspésie – Visages et paysages, Montréal, éditions du Boréal Express, 1984. ▪ Journal Écho de la Baie, 13 juillet 2011 / 20 juillet 2011 / 27 juillet 2011 / 10 août 2011 Musique Vangelis, West Across The Ocean Sea Conception R. Day Septembre 2012 Mes diaporamas sont hébergés sur le site : http: //imagileonation. com