Day Crations rflexives 2012 Dfilement manuel Gil Courtemanche

Day Créations réflexives 2012 Défilement manuel

Gil Courtemanche a eu une carrière prolifique : journaliste à la Société Radio-Canada et au quotidien La Presse, chroniqueur au Droit, Le Soleil et Le Devoir , correspondant à l’étranger pour la société d’État, en plus de collaborer à diverses publications. Comme écrivain, il a publié plusieurs ouvrages, dont son plus célèbre demeure «Un dimanche à la piscine de Kigali» , racontant le génocide rwandais. Succès critique et littéraire, ce roman a été traduit en 23 langues et adapté au cinéma en 2006. Pendant 9 ans (2002 -2011), il a tenu une chronique dans le journal montréalais Le Devoir , où il abordait divers thèmes d’intérêt national et international. Il n’avait pas peur de ses opinions, et surtout il n’avait pas peur de les exprimer. Si celles-ci ne faisaient pas toujours l’unanimité, elles ne laissaient en tout cas personne indifférent. À l’été 2011, les éditons Boréal ont publié dans un recueil intitulé «Le camp des justes» , un certain nombre de ses chroniques parues dans Le Devoir entre 2002 et 2011. Ce diaporama vous invite à lire (ou relire) une trentaine de courts extraits de ces chroniques – une façon de rappeler Courtemanche à votre souvenir et de lui rendre hommage. R. Day

En souvenir de Gil Courtemanche (1943 – 2011)

En cette époque d’information continue, de liaisons satellites et d’Internet, la somme d’informations produites nous donne l’illusion de tout savoir de la planète. En fait, nous parvenons à connaître des milliers d’événements quotidiens, mais on peut se demander si nous savons ce qui se passe, ce qui arrive vraiment.

Un gâchis politique absolu, c’est une décision qui ne fait que des perdants et qui laisse derrière elle une forte odeur de soufre.

L’aide aux oppositions démocratiques dans la sphère communiste a commencé sous Ronald Reagan en 1980, alors que les États-Unis ont largement financé le syndicat Solidarnosc en Pologne. Le président champion de la démocratie appuyait en même temps la Contra au Nicaragua et le régime Pinochet , qui assassinait la démocratie.

Une question : Monsieur Couillard [ministre de la Santé du Québec de 2003 à 2008], quand on vous payait richement pour soigner le cœur des princes saoudiens, leur faisiez-vous la leçon et leur disiez-vous qu’il fallait interdire la cigarette dans leur royaume où sont déjà interdits l’alcool, les drogues, la baise et tous les menus plaisirs qui font la vie des gens normaux?

[…] il faut travailler, et une grande partie du métier de journaliste consiste à recueillir des mensonges. Sur le plan personnel, ce qui est le plus difficile à supporter, c’est que, pour aligner sans rire de telles énormités, votre interlocuteur doit absolument vous considérer comme un parfait ignare ou un bien triste idiot.

[…] devant le terrorisme islamiste dans lequel la planète semble s’installer d’une manière permanente, nous sommes à court d’arguments. Nos modèles respectifs conviennent peut-être à une majorité de musulmans, mais ils n’empêchent aucunement la levée des recrues de l’islamisme radical. Le modèle britannique et canadien encourage la diversité culturelle comme fondement de la société. Le modèle français propose l’intégration républicaine. Or les deux modèles produisent les mêmes terroristes.

[Il y a une vingtaine d’années], la richesse des entreprises et des activités financières fournissait 60% des revenus de l’État. La mondialisation, la libéralisation des flux financiers, la monétarisation de l’économie mondiale et la systématisation de l’utilisation des paradis fiscaux ont renversé la proportion et ce sont maintenant les citoyens qui, par l’intermédiaire de l’impôt sur le revenu et des taxes sur la consommation, financent la majorité des dépenses de l’État.

Pour être lucide, il faut se demander pourquoi, si le libre-échange et la libéralisation du commerce ont créé autant de richesse nouvelle, celle-ci échappe de plus en plus aux citoyens qui l’ont produite […] On pourrait multiplier les exemples d’incompétence [dans la gestion du] secteur privé dont seuls les travailleurs paient le prix.

Les chemins que suivent les informations pour se loger dans nos cerveaux puis influencer nos comportements et nos perceptions sont mystérieux. On assiste maintenant à une construction de l’opinion publique par les médias électroniques et […] les chaînes d’information continue.

[…] les extrémistes, en poussant toujours plus loin leur violence verbale ou physique contre la liberté de penser, nous poussent, inconsciemment du moins, vers le repli et la prudence. Pour ne pas encourager le terrorisme, nous y pensons à deux fois avant de dire notre opposition fondamentale à cette opération de destruction de la démocratie et des droits. Et ce faisant, nous donnons raison aux terroristes et aux extrémistes. Ils installent la terreur en nous et modifient nos comportements. C’est précisément leur but.

[…] tout historien des idées et des courants politiques expliquera que les idées ne survivent que si elles se renouvellent, que si elles sont soumises à une réactualisation permanente en fonction de la réalité qui, elle, n’attend pas que les idées évoluent pour modifier son cours.

La pacifisme et le neutralisme ne constituent pas toujours des attitudes vertueuses et humanistes. Il arrive qu’ils soient aussi une forme de démission et de repli sur soi, une sorte d’égoïsme sophistiqué. Pensons à la neutralité de la Suisse durant la Seconde Guerre mondiale. Pensons aussi à ce que serait le monde si les pacifistes européens et américains avaient remporté la donne et qu’on avait laissé les nazis faire à leur guise.

Chaque avancée de la liberté constitue un progrès collectif pour l’humanité. Il ne faut pas prendre prétexte des erreurs, des bavures ou de la lenteur et du prix humain du combat pour échapper à nos responsabilités de solidarité.

En fait, il n’existe pas de bons ou de mauvais États, il n’y a que de bons et de mauvais gouvernements.

La fonction de l’information, en particulier dans des situations tendues et incertaines, n’est pas de jeter de l’huile sur le feu mais de fournir les outils pour que se déroule un débat, certes nécessaire, mais un débat qui s’appuie sur des bases solides.

Proclamer son adhésion à des valeurs et pratiquer la mise en application de ces valeurs dans le quotidien, c’est deux choses.

Le populiste s’appuie toujours sur de bons sentiments, il se pose en défenseur des faibles et des victimes. Il parle au nom de la décence et de la justice. Il prétend rassurer et protéger. Mais il le fait en cherchant en nous la part d’ombre, en faisant appel à cette partie de nous qui réclame vengeance, qui refuse la différence. Le populiste ne fait jamais appel à la réflexion, à la compréhension, à l’ouverture; il propose l’action radicale et immédiate. Le populiste réagit rapidement, parle vite, propose des solutions simples et réfléchit après.

[…] nous disons […] que le christianisme est la meilleure des religions. Nous qui ne pratiquons plus voulons souvent que les autres ne pratiquent pas leur religion tels qu’ils en comprennent la pratique et les obligations. Il faudrait peut-être rappeler à ceux qui brandissent les droits à l’égalité et à la non-discrimination que les femmes n’ont pas plus de place et de droits dans l’Église catholique dans l’islam, que ces deux religions tiennent sur l’homosexualité des discours semblables et que le catholicisme, en interdisant aux femmes la contraception, a contribué à la propagation du sida dans les pays pauvres.

On ne lit pas dans les écoles. Il n’y a pas de livres dans les écoles, seulement des programmes de compétences transversales et des objectifs de «diplomation» . Et au nom de la nation, nous continuons à former des ignorants. Pas de mots, pas d’histoire, pas de culture générale, rien. Le Loft comme système d’éducation.

C’est une grande qualité de la démocratie que de permettre à des dirigeants de s’engager tout en sachant qu’ils ne seront pas présents pour remplir leurs promesses.

Voilà un homme [Robert Mugabe, président du Zimbabwe] qui a hérité d’un pays riche, notamment de son agriculture. Toutes ses politiques, menées au nom de la décolonisation, ont conduit le pays à la famine et il serre la main des chefs d’État dans une conférence qui lutte contre la faim. Tout le monde sait qu’il a perdu l’élection présidentielle, mais on l’appelle encore président. C’est tout ce qu’il souhaite, cet homme, pas le bien-être de ses citoyens, pas la prospérité du pays, mais en être le président-propriétaire.

Au G 8 [de 2008], la Chine était invitée dans le cadre de la participation des pays émergents. Réflexion personnelle : comment l’Italie incapable de ramasser les ordures de Naples peut-elle faire partie du G 8 et pas la Chine? Réflexion locale : pourquoi voulez-vous mettre Mugabe en prison alors que Berlusconi est au G 8? C’est une bonne question qui demande s’il existe deux catégories de crimes, ceux des Blancs et ceux des Noirs.

Ce que Sarkozy dit en fait, partout où il va, sur tous les dossiers dont il se préoccupe, c’est que le monde est une boutique de village, une brocante. On négocie, on vend des produits avariés, on fait du troc et au bout du compte, sachant que tout le monde a menti, on prend un verre au café entre petits brigands. Je le regardais hier à l’Assemblée générale des Nations unies, donnant des leçons de moralité sur les règles du capitalisme, déplorant le laxisme financier. C’était le même homme qui n’a jamais cessé durant sa carrière politique de dire qu’il fallait lever les barrières qui empêchaient le privé de créer de la richesse et des emplois.

Parlons de la médiocrité de ce métier [politicien]. Jean Charest en campagne électorale qui nous parle de la crise et du besoin de direction pour y faire face. Un seul discours répété sans variation aucune à chaque occasion. Nulle explication sur la crise, nul exercice pédagogique, pas de conversation avec les citoyens, pas d’effort de mobilisation collective. Juste un «il faut deux mains sur le volant» et «faites-nous confiance» .

La liberté de penser et de dire s’applique aussi à ceux qui ne pensent pas comme nous. Ce sont là affaires de croyances, pas de lois.

On ne peut pas construire une couverture événementielle en se référant à des blogues ou à une sorte de «révolution citoyenne» à l’aide de téléphones portables.

[…] il faudrait peut-être prendre le temps de souligner et de célébrer la part de plus en plus importante que prend la femme africaine dans la prise en main de la vie quotidienne des communautés et son rôle de plus en plus déterminant dans l’émergence d’une économie locale et sociale. De plus en plus, en Afrique, le vers de Louis Aragon prend tout son sens : «La femme est l’avenir de l’homme» .

Un mot à propos de ces études qu’on brandit régulièrement pour donner un vernis de rentabilité à des projets : on trouvera toujours un économiste ou une firme comptable qui, pour une rémunération conséquente, rédigera un rapport qui fera en détail la preuve de la rentabilité d’un projet dans un contexte hypothétique. Cela s’appelle «commander une conclusion» . Les rédacteurs de ces rapports travaillent à l’envers : ils écrivent la conclusion puis cherchent les moyens de la justifier. Un peu comme ces études sur les médicaments qui louangent leurs vertus thérapeutiques tout en oubliant les effets secondaires que les malades auront la tâche de découvrir à l’usage.

L’homme révolté, pour parvenir à l’équilibre sur la corde raide de la critique permanente, doit croire profondément au bonheur et à la beauté des choses. C’est parce qu’il est profondément inspiré par le beauté et le bonheur qu’il en fait sa revendication incessante. Tels étaient Camus, Éluard, Ferré.

La liberté est un idéal et aussi le pire des pièges. La liberté de se regrouper peut mener à l’enfermement; celle de proclamer la vérité, à l’exclusion; et celle de dénoncer violemment peut entraîner la répression. La liberté est un instrument dangereux quand elle n’est pas accompagnée par la réflexion.

Toutes les citations figurant dans ce diaporama sont tirées de Gil Courtemanche, Le camp des justes, Montréal, éd. Boréal, 2011, 292 p. Illustrations Internet Musique Manuel de Falla, «Asturiana» , interprété par Angèle Dubeau et La Pietà CD Un conte de fées Conception R. Day Décembre 2012 Mes diaporamas sont hébergés sur le site : http: //www. imagileonation. com