Day Crations rflexives Dfilement manuel 21 juin 1846

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Day Créations réflexives Défilement manuel

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21 juin 1846 – 7 février 1878. Trente-et-un ans. Ou pour être plus précis

21 juin 1846 – 7 février 1878. Trente-et-un ans. Ou pour être plus précis 31 ans, 7 mois et 23 jours. Telle est la durée du pontificat de Pie IX : le plus long pontificat «prouvé» de l’histoire de l’Église. Certes, Rome a toujours allégué, sans aucune preuve, que le plus long était celui de saint Pierre; mais comme personne ne connaît la date de naissance de Pierre et que la date de sa mort demeure incertaine, cette prétention repose davantage sur une tradition que sur des données historiques avérées. En son temps, Pie IX fut à la fois adulé et honni. Adulé par les éléments les plus conservateurs du catholicisme qui refusaient d’accepter la dissolution des États pontificaux au profit d’une Italie unifiée et de voir ainsi le pouvoir temporel du Saint Père réduit à quelques hectares – la cité du Vatican. À l’instar du pape, et sous sa gouverne, les ultra conservateurs catholiques s’avéraient en outre incapables d’accepter l’évolution de la société occidentale vers le modernisme. Honni par les héritiers des Lumières, les promoteurs des droits de l’Homme, les partisans d’une société laïque séparée du pouvoir religieux, les disciples du libéralisme naissant et bien sûr les Italiens désireux de créer un État unifié dirigé par un pouvoir civil et non plus papal.

Le 3 septembre 2000, sur la Place Saint-Pierre, le pape Jean-Paul II procédait à

Le 3 septembre 2000, sur la Place Saint-Pierre, le pape Jean-Paul II procédait à la béatification de deux de ses prédécesseurs : le «bon pape» Jean XXIII… et le contesté pape Pie IX. Si la béatification de Jean XXIII ne rencontra aucune opposition et suscita même l’enthousiasme, il n’en fut pas de même pour celle de Pie IX. Plusieurs ont vu dans cette double béatification un moyen pour Rome de contenter à la fois les éléments libéraux et les éléments conservateurs de l’Église. Il faut dire que le processus de béatification de Pie IX fut long. Amorcé dès 1907 par Pie X, le gouvernement italien avait manifesté dès le moment de sa mort une forte opposition à toute béatification de ce Souverain Pontife. C’est le pape Pie XII qui, au cours de la décennie 1950, remit le processus en marche. On exhuma la dépouille de Pie IX que l’on trouva, dit-on, en parfaite condition. Les autorités italiennes n’ayant pas réitéré leur opposition, le pape Jean-Paul II le proclama «vénérable» le 6 juillet 1985 puis présida la cérémonie de béatification le 3 septembre 2000, dans le cadre du Grand Jubilé marquant le passage du second au troisième millénaire.

Né dans une famille noble d’Ancône à la fin du 18 e siècle et

Né dans une famille noble d’Ancône à la fin du 18 e siècle et mort presque un quart de siècle avant le début du 20 e, il n’y a rien de vraiment étonnant à ce que Pie IX ait été un personnage réfractaire au changement. À cet égard, il n’était guère très différent de bien des hommes de son époque qui s’inquiétaient de voir «l’ancien monde» remis en question et disparaître peu à peu. Par ailleurs, la longue histoire de l’Église catholique n’avait pas souvent témoigné d’une disposition à choisir des Souverains Pontifes avant-gardistes, d’esprit libéral et favorables aux changements profonds. Si le pape Pie IX vient pratiquement clore cette série de diaporamas consacrés aux «papes indignes» , ce n’est d’aucune façon en raison de son conservatisme ou de sa fermeture à ce qu’on désignait alors comme les «idées nouvelles» . Les opinions divergentes d’autrui, même lorsqu’elles sont exprimées par un pape, ne sauraient faire de lui une personne indigne. Comme l’écrit fort justement Daniel Mendelsohn, «Chaque personne, au bout du compte, est le produit d’un temps spécifique, et il est impossible d’y échapper aussi loin qu’on puisse aller. » S’il est par ailleurs pertinent d’acquiescer à l’opinion de Jean Chélini, pour qui «Il est anachronique de juger un homme et une époque avec une vision des choses postérieures de plusieurs décennies» , j’ai néanmoins retenu dans le parcours de ce pape quatre faits graves qui m’ont amené à lui accoler l’étiquette de «pape indigne» ; tout en étant pleinement conscient que cette position personnelle ne fera pas consensus. R. Day

(Blason du pape Pie IX) Les papes indignes (1846 - 1878)

(Blason du pape Pie IX) Les papes indignes (1846 - 1878)

Grégoire XVI (1831 à 1846) Le 1 er juin 1846, le pape Grégoire XVI

Grégoire XVI (1831 à 1846) Le 1 er juin 1846, le pape Grégoire XVI succombe à un cancer après un pontificat de 15 ans. Confronté dès le début de son pontificat au vent de libéralisme qui soufflait alors sur l’Europe (Révolution de Juillet 1830 en France puis apparition de mouvements nationalistes et libéraux en Allemagne, Belgique et Italie), ce pape avait opté pour l’autoritarisme politique et le conservatisme théologique. Incapable de comprendre le monde qui l’entoure et qui est en train de changer, homme d’esprit étroit, il meurt fort impopulaire auprès de ses sujets.

Pie IX (1846 à 1878) Le conclave qui débute le 16 juin 1846 ne

Pie IX (1846 à 1878) Le conclave qui débute le 16 juin 1846 ne dure que deux jours. Ce sera l’un des plus brefs de l’histoire de l’Église. Les délibérations qui ont lieu dans la Chapelle Sixtine étant à cette époque moins secrètes qu’aujourd’hui, l’histoire nous apprend que deux candidats se font face : ● Le cardinal Lambruschini, secrétaire d’État du défunt pape et appuyé par les cardinaux conservateurs. ● Le cardinal Giovanni Maria Mastai Ferretti, qui jouit de l’appui des cardinaux libéraux.

Le très catholique empereur d’Autriche, Ferdinand 1 er, s’opposait à l’élection d’un Souverain Pontife

Le très catholique empereur d’Autriche, Ferdinand 1 er, s’opposait à l’élection d’un Souverain Pontife libéral – et donc à l’élection du cardinal Mastai Ferretti. L’empereur Ferdinand 1 er Il avait mandaté le cardinalarchevêque de Milan, Mgr Carlo Gaetano Gaisruck, pour émettre un véto contre l’élection de Mastai Ferretti – ce qui s’appelait «l’exclusive» *. Le cardinal Gaisruck Mais lorsque le cardinal Gaisruck arriva à la Chapelle Sixtine, l’élection était déjà terminée et le cardinal Mastai Ferretti avait recueilli les 2/3 des voix requises pour son élection. C’est ainsi que débutait le pontificat de Pie IX. * «Le droit d’exclusive» était en fait un véto existant depuis le 16 e siècle, que la tradition avait accordé aux souverains d’Espagne, de France et d’Autriche, lesquels ne se privaient pas pour l’exercer afin de bloquer l’élection à la papauté d’un cardinal qui ne leur convenait pas politiquement. La dernière exclusive présentée lors d’un conclave le fut en 1903, au nom de l’empereur François-Joseph d’Autriche. L’un des premiers gestes du pape élu, Pie X, fut d’interdire à tout cardinal de porter désormais une exclusive, sous peine d’excommunication. De ce moment aussi date le secret absolu des délibérations du conclave.

Photographie de la Chapelle Sixtine en 1880.

Photographie de la Chapelle Sixtine en 1880.

Dernier des neuf enfants du comte Girolamo Mastai Ferretti et de Caterina Solazzi, Giovanni

Dernier des neuf enfants du comte Girolamo Mastai Ferretti et de Caterina Solazzi, Giovanni Maria naquit à Senigallia, près d’Ancône, le 13 mai 1792. À l’âge de 15 ans, il connut sa première crise d’épilepsie. En raison de cette maladie, il lui fallait une autorisation ecclésiastique pour devenir prêtre. Cette autorisation spéciale lui fut accordée et, en 1819, il reçut l’ordination, mais «à condition d’être assisté d’un religieux pour célébrer la messe. » Giovanni Maria Mastai Ferretti

En 1827, Giovanni Maria Mastai Ferretti est intronisé archevêque de Spolète. Puis, en 1832,

En 1827, Giovanni Maria Mastai Ferretti est intronisé archevêque de Spolète. Puis, en 1832, il est affecté au diocèse d’Imola. Il reçoit la barrette de cardinal du pape Grégoire XVI en 1840.

Après le difficile pontificat de Benoît XVI, on pensait que ce nouveau pape, âgé

Après le difficile pontificat de Benoît XVI, on pensait que ce nouveau pape, âgé de 54 seulement, serait mieux adapté aux courants réformateurs qui balayaient l’Europe et faisaient que les anciens régimes des autocrates et de la noblesse évoluaient désormais vers un système de nations fondé sur le droit constitutionnel et la séparation de l’Église et de l’État. Pie IX, représenté ici en 1846, l’année de son élection comme pape.

Les deux premières années du pontificat de Pie IX furent effectivement porteuses d’espoir :

Les deux premières années du pontificat de Pie IX furent effectivement porteuses d’espoir : • Amnistie générale en faveur des détenus politiques dans les États pontificaux. • Institution de la liberté de la presse. • Plus grande participation des laïcs dans l’administration de l’Église. • Nomination d’un cardinal réputé libéral au poste de Secrétaire d’État. • Abolition des sermons obligatoires imposés aux Juifs du ghetto de Rome et permission accordée à certains juifs de s’établir en dehors du ghetto. • Installation de réseaux ferrés et télégraphiques. • Éclairage public. Les réformes amorcées par Pie IX lui attirent la sympathie des nationalistes italiens. Sa popularité est à son zénith. À Paris, Victor Hugo déclare à la Chambre des pairs qu’il a «ouvert les intelligences, qu’il a posé l’idée d’émancipation et de liberté sur le plus haut sommet où l’homme puisse poser une lumière…»

1848 marque un tournant crucial dans ce jeune pontificat. Cette année-là, épris de liberté

1848 marque un tournant crucial dans ce jeune pontificat. Cette année-là, épris de liberté et désireux de s’affranchir des régimes monarchistes, les peuples de la plupart des pays européens déclenchent une révolution : les révolutions de 1848 passeront à l’histoire comme le «Printemps des peuples» , le «Printemps des révolutions» . Ces soulèvements, durement réprimés, feront des dizaines de milliers de victimes. Seul maître des États pontificaux, Pie IX n’échappe pas à cette vague contestataire. Il réplique en condamnant les nationalistes italiens et en refusant d’appuyer ceux qui veulent chasser les troupes autrichiennes qui occupent une partie de la péninsule italienne. Dès lors l’opinion italienne, qui lui avait été jusque là très favorable, se retourne contre lui. Son premier ministre, Pellegrino Rossi, est assassiné. Craignant pour sa vie, le 24 novembre 1848 Pie IX quitte de nuit son palais du Quirinal en simple soutane noire, le visage dissimulé par des verres fumés, et s’enfuit à Gaète dans le royaume des Deux-Siciles. De là, il fait appel aux puissances françaises , autrichiennes et espagnoles pour récupérer son trône et ses possessions territoriales. La France accepte et occupe Rome à l’été 1849, y chassant les «révolutionnaires» . Les troupes autrichiennes s’installent ailleurs en Italie. Le 12 avril 1850, Pie IX revient à Rome. Il abolit les réformes qu’il avait entreprises et s’engage dans une politique de répression. Les autonomistes italiens ne lui pardonneront jamais.

Gaète, ville fortifiée au nord de Naples qui fut le lieu de refuge de

Gaète, ville fortifiée au nord de Naples qui fut le lieu de refuge de Pie IX de novembre 1848 à avril 1850.

Désormais, la préservation du pouvoir temporel du pape repose sur deux puissances étrangères :

Désormais, la préservation du pouvoir temporel du pape repose sur deux puissances étrangères : la France et l’Autriche. Mais pour le seconder dans l’administration du Saint-Siège et maintenir l’ordre à l’intérieur des frontières de l’État pontifical, Pie IX fait appel à Giacomo Antonelli. Ce dernier poursuit les adversaires politiques de la papauté et met en place un régime policier; il repousse les conseils de modération des puissances européennes; il ne fait aucune concession aux désirs d'unification des Italiens. Pie IX en fait son secrétaire d’État et lui confère le titre de cardinal à 40 ans. Ce sera là son premier geste indigne. Car Giacomo Antonelli n’est pas prêtre. Et il ne le devint jamais… Giacomo Antonelli

L’historien J. Derek Holmes dresse le portrait suivant du cardinal Antonelli : «Antonelli manquait

L’historien J. Derek Holmes dresse le portrait suivant du cardinal Antonelli : «Antonelli manquait à la fois de principes et d’intelligence… mais ce qui lui manquait en vision politique et religieuse, il le compensait par un instinct d’acquisition et un goût du luxe très sûrs. Homme avide, Antonelli se servit de sa position pour accumuler une fortune personnelle importante pour lui-même et sa famille. »

L’historien David Kertzer complète ainsi ce portrait peu flatteur : «[…] le bruit courait

L’historien David Kertzer complète ainsi ce portrait peu flatteur : «[…] le bruit courait que le cardinal entretenait une maîtresse. Après sa mort, et au grand embarras de l’Église, une Italienne saisit la cour de justice pour réclamer, en tant que fille illégitime d’Antonelli, une part de sa fortune. Le fait qu’il ne laissa rien de sa fortune à l’Église, pas même à l’un des ordres religieux dont il avait été le cardinal protecteur, ne fit que renforcer l’impression qu’il avait laissée d’avidité et d’impiété. » Pie IX ne semble pas avoir été préoccupé outre mesure par un tel comportement puisqu’Antonelli fut son bras droit pendant 27 ans – de fait jusqu’à sa mort en 1876.

Antonelli inspirait une telle haine chez les patriotes italiens qu’on alla jusqu’à attenter à

Antonelli inspirait une telle haine chez les patriotes italiens qu’on alla jusqu’à attenter à sa vie. David Kertzer rapporte ainsi l’incident : «Un jour de juin 1855 […], alors que le cardinal Antonelli descendait l’escalier du palais du Vatican, il remarqua un jeune homme qui attendait nerveusement sur un palier. Lorsqu’il vit l’inconnu porter la main à sa chemise, le cardinal battit précipitamment en retraite vers l’étage supérieur. L’assassin potentiel, affolé, brandissant une fourchette à découper, fut intercepté par la police pontificale avant de pouvoir atteindre la victime. Il s’agissait d’un certain Antonio De Felici, chapelier romain de trente-cinq ans déjà connu des services de police pour fréquenter les milieux républicains et carbonaristes. »

Cet incident qui n’avait pourtant eu aucune conséquence ne s’arrête pas là, cependant. De

Cet incident qui n’avait pourtant eu aucune conséquence ne s’arrête pas là, cependant. De Felici fut rapidement jugé, déclaré coupable et condamné à mort. La victime visée – le cardinal Antonelli lui-même – intercéda auprès du pape pour que cette peine soit commuée en emprisonnement à perpétuité. Pie IX en 1865 Mais Pie IX – et c’est là son second acte indigne pour quelqu’un qui se présentait comme le vicaire de Jésus – refusa d’accéder à la requête d’Antonelli. Il rétorqua qu’il voulait «faire un exemple» . Et en juillet 1855, un mois seulement après son arrestation, De Felici fut décapité. Giacomo Antonelli en 1865

Vue partielle de Rome, aux environs de 1850.

Vue partielle de Rome, aux environs de 1850.

Lithographie (circa 1850) représentant le pape Pie IX bénissant les soldats combattant pour l’indépendance

Lithographie (circa 1850) représentant le pape Pie IX bénissant les soldats combattant pour l’indépendance des États pontificaux.

1858 C’est l’année qui marque le début d’une «affaire» au cours de laquelle l’attitude

1858 C’est l’année qui marque le début d’une «affaire» au cours de laquelle l’attitude de Pie IX atteindra un niveau d’indignité qui, à cette époque comme aujourd’hui encore, suscite gêne et malaise. À la façon d’un drame théâtral – mais qui n’a rien de fictif –, commençons par planter le décor. • Bologne, où tout débute. C’est la seconde ville en importance des États de l’Église. En 1593, le pape Clément VIII en avait chassé les 900 juifs. Mais à la fin du 18 e siècle, quelques-uns étaient revenus et la population juive de Bologne était de 200 personnes en 1858. • Rome, la capitale des États pontificaux et la ville-phare du catholicisme.

Maintenant, les principaux acteurs de ce drame : • Edgardo Mortara, un enfant juif

Maintenant, les principaux acteurs de ce drame : • Edgardo Mortara, un enfant juif de Bologne, né le 27 août 1851. Au moment où son nom va entrer dans l’histoire, il n’a que six ans. • Momolo Mortara et Marianna Padovani Mort ara, les parents d’Edgardo. • Anna Morisi, une jeune servante catholique de 17 ou 18 ans, analphabète et aux mœurs légères, que les Mortara avaient embauchée à la naissance d’Edgardo, en 1851. Avec leurs huit enfants, la mère avait besoin d’un peu d’aide à la maison. • Pier Gaetano Feletti , un père dominicain occupant la fonction d’inquisiteur du Saint-Office à Bologne. • Giacomo Antonelli , cardinal de l’Église romaine et secrétaire d’État du pape. • Pie IX, Pontife suprême et préfet de la Congrégation de la suprême Inquisition.

Dans la soirée du mercredi 23 juin 1858, des gendarmes de la police pontificale

Dans la soirée du mercredi 23 juin 1858, des gendarmes de la police pontificale de Bologne se présentent au domicile des Mortara. Ils annoncent aux parents incrédules que, sur ordre de l’inquisiteur Feletti, ils doivent leur enlever leur fils Edgardo. Le motif invoqué : l’enfant a été baptisé et, comme catholique, il ne doit plus rester dans une famille juive. Edgardo Mortara, enfant. Bénéficiant d’une certaine indulgence du policier responsable, le père de l’enfant se précipite à la résidence de l’inquisiteur afin de tirer les choses au clair. Là, le père Feletti, tout en refusant de fournir de plus amples détails, lui indique qu’Edgardo a été baptisé en secret. Après maintes supplications, il consent à accorder un délai de vingt-quatre heures avant de prendre possession de l’enfant.

Le 24 juin 1858, à l’expiration du délai accordé par l’inquisiteur, et en dépit

Le 24 juin 1858, à l’expiration du délai accordé par l’inquisiteur, et en dépit des pleurs et gémissements de la mère et de la douleur du père, les gendarmes prennent possession d’Edgardo et l’amènent avec eux. Ni les forces de l’ordre ni plus tard l’inquisiteur ne veulent leur dire où l’enfant sera amené. Le policier en charge remet le document suivant aux parents : «Le Sig. Momolo Mortara m’a remis et confié son fils Edgardo, âgé de 7 [sic] ans, qui, par ordre de l’Inquisiteur général du Saint-Père, doit être déposé dans un couvent. » Bien sûr, les Mortara n’entendaient pas laisser les choses là. Dès lors, ils allaient entreprendre une lutte quasi incessante afin de récupérer leur enfant. Ce qu’ils ignoraient alors, c’est qu’en dépit des forts appuis qu’ils allaient recevoir un peu partout dans le monde, y compris de personnalités connues et puissantes, ils allaient se heurter à la toute puissance de l’Église et du Vatican. Edgardo ne reviendrait jamais dans sa famille juive.

L’intérieur de la Basilique Saint-Pierre, en 1870.

L’intérieur de la Basilique Saint-Pierre, en 1870.

Edgardo est rapidement amené à Rome et installé dans la Maison des Catéchumènes, où

Edgardo est rapidement amené à Rome et installé dans la Maison des Catéchumènes, où il est confié à la responsabilité des jésuites. Cette maison accueillait tant les non catholiques désireux de se convertir que les non chrétiens – particulièrement les enfants juifs – qui avaient été baptisés en secret ou baptisés de force. En juillet, le père d’Edgardo se rend à Rome et réussit à obtenir une audience auprès du cardinal Antonelli; ce dernier lui accorde la permission spéciale de visiter son fils durant son séjour romain, mais maintient la position traditionnelle de l’Église, à savoir qu’un enfant juif qui a reçu le baptême, même en secret, même sans l’accord de ses parents, est devenu un catholique et ne peut plus habiter dans une famille non catholique. La Maison des Catéchumènes, à Rome.

Mais que s’était-il donc passé? Quand et comment leur petit Edgardo avait-il été baptisé?

Mais que s’était-il donc passé? Quand et comment leur petit Edgardo avait-il été baptisé? Cela, les Mortara n’arrivaient pas à le comprendre. Mais à force de questions, de requêtes et d’enquêtes, ils finirent par tout découvrir. Alors qu’Edgardo était bébé, les Mortara avaient embauché une jeune paysanne analphabète et catholique de 17 ou 18 ans (elle-même n’était pas certaine de son âge!) pour aider à la maison. Elle se nommait Anna Morisi. Edgardo avait à ce moment-là souffert d’une maladie bénigne, mais la jeune servante avait craint pour sa mort et s’était dit que s’il mourait, il irait dans les limbes parce que non baptisé. Elle avait donc versé un peu d’eau sur la tête de l’enfant en prononçant les paroles rituelles que lui avaient apprises une autre personne. Bien sûr, Edgardo avait survécu et la jeune servante avait gardé cet incident secret pendant 5 ou 6 ans. Puis un jour, elle avait raconté cette histoire à une servante engagée chez d’autres gens et, de bouche à oreille, l’histoire était parvenue aux oreilles de l’inquisiteur qui avait convoqué chez lui Anna Morisi et lui avait demandé de répéter son histoire. L’inquisiteur avait rapidement informé le Saint Office à Rome, qui était sous la responsabilité directe du pape, qu’à Bologne un petit baptisé vivait, contrairement aux règles de l’Église, dans une famille juive. L’ordre lui était rapidement arrivé de se saisir de l’enfant pour le conduire dans un milieu catholique.

Ce n’est que 4 mois après le rapt de son fils que Marianna Mortara,

Ce n’est que 4 mois après le rapt de son fils que Marianna Mortara, accompagnée de son époux, put voir son fils à la Maison des Catéchumènes. Toutes les relations concernant l’attitude d’Edgardo face à la situation qu’il vivait divergent, selon qu’elles émanent de sa famille ou des représentants de l’Église. Selon les parents, ce petit enfant qui venait tout juste d’avoir 7 ans ne comprenait pas ce qui lui arrivait, s’ennuyait de sa mère, de son père et de ses frères et sœurs. Il voulait retourner chez lui, il pleurait et il était terrifié. On peut, sans risquer de se tromper, donner foi à une telle relation. Comment un enfant aussi jeune, arraché de façon aussi brutale à sa famille et à son environnement, aurait-il pu réagir autrement? Mais pour les autorités ecclésiastiques, Edgardo avait été touché immédiatement par la grâce, un peu comme Paul sur le chemin de Damas. Non seulement voulait-il demeurer catholique, mais il ne voulait plus rien savoir de sa famille affirmant que son père était le pape… Son but était désormais de convertir sa famille et le plus de gens possibles au catholicisme qui était la seule vraie religion. Est-il permis de douter qu’un enfant de sept ans qui avait été arraché à sa famille quatre mois plus tôt ait eu une telle vision des choses?

Dans l’Italie du 19 e siècle, et notamment dans les États pontificaux, l’enlèvement d’enfants

Dans l’Italie du 19 e siècle, et notamment dans les États pontificaux, l’enlèvement d’enfants juifs qui avaient été soit baptisés en secret, soit baptisés de force, demeurait une pratique assez répandue. Pour l’Église, le salut des juifs, qui s’étaient rendus coupables de déicide, passait par la renonciation à leur religion et la conversion au catholicisme, en se faisant baptiser. Retirer à ses parents un petit juif qui avait été baptisé était non seulement une juste cause mais, selon les propres mots de Pie IX, «une obligation sacrée» . Pie IX se recueillant devant la statue de saint Pierre, dans la Basilique Saint-Pierre.

Si donc cette pratique d’enlever des enfants baptisés à leurs parents non catholiques avait

Si donc cette pratique d’enlever des enfants baptisés à leurs parents non catholiques avait été coutumière au cours de l’histoire de l’Église, cela n’avait jamais vraiment causé scandale ou suscité de réactions hostiles – sauf évidemment au sein de la communauté juive – jusqu’à «l’affaire Mortara» . C’est qu’en 1858 les temps avaient changé. L’Europe bouillonnait. Les germes de la Révolution française commençaient à produire. Un peu partout, on revendiquait la séparation de l’Église et de l’État, une plus grande démocratie, la liberté de conscience, la liberté de ses choix religieux, le respect des droits de l’Homme. C’est sans doute cette évolution de la pensée qui fit que l’histoire du kidnapping d’Edgardo Mortara franchit rapidement les frontières de l’Italie, puis de l’Europe, jusqu’en Amérique, et eût un retentissement international. Comme signe révélateur d’une profonde évolution des mentalités, on peut retenir le nombre d’interventions que firent des personnages prestigieux auprès de Pie IX afin qu’Edgardo soit retourné dans sa famille : l’empereur français Napoléon III, l’empereur autrichien François-Joseph, le comte Cavour, plusieurs membres de la noblesse et de la diplomatie européenne, sir Moses Montefiore, la famille Rothschild.

Comme la décision de retirer un enfant baptisé de sa famille juive n’était pas

Comme la décision de retirer un enfant baptisé de sa famille juive n’était pas quelque chose d’inhabituel en ce temps-là, on peut supposer que le pape Pie IX ne fut pas impliqué personnellement au tout début du processus. Mais dès le moment où ce rapt commença à soulever des vagues et à faire scandale, il en fit une affaire personnelle. Quelles que soient les démarches entreprises auprès de lui pour restituer l’enfant à ses parents, et peu importe le prestige des intervenants, il ne fléchit pas un seul instant. Le comte Dominico della Minerva dresse le compte rendu suivant de l’entretien entre le duc de Gramont, l’ambassadeur de France auprès du Saint-Siège, et le pape : «Le Saint-Père a dit qu’il regrettait fort ce qui était arrivé et déplorait plus encore l’impossibilité de rendre Mortara à ses parents, car restituer l’enfant serait contraire à sa conscience. Il était sincèrement persuadé que le baptême était valide et que, étant donné les faits, il ne pouvait laisser un chrétien être élevé dans la religion juive. »

En octobre 1858, le cardinal Antonelli distribue à tous les nonces et représentants du

En octobre 1858, le cardinal Antonelli distribue à tous les nonces et représentants du pape en Europe, ainsi qu’aux journaux catholiques, un document de 34 pages sur le cas Mortara. Dans ce document très certainement commandé et approuvé par le pape, on lit notamment : «Les parents d’un enfant singulièrement touché par la grâce divine qui, l’ayant écarté de l’obstination judaïque aveugle, en a fait par hasard un fils de l’Église, ont adressé des pétitions et lancé des actions jusqu’à l’auguste trône du Saint-Père afin de récupérer leur fils qui a déjà été placé au sein de l’Église. Qui plus est, ces parents ne présentent pas simplement leur requête en demeurant, comme de coutume, dans leur rôle d’humbles demandeurs, mais s’expriment avec le franc-parler de ceux qui se croient opprimés par une décision arbitraire, demandant que justice leur soit rendue et que l’objet dont ils ont été, selon eux, illégalement privés leur soit restitué. »

Ce document fixant la position de Rome sur le cas Mortara concluait ainsi :

Ce document fixant la position de Rome sur le cas Mortara concluait ainsi : «Il serait contraire à toutes les notions d’équité et de justice personnelle, contraire au droit divin et naturel, que ce fils de la grâce puisse être rendu à l’autorité de ses parents infidèles et par là livré à la première occasion à la perversion et à la mort. Ah oui! On ne peut trouver de si injustes et cruels sentiments que dans le cœur de ceux auxquels il manque la foi et la charité!» De tels propos à l’égard de parents juifs qui tentaient tout simplement de récupérer leur petit garçon de sept ans qui leur avait été enlevé illustrent, mieux que tout, la puissance du sentiment anti-judaïque qui avait au fil des siècles contaminé le catholicisme jusque dans ses plus hautes sphères.

Dans les faits, Pie IX se considéra désormais comme le père d’Edgardo et il

Dans les faits, Pie IX se considéra désormais comme le père d’Edgardo et il suivit de très près l’évolution de l’enfant. Après qu’Edgardo eût passé une année à la Maison des Catéchumènes, c’est le pape qui choisit l’établissement où il poursuivrait ses études et en défraya les coûts. Chaque année, à Noël, il faisait venir Edgardo au Vatican et jouait avec lui. Bien des années plus tard, Edgardo Mortara raconta que le pape le cachait dans son grand manteau rouge puis demandait, sur le ton de la plaisanterie : «Où est passé ce garçon? » avant d’ouvrir son manteau pour le montrer fièrement à l’assistance. Edgardo a aussi mentionné que le pape avait placé en son nom 7 000 lires afin d’assurer sa subsistance pour le restant de ses jours.

En décembre 1860, lorsqu’une délégation juive de l’Universita Israelitica vint au Vatican pour sa

En décembre 1860, lorsqu’une délégation juive de l’Universita Israelitica vint au Vatican pour sa traditionnelle rencontre annuelle avec le Souverain Pontife, Edgardo, maintenant âgé de neuf ans, se tenait près du pape. Il vivait dans la cité vaticane depuis deux ans et il n’avait pas revu ses parents depuis ce temps. Il ne reverrait pas sa mère avant vingt ans et ne reverrait jamais son père. . .

Afin de défendre ses possessions menacées, Pie IX crée en 1860 le bataillon des

Afin de défendre ses possessions menacées, Pie IX crée en 1860 le bataillon des zouaves pontificaux.

Vitrail représentant le pape Pie IX bénissant les zouaves pontificaux.

Vitrail représentant le pape Pie IX bénissant les zouaves pontificaux.

En 1864, Pie IX publie sa célèbre et controversée encyclique Quanta Cura, à laquelle

En 1864, Pie IX publie sa célèbre et controversée encyclique Quanta Cura, à laquelle est annexée le Syllabus – un document énonçant 80 propositions condamnées par l’Église, dont : Le libéralisme Le matérialisme Le rationalisme Le socialisme La liberté d’opinion La liberté de conscience La liberté de culte La liberté de la presse La séparation de l’Église et de l’État Les travaux de Charles Darwin sur l’origine des espèces Les travaux d’Ernest Renan sur les origines du christianisme

Étrangement et honteusement, ni dans son encyclique ni dans le Syllabus Pie IX ne

Étrangement et honteusement, ni dans son encyclique ni dans le Syllabus Pie IX ne condamne-t-il l’esclavage. Or, celui-ci était aboli en France depuis presque vingt ans et il l’avait été officiellement aux États-Unis en décembre 1865. Mais voilà qu’en 1866, le pape signe une instruction du Saint-Office qui le justifie encore : «L’esclavage, en lui-même, est dans sa nature essentielle pas du tout contraire au droit naturel et divin, et il peut y avoir plusieurs raisons justes d’esclavage, et celles-ci se réfèrent à des théologiens approuvés… Il n’est pas contraire au droit naturel et divin, pour un esclave, qu’il soit vendu, acheté, échangé ou donné. » Un seul mot pour qualifier une telle position : INDIGNITÉ.

Le 8 décembre 1869, s’ouvre dans Saint-Pierre de Rome le concile Vatican I convoqué

Le 8 décembre 1869, s’ouvre dans Saint-Pierre de Rome le concile Vatican I convoqué par Pie IX.

Bien qu’ils soient divisés sur cette question, le 18 juillet 1870 les pères conciliaires

Bien qu’ils soient divisés sur cette question, le 18 juillet 1870 les pères conciliaires promulguent la constitution apostolique Pastor æternus par laquelle est affirmée l’infaillibilité du pape. Le concile est suspendu trois mois plus tard, alors que débute la guerre franco-allemande et que les troupes italiennes pénètrent dans Rome.

Le 20 septembre 1870, les troupes italiennes s’emparent de Rome, mettant ainsi fin au

Le 20 septembre 1870, les troupes italiennes s’emparent de Rome, mettant ainsi fin au régime pontifical sur la ville. Pie IX se réfugie au Vatican. Six semaines plus tard, il se déclare «prisonnier au Vatican» . Jusqu’à sa mort, il refusera d’en sortir. Puis il promulgue une encyclique qualifiant l’occupation italienne des territoires du Saint-Siège d’injuste, violente, nulle et invalide. Et pour finir il excommunie le roi d’Italie et tous ceux qui ont été impliqués dans la conquête des États pontificaux.

Ostensoir offert à Pie IX en 1874

Ostensoir offert à Pie IX en 1874

Les appartements du pape au Vatican, où Pie IX demeura confiné à partir de

Les appartements du pape au Vatican, où Pie IX demeura confiné à partir de la prise de Rome en 1870, jusqu’à sa mort en 1878.

La Basilique Saint-Pierre en 1880.

La Basilique Saint-Pierre en 1880.

La bibliothèque du Vatican en 1880

La bibliothèque du Vatican en 1880

Jardins du Vatican (1885)

Jardins du Vatican (1885)

À l’âge de 85 ans, après ce qui avait été et demeure à ce

À l’âge de 85 ans, après ce qui avait été et demeure à ce jour le plus long pontificat de l’histoire, Pie IX s’éteignit le 7 février 1878. Pie IX en 1877, un an avant sa mort.

Le cardinal Pecci confirmant la mort de Pie IX.

Le cardinal Pecci confirmant la mort de Pie IX.

Mise au tombeau de Pie IX dans la Basilique Saint-Pierre Gravure de Régnier-Brabant (1878)

Mise au tombeau de Pie IX dans la Basilique Saint-Pierre Gravure de Régnier-Brabant (1878)

Châsse renfermant les restes de Pie IX ~ Basilique Saint-Pierre de Rome.

Châsse renfermant les restes de Pie IX ~ Basilique Saint-Pierre de Rome.

Benoît XVI se recueillant devant la dépouille exposée de Pie IX.

Benoît XVI se recueillant devant la dépouille exposée de Pie IX.

Lors d’un récent consistoire, le pape Benoît XVI vêtu d’une chape brodée d’or datant

Lors d’un récent consistoire, le pape Benoît XVI vêtu d’une chape brodée d’or datant du 15 e siècle et coiffé d’une mitre ayant appartenu à Pie IX. Certains y ont vu un attachement aux fastes liturgiques des siècles passés.

L’histoire du pontificat mouvementé de Pie IX s’achève ici. Ceux et celles qui sont

L’histoire du pontificat mouvementé de Pie IX s’achève ici. Ceux et celles qui sont moins familiers avec l’affaire Mortara se demandent sans doute ce qu’il advint d’Edgardo. Voici donc la fin de son histoire.

Isolé de sa famille, protégé par le pape, confié pour son éducation aux soins

Isolé de sa famille, protégé par le pape, confié pour son éducation aux soins du clergé catholique, le souvenir de sa famille était venu peu à s’estomper dans son esprit. En juin 1859, donc un an après avoir été forcé de quitter sa famille, il fut confirmé en grande pompe par le cardinal Gabriele Feretti dans une chapelle privée. Puis à l’âge de 13 ans il décida de consacrer sa vie à l’Église et devint novice de l’ordre des clercs réguliers de Latran, afin de devenir moine. Il prit même le nom de Pio, pour honorer celui qu’il considérait comme son protecteur et son nouveau père. On rapporte qu’en 1866, alors qu’il n’avait que 14 ans et que le pape effectuait sa visite annuelle à l’église Sant’Agnese hors-les-murs, il récita de mémoire un poème à la gloire du Souverain Pontife. Ce poème comptait dix-huit versets comprenant chacun huit lignes!

En 1873, alors qu’il n’avait que 21 ans et qu’il était encore trop jeune,

En 1873, alors qu’il n’avait que 21 ans et qu’il était encore trop jeune, en vertu du droit canon, pour être ordonné prêtre, il reçut une permission spéciale pour recevoir le sacrement de l’ordre. À cette occasion, le pape lui adressa une lettre personnelle lui exprimant son immense satisfaction et lui demandant de prier pour lui. Adulte, padre Pio était réputé pour être quelqu’un de très cultivé : il parlait six langues et pouvait en lire trois de plus, dont l’hébreu. C’était en outre un brillant orateur très demandé pour prononcer des sermons. On l’entendit en Italie bien sûr, mais aussi en Allemagne et même aux États-Unis.

Les parents d’Edgardo l’avaient vu pour la dernière fois en 1858. Son père mourut

Les parents d’Edgardo l’avaient vu pour la dernière fois en 1858. Son père mourut en octobre 1871 et ne le revit donc jamais. Mais en 1878, apprenant qu’il devait prêcher à Perpignan, sa mère s’y rendit avec un ami. Cela faisait vingt ans qu’elle n’avait pas revu son fils. L’historien David Kertzer raconte : «Ce fut une réunion poignante, car Edgardo éprouvait une réelle affection pour sa mère. Mais malgré tous ses efforts pour la faire entrer sur la voie de la bénédiction et du bonheur éternel, il ne peut la convaincre d’entrer aux Catéchumènes et de se convertir. À partir de ce moment, Edgardo resta en contact avec sa famille et, en vieillissant, se mit à recher ses parents lorsqu’il se trouvait en Italie. Mais si sa mère lui avait pardonné, il n’en allait pas de même de tous ses frères et sœurs. »

Edgardo Mortara (à droite) et sa mère (assise). L’homme à gauche n’est pas identifié;

Edgardo Mortara (à droite) et sa mère (assise). L’homme à gauche n’est pas identifié; il s’agit peutêtre de l’un de ses frères.

Lorsque sa mère mourut, en 1890, Edgardo Mortara adressa cette lettre au journal «Le

Lorsque sa mère mourut, en 1890, Edgardo Mortara adressa cette lettre au journal «Le Temps» : «J’ai toujours désiré ardemment que ma mère embrasse la foi catholique, et j’ai essayé de l’en convaincre à de nombreuses reprises. Cela ne s’est cependant jamais produit, et bien que je fusse à son chevet lors de ses derniers instants, avec mes frères et mes sœurs, elle n’a jamais montré le moindre signe de conversion. »

Tu m’es très cher, mon petit garçon, car je t’ai acquis à un dur

Tu m’es très cher, mon petit garçon, car je t’ai acquis à un dur prix pour Jésus. Christ. C’est un fait. J’ai payé fort cher ta rançon. Ton cas a déchaîné une tempête mondiale contre le Saint-Siège et moi-même. Les gouvernements et les peuples, les dirigeants de ce monde comme les journalistes – qui sont les vrais puissants de notre temps – m’ont déclaré la guerre. Les monarques eux-mêmes ont décidé de me combattre, et leurs ambassadeurs m’ont abreuvé de notes diplomatiques, et tout cela à cause de toi… Les gens se sont plaints du tort causé à tes parents du fait que tu avais été régénéré par la grâce du saint baptême et élevé selon le désir de Dieu. Mais, pendant tout ce temps, personne ne s’est soucié de moi, père de tous les croyants. (Lettre de Pie IX à Edgardo Mortara, 1867) Edgardo défendit toute sa vie l’attitude de l’Église à son égard et son respect pour le pape Pie IX demeura inébranlable. Lors du procès en béatification du pape, il témoigna en sa faveur. Quant à la famille Mortara, elle continue à ce jour d’exiger des excuses du Vatican et milite contre la canonisation de Pie IX.

Edgardo Mortara passa les dernières années de sa vie à l’abbaye des clercs réguliers

Edgardo Mortara passa les dernières années de sa vie à l’abbaye des clercs réguliers de Bouhai, en Belgique. Le 11 mars 1940, à l’âge de 88 ans, il rendit l’âme. Comme le remarque David Kertzer, quelques semaines après sa mort les troupes nazies envahissaient la Belgique et commençaient à rassembler tous ceux et celles qui possédaient du sang juif, fussentils des convertis, afin de les exterminer.

Sculpture représentant Pie IX en prière Basilique Sainte-Marie-Majeure

Sculpture représentant Pie IX en prière Basilique Sainte-Marie-Majeure

Fin de la neuvième partie

Fin de la neuvième partie

Documentation David Kertzer, Pie IX et l’enfant juif – L’enlèvement d’Edgardo Mortara, Paris, éd.

Documentation David Kertzer, Pie IX et l’enfant juif – L’enlèvement d’Edgardo Mortara, Paris, éd. Perrin, 2001, 369 p. Gerald Messadié, Histoire générale de l’antisémitisme , Paris, éd. J. C. Lattès, 1999, 431 p. Richard Dawkins, Pour en finir avec Dieu, Paris, éd. Robert Laffont, 2008, 425 p. Mgr Jean-Michel di Falco, Ces papes qui ont fait l’Église, Paris, éd. de l’Archipel, 2000, 120 p. Daniel Brun, Dictionnaire chronologique des papes , Paris, éd. Maxi-Livres, 2005, 249 p. Georges Suffert, Tu es Pierre, Paris, éd. de Fallois, 2000, 655 p. Wikipédia (sites francophone et anglophone) Divers sites du Web

Illustrations Internet Musique François Couperin (1668 -1733), «Offertoire sur les grands jeux (extrait de

Illustrations Internet Musique François Couperin (1668 -1733), «Offertoire sur les grands jeux (extrait de la Messe à l’usage des couvents)» , interprété par Maurice Duruflé à l’orgue Ingout-Reinburg-Gonzalez de l’église Saint-Sauveur du Petit Andely (France) Conception R. Day Mai 2010