Violences faites aux femmes Dr Gilles Lazimi Centre

Violences faites aux femmes Dr Gilles Lazimi Centre Municipal de Santé de Romainville DEPARTEMENT D’ENSEIGNEMENT ET DE RECHERCHE EN MEDECINE GENERALE 1

• Par les parcours dangereux, semés d’embuches et de dangers souvent chaotique, dangereux et mortels pour un grand nombre de personnes Vol, viol, agressions, rapt, torture, faim, froid, dangers permanents… 10% des femmes rapportent des agressions et 6% des viols Migrants en prise avec des systèmes mafieux qui organisent, exploitent et dépouillent les migrants, quand ils ne provoquent pas sciemment leurs morts • Par la migration et l’accueil dans les pays hôtes « peu » hospitaliers La perte de ses repères, Le changement d’environnement, Les problèmes de langues, de compréhension, Les discriminations La précarité, l’absence de papiers légaux, l’absence de protection, de droits et d’acces aux soins, de logements, de travail et donc de revenus pour survivre Et l’hospitalité légendaire de nos pays… 20% de ces actes ont été perpétrés pendant le trajet ou a l’arrivée dans le pays d’accueil

Violences faites aux femme dans le monde • Une femme sur trois a subi des violences physiques et/ou sexuelles exercées par un partenaire intime, ou des violences sexuelles infligées par un partenaire non intime • une femme sur cinq est victime de viol ou de tentative de viol au cours de sa vie • Une femme tuée sur deux a été assassinée par son conjoint, moins d’un homme sur 20

Violences faites aux femmes

Mariages précoces Mariages forcés

Mutilations sexuelles féminines

Traites des êtres humains prostitutions

En France Violences dans la relation de couple 1 FEMME SUR 10 au cours des 12 derniers mois Etude ENVEFF 2000 88

Enquête Contexte de sexualité en France 2006 parue dans Population et Sociétés N° 445 -mai 2008 Nathalie Bajos, Michel Bozon et coll. 10 403 personnes interrogées de 18 à 69 ans, enquête téléphonique, durée moyenne de l’entretien 49 minutes 1 F /6 : 16% des femmes déclarent avoir été victimes de tentatives de viol (9, 1%) ou de viol ( 6, 8%) au cours de leur vie 1 H/20 : 4, 5% des hommes déclarent avoir été victimes de tentatives de viol ( 3% )ou de viol ( 1, 5%) au cours de leur vie 83% l’auteur est proche connu de la victime gilles lazimi avril 2009 11

Seuls 8% des tentatives de viols ou de viols subis par les femmes sont signalés aux médecins !! Alors que le retentissement sur la santé des femmes est majeur. D’après l’enquête : seuls 4% des tentatives de viols ou de viols subis par les femmes sont signalés à la police ou à la gendarmerie !! gilles lazimi 12

Nombre de viols par année sur adultes

Enquête au travail enquête Louis Harris de 1991 : 20% des femmes disent avoir été confrontées à des violences sexuelles au cours de leur carrière professionnelle Etude AMET 2007 : Etude menée entre le 4 juin et le 13 juillet 2007 dans des entreprises de Seine-Saint. Denis : 1545 femmes ont été interrogées 32% des femmes ont été victimes d’une violence sexiste ou sexuelle 14 14

Enquête aupres des jeunes filles de 18 à 21 ans Les jeunes filles ont été particulièrement victimes de violences au cours de l’enfance et de l’adolescence 23% des enquêtées ont subi des violences physiques (coups violents, tabassage, menace armée, tentative de meurtre) au cours de leur vie. 13% des enquêtées ont subi des agressions sexuelles (attouchements du sexe, tentative de viol, viol) au cours de leur vie. Les trois quarts des viols ont été commis par un membre de la famille, un proche ou leur petit ami 15 15

Le retentissement sur la santé Le retentissement des agressions psychiques, physiques et sexuelles sur la victime modifie de façon brutale et plus ou moins durable sa vie, sa pensée, l’image qu’elle a d’elle-même, son caractère, son humeur, sa vie sociale, ses relations, sa sexualité, son fonctionnement au quotidien. Le retentissement est majeur sur la santé des personnes Un quart seulement des femmes victimes de violences conjugales se sont adressées à leur médecin (CVS 2010 -2012) Seuls 29% des victimes de tentatives de viols ou de viols subis par les femmes sont signalés aux médecins !! (CVS 2010 -2012) Je vous laisse imaginer combien de femmes migrantes en situation de précarité se sont adressées à un médecin. Une étude serait intéressante à réaliser avec vous?

Quand les femmes victimes de violences ne peuvent pas parler des violences qu'elles subissent : Quels sont les tableaux symptomatiques au premier plan? Symptomes évidents ? Des tableaux spécifiques ? Symptomes écrans ? 17

Je suis quelques situations cliniques

Laure, 28 ans Psychologue , Enceinte de 12 semaines Elle est très inquiète pour sa grossesse , elle l’a tant espérée cette grossesse. Elle est tombée de son tabouret, sur les fesses , à son domicile, elle vous dit en souriant : « quelle sotte je suis! » Vit en concubinage, A l'examen clinique : RAS Vous la rassurez, mais elle demande à nouveau et à plusieurs reprises si tout va vraiment bien. . gilles lazimi

Nathalie A. , 33 ans. Vient pour douleurs abdominales, constipation opiniâtre et douleurs pelviennes. Mariée, deux enfants, ne travaille pas Patiente très agressive, refusant tout examen et exige le dernier médicament qui pourrait la soulager Antécédents : constipation chronique nombreux fécalomes, paralysie des deux membres inferieurs transitoire il y a plus de dix ans ayant nécessité une hospitalisation…. . gilles lazimi 20

Fatoumata D. , 21 ans, 160 cm pour 50 kg, Très fatiguée. Très inquiète pour son poids. Elle pense qu’elle a maigri de deux kilogrammes depuis deux mois, se plaint de vomissements L'interrogatoire retrouve des antécédents d'anorexie, de boulimie et vomissements. L'examen est sans particularité. Pas d’amaigrissement constaté. Biologie normale Revient trois fois en un mois !!! gilles lazimi 21

isabelle Isabelle H. , 40 ans, arrive "en coup de vent"; la salle d'attente est pleine ce jour là (comme par hasard), Elle garde ses lunettes de soleil. Ne retire même pas son manteau. En retard, très pressée. A besoin d'un arrêt de travail. N'a pas le temps d'expliquer. Ne veut pas être interrogée et encore moins examinée. La consultation est très mal partie … gilles lazimi 22

Sonia C. , 30 ans, vient toujours accompagnée de son mari Il répond à sa place, elle se tait, tête baissée Elle vient pour asthénie, insomnie, et amaigrissement, manque d'entrain ; Elle ne travaille pas, s'occupe de ses deux enfants, pas de soucis, pas de problème. Son mari est inquiet, elle a déjà fait il y a quelques années une dépression Quelle est votre attitude pour la suite de l'examen et de l'interrogatoire ? 23

Elsa , 30 ans • Jeune femme, habillée très vulgairement, couleurs flashies, décolleté très plongeant, bottes et cuissardes, minijupes. . • La salle d’attente, est d’emblée très animée quand elle arrive, elle ne supporte pas d’attendre, elle est déjà en retard au rendez vous! • Je l’ai vu la première fois plus de quinze auparavant pour anorexie et j’avais fait un signalement pour coups et blessures. • Très souvent , alcoolisée, logorrhéique, très attachante, et souvent très agressive, patiente un peu difficile à gérer. • Elle vit dans un hôtel, dans une zone industrielle • Elle vient car elle ne comprend pas ce qui se passe, elle se perd parfois, elle oublie ce qui s’est passé, et a l’impression d’être spectatrice de sa vie. Elle se voit faire des choses qu’elle n’a pas décidé de faire. • Se retrouve avec des hommes qu’elle ne connaît pas. Est très angoissée, veut des calmants, par moments, elle ne sait pas pourquoi, certains regards la mettent en terreurgilles … lazimi

Valérie F. , 37 ans Elle vient pour difficulté à s’endormir, elle n’arrête pas de pleurer, elle ne comprend pas , elle dit : « j’ai tout pour être heureuse, un toit, un mari , un enfant » Elle est réveillée plusieurs fois la nuit, depuis près de deux mois, elle n’arrive pas à dormir, elle n’en peut plus. Elle est en larmes. Elle est épuisée, elle se plaint aussi de douleurs pelviennes. Elle ne travaille pas à l’extérieur, elle s'occupe de son enfant d'un an. Depuis trois mois , son époux est au chômage, il est à la maison avec elle » . gilles lazimi

Alia , 68 ans • Elle est diabétique, hypertendue, des antécédents de Lupus, patiente que je suis depuis des années, sans problème • Ce jour , gêne thoracique depuis ce matin, sans lien avec effort. • ECG magnifique onde de Pardee • Appel Samu, hospitalisée • Syndrome de Takatsubo aussi appelé syndrome des cœurs brisés ou aussi infarctus de stress …. gilles lazimi

Stress Post Traumatique Ce tableau suite aux violences subies peut apparaitre de façon immediate ou differé uévénement revécu par des cauchemars, flash-back, pensées intrusives, udes réactions émotionnelles et physiques exagérées, provoquées par « un évènement gâchette » qui rappelle le traumatisme ; uévitement de ce qui pourrait rappeler les scènes traumatiques, uune hypervigilance, des réactions de sursauts, insomnie, trouble de la concentration, irritabilité udes troubles dissociatifs : « déréalisation » , « dépersonnalisation » . 28 28

Processus et stratégie de l’agresseur 1. Sélectionner, séduire, pieger 2. Isoler la victime 3. Humilier la victime et la transformer en objet 4. La mettre sous terreur 5. Etablir son impunité et avoir des alliés 6. Culpabiliser la victime : inversion de la culpabilite 7. mettre sous secret

Un film d’horreur est montré à une personne contrôle

Le même film d’horreur est montré à une personnalité traumatique

Probleme de societe et de tolerance des violences Problème de santé publique majeur Les conséquences en terme de santé sont pourtant importantes, les tableaux cliniques sont plethoriques et reprennent l’ensemble des pathologies rencontrées en medecine générale Mais nous ne les voyons pas ? Le médecin a un rôle primordial dans cette prise en charge Et nous avons tous un role primordial à jouer 35

Difficultés à penser les violences Difficultés à les imaginer Problematiques que nous ne pouvons personnellement pas supportées Problematiques que nous tolerons au même titre que la societe…. . Problematiques qui nous derangent, nous remuent, et pour certains plus en raison de notre passé et de notre histoire, je parle aussi pour moi et surtout pas de formation

• Les enquêtes qualitatives que nous avons réalisées révèlent une ignorance, un aveuglement, un refus de voir conscient ou inconscient, une tolérance envers ces violences et surtout une absence de formation. • Nous sommes en difficulté pour penser les violences, les imaginer, et admettre qu’elles existent ! • Nous mettons en place des stratégies d’évitement, de dénégation, d’occultation. Nous tolérons ces violences, comme la société les tolère encore trop souvent. • Nous avons des apriori sur les violences, sur les femmes et des préjugés sur la sexualité Peur d’être intrusif ! Peur de déclencher une souffrance ! Peur d’être en difficulté, de ne pas savoir qui faire, peur d’être seul Méconnaissance du réseau de prise en charge

J’ai tenté de le dire, mais j’avais trop honte. Qu’en aurait pensé mon medecin… Je l’ai dit, mais on ne m’a pas répondu. . . J’étais trop mal pour le dire. . . Si on m’avait posé la question, j’en aurais peut être parlé. . On ne m’a jamais posé la question Je pensais que j’etais responsable, ma famille me dit que j’exagere! Qu’il fallait que je cesse d’en parler! Si on m’avait posé la question, j’en aurais parlé. . J’aurai été soulage d’en parler.

DEUXIEME VAGUE Mai 2005 : 14 villes, 6 associations, 4 institutions

TROISIEME VAGUE Mai 2005 : 19 villes 6 associations, 4 institutions

Claudine G. , 57 ans, Suivie depuis une dizaine d'année pour dépression, vit seule. Très réservée, parle peu. Vient régulièrement pour le renouvellement de son traitement antidépresseur, et pour son traitement anti hypertenseur et diabétique. Suivi aussi depuis des années par un psychiatre. Au vu d'une affiche dans le cabinet de consultation, elle est en larmes… gilles lazimi 42

Questions posées par les médecins: 3 QUESTIONS 1/-au cours de votre vie, avez-vous été victime de violences verbales, propos sexistes, humiliants, dévalorisants, injures, menaces ? 2/-au cours de votre vie, avez-vous été victime de violences physiques ? Avez-vous reçu des coups, des gifles ? Avez-vous été battue, bousculée par un homme ? 3/- au cours de votre vie, avez-vous été victime de violences sexuelles: attouchements, viol, rapports forcés ? 43

Enquêtes sur le questionnement systématique 1) Médecin Généraliste en CMS - 2004 • 100 patientes interrogées de façon systématique. • 54% ont déclaré avoir été victimes de violences : • 49% de violences verbales, • 31% de violences physiques, • 21% de violences sexuelles. • 90% des victimes en parlaient pour la première fois à un médecin des violences sexuelles qu’elles avainet subies

2) 51 médecins Généralistes et spécialistes et 2 sages femmes LAZIMI – 2007 • 557 patientes interrogées de façon systématique : • 63% ont déclaré avoir été victimes de violences : • 62, 8% de violences verbales, • 42, 7% de violences physiques, • 17, 8% de violences sexuelles.

Etude MDM 2009 femmes migrantes precaires 126 femmes interrogées Estrada Rochefort Lazimi Au cours de leur vie 84% ont donc déclaré avoir été victimes de violences au moins une fois dans leur vie 71% d'entre elles des violences verbales ou psychologiques, 57% des violences physiques 34% des violences sexuelles. Au cours de 12 derniers mois, 48% ont déclaré avoir été victimes de violences 42% verbales ou psychologiques, 17% physiques 13% sexuelles

Etude 2004 100 patientes Etude 2007 Études 2008 557 patientes 100 patientes 51 médecins et 2 SF Urgence Poissy Etude 2008 90 patientes Sage femme Lazimi Gazaigne Delepine Violences 49% verbales ou psychologiques 62. 8% 63% 59% Violences physiques 31% 42. 7% 41% 21% Violences sexuelles 21% 17. 8% 19% 12%

Etude MDM 2009 Paris St Denis femmes précaires 126 femmes Etude 2010 CDS Grenoble MG 239 femmes Études 2013 Ile de France MG 145 patientes Estrada Pichon Dubois Palisse Violences verbales ou psychologiques 71% 62% Violences physiques 57% 48% Violences sexuelles 34% 21% 23. 4% Les femmes sont favorables à un dépistage et la majorité d’entre elles pensent qu’il devrait être systématique. Piau Gazaigne Wiomant Lazimi Palisse

les 5 questions aux medecins 1/Avez vous eu des difficultés à poser ces questions? NON pour 80% 2/ les patientes ont-elles eu mal à répondre aux questions? NON pour 80% 3/ intérêt de poser de telles questions pour le professionnel? Oui pour 96% 4/ avez vous besoin de vous former? Oui pour 70% 5/Avez-vous donner de la documentation des adresses à vos patientes? Oui Pour 60%

u Poser les questions permet aux patientes de parler, d’être enfin écoutées et reconnues comme victimes et aussi de n’être plus seules. u Permet de faire le lien avec les tableaux cliniques présents, passés, et futurs u Permet le dialogue , permet de réflechir, permet de changer la honte de camp, permet de désigner les coupables et d’aider les femmes victimes de comprendre les stratégies, les processus et plus tard d’agir.

Permet de l’aider à mettre des mots sur ses souffrances Faire des liens avec les symptomes et tableaux cliniques présentés Lui redonner confiance en elle Elle n’est plus isolée La renarcissiser La soutenir Etre disponible Lui laisser le temps et le choix des décisions Et mettre en place un réseau d’aide

Repérer, prendre position, ne pas rester neutre, Accompagner, soigner, travailler en reseau Reperer les femmes victimes de violences : interrogatoire systematique Informer et dire : Vous n’êtes pas responsable Le coupable c’est lui Il n’a pas le droit, c’est la loi, c’est un délit puni par la loi Je peux vous aider Vous n’êtes plus seule Vous pouvez porter plainte, c’est vous qui décidez quand vous le voudrez

Prise en charge globale Ø 1) Il veut l’isoler : je me rapproche, je manifeste mon intérêt pour elle, je cherche le contact, je l’aide à repérer autour d’elle qui peut l’aider, je la mets en contact avec une association, un service social, un juriste, … Ø 2) Il l’humilie, la traite comme un objet : je la valorise, je mets en valeur chacune de ses actions, je salue ses capacités, je l’invite à décider et valide ses décisions Ø 3) Il la rend responsable de la situation : je m’appuie sur le droit, sur la loi pénale pour attribuer à l’auteur de violence la pleine et totale responsabilité de ses actes Ø 4) Il fait régner la terreur : je me préoccupe d’assurer sa sécurité. J’utilise pour cela les recours : policier, judiciaire, social, associatif, familial. Je fonde mon raisonnement sur la loi qui sanctionne de tels agissements. Ø 5) Il cherche à assurer son impunité en recrutant des alliés : je suis sur mes gardes pour ne pas être recruté parmi ses alliés. Aider la victime à déconstruire les stratégies de l’agresseur pour mettre en place des stratégies contraires (L’Aide aux femmes victimes de viol de Catherine Morbois et Marie-France Casalis, Editions L’Esprit Temps, 2002) :

Objectif du soin Poser la question des violences , écouter et libérer la parole, Permet la verbalisation des maux, douleurs et émotions. Reconnaissance du statut de victime des femmes. Déculpabilisation des victimes, la honte change de camp. Prendre position contre les violences , rappel du rôle de la loi , désignation du coupable , explication de la stratégie de l'agresseur. Rompre l’isolement. Évaluer la souffrance psychique, la détresse, le danger encouru, le besoin d’aide Faire le lien entre les violences subies et les pathologies présentées. Expliquer le psychotraumatisme, la mémoire traumatique et ses conséquences. Installer la sécurité, le réseau associatif d'aide. Diminuer les symptômes et donc soulager la souffrance. Renforcement de l'estime de soi des femmes, prendre confiance en soi Aider la patiente victime à devenir auteure de sa vie.

Accompagnement thérapeutique : la relation seul compte la relation avec la victime Dr Gerard Lopez

Intégrer la question des violences dans l’interrogatoire médical systématique Nous n’avons de réponses qu’aux questions que l’on pose On ne fait bien que ce que l’on nous a appris

Merci de votre attention