Georges Papazoff tmoin des annes artistiques 1924 1954

Georges Papazoff – témoin des années artistiques 1924 -1954 Traduction du français en bulgare du livre Derain, mon copain par Georges Papazoff (Paris, Ed. SNEV, 1960) Projet de Roumiana L. Stantcheva

Papazoff par André Derain a r A n d r e D

Je m’interesse aux résonances inattendues ou à l’absence de résonance qu’un artiste peut provoquer/ne pas provoquer dans son pays natal, après l’avoir quitté. Il s’agit plus concrètement aujourd’hui de Georges Papazoff (1895 – 1972), le célèbre peintre parisien d’origine bulgare, qui a été le participant à la vie artistiques des avant gardes, mais aussi, grâce à ses mémoires – il reste un témoin des années artistiques 1924 -1954. Au cours de la description qu’il fait de son environnement proche, nous pouvons constater l’existence d’un cercle assez large autour de lui. “…je recevais parfois Robert Desnos, […]Jules Pascin, Tristan Tzara, André Derain, Marcel Aymé, […]

Robert Desnos et son livre Ecrits sur les peintres

Jules Pascin (1885 -1930)

Portrait de Tristan Tzara, 1923 Par Robert Delaunay

André Derain (1980 -1954) Autoportret dans le studio, 1903

Marcel Aymé

Né à Yambol, une ville de la Bulgarie méridionale, Papazoff a élaboré ses conceptions de l’art moderne à Prague, à Munich, à Berlin, à Vienne, à Genève successivement, avant d’aller s’installer à Paris, en 1924, où il devient un artiste apprécié, considéré comme l’un des précurseurs et l’un des représentants des tendances surréalistes, sans s’avoir jamais engagé toutefois au groupe surréaliste en France. Découvrant son propre style en peinture – la recherche de sujet dans le subconscient et l’utilisation de la couleur spécifiquement vive, il obtient un succès rapide et mérité. Ses expositions le prouvent, il en monte plusieurs, presque chaque année entre 1925 et 1937, en différentes galeries de Paris, New York, Sofia, Prague, Stockholm, Milan etc.

Georges Papazoff Le tablier, 1927

En ce qui concerne Derain (1880 - 1954) : Leur connaissance se fait au moment où Papazoff a tout juste débarqué à Paris et ne parle guère le français, mais l’allemand. Respectivement, le récit de cette première rencontre est relaté par des événements et par peu de paroles :

« De loin on entendait le grincement des roues du tramway qui agissait désagréablement sur nos nerf surexcités et détruisait les impressions de ce beau matin, plein de charme exceptionnel. Brusquement, et sans mesurer le geste que j’allais commettre, je me couchais à travers les rails avec l’idée de barrer la route au tramway et d’arrêter ces gémissements pleurants. À mon grand étonnement, je vis Derain se précipiter à son tour par terre, et, après avoir ajusté ses pieds à mes semelles, s’allonger sur le dos […] Il était sans doute satisfait de mon action irréfléchie et aussi d’avoir trouvé un compagnon capable de se sacrifier pour la beauté d’une seule nuit de la vie d’artiste à Paris. »

eorges Papazoff Souvenir

Un des tableaux de Papazoff porte le titre de Souvenir de Derain (1954). À ce sujet, je peux citer les propos que Gaston Diehl lui a consacrés : « Dès 1950, (…) [Georges Papazoff] accède aisément à une sobre ordonnance monumentale. Des pierres taillées plus rigoureusement géométriques sont superposées, pourvues à la partie supérieure d’un trou béant. Cette énigmatique et fière silhouette marmoréenne aux coloris variés va lui servir pour exalter sa douleur lors de la disparition de Derain. » (Diehl, Gaston, p. 162)

Gaston Diehl: - Une sobre ordonnance monumentale - Des pierres taillées - Pourvues à la partie supérieure d’un trou béant - Coloris variés

Il me paraît important d’ajouter qu’une des variantes de ce même tableau, intitulé Souvenir de Derain, représente deux têtes, qui sont orientées face à face, les cheveux stylisés, flottant comme des étendards au vent. L’une de ces têtes porte une moustache.

Ne serait-ce pas les deux artistes et amis, Derain et Papazoff, représentés en statues, mais chacun avec un œil énorme d’artiste où la nature éternelle dessinerait son horizon ?

Voyons aussi l’extrait d’un poème, dédié par Tzara à la peinture de Papazoff :

Tristan Tzara […] n’ayant plus besoin d’yeux il les jette dans la rue dernier éclat du sang dans les ténèbres dernier salut il arrache sa langue – flamme transpercée par une étoile tranquillisée automne morte comme une feuille de palmier rouge […]

Georges Papazoff Le Cyclope

L’œuvre écrite du surréaliste Papazoff est bien différente par son style – on dirait plutôt réaliste. Dans Pope Vassil par ex. , Papazoff suis le sort de trois générations d’une famille bulgare. Parmi les autres thèmes, surtout un thème est d’une nouveauté inédite – il s’agit du thème de la souffrance du clergé bulgare et, par extension, des intellectuels bulgares, sous le régime communiste. Un thème impossible pour la littérature bulgare interne de cette époque.

Pope Vassil par Georges Papazoff « Après […] l’introduction définitive de l’ordre soviétique, la « lune de miel » merveilleuse prit fin brusquement à Strahilovo, et la situation changea d’une manière foudroyante. Les victimes immédiates de ce revirement furent les prêtres. » (p. 140 -141).

La privation des libertés en Bulgarie après la venue des communistes au pouvoir, était une souffrance permanente pour Papazoff. Ce n’est pas par hasard qu’il n’a rentrait jamais dans son pays, après la Deuxième guerre mondiale.

« Sur le coup, Pope Vassil, ce « vieux charlatan » ennemi du peuple, fut mis définitivement à l’écart. En attendant sa punition l’église resta temporairement fermée. En même temps, les quatre cloches du sanctuaire de Strahilovo se turent, comme pendant les cinq siècles de la domination turque. »

Le poisson de G. Papazoff Katherine S. Dreier: He succeeds in achieving an electric touch through his color

Œuvres litteraires de G. Papazoff - Pascin!…C’est moi! , éditions Kélilevitch, Pascin!…C’est moi! Paris, 1932 - Nouvelle édition avec le texte enrichi, réalisé à Genève en 1959 aux éditions Pierre Cailler - Paris. Tvortchestvo I sadba na veliki hudojnitzi (Paris. L’œuvre et le destin des grands peintres), Éd. “Zaveti”, Sofia, 1938 - Drenov frères, Roman, éd. Faquelle, Paris, 1951 res - Derain, mon copain, Ed. Valmont, Paris, 1960 Derain, mon copain - Lettres à Derain, Nouvelles Editions Debresse, Paris, Lettres à Derain 1966 - Pope Vassil, Récit bulgare, Nouvelles Éditions Debresse, Vassil Paris, 1968 - Sur les pas du peintre, Suivi de documents et Sur les pas du peintre témoignages, Éditions de la Galerie de Seine, Paris, 1971.

J’ai essayé de présenter en bref Papazoff à travers ses amitiés, ses couleurs, sa dissidence. Je remercie tous ceux qui s’occupent de la Fondation Ledig-Rowohlt et du fonctionnement de la Résidence pour écrivains le Château de Lavigny. Je remercie de même le Fond de la Recherche Scientifique auprès de l’Université de Sofia « St. Kliment Ohridski » .

G. Papazoff. Georges Papazoff. Composition surréaliste, c. 1940