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Présentation de certaines difficultés fréquemment éprouvées par les hommes agressés sexuellement dans l'enfance Présenté par Hussam Sabouni, doctorant en psychologie Intervenant à CRIPHASE 1

Plan • Brève présentation du CRIPHASE • Difficultés fréquemment observées chez les HASEs Ø Au niveau de l’estime de soi Ø Au niveau relationnel Ø Au niveau de l’expression de la colère Ø Au niveau de l’intimité et de la sexualité • Période des questions et discussion 2

Présentation du CRIPHASE • Mission Créé en 1997, le Centre de Ressources et d'Intervention Pour Hommes Abusés Sexuellement dans leur Enfance (CRIPHASE) est un organisme sans but lucratif qui aide les hommes qui ont vécu ce traumatisme à se libérer de ce fardeau et à être plus épanouis dans leur vie. • Deux volets de soutien : 1. Soutien en individuel 2. Groupes de soutien PHASES http: //www. criphase. org 3

I. Difficultés au niveau de l’estime de soi Beaucoup d’hommes qui se présentent à CRIPHASE souffrent d’une faible estime de soi et d’une perception profondément négative d’eux-mêmes. 4

I. Difficultés au niveau de l’estime de soi v Quelques signes qui pointent vers une faible estime de soi : 1) Isolement social pour protéger un soi vulnérable 2) Sensibilité exagérée au jugement des autres 3) Tendance à idéaliser les autres et à se dévaloriser 4) Tendance à l’élaboration défensive d’une carapace narcissique 5) Intolérance à l’échec et tendance au perfectionnisme, comme défense contre la honte 6) Choix d’un partenaire bien « présentable » , source d’une fierté compensatoire 5

I. Difficultés au niveau de l’estime de soi v (Suite) Quelques signes d’une faible estime de soi : 7) Se sentir valorisés uniquement dans un rôle (qu’ils étaient tenus de jouer jeunes pour se sentir reconnus) : Ø être-là pour répondre aux besoins et aux désirs des autre, au détriment de leur bien-être personnel → ils ne réussissent pas à développer leur vrai soi (Peur de leurs ambitions, de leur agressivité naturelle, de leurs propres désirs, etc. ) 6

I. Difficultés au niveau de l’estime de soi Selon Delisle (2004) lorsqu’une personne réussit à développer une bonne estime de soi, elle sera en mesure Ø d’accepter son imperfection humaine, ainsi que celle des autres (moins de tendance à l’idéalisation défensive) Ø d’avoir de l’ambition et de cultiver un idéal réaliste bien assimilé et réfléchi qui donne un sens à son expérience et une direction à sa vie Ø d’utiliser son agressivité naturelle de façon créatrice afin de poursuivre son idéal Delisle résume cette réussite par un énoncé : « Je suis naturellement imparfait, limité et digne. L’Autre aussi» aussi 7

I. Difficultés au niveau de l’estime de soi Comment aider les personnes aux prises avec des difficultés au niveau de l’estime de soi Selon Delisle (2004) : Ø Offrir une relation permettant une acceptation bienveillante de l’idéalisation et de la dévalorisation Ø Donner l’heure juste, et offrir au client un miroir non déformant, non complaisant, mais bienveillant qui encourage le déploiement du vrai soi (un espace bienveillant qui permet l’expression du mécontentement, de l’agressivité, des peurs, sans que la personne ne se sente jugée ou rejetée) 8

II. Difficultés au niveau relationnel Signes difficultés relationnelles : Ø Tendance à l’isolement social Ø Difficultés à faire confiance aux autres Ø Peur exagérée d’être jugé, rejeté ou abusé par autrui Ø Tendance paradoxalement à se mettre dans des relations où se répète constamment un pattern d’abus, de rejet ou d’abandon Ø Difficulté, voire parfois impossibilité d’établir et de maintenir des liens stables de confiance (tendance à abandonner l’autre avant de se faire abandonner) 9

II. Difficultés au niveau relationnel Signes difficultés relationnelles (suite) : Ø Difficultés importantes à s’affirmer et à faire respecter ses limites dans les relations interpersonnelles Ø Besoin excessif de prendre soin de l’autre (comme seul moyen d’être en relation avec l’autre) Ø Difficultés à vivre une interdépendance saine ( comment conjuguer dépendance et autonomie vis-à-vis l’autre). Ø Difficulté à gérer distance/proximité avec l’autre 10

II. Difficultés au niveau relationnel Selon Delisle (2004) lorsqu’une personne réussit à développer un bon lien d’attachement de façon précoce dans sa vie, elle sera en mesure : Ø de cultiver le désir de contact et d’intimité avec l’autre Ø d’accepter sereinement l’interdépendance à l’autre Ø de vivre la réalité des séparations, sans développer une trop grande angoisse d’abandon Ø d’être seule, sans que cette solitude ne la déstabilise trop et la prive de sa créativité et de sa productivité 11

II. Difficultés au niveau relationnel (Suite) Lorsqu’une personne réussit à développer un bon lien d’attachement elle sera, selon Delisle, en mesure : Ø d’entretenir le lien dans l’absence de l’autre (capable de maintenir sa cohésion dans l’absence de l’autre aimé ) Ø de cher le réconfort auprès d’un autre significatif (l’autre n’est pas perçu comme source de menace, au contraire comme source possible de réconfort) 12

II. Difficultés au niveau relationnel Les enjeux d’attachement et les difficultés relationnelles se voient souvent se déployer dans le Ø lien avec nous, intervenants, (ex. Certains HASEs expriment une grande difficulté à faire confiance, ou à établir un lien même avec les intervenants du centre ; d’autres expriment une grande dépendance à nous ; et certains abandonnent leur suivi avant la fin prévue) et Ø lien avec les autres participants du groupe 13

II. Difficultés au niveau relationnel Comment aider les hommes aux prises avec des difficultés relationnelles ? ü Une attitude qui permet l’élaboration sur les difficultés relationnelle centrales de la personne en consultation : - Prendre en considération les difficultés relationnelles et la souffrance qui en découle - Éviter d’agir de façon semblable aux réactions traumatisantes des personnes significatives dans le passé du client - Essayer de mettre des mots sur les difficultés relationnelles du client et sur les besoins et les désirs sous-jacents. 14

II. Difficultés au niveau relationnel Exemples : Exemple 1 : I- « Je réalise qu’il ne vous est pas facile de faire confiance, même pas à moi. Ça serait probablement une réaction normale en lien avec ce que vous avez vécu. Nous allons essayer ensemble de nous donner le temps et les conditions nécessaires pour établir un lien de confiance suffisamment bon » 15

II. Difficultés au niveau relationnel Exemples : 2 e exemple : I- « Vous semblez avoir tendance à vous souciez du bien-être d’autres participants dans le groupe, à vouloir prendre soin d’eux, les soutenir et les rassurer. Cette attitude semble vous empêcher d’exprimer vos propres difficultés et vos propres besoins d’être soutenu vous-même. Peut-être que c’est le seul moyen que vous avez connu pour répondre à votre désir d’être aimé et apprécié. » 16

III. Difficultés au niveau de l’expression de la colère Différentes façons de gérer la colère qui finissent par causer préjudices aux HASEs : Ø Refouler sa colère Ø Déplacer sa colère Ø L’exprimer de façon violente envers autrui Ø L’exprimer de façon passive-agressive Ex. le retrait, le boudage, les retards, les actes manqués (par exemple dire oui pour faire quelque chose ou promettre de rendre service à quelqu’un et finir par l’oublier, etc. ) Ø Détourner sa colère sur soi-même (ex. tendance à l’autosabotage, comportements à risque, idées suicidaires, etc. ) 17

III. Difficultés au niveau de l’expression de la colère La colère est une émotion qui • surgit lorsque l'équilibre est rompu par un état d’insatisfaction. • signifie qu'un besoin est insatisfait ou qu'un désir n'est pas comblé. 18

III. Difficultés au niveau de l’expression de la colère Les sous-dessous de la colère : Il est important d’aider les HASEs à réfléchir sur les besoins et les désirs insatisfaits sources de leurs réactions colériques actuelles. Ø Quel besoin non comblé, ou désir non satisfait provoquerait les réactions colériques aujourd’hui? Ø Ces réactions actuelles seraient-elles en lien avec un besoin ou un désir non comblé dans l’enfance? 19

III. Difficultés au niveau de l’expression de la colère Les sous-dessous de la colère : La colère peut être une manifestation d'autres émotions ou sentiments, perçus comme menaçants. 20

III. Difficultés au niveau de l’expression de la colère Comment aider les hommes aux prises avec des difficultés au niveau de la gestion de la colère? ü Une attitude « contentante » : par son calme, sa capacité à autoréguler ses propres émotions et les projections du client agité, le/la thérapeute/intervenant(e) peut aider le client à se contenir, à tolérer ses émotions intenses, notamment sa colère, et à élaborer sur ses émotions plutôt que de les agir de façon impulsive. 21

III. Difficultés au niveau de l’expression de la colère (suite) ü Une attitude exploratrice qui aide l’homme à réfléchir aux sous-dessous de sa colère : Ø Quelle(s) émotion(s) se cache(nt) en dessous? Ø Qu’est-ce qui dans leur réaction colérique actuelle appartient au passé (blessures du passé, en lien avec un besoin ou un désir non comblé)? Ex. réaction de colère importante en lien avec le sentiment de ne pas être entendu et cru (besoin non comblé dans l’enfance) 22

IV. Difficultés au niveau de l’intimité et la sexualité q Les hommes abusés sexuellement à l’enfance souffrent très souvent de diverses difficultés au niveau de l’intimité et sont souvent incapables de jouir pleinement dans leur sexualité. q Ils présentent souvent des problèmes au niveau de leur identité sexuelle masculine, et des questionnements autour de leur orientation sexuelle. (Baljon, 2011; Lew, 1990; Tewksbury, 2007). 23

IV. Difficultés au niveau de l’intimité et la sexualité • Un paradoxe qu’on constate chez plusieurs HASEs entre : Ø d’un côté une tendance à l’hyper-sexualisation, ou à l’érotisation de de tout lien social (même le lien thérapeutique) et Ø de l’autre côté, un dégoût, ou une certaine aversion pour le coït génital, qui se traduit parfois par certaines dysfonctions sexuelles (ex. l’impuissance et l’éjaculation précoce). 24

IV. Difficultés au niveau de l’intimité et la sexualité • Nasio (2001) décrit chez ces personnes qui vivent ce paradoxe une sexualité marquée par l’insatisfaction, où la seule jouissance permise est une jouissance masturbatoire Ø Il s’agit donc des fantasmes à proprement parler sensuels et non pas sexuels, parce qu’ils sont rarement suivis par l’acte sexuel. Témoignage comme exemple : « Je suis aux femmes, et je n’ai pas de plaisir à faire l’amour avec un homme, mais je me trouve souvent obsédé par la masturbation et la pornographie gay. Des fois, ça m’arrive de cher des rencontres sexuelles avec des hommes. Je ne comprends rien! Cette dynamique affecte mes relations amoureuses » Laurent 25

IV. Difficultés au niveau de l’intimité et la sexualité • Nasio (2001) décrit chez ces personnes qui font recours à l’érotisation de tout lien : Ø Un état d’insatisfaction éternelle. Elles se maintiennent dans des relations avec un autre toujours décevant vis-à-vis de leurs décevant attentes. Parce qu’elles cherchent fantasmatiquement, et en vain un autre omnipuissant qui ne correspond pas à la réalité de l’imperfection humaine. 26

Comment aborder les enjeux érotiques en thérapie selon le modèle à 3 étapes de Gilles Delisle (2004) : Delisle (2004) souligne l’importance Ø De reconnaitre les signes de la reproduction des enjeux érotiques dans le lien thérapeutique et dans les relations des clients en dehors de la thérapie & Ø D’aider les clients à comprendre le sens sous-jacent à leurs dynamiques de séduction. 27

Comment aborder les enjeux érotiques en thérapie selon le modèle à 3 étapes de Gilles Delisle (2004) : 1) Reproduction La personne, qui a un enjeu développemental inachevé, tend à reproduire de phénomènes ou d’expériences du passé, Ø dans sa relation avec son/sa thérapeute Ø dans ses relations significatives en dehors de la thérapie 28

Comment aborder les enjeux selon G. Delisle (2004) : 2) Reconnaitre les signes de la reproduction Ce qui caractérise l’impasse amoureuse, liée à l’enjeu érotique, c’est un rapport entre Le désir & l’interdit Ø Y-a-t-il dans le discours du client quelque chose qui s’apparente à la fabrication d’un interdit? Choisit-il interdit des situations où l’interdit est déjà en place? 29

Comment aborder les enjeux érotiques en thérapie selon le modèle à 3 étapes de Gilles Delisle (2004) : 2) Reconnaitre les signes de la reproduction (suite) Ø Y-a-t-il une difficulté à profiter de la pleine jouissance génitale quand cela est possible? 30

Comment aborder les enjeux érotiques en thérapie selon le modèle à 3 étapes de Gilles Delisle (2004) : 2) Reconnaitre les signes de la reproduction (suite) Ø L’expérience érotique s’accompagne-t-elle d’un déni affectif? 31

Comment aborder les enjeux érotiques en thérapie selon le modèle à 3 étapes de Gilles Delisle (2004) : 3) Réparation • Selon Delisle, lorsque le thérapeute a des motifs de croire que le thème érotique se trouve reproduit en thérapie ou dans la vie du client, il est préférable d’en parler avec le client dans le but d’explorer le sens et la fonction de cette reproduction Ø quel enjeu inachevé le client serait en train de reproduire et pourquoi? 32

Comment aborder les enjeux érotiques en thérapie selon le modèle à 3 étapes de Gilles Delisle (2004) : 3) Réparation (suite) Selon Delisle, le travail de réparation lors d’un transfert amoureux se résume par 3 axes: § La reconnaissance de la part d’amour présente dans la façon d’approcher l’autre. § L’affirmation de la loi de l’interdit. § L’exploration du sens de l’expérience 33

Comment aborder les enjeux érotiques en thérapie selon le modèle à 3 étapes de Gilles Delisle (2004) : 3) Réparation (suite) Delisle résume ces axes par trois mots : NON ; MERCI ; POURQUOI? Ø Le NON • Un énoncé réparateur. C’est l’affirmation de la loi et de l’interdit qui devrait être exprimé de façon ferme et explicite. Ø Le MERCI • Est une reconnaissance réparatrice de la part d’amour présente dans l’approche de l’Autre. « j’ai entendu, j’ai reçu et cela n’est pas toxique en soi. » 34

Comment aborder les enjeux érotiques en thérapie selon le modèle à 3 étapes de Gilles Delisle (2004) : 3) Réparation (suite) Ø Le POURQUOI? – Ce pourquoi exprime, selon Delisle, un intérêt réel, donc réparateur, pour le sens de l’expérience. Souvent les réponses à ce question se trouvent dans les relations significatives dans le passé du client. – C’est en aidant le client à comprendre le sens de l’impasse et les dynamiques sous-jacentes qu’on arrive à effectuer l’action réparatrice. 35

IV. Difficultés au niveau de l’intimité et la sexualité v Construction du sens de l’expérience de l’érotisation des liens : Selon Nasio (2001) : Ø Le but ultime de la tendance à l’érotisation de tout lien est de se donner un certain pouvoir en séduisant un autre fantasmé comme pouvoir étant tout puissant (ex. certaines figures d’autorité). Ø Donc, on trouve à la base de cette dynamique, une perception de soi comme étant impuissant et faible, et le seul moyen de se procurer du pouvoir, ou de se sentir aimé et digne d’intérêt serait par la séduction d’un autre « puissant » . 36

IV. Difficultés au niveau de l’intimité et la sexualité v Construction du sens de l’expérience de l’érotisation des liens (suite) Delisle(2004) parle de l’érotisation par le client du lien thérapeutique comme étant parfois un Ø Moyen de résister contre la régression, particulièrement devant une thérapeute femme. La honte de se montrer vulnérable, et de se laisser consoler (bercer) comme un enfant par la thérapeute (perçue comme une mère toute puissante) amène certains clients à inverser les rôles et à reprendre le pouvoir en érotisant le lien pour restaurer une position phallique dominante (l’émasculation du pouvoir de guérison de la thérapeute). 37

IV. Difficultés au niveau de l’intimité et la sexualité La réparation selon Delisle (suite) : Notre rôle donc dans ces cas-là serait d’essayer d’aborder le thème de l’érotisation (séduction) avec beaucoup de délicatesse, de tact et de précaution afin d’éviter de blâmer le client ou de le culpabiliser pour ce qu’il éprouve, et de l’aider sincèrement à comprendre les dynamiques sous-jacentes à ses enjeux érotiques apparents. 38

Merci Période de discussion : Questions? Commentaires? CRIPHASE : TEL 514 -529 -5567 Courriel : info@criphase. org 39

Références : Baljon, M. C. L. (2011). Wounded masculinity: Transformation of aggression for male survivors of childhood abuse. Person-Centered & Experiential Psychotherapies, 10(3), 151 -164. Delisle, G. (2004). Les pathologies de la personnalité : Perspectives développementales. Montréal: Les Éditions du CIG Lew, M. (1990). Victims No Longer: Men recovering from incest and other sexual Child Abuse. New York: Harper & Row, Publishers. Nasio, J. -D. (2001). L'hystérie, ou, L'enfant magnifique de la psychanalyse. Paris, Petite bibliothèque Payot. Tewksbury, R. (2007). Effects of sexual assaults on men: Physical, mental and sexual consequences. International Journal of Men's Health, 6(1), 22 -35 40