Elsa Favier Sociologue Comprendre les sources de lingalit

Elsa Favier Sociologue Comprendre les sources de l’inégalité professionnelle femmes/hommes Journée d’étude « Construire ensemble une fonction publique inclusive » 2 avril 2021

Elsa Favier • Docteure en sociologie, École des hautes études en sciences sociales. • Thèse : Énarques et femmes. Le genre dans la haute fonction publique • Post-doctorante, programme : Diriger une entreprise : la valeur du genre (XIXe. XXIe) • Chargée de cours, Université de Paris et Sciences Po Paris.

Plan 1. Les inégalités de genre dans la FPT : état des lieux 2. Le plafond de verre et ses explications 3. Asymétries de traitement de la transgression de genre

Les inégalités de genre dans la FPT : inégalités salariales • En 2017, le salaire net en équivalent temps plein des femmes travaillant dans la FPT est inférieur en moyenne de 9, 1% à celui des hommes. À titre de comparaison, dans le secteur privé, l’écart de salaire entre f et h était de 19% en 2016. • L’écart de rémunération existe à tous les niveaux de la hiérarchie de la FPT, mais il est plus marqué en haut de la hiérarchie. Salaires nets mensuels moyens (en euros) Femmes Cadres 3162 Professions intermédiaires 2250 Employé·es, ouvrier·es 1634 Hommes 3622 2365 1819 « Rapport annuel sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans la fonction publique » , DGAFP, 2019

Les inégalités de genre dans la FPT : métiers de femmes, métiers d’hommes Fin 2018, 61, 3% de femmes dans la FPT… mais des disparités selon les filières d’emploi : « Rapport annuel sur l’état la fonction publique » , DGAFP, 2020

La ségrégation sexuée des métiers • Hommes et femmes n’exercent tendanciellement pas les mêmes métiers • Les femmes se concentrent dans un nombre restreint de secteurs et de catégories professionnelles, parmi lesquelles métiers reliés au care, cad au soin et à la prise en charge des enfants et des adultes dépendants, occupent une place importante • Cette différenciation s’accompagne d’une hiérarchisation. Les métiers féminins sont globalement dévalorisés, en termes de rémunération et de prestige social

Les inégalités de genre dans la FPT : un accès inégal à l’encadrement supérieur et dirigeant • Fin 2018, 60, 7% de femmes en catégorie C, 63, 6% en B, 62, 4% en A et 51, 2% en A+ • Des disparités fortes au sein de la catégorie A+ : 75, 2% de femmes parmi les médecins territoriaux mais 32, 6% de femmes parmi les cadres supérieur·es et dirigeant·es de la FPT • Sous l’effet des politiques de quotas sexués, la part des femmes dans l’encadrement supérieur et dirigeant a augmenté de 7 points entre 2014 et 2018 « Rapport annuel sur l’état de la fonction publique » , DGAFP, 2020

Le « plafond de verre » • Les femmes sont de moins en moins présentes au fur et à mesure que l’on s’élève dans la hiérarchie et elles sont très rares aux postes de plus haut niveau. • Ce phénomène du plafond de verre existe dans la fonction publique comme dans les entreprises privées, et dans les secteurs les plus divers : églises, équitation, conseil en management, professions artistiques, monde académique, haute fonction publique d’État, etc.

Plan 1. Les inégalités de genre dans la FPT : état des lieux 2. Le plafond de verre et ses explications 3. Asymétries de traitement de la transgression de genre

Des facteurs extérieurs aux organisations ? • Les effets de la socialisation sexuée Dès la prime enfance, dans la famille et à l’école, les garçons sont encouragés à prendre des risques, physiques et intellectuels, à occuper l’espace, à se battre pour gagner. Les filles sont à l’inverse socialisées à limiter leurs mouvements et leurs prises de parole, à réfréner leur colère et à se montrer modestes et altruistes. Les filles apprennent aussi qu’elles ne doivent pas sacrifier leur rôle de mère et d’épouse sur l’autel de la réussite professionnelle. Pour les hommes, à l’inverse, paternité et carrière font bon ménage : un bon époux, un bon père de famille est un bon « monsieur gagnepain » . Les hommes tendent donc à se montrer plus ambitieux scolairement et professionnellement. • Le couple hétérosexuel et les enfants comme ressources pour les hommes et entraves pour les femmes L’effet négatif de la conjugalité hétérosexuelle et de la maternité sur les carrières des femmes et son pendant, la plus grande réussite professionnelle des hommes en couple et des pères de famille par rapport aux hommes célibataires et aux hommes sans enfant sont des phénomènes bien documentés. Ils trouvent en partie leur origine dans la répartition inégale du travail domestique entre femmes et hommes dans les couples hétérosexuels, qui s’accentue avec l’arrivée d’enfants.

Enquête « Emploi du temps » , INSEE, 2010

Enquête « Emploi » , INSEE, 2012

A l’inverse: une corrélation entre enfants et réussite professionnelle chez les hommes Charles Gadéa et Catherine Marry, « Les pères qui gagnent. Descendance et réussite professionnelle chez les ingénieurs » , 2000

Des inégalités tenaces, malgré certaines convergences • Synthèse de ces éléments statistiques : Ø Le temps quotidien consacré aux tâches domestiques a globalement diminué en 25 ans Ø Une diminution du travail domestique des femmes, mais qui est moins liée à l’augmentation de l’investissement des hommes qu’aux évolutions technologiques et à l’augmentation de leur pouvoir d’achat Ø Le temps que les hommes consacrent aux tâches domestiques n’a pas évolué en 25 ans Ø Les enfants comme accélérateurs de la domination : plus il y a d’enfants, plus le partage des tâches domestiques est inégal, plus les femmes se retirent du marché du travail et plus les hommes réussissent dans leurs carrières • Des disparités fortes entre les femmes selon la classe sociale (plus ou moins de pouvoir d’achat et de possibilités de délégation)

Le genre dans les organisations de travail • Le rôle des organisations dans la construction des inégalités : Joan Acker, « Hierarchies, jobs and bodies : a theory of gendered organizations » (1990) • Le genre est un principe structurant et signifiant dans les organisations qui s’observe à différents niveaux Ø Au niveau de la division du travail, de l’espace, du pouvoir. . . Ø Dans les symboles, les images participant d’une hégémonie masculine, qui renforcent les inégalités (ex : le cadre sup puissant, autoritaire, au fait de la technique, qui contrôle ses émotions) Ø Au niveau interactionnel, des interactions genrées (ex : dans une réunion, distribution du temps de parole entre f et h) Ø Ces éléments alimentent les composantes de genre de l’identité individuelle (comment on s’habille, on parle, la conception qu’on a des tâches appropriées pour soi, etc. )

Exemple d’une entreprise industrielle (énergie) • Cécile Guillaume et Sophie Pochic, « La fabrique organisationnelle des dirigeants. Un regard sur le plafond de verre » (2007) • Enquête : monographie d’une entreprise, méthodes qualitatives et quantitatives (entretiens avec des cadres et analyses statistiques secondaires du fichier du personnel) • Les autrices dégagent trois grands ensembles de facteurs qui contribuent à favoriser l’ascension d’hommes au sein de l’entreprise Ø Des éléments ayant traits aux politiques formelles de gestion des carrières ØLe poids des relations informelles dans la promotion professionnelle ØÀ un niveau plus symbolique, les attentes de rôles sexuées attachées à la figure du manager

Plan 1. Les inégalités de genre dans la FPT : état des lieux 2. Le plafond de verre et ses explications 3. Asymétries de traitement de la transgression de genre

Du côté des hommes : l’escalator de verre • « The Glass Escalator : Hidden Advantages for Men in the « Female » Professions » , Christine Williams (1992) • Sages-femmes Philippe Charrier, « Des hommes chez les sages femmes » (2007) • Métiers de la petite enfance Nicolas Murcier, « Le loup dans la bergerie. Prime éducation et rapports sociaux de sexe » (2005)

Conclusion • Une ségrégation horizontale ET verticale dans la FPT • Les organisations fabriquent les inégalités par leurs politiques de gestion des carrières en apparence neutres mais en réalité défavorables aux femmes (horaires extensifs et rigides, mobilités géographiques, cooptation homophile. . . ) • Des inégalités jusque dans la transgression de genre dans le domaine professionnel • Ces constats ouvrent la voie à une réflexion sur les transformations organisationnelles qui seraient souhaitables pour favoriser une réduction des inégalités

Bibliographie Acker, Joan. 1990. « Hierarchies, Jobs, Bodies: A Theory of Gendered Organizations » , Gender and Society, 4(2). Bereni, Laure, Sébastien Chauvin, Alexandre Jaunait, et Anne Revillard. 2020. Introduction aux études sur le Genre, Bruxelles, De Boeck, chapitre 5. Guillaume, Cécile et Sophie Pochic. 2007. « La fabrication organisationnelle des dirigeants. Un regard sur le plafond de verre » , Travail, Genre et Sociétés, 17. Marry, Catherine, Laure Bereni, Alban Jacquemart, Sophie Pochic et Anne Revillard. 2017. Le plafond de verre et l’État. La construction des inégalités de genre dans la fonction publique, Paris, Armand Colin.

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