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Day Créations réflexives

Pendant plusieurs générations, les produits portant la marque « Bélanger » ont été au cœur de la vie de bien des familles québécoises. En effet, cette compagnie fabriquait des poêles, appareils indispensables pour se chauffer et cuire les aliments. Bien que ce label soit aujourd’hui disparu, il ne fait pas de doute que pour bien des gens – mais particulièrement pour des mères qui s’activaient autour du poêle pour nourrir leur famille – évoquer ce nom ne peut que rappeler le souvenir de produits caractérisés par leur qualité, leur design et leur durabilité. Lors de notre visite de la Maison sir-Étienne-Paschal-Taché, une petite exposition était consacrée à cette entreprise de Montmagny dans quelques salles présentant des expositions temporaires. Voici donc, en texte et photos, une histoire abrégée de cette compagnie qui fut, pour utiliser une expression à la mode aujourd’hui, un « fleuron de l’industrie québécoise » . R. Day

Amable Bélanger, le fondateur de l’entreprise portant son nom, est né en 1846 à Saint-Pierre-de-la-Rivière-du-Sud, un petit village situé à une dizaine de km au sud-ouest de la ville de Montmagny, au Québec. Adolescent, il travaille quelque temps sur les barges qui naviguent sur le Saint-Laurent; mais il est attiré par le métier de fondeur. Il va donc faire l’apprentissage de cet art à la Fonderie canadienne (devenue plus tard la fonderie Carrier, Lainé et Compagnie) qui avait commencé ses activités à Lévis en 1864. Photo : montmagny. com

Sur cette photo non datée, on a un aperçu de l’endroit où Amable Bélanger fit l’apprentissage de son métier de fondeur. Vue d’une partie de la fonderie Carrier & Lainé, à Lévis Source : BAn. Q, fonds Magella Bureau Photo prise sur le Web

En 1867, Amable Bélanger revient dans son village natal et commence à y exercer son métier de maître fondeur. Il débute son commerce avec la fabrication de chaudrons et d’instruments aratoires. Dans les villages ruraux québécois du 19 e siècle, il arrivait que de petits artisans opèrent de petites fonderies produisant des articles d’utilisation courante destinés à une clientèle locale. Mais Amable Bélanger nourrissait des projets de plus grande envergure pour son commerce. Le petit village de Saint-Pierre-de-la-Rivière-du-Sud (illustration non datée)

Photo : R. Day Cette charrue arrache-patates créée par Bélanger était conçue pour travailler sur tous les types de sols. Elle était recommandée pour ne pas fatiguer les chevaux qui tractaient et pour ne pas occuper trop d’espace dans les hangars où elle était entreposée. Les manchons pouvaient être fabriqués en chêne ou en érable avec un fini naturel pour montrer la qualité du bois utilisé. Les différents modèles de herses, sarcleuses et charrues fabriquées par Bélanger étaient reconnus pour leur solidité, leur maniabilité et leur précision.

En 1871, seul dans sa boutique, il produit des charrues et des chaudrons pour 1000 $. En 1872, désireux d’augmenter son chiffre d’affaires, Amable Bélanger déménage sa fonderie dans le centre de Montmagny, près du chemin de fer du Grand Tronc. Ce déménagement lui permettra de s’approvisionner plus aisément en matières premières et d’écouler plus facilement ses produits. En 1907, la soixantaine atteinte (ce qui est vieux pour l’époque), il cède la direction de son entreprise à son fils Joseph-Adrien-Amable. Diplômé en comptabilité et en affaires de l’Université d’Ottawa, celui-ci donne un nouvel élan à l’entreprise en commençant la fabrication de poêles. Il innove par ailleurs en matière de relations de travail en introduisant le concept de participation aux bénéfices pour les employés qui comptent plus de cinq ans de service. Quelques produits « Bélanger » Clé d’ajustements pour charrues Joseph-Adrien-Amable décède prématurément en 1913, apparemment lors d’une opération pour l’appendicite. Joseph-Amable reprend quelque temps les rênes de l’entreprise puis la vend à un groupe d’investisseurs de Montmagny et de Québec. Il décède en 1919, âgé de 73 ans. Au moment de son décès, la fonderie Bélanger employait quelque 200 personnes et distribuait ses produits un peu partout au Québec et dans les provinces maritimes. Grelot de tuyau pour palissade de lot de cimetière Photos : R. Day

Homme d’affaires prospère, Amable Bélanger fit construire pour son fils, en 1906, une résidence en face de l'entreprise familiale. Elle était, sans l'ombre d'un doute, la plus vaste et la plus luxueuse maison de Montmagny au début du 20 e siècle. Photo : Wikipédia

L'examen des caractéristiques de cette résidence se réfère à l'architecture néogothique et néo. Queen-Anne. La surcharge de son ornementation illustre bien ce style étonnant. La présence de lucarnes imposantes, de deux cheminées, de baies en saillies, d'un portique surmonté d'un balcon et de colonnes imposantes pique la curiosité. Comme cette maison a été construite par les employés d'Amable Bélanger, on ne s'étonnera pas de voir une balustrade en fonte dont les motifs proviennent de la fonderie de son propriétaire. Cet édifice étonnant a attiré le regard des photographes. C'est pourquoi on a commencé à imprimer des cartes postales le représentant dès le début du siècle. Photo : Wikipédia

L'intérieur de ce bâtiment permet d'apprécier ce qui était réservé au jeune Adrien-Amable. Le sous-sol comprenait une chaufferie, une soute à charbon, une buanderie, une chambre froide et un cellier. Le rez-de-chaussée était composé d'un salon, d'une bibliothèque, d'une salle à manger, d'une salle de jeu pour les enfants et des cuisines. L'étage était occupé par six chambres à coucher, deux d'entre elles étant réservées aux domestiques. Les Bélanger l'habitèrent jusqu'en 1918 et la louèrent par la suite à Philippe Béchard, un des actionnaires de l'usine Bélanger et un important homme d'affaires à Montmagny. Il vendit cette maison en 1934 à T. E. Boudreau, un ancien hôtelier de Rivière-du. Loup, qui la convertit en hôtel qu’il nomma Château canadien. Cette maison devint ensuite une résidence pour personnes âgées. Elle est aujourd’hui la propriété de la MRC et on y accueille temporairement des immigrants qui sont en attente d’un logement. Photo : Wikipédia

La fonderie Bélanger en 1889 Amable Bélanger, son épouse Marie-Louise Catellier, et leurs deux benjamines (Alida et Aldéa) posent devant le bâtiment tout neuf. Coll. SHM, fonds Jean Beaulieu

Quelques produits « Bélanger » Taquet pour clôture Catalogue (1921) Photos : R. Day Fer de galerie Poêlon

Coll. SHM En 1915, la fonderie est agrandie et de nouveaux bâtiments sont construits à l’ouest et à l’arrière de l’édifice administratif. Puis en 1920, pour répondre à la forte demande, une nouvelle fonderie mesurant 1050 mètres (320 pieds) de longueur est érigée.

Coll. SHM En 1927, on ajoute une aile de quatre étages à l’ouest des bureaux administratifs. On transforme ensuite le bâtiment situé à l’est lorsque le chrome et le nickel, utilisés jusque-là pour protéger les produits de fonte, font place à l’émail, plus résistant et plus facile à nettoyer.

À partir de 1942, la compagnie participe à l’effort de guerre en fabriquant des grenades sousmarines. Intérieur de l’atelier de la fonderie Bélanger (vers 1938) Source : patrimoine-culturel. gouv. qc. ca

Coll. SHM Les installations en 1949

Coll. SHM, fonds Georges Béchard

Les beaux poêles Bélanger Consciente que les Québécois n’avaient pas tous les moyens de se procurer des poêles haut de gamme, Bélanger créa différents modèles de poêle adaptés aux besoins et aux ressources financières des familles. Ainsi, l’usine de Montmagny a produit un grand nombre de modèles de poêles au bois en fonte, chacun d’eux répondant à des besoins spécifiques en termes de volume, d’utilisation, de rendement et de fonctionnalité. Les plus grands frais étaient donc consacrés à la recherche et au développement afin de les mettre au goût du jour, et de les adapter aux nouvelles technologies, en passant par l’utilisation hybride du charbon, du gaz puis de l’électricité. Ce poêle de barge (1906) et son assiette, réputé avoir été dessiné par Amable Bélanger lui-même, a été pensé pour être utilisé dans les cabines des installations nautiques. Petit, il pouvait tout aussi bien chauffer une chambre à coucher qu’une cabane de chantier. Pouvant être facilement déplacé, il était livré avec un plateau protégeant les surfaces, souvent en bois, de la chaleur qu’il dégageait. Photo : R. Day

Le poêle Cadet (début du 20 e siècle) ne prenait que la moitié de l’espace d’un gros poêle tout en étant muni de tous les perfectionnements nécessaires pour donner une service complet et efficace. Il était spécifiquement adapté aux cuisines d’été, car il permettait de chauffer rapidement les surfaces de cuisson sans trop chauffer la pièce dans laquelle il se trouvait. Photo : R. Day

Le poêle Canada Photos prises sur le Web Le poêle Président Le poêle Major

Avec leur ornement de tuiles de céramique et de parties nickelées, les poêles Bélanger se distinguaient par le luxe et la finition dans certains de leurs modèles, comme ce poêle Royal. Spécialement adapté au climat québécois, chaque centimètre du Royal avait été pensé et calculé pour tirer le maximum d’énergie de la combustion du bois en plus de permettre à la fumée et à la chaleur d’être éliminées facilement. Fabriqué en majeure partie en fonte, ce poêle pouvait peser plus de 360 kg (800 livres) selon les accessoires choisis. Photo : R. Day

L’arrivée du gaz et de l’électricité dans les chaumières vint changer les besoins des résidences nord-américaines en matière de chauffage. On assista alors à la séparation des fonctions de chauffage et de cuisson des aliments qui étaient, depuis plus d’un siècle, indissociables. Cette séparation s’accentua davantage avec la généralisation du chauffage central, l’arrivée des « fournaises » et du chauffage électrique. Progressivement, les poêles à bois ne furent plus utilisés pour cuisiner, mais uniquement comme source de chaleur d’appoint. Pour répondre à ce nouveau marché et à ces sources d’énergie nouvelles, la compagnie Bélanger créa d’abord des rallonges qui s’adaptèrent au poêle à bois traditionnel. Puis, dans les années 1950, elle effectua des changements importants pour orienter sa production vers des poêles fonctionnant entièrement à l’électricité. La télésérie « La famille Plouffe » a beaucoup contribué à la popularité de la marque à travers tout le Québec en vantant les mérites de « son beau poêle Bélanger » . La compagnie engagea d’ailleurs la comédienne Amanda Alarie, alias Maman Plouffe, comme porte-parole pour vanter les mérites de ses cuisinières. Deux autres artistes – Paul Berval et Dominique Michel – furent eux aussi mis à contribution. Photo : R. Day

En 1960, la Corporation d’expansion financière de Montréal acquit la compagnie A. Bélanger, qui devint une société de la compagnie Corpex et prit le nom de Bélanger-Tappan. Cette dernière fut achetée en 1979 par la compagnie Admiral du Canada. Après la faillite d’Admiral, en 1981, et une brève fermeture, elle fut fusionnée à Inglis en 1982 et à Whirpool Corporation en 1987. En 2004, cette compagnie a fermé son usine de Montmagny, conservant toutefois la chaîne d’assemblage des cuisinières électriques et à gaz. Cette dernière a fermé définitivement ses portes en 2010. Depuis 2011, une partie de l’ancienne usine A. Bélanger a été transformée en espace locatif. On y trouve notamment les bureaux de la MRC de Montmagny et de la Chambre de commerce de Montmagny. Coll. MRC de Montmagny

Je terminerai ce diaporama sur une note plus personnelle. Lorsque nous avons fait l’acquisition de notre chalet à Miguasha, en 1996, le vendeur y a laissé une cuisinière électrique de marque Bélanger. Celle-ci datait vraisemblablement de la fin des années 1950 ou du tout début des années 1960. Aussi incroyable que cela puisse paraître, elle fonctionnait toujours lorsque nous avons à notre tour vendu le chalet en 2018. Et jamais, durant ces 22 années au cours desquelles ce chalet fut nôtre, avons -nous eu besoin de requérir les services d’un réparateur. Il n’est plus possible, en 2020, d’acheter un appareil ménager (cuisinière, réfrigérateur, laveuse, sécheuse, lave-vaisselle) dont la durée de vie sera aussi exceptionnelle. Récemment, un réparateur m’indiquait que de tels appareils ont maintenant, en moyenne, une durée de vie de dix ans, parfois moins. Il n’y a pas de doute : la réputée marque Bélanger était bel et bien synonyme de durabilité, d’efficacité et de fiabilité. Photo : R. Day

Documentation • Renseignements pris à l’exposition « La Grande époque de A. Bélanger Ltée » , tenue à la Maison sir-Étienne-Paschal-Taché • Dictionnaire biographique du Canada • Répertoire du patrimoine culturel du Québec – Fonderie Amable Bélanger • Site Web de la ville de Montmagny • http: //www. poelesdantan. com/belanger • Divers sites du Web Photographies Les sources des photos et des illustrations sont mentionnées sur chaque diapositive Musique « The Screens : The French Lieutenant Dreams » , interprété par Angèle Dubeau & La Pietà CD « Angèle Dubeau & La Pietà, Silence on joue – Prise 2 » (2016) Conception R. Day Novembre 2020 Mes diaporamas sont hébergés sur le site : http: //www. imagileonation. com

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