Marius 1931 Lun des premiers grands films parlants

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Marius (1931) L’un des premiers grands films parlants du cinéma français est sans aucun

Marius (1931) L’un des premiers grands films parlants du cinéma français est sans aucun doute Marius. Adapté de la pièce à succès de Marcel Pagnol, le premier film de la trilogie marseillaise est réalisé en 1931 par Alexandre Korda et supervisé par l’auteur, dans les nouveaux studios de la Paramount. La complicité entre les deux hommes, accompagnés par les comédiens du Théâtre de Paris (Raimu, Pierre Fresnay, Orane Demazis…), offre un film humaniste et réaliste, au discours universel et aux accents méridionaux. Marius, suivi de Fanny, réalisé par Marc Allégret l’année suivante, puis plus tard de César en 1936, feront du jeune auteur de théâtre inexpérimenté l’un des plus remarquables réalisateurs français, auteur, producteur et inventeur de génie. « L’accent ne constitue pas, chez Pagnol, un accessoire pittoresque, une note de couleur locale, il est consubstantiel au texte et, par là, aux personnages. L’accent est la matière même de leur langage, son réalisme. Aussi, le cinéma de Pagnol est tout le contraire de théâtral, il s’insère par l’intermédiaire du verbe dans la spécificité réaliste du cinéma. Pagnol n’est pas un auteur dramatique converti au cinéma, mais l’un des plus grands auteurs de films parlants. » André Bazin, 1953

En 1965, Marcel Pagnol raconte comment en 1931, il accepte de tourner Marius avec

En 1965, Marcel Pagnol raconte comment en 1931, il accepte de tourner Marius avec un metteur en scène hongrois, Alexandre Korda. Il refuse tout cachet et exige des droits d'auteur. Article paru dans Le Figaro littéraire du 4 novembre 1965. Un beau matin de 1931, je trouvai dans le bureau de Bob Kane un homme jeune, aux cheveux bouclés, qui fumait attentivement un très beau cigare. Bob, qui buvait un jus de tomate, me dit : - Ceci est Korda. Il me parut froid, mais sympathique. - Il va faire la mise en scène de Marius. Tenons conférence. Je commençais à raconter ma pièce à son futur metteur en scène. Il m'arrêta au premier mot. - Je sais, me dit-il ; je suis arrivé avant-hier. J'ai vu deux représentations. J'irai encore avec vous ce soir. Je fus surpris et charmé. - Que pensez-vous des acteurs ? - Il faut les prendre tous. - Mais, dit Bob Kane, ils sont tout à fait inconnus au cinéma ! - Je crois, dit Korda, qu'après ce film ils seront tous célèbres. Il y a surtout un homme grand et fort, qui joue le rôle du patron du bar. - Raimu, dis-je. - C'est cela même. Ce Raimu est certainement l'un des meilleurs du monde. Il y a aussi une femme qui me rappelle Lilian Gish et un jeune homme d'une pureté merveilleuse. C'est un grand plaisir de voir jouer ces gens-là. Je lançai à Bob Kane un regard de triomphe. - Que vont-ils faire devant la caméra ? demanda Bob. - Ce n'est pas une question qu'il faut poser, dit Korda… Moi, je me demande : qu'est ce que la caméra va faire devant eux ? Cela est mon problème. J'ai bon espoir de le résoudre. J'avais depuis longtemps préparé une version cinématographique de la pièce. Je la donnai à Bob Kane, qui la trouva réussie ; Korda me conseilla quelques coupures, que j'acceptai sans la moindre hésitation. J'avais confiance. Raimu vint au studio en bougonnant. Il ne croyait pas encore au film parlant et l'idée que notre travail serait dirigé par un étranger lui faisait hausser les épaules. - Un Tartare qui vient d'Olivoï pour nous tirer la photographie ! Mais au bout d'une heure de conversation toutes ses préventions étaient tombées. Le soir même il se promenait dans la cour des studios, en bavardant amicalement et, Korda l'acheva d'un cigare. Alexandre Korda ne tourna jamais un plan sans m'expliquer ce qu'il voulait faire et pourquoi il le faisait. De mon côté, je réussis à le convaincre de l'importance nouvelle du dialogue. Ce maître du film muet n'hésita pas une seconde et décida de faire un film vraiment parlant. Il m'avait dit, un soir, dès nos premières entrevues : - Le film parlant est un art nouveau, et nous avons une très grande chance : je sais tout ce que tu ne sais pas, et tu sais ce que j'ignore. Si nous travaillons de bonne foi, et sans tirer la couverture, nous réussirons certainement à faire quelque chose d'intéressant. C'est de cette collaboration fraternelle qu'est sorti, en 1931, l'un des premiers films parlants. Les comédiens avaient joué leurs rôles sur la scène pendant une série de neuf cent soixante représentations, puis encore cent fois pendant une reprise, en été. C'est pourquoi ils jouèrent ces mêmes rôles dans le film avec une aisance et une autorité qui n'ont jamais été surpassées. Il y eut, naturellement, quelques incidents. Les services techniques, et surtout les hommes du son, pensaient encore que les auteurs et les comédiens n'avaient pas d'autre utilité que de mettre en valeur l'excellence des appareils.

Un jour, un «soundman» fit son apparition sur le plateau : il sortait de

Un jour, un «soundman» fit son apparition sur le plateau : il sortait de la villa du mystère, où tournaient en silence les premiers dérouleurs de la Western Electric. Il vint vers moi et me dit d'un ton décisif : - Il est impossible d'enregistrer la voix de Raimu. - Pourtant, dis-je, il a déjà fait plus de cent disques de phonographe, et un film, Le Blanc et le Noir. -Il n'est pas phonogénique, reprit le sorcier. Nous avons ici les meilleurs appareils du monde, et pourtant je n'arrive pas à un bon résultat. -- Qu'est ce que ça ? dit Korda de loin. - Ce monsieur affirme qu'il ne peut enregistrer la voix de Raimu. - C'est bien dommage pour lui, dit Korda. Parce qu'on ne peut pas remplacer Jules. Mais, lui on peut. Le «soundman» parut très étonné, mais il le fut au sens ancien du mot, quand il vit Raimu s'avancer vers lui. Depuis, le début de notre travail, le grand Jules était resté souriant et paisible, à cause de son admiration pour Korda. Il avait donc une énorme provision de colère et de cris rentrés. Il marcha lentement sur le «soundman» gonfla sa vaste poitrine et dit : - Ah, c'est vous le téléphoniste ? C'est vous qui n'entendez pas ma voix. Vous voulez que je crie ? Voilà Monsieur : «Monsieur Brun, ne le dites à personne qu'Escartefigue est cocu ! Ca pourrait se répéter ! Il hurla deux fois cette phrase, avec cette voix homérique qui passait sans effort de la contrebasse à la trompette. Le «soudman» avait bondi vers le microphone, non point pour s'en servir comme d'une arme, mais pour le cacher sous son veston, et, tremblant d'inquiétude, il suppliait : - Pas si fort ! Faites le taire ! il va me péter la pastille ! Malgré l'étrangeté de cette plainte, Raimu comprit que la mécanique demandait grâce et c'est à voix basse qu'il déclara : - Monsieur, lorsque je téléphone en ville, tout le monde me comprend : mais vos appareils américains ne savent pas encore le français. Maintenant, puisqu'il est midi, venez prendre l'apéritif avec moi et, pour habituer votre oreille à mon trombone , je vous réciterai des fables. C'est ainsi qu'il devint l'ami du «soundman» et que sa voix fut parfaitement enregistrée.

MARIUS (1931) - Extrait « Tu es tout le portrait de ton oncle Emile.

MARIUS (1931) - Extrait « Tu es tout le portrait de ton oncle Emile. Celui-là ne passait jamais au soleil parce que ça le fatiguait de traîner son ombre. Tu es un rêvasseur, voilà ce que tu es. Un rêvassseur. Tu ne sais même pas doser un cinzano-cassis ou un mandarin-citron. Tu n'en fais pas deux pareils. - Comme les clients n'en boivent qu'un à la fois, ils ne peuvent pas comparer. - Ah ! Tu crois ça ! Tiens le père Cougourde, un homme admirable qui buvait douze mandarins par jour, sais-tu pourquoi il ne vient plus ? Il me l'a dit. Parce que tes mélanges fantaisistes risquaient de lui gâter la bouche. - Lui gâter la bouche ! Un vieux pochard qui a le bec en zinc. - C'est ça ! Insulte la clientèle au lieu de te perfectionner dans ton métier ! Eh bien, pour la dixième fois, je vais te l'expliquer, le picon-citroncuraçao. Approche-toi ! Tu mets d'abord un tiers de curaçao. Fais attention: un tout petit tiers. Bon. Maintenant, un tiers de citron. Un peu plus gros. Bon. Ensuite, un BON tiers de Picon. Regarde la couleur. Regarde comme c'est joli. Et à la fin, un GRAND tiers d'eau. Voilà. - Et ça fait quatre tiers. - Exactement. J'espère que cette fois, tu as compris. - Dans un verre, il n'y a que trois tiers. - Mais, imbécile, ça dépend de la grosseur des tiers! - Eh non, ça ne dépend pas. Même dans un arrosoir, on ne peut mettre que trois tiers. - Alors, explique-moi comment j'en ai mis quatre dans ce verre - Ça, c'est de l'Arithmétique. - Oui, quand on ne sait plus quoi dire, on cherche à détourner la conversation. . . »

MARIUS (1931) - Extrait HONORINE « Ah ! Mon pauvre Panisse, les chemises de

MARIUS (1931) - Extrait HONORINE « Ah ! Mon pauvre Panisse, les chemises de nuit n'ont pas de poches ! Moi, je vous parle dans votre intérêt. Bien sûr, c'est un beau parti pour ma petite… (Elle rêve un instant). Mais quand je pense à ça et que je vous regarde, je vous vois une paire de cornes qui va trouer le plafond. PANISSE (vexé) Encore ! Vous vous trompez, voilà tout. Tout ce que je vous demande, c'est de me dire oui. Le reste, je m'en charge. HONORINE Eh bien, je vais lui en parler. Je vous répondrai dans quelques jours. PANISSE Bon. Dans quelques jours. J'attendrai. HONORINE Seulement, d'abord, je voudrais bien regarder les comptes de votre magasin. Ce n'est pas la curiosité, Panisse. C'est l'amour maternel. »

MARIUS (1931) - Extrait PANISSE « Je vais regretter mon cor au pied :

MARIUS (1931) - Extrait PANISSE « Je vais regretter mon cor au pied : il ne m'a jamais fait de mal, et il me disait le beau temps ou la pluie. . . Mon cor au pied, je vais le perdre, car les squelettes n'ont pas de cor. . . ESCARTEFIGUE, épouvanté Il se voit déjà en squelette. PANISSE Toi, ça va te changer encore plus que moi ! ESCARTEFIGUE Comment ça ? CESAR Ton squelette ne te ressemblera pas du tout. Tu as peut-être un squelette mince et charmant, comme une première communiante. . . Seulement tu l'as tout habillé de graisse, avec tes instincts et tes appétits. . . ESCARTEFIGUE Mes appétits ? Mais j'en ai qu'un, moi, d'appétit. . . Il est beau, mais j'en ai qu'un ! Et puis, pourquoi tu me parles de mon squelette ? Est-ce que tu crois que je vais mourir ? CESAR, ironique et féroce Toi ? Oh non ! Dieu garde ! le Bon Dieu est tellement content de t'avoir fait, qu'il ne voudra jamais détruire son chef-d'œuvre !»

MARIUS (1931) - Extrait CESAR « Dis-donc, Frisepoulet, Panisse est là-bas devant sa porte,

MARIUS (1931) - Extrait CESAR « Dis-donc, Frisepoulet, Panisse est là-bas devant sa porte, qui fume la pipe. Cours vite lui dire que je l'attends pour boire une bouteille de mousseux. Le chauffeur C'est loin. CESAR Qué, c'est loin ? Il y a quinze mètres. Le chauffeur Qu'est-ce que vous me donnez si j'y vais ? CESAR Un bon chicoulon de mousseux. Le chauffeur Alors j'y vais. (Il se lève, va jusque devant la porte et appelle) Panisse ! O Panisse ! M. César vous offre le champagne ! CESAR O marrias tais-toi, que tu vas faire venir tous les soiffeurs du quartier !»

MARIUS (1931) - Extrait CESAR Marius, c'est toi qui lui offre le café ?

MARIUS (1931) - Extrait CESAR Marius, c'est toi qui lui offre le café ? MARIUS Oui. CESAR (impénétrable et froid) Bon. MARIUS Je viens de le faire. Tu en veux une tasse ? CESAR Non. MARIUS Pourquoi ? CESAR Parce que si nous buvons tout gratis, il ne restera plus rien pour les clients. »

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