Ce qui nous fait humains Agata ZIELINSKI Matre

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Ce qui nous fait humains Agata ZIELINSKI Maître de Conférences en Philosophie Faculté de

Ce qui nous fait humains Agata ZIELINSKI Maître de Conférences en Philosophie Faculté de Médecine de Rennes 1 Bénévole en soins palliatifs Maison Médicale Jeanne Garnier

GOYA Deux vieux mangeant une soupe (1819 -1823)

GOYA Deux vieux mangeant une soupe (1819 -1823)

Le regard, une responsabilité • Le regard en 2 temps: • La 1ère réaction

Le regard, une responsabilité • Le regard en 2 temps: • La 1ère réaction ne nous appartient pas. • La 2ème relève de notre volonté (responsabilité). • Définition de l’éthique • Ce qui arrive. La situation. • Malgré nous (cf. Levinas). • • Ce que l’on en fait. • L’éthique, des questions: • Comment regardons-nous ? • Et maintenant, qu’est-ce qu’on fait? Comment faire pour bien faire?

Qu’est-ce qui nous fait humains ? Chagall, Le couple dans le paysage bleu (1969

Qu’est-ce qui nous fait humains ? Chagall, Le couple dans le paysage bleu (1969 -1971)

Aristote: l’humain, animal doué de logos � Ce l’homme a en commun avec les

Aristote: l’humain, animal doué de logos � Ce l’homme a en commun avec les animaux: �La vie, les besoins pour se maintenir en vie (se nourrir, se reproduire). �La motricité. �La sensibilité. �+ « Appétit » (orèxis) � Différence spécifique: l’homme est un animal capable de logos: �Raison. �Parole. �Connaissance. �+ Volonté (boulèsis)

Caractéristiques de l’humain �Qu’est-ce qui fait qu’un humain est un humain ? �Pensée et

Caractéristiques de l’humain �Qu’est-ce qui fait qu’un humain est un humain ? �Pensée et parole. �Capacité de réfléchir, �s'exprimer, �faire des projets, �s’adapter. �Conscience de soi: �Identité personnelle. �Unique. �Dimension relationnelle. �Culture: �Transmission, éducation, valeurs… �Créativité: technique, art. Utilité / gratuité. �Dimension sociale.

L’humain �Dans la relation de soin ? �Pensée et parole: �Capacité à raisonner tenir

L’humain �Dans la relation de soin ? �Pensée et parole: �Capacité à raisonner tenir compte des questions, expliquer. �Expression écouter. �Capacité à décider respecter les choix. �Conscience: �Chaque individu est unique le considérer comme une personne à part entière, avec son histoire singulière. Pas un objet de soin, mais un sujet. �Culture: �Capacité à se projeter rassurer, mettre en confiance, envisager l’avenir avec le patient. �Besoin de donner du sens respecter les croyances, les rites, dimension symbolique.

L’homme, un « être-vers-la-mort » o HEIDEGGER (1889 -1976): « Dès qu’un être vient

L’homme, un « être-vers-la-mort » o HEIDEGGER (1889 -1976): « Dès qu’un être vient à la vie, il est assez vieux pour mourir » . � La mort fait partie de la Nature. Elle concerne tous les êtres vivants. � Particularité de l’homme: il a conscience d’être mortel (≠ avoir conscience du danger ; conscience que la vie a une fin). Existence. o Le temps de notre vie est orienté par la mort. � La mort, « impossibilité de toute possibilité » . � Questions existentielles: quelle attitude adopter sachant cela ? � Quel sens donner à ce temps entre la naissance et la mort, le temps des possibles ? KLIMT La vie et la mort (1916)

L’homme, un « être-vers-la-mort » Heidegger. o « L’angoisse devant la mort ne doit

L’homme, un « être-vers-la-mort » Heidegger. o « L’angoisse devant la mort ne doit pas être confondue avec la peur du décès » . � Certitude empirique du décès. « On meurt » : impersonnel, ne me concerne pas. � ≠ Idée de « ma » mort (que je fuis dans les préoccupations). o Refuser de penser la mort, c'est refuser l'angoisse fondamentale qui nous caractérise, ie la vérité de notre existence. o Ma mort est l’événement ultime, par rapport auquel je dois me définir pour mener une existence authentique. o La mort est la condition de possibilité de ma liberté.

L’expérience de la finitude Jean-Paul SARTRE (1905 -1980) o Angoisse (≠ peur). � Pas

L’expérience de la finitude Jean-Paul SARTRE (1905 -1980) o Angoisse (≠ peur). � Pas tant devant la mort, � que devant les possibles, � et du fait que je suis responsable de ce que je suis. o Vraie liberté. � « Nous sommes condamnés à être Edward HOPPER, Rooms by the Sea, 1951 libres » . L’homme se caractérise par un questionnement sur le sens de sa vie: � Transformer les obstacles en possibilités (ex. du rocher). Que vais-je faire de ma vie? � Transformer le temps en projet.

Un être de langage

Un être de langage

Fonctions du langage � Langage communication. Fonction commune avec le langage animal. �Survie. �Transmettre

Fonctions du langage � Langage communication. Fonction commune avec le langage animal. �Survie. �Transmettre une information. � Fonction instrumentale. �Cf. Karl von Frisch, les abeilles. � Signes: nouveaux ? Système ouvert / fermé. � Immuable / évolutif. Dimension historique. � Inné / acquis. Apprentissage. � Dimension culturelle. �Dialogue: crée des relations. � Fonction symbolique. �Caractère social, appartenance à un groupe.

� Langage: faculté de communiquer. � Au sens large: système de signes. � Langage

� Langage: faculté de communiquer. � Au sens large: système de signes. � Langage animal, langage informatique… � Au sens strict: institué par l’humanité avec des règles précises, permet de: � transmettre des informations, � représenter la réalité, � élaborer du sens. � Langue: système de mots et de conventions adoptés par un groupe social dans le cadre d’une culture(d’après F. de Saussure). � Lexicologie (vocabulaire). Grammaire (règles). Étymologie (histoire). � Linguistique (caractéristiques communes aux langues humaines). � Parole: faculté d’exprimer et de communiquer la pensée au moyen de la voix.

Qu’est-ce qu’un humain? • Traditionnelles définitions de l’humain: o Conscience. o Liberté. o Parole.

Qu’est-ce qu’un humain? • Traditionnelles définitions de l’humain: o Conscience. o Liberté. o Parole. o Créativité. Culture. Transformation de la nature: technique et art. o Socialité. • Capacité à élaborer du sens.

Qu’est-ce qu’une personne? Magritte, La reproduction interdite, 1937

Qu’est-ce qu’une personne? Magritte, La reproduction interdite, 1937

Brève histoire du concept de personne Étymologie: Du latin persona: masque de théâtre permettant

Brève histoire du concept de personne Étymologie: Du latin persona: masque de théâtre permettant d’identifier le personnage joué par l’acteur. Par extension: rôle social. Charge, dignité, rang dans la société… (vie publique). Soin pris à exécuter cette charge, tenir son rang… (intériorité) Dimension éthique (stoïciens). Droit romain: notion de personne juridique. Citoyen jouissant de droits. Stoïcisme, puis christianisme: notion de personne morale. Singularité. Notion philosophique: à la fois universalité (appartenance commune à l’humanité) et principe d'individuation= ce qui singularise chacun d'entre nous.

Identité personnelle. Notion scientifique Critère biologique: � Une personne humaine possède le génome humain.

Identité personnelle. Notion scientifique Critère biologique: � Une personne humaine possède le génome humain. � Appartenance à l’espèce humaine. � La personne existe autant que dure sa vie.

John LOCKE (1632 -1704) La personne: � « un être pensant et intelligent, capable

John LOCKE (1632 -1704) La personne: � « un être pensant et intelligent, capable de raison et de réflexion, et qui peut se consulter soi-même comme le même, comme une même chose qui pense en différents temps et différents lieux. � La conscience accompagne toujours la pensée… c’est en cela que consiste l’identité personnelle, ce qui fait qu’un être raisonnable est toujours le même » . Essai philosophique concernant l’entendement humain (1689) � La personne se définit par la continuité de la conscience de soi, qui présuppose raison et réflexion.

Emmanuel KANT (1724 -1804) La personne, être autonome et raisonnable. « Ose penser par

Emmanuel KANT (1724 -1804) La personne, être autonome et raisonnable. « Ose penser par toi-même » . Se donner à soi-même ses propres lois = obéir à la raison = ne pas se laisser gouverner par les autres… ni par ses intérêts personnels! Règle de mon action doit être universalisable. « La personne est le sujet dont les actes sont susceptibles d’imputation » (responsable parce que libre, indépendant des déterminations sensibles). « Posséder le Je dans sa représentation : ce pouvoir élève l’homme infiniment au- dessus de tous les autres êtres vivants sur terre. Par-là, il est une personne ; et grâce à l’unité de la conscience dans tous les changements qui peuvent lui survenir, il est une seule et même personne, c’est-à-dire un être entièrement différent, par le rang et la dignité, de choses comme le sont les animaux sans raison » . KANT, Anthropologie du point de vue pragmatique

Paul RICŒUR (1913 -2005) Qu’est-ce qu’être « une seule et même personne » ,

Paul RICŒUR (1913 -2005) Qu’est-ce qu’être « une seule et même personne » , être soi-même. Paradoxe: Je change. (le soi : ipse) Je suis le/la même. (idem) Avoir conscience de l’unité du « moi » dans l’espace, de son identité dans le temps. Continuité. Pouvoir attribuer à un sujet des paroles et des actes dont il est l’origine. Imputabilité. Autonomie.

Paul RICŒUR (1913 -2005) L’homme agissant et souffrant. Les capacités constituant un sujet: Capacité

Paul RICŒUR (1913 -2005) L’homme agissant et souffrant. Les capacités constituant un sujet: Capacité de répondre à la question Qui suis-je ? (identité) Capacité de commencer quelque chose de neuf (action). Capacité de faire le récit de ma vie, y cher un sens (capacité narrative). Capacité de m’attribuer l’origine de mes paroles et actes (imputabilité).

Le concept de personne Idée d’un sujet libre et raisonnable dont l’identité subsiste au-delà

Le concept de personne Idée d’un sujet libre et raisonnable dont l’identité subsiste au-delà de tous les changements survenant au cours de l’existence. Être doué de conscience, de raison et d'une volonté autonome permettant de faire des choix éclairés. Capable de distinguer le Vrai du Faux, le Bien du Mal. Unité singularité identité.

Problèmes soulevés par ces définitions Georges DUBUFFET

Problèmes soulevés par ces définitions Georges DUBUFFET

Peter SINGER: des humains non personnes ? Problème: un être humain apparemment dépourvu de

Peter SINGER: des humains non personnes ? Problème: un être humain apparemment dépourvu de volonté et de raison est-il une personne ? Un nouveau né, un handicapé profond, un homme en état végétatif chronique sont des humains mais non des personnes. N’ont pas la capacité de se projeter dans le temps (ni par conséquent celle d’exprimer des préférences). Toutes les vies n’ont pas la même valeur. Même respect qu’à l’égard des autres êtres sensibles (animaux): ne pas faire souffrir. « Le fœtus, les nouveau-nés et les handicapés sont des non- personnes, moins conscients et rationnels que certains animaux non-humains » .

Questions • Et quand la parole a disparu? • Quand la conscience a disparu?

Questions • Et quand la parole a disparu? • Quand la conscience a disparu? • Quand la liberté fait place à la dépendance? o Reste l’appartenance commune à l’humanité. o Reste la culture. o Reste la socialité – la relation. • mais c’est nous qui en sommes porteurs: témoins, responsables.

Kant: l’impératif catégorique • Impératif catégorique pratique: « Agis toujours de façon à traiter

Kant: l’impératif catégorique • Impératif catégorique pratique: « Agis toujours de façon à traiter l’humanité, dans ta personne et dans celle d’autrui, toujours et en même temps comme une fin, jamais simplement comme un moyen » . • Devoir de respect envers chaque personne humaine. • Ne pas traiter les personnes comme des choses. • Une personne est unique. • N’a pas de prix. Sa valeur est absolue. • Dignité lui est inhérente.

Kant: respect et valeur Il y a 2 manières d’avoir de la valeur :

Kant: respect et valeur Il y a 2 manières d’avoir de la valeur : • Valeur relative = prix (choses). • Valeur relative à l’usage qu’on en fait, au besoin… • On peut échanger une chose, la remplacer. • Une chose est un moyen relatif à une fin. • Valeur inconditionnelle = dignité (personnes). • La valeur d’une personne est absolue , ne se mesure pas. • Chaque personne est unique. • L’homme est une « fin en soi » = il ne peut pas être sacrifié au nom d’une finalité supérieure (science, société…). • De quoi est digne la personne ? – De respect, sentiment moral qui s’impose à moi face aux personnes.

Le respect La « solution kantienne » : un devoir de considérer l’humain dans

Le respect La « solution kantienne » : un devoir de considérer l’humain dans la personne quel que soit son état. Respect. Inconditionnel. La personne: une fin en soi et non un moyen. À la différence des choses, on ne peut en user comme bon nous semble. Sa valeur ne se mesure pas à l’utilité. Valeur inconditionnelle : dignité respect. Reconnaissance de la valeur absolue de la personne humaine. Respecter l’humanité en tout humain.

Autonomie ou interdépendance? Présupposés de la position de Peter Singer: Utilitarisme des préférences: capacité

Autonomie ou interdépendance? Présupposés de la position de Peter Singer: Utilitarisme des préférences: capacité d’agir en fonction de ses propres intérêts et décisions. Autonomie comme indépendance. Cf. « éthique minimaliste » .

Identité relationnelle Une personne n’existe pas en soi, mais toujours en relation avec d’autres

Identité relationnelle Une personne n’existe pas en soi, mais toujours en relation avec d’autres personnes. L’identité personnelle est une identité relationnelle (de facto). Je ne me suis pas donné à moi-même la vie. Grâce aux autres que nous passons de la dépendance à l’autonomie. Ricœur: dimension relationnelle des capacités. Imaginaire du semblable. La reconnaissance de la dignité de la personne est une responsabilité interpersonnelle et sociale.

Et celui qui n’a plus « figure humaine » ? • Cf. LEVINAS: le

Et celui qui n’a plus « figure humaine » ? • Cf. LEVINAS: le visage. Plus l’autre m’apparaît dans sa vulnérabilité, plus je suis responsable de notre commune humanité. • « Mon semblable » . Interdépendance. • Parier sur la relation. o Maintenir la continuité du lien humain malgré les pertes ou la «dégradation » , malgré l’absence apparente de conscience. o Offrir la continuité de la relation à qui semble « hors relation » . o Repenser l’articulation entre autonomie et vulnérabilité.