Prsentation Dix journes qui ont fait le Qubec
Présentation Dix journées qui ont fait le Québec, c’est le thème qui a attiré mon attention dans le premier article sur le sujet publié dans le Journal de Québec et le Journal de Montréal le 1 er décembre 2013. Vous lirez, dans la diapositive suivante: «L’ouvrage Dix journées qui ont fait le Québec raconte les quatre siècles de notre histoire collective en 10 étapes marquantes» . Maintenant que toute la série a été publiée, j’ai pu créer un diaporama qui regroupe les 10 étapes en bref afin de l’annexer à un autre de mes diaporamas qui porte sur la généalogie de ma famille. Et pourquoi pas en faire un tiré à part pour le site internet « http: //www. ma-planete. com» , à l’intention de ses abonnés. C’est fait. Il me fait donc plaisir, en tant qu’informaticien à la retraite et ex-technologue professionnel, de vous présenter ce copier-coller de ce que j’ai lu et beaucoup apprécié dans le Journal. Je vous donne un petit truc pour faciliter la navigation dans ce diaporama: vous cliquez sur un lien de l’index de la diapositive no 4, pour atteindre, par exemple, la diapositive no 38; pour revenir à l’index de la diapositive no 4, tapez le chiffre « 4 » sur le clavier numérique, puis sur « entrée » . J’espère que, tout comme moi, vous aimerez ce retour dans le passé, dans notre histoire collective, grâce à la Fondation Lionel-Groulx et VLB éditeur, une Société de Québecor Média. Ne manquez surtout pas d’en faire profiter vos proches. Richard Dufour 14 février 2014 2
DIX JOURNÉES QUI ONT FAIT LE QUÉBEC L’ouvrage Dix journées qui ont fait le Québec raconte les quatre siècles de notre histoire collective en 10 étapes marquantes. Chaque dimanche, du 1 er décembre 2013 jusqu’au 3 février 2014, le Journal de Québec et le Journal de Montréal ont présenté ces 10 dates cruciales qui continuent de définir le Québec d’aujourd'hui. Cliquez pour voir la liste des Dix journées qui ont fait le Québec 3
Les dix journées qui ont fait le Québec No de la diapositive et lien * Dates Événements Le 3 juillet 1608. . . La fondation de Québec (Musique du 400 e de Québec). . . 5 Le 17 mai 1642. . . La fondation de Montréal. . . . 11 Le 4 août 1701. . . . La grande paix de Montréal. . . . 17 Le 10 février 1763. . La signature du traité de Paris. . . 22 Le 23 octobre 1837. . . L’Assemblée des Six Comtés. . . . 26 Le 1 er juillet 1867. . L’Acte de l’Amérique du Nord britannique. . . 31 Le 1 er avril 1918. . . L’émeute de Québec contre la conscription. . . 35 Le 18 avril 1940. . . L’adoption du droit de vote des femmes. . . 38 Le 22 juin 1960. . . L’élection de Jean Lesage. . . . 43 Le 30 octobre 1995. . Le deuxième référendum sur la souveraineté. . 48 *Cliquer sur un lien ou ailleurs pour la suite 4
DIX JOURNÉES QUI Le 3 juillet 1608 La fondation de Québec ONT FAIT LE QUÉBEC Publié dans le Journal de Québec en ligne, section VIP, le 1 er décembre 2013 La fondation de Québec Si Samuel de Champlain a pu établir une habitation française à Québec en 1608, c’est que, dès 1603, il avait obtenu à Tadoussac du grand chef montagnais (innu) Anadabijou l’autorisation de le faire. Champlain avait alors fait le serment de prêter main-forte aux Montagnais dans leur guerre contre les Iroquois. Le futur «père de la Nouvelle France» avait fait sa première traversée à bord d’un navire commandé par François Gravé du Pont, autre personnage important: ses activités de traite l’avaient mené jusqu’à Trois Rivières dès 1599, et on estime que c’est à lui que l’on doit le toponyme de Québec. Il restera l’ami fidèle de Champlain. L’arrivée de Champlain à Québec, par G. A. Reid. 5
Dix journées qui ont fait le Québec La fondation de Québec le 3 juillet 1608 (suite) La fondation de Québec La réplique du Don de Dieu, navire de Champlain, construite pour le tricentenaire de Québec en 1908. 6
Dix journées qui ont fait le Québec La fondation de Québec le 3 juillet 1608 (suite) L’entreprise de l’habitation de Québec corres pond à un changement de stratégie des Français, qui s’étaient d’abord établis en Acadie, à l’île Sainte Croix (Maine), puis à Port Royal (Nouvelle Écosse). Les conditions très difficiles de ces implantations éphémères les avaient incités à tourner leurs regards vers la vallée du Saint Laurent et Québec, site que Champlain avait toujours favorisé. Le projet est financé par l’incontournable «premier colonisateur de la Nouvelle France» , Pierre du Gua de Monts, qui avait fait de Champlain son lieutenant. TENTATIVE D’ASSASSINAT Peu après son arrivée à Québec, Champlain échappe de justesse à une tentative d’assassinat qui aurait pu tout changer: des Basques qui s’adonnaient au commerce de la fourrure malgré l’interdiction royale voulaient empê cher à tout prix l’établissement d’un poste de traite à l’ouest que Tadoussac. La tête du chef des comploteurs, Jean Duval, sera mise sur une pique. La page titre du récit du premier voyage de Champlain en Nouvelle France. 7
Dix journées qui ont fait le Québec La fondation de Québec le 3 juillet 1608 (suite) L’astrolabe dit de Champlain, dont la provenance est incertaine, date de 1603 Défaite des Iroquois au lac Champlain, dans Les voyages du sieur de Champlain (1613). Le fondateur de Québec s’est représenté au centre de la bataille. 8
Dix journées qui ont fait le Québec La fondation de Québec le 3 juillet 1608 (suite) Après des débuts prometteurs dans un lieu fertile et poissonneux, le premier hivernement des nouveaux habitants de Québec est catastrophique. La majorité des hommes meurent des «maladies de la terre» , scorbut ou dysenterie. En juin 1609, soit un an après la fondation, il ne reste que 9 des 28 occupants initiaux. L’habitation de Québec se dévelop pera néanmoins, quoique très lente ment: ce ne sera vraiment qu’en 1618 que Champlain deviendra le chef d’une véritable colonie de peuplement dont l’histoire ne faisait que commencer… L’habitation de Québec, gravure de 1613. 9
Dix journées qui ont fait le Québec La fondation de Québec le 3 juillet 1608 (fin) Statue de Samuel de Champlain à Ottawa, par Hamilton Mac. Carthy (1915) Pour en apprendre plus sur la journée du 3 juillet 1608 et sur ses conséquences, lire La fondation de Québec: les Français s’installent en Amérique du Nord, le chapitre que signe l’historien Jacques Lacoursière dans Dix journées qui ont fait le Québec (VLB éditeur). 10
Montréal DIX JOURNÉES QUILa fondation de. Le 17 mai 1642 ONT FAIT LE QUÉBEC Publié dans le Journal de Québec en ligne, section VIP, le 7 décembre 2013 La fondation de Montréal Plan présumé du fort de Ville Marie, attribué à Jean Bourdon (c. 1647). 11
Dix journées qui ont fait le Québec La fondation de Montréal le 17 mai 1642 (suite) Trente-cinq ans après la fondation de Québec, de nombreux regards en France sont tournés vers le Canada, qui n’est plus seulement une terre d’explorateurs, de soldats et d’aventuriers. La lecture enthousiaste des Relations des Jésuites, un grand succès de librairie à Paris, a notamment inspiré ceux qui voyaient dans la colonie nord américaine un terrain propice aux entreprises dévotes, y compris les deux fondateurs de Ville Marie: Jeanne Mance et Paul de Chomedey de Maisonneuve. La mise sur pied du projet est largement le fruit des menées d’une société secrète, la Compagnie du Saint Sacrement, dont la Société Notre Dame de Montréal est une émanation. On peut considérer que le véritable maître d’œuvre de l’établissement est Jeanne Mance, missionnaire de 35 ans. Habile collectrice de fonds, elle peut compter entre autres sur le soutien discret d’une veuve fortunée en la personne de madame de Bullion, qui cofinance la construction de l’Hôtel Dieu. 12
Dix journées qui ont fait le Québec La fondation de Montréal le 17 mai 1642 (suite) Le choix du site a été fait sur une carte, presque arbitrairement. Il s’agit au départ pour les montréa listes de créer une communauté où colons et autoch tones vivraient en bonne entente chrétienne. Maison neuve prend donc le commandement d’un projet quelque peu utopique. . UNE VILLE AU BORD DU GOUFFRE La rencontre du rêve dévot et de la réalité du pays est un choc brutal. Dès l’été 1643, les colons se trouvent plongés dans une guerre amérindienne dont ils ne sont pas l’enjeu principal: les Agniers, l’une des grandes nations iroquoises, tentent à l’époque d’imposer leur férule sur toute la région continen tale. Le sort de sa ville ne tient qu’à un fil quand Maisonneuve parvient à lever une nouvelle recrue en France, grâce aux fonds libérés par Jeanne Mance. Il rentre à Ville Marie en 1653 avec une centaine d’hommes, quelques filles à marier et un nouveau personnage qui va marquer l’histoire de la ville: Marguerite Bourgeoys. Portrait de Jeanne Mance 13
Dix journées qui ont fait le Québec La fondation de Montréal le 17 mai 1642 (suite) Grâce à sa situation finalement avantageuse, car ouverte sur l’intérieur du continent, Montréal deviendra bientôt la première ville commerçante nord américaine. L’attention de la cité mystique se sera vite tournée vers d’autres préoccupations… Paul de Chomedey de Maisonneuve (1882). Son portrait, comme celui de Jeanne Mance, est le fruit de l’imagination des artistes. La page frontispice du Grand voyage du pays des Hurons (1632), de Gabriel Sagard. 14
Dix journées qui ont fait le Québec La fondation de Montréal le 17 mai 1642 (suite) Déjeuner au lever du soleil, par Alfred Jacob Miller (1867). 15
Dix journées qui ont fait le Québec La Fondation de Montréal La fondation de Montréal le 17 mai 1642 (fin) BIBLIOTHÈQUE ET ARCHIVES CANADA Guerrier iroquois (c. 1795). Pour en apprendre plus sur la journée du 17 mai 1642 et sur ses conséquences, lire « La fondation de Montréal : une histoire de femmes et de coureurs des bois » , le chapitre que signe l’écrivain et dramaturge Jean-Claude Germain dans Dix journées qui ont fait le Québec, sous la direction de Pierre Graveline (VLB éditeur). 16
DIX JOURNÉES QUI Le 4 août 1701 ONT FAIT LE QUÉBEC La grande paix de Montréal Publié dans le Journal de Montréal le 14 décembre 2013 La Grande Paix de Montréal Après plus d’un siècle de guerres indiennes, Montréal fut, en 1701, le haut lieu de la conclusion d’un traité de paix crucial. Les signataires étaient, d’un côté, les Français et l’ensemble des nations du grand réseau d’alliance huron-outaouais et, de l’autre, la Ligue iroquoise des Cinq Nations. L’alliance de la France avec les Montagnais, qui datait de 1603, lui avait fait intégrer le plus grand réseau de commerce et de diplomatie d’Amérique du Nord. Le système de propriété seigneuriale des Français, relativement peu contraignant, et l’aspect missionnaire de leur entreprise coloniale qui impli quait que les prêtres vivent dans les com mu nautés et apprennent les différentes langues, expli quent, entre autres, la pérennité de cette coali tion. Fourneau de pipe attribué à une nation de la région des Grands Lacs (c. 1760). Ceinture de wampum (18 e ou 19 e siècle). 17
Dix journées qui ont fait le Québec La Grande Paix de Montréal le 4 La août 1701 Paix (suite) Grande de Montréal Si les Anglais avaient cultivé de longue date un rapprochement stratégique avec la Ligue iroquoise, leur attitude était plus ambiguë. La Chaîne du Covenant, réseau d’alliances où l’Iroquoisie tenait la première place, avait ceci de contraignant qu’elle leur barrait la route des Grands Lacs, les Iroquois tenant à y maintenir un rôle d’intermédiaire commercial. Les Anglais ne voulaient pas voir les Iroquois défaits, mais seulement affaiblis: la guerre les arrangeait, en somme. ENTERRER LA HACHE DE GUERRE Quant aux Iroquois, après des décennies d’affron tements sanglants, ils ne pouvaient plus prétendre diriger un empire continental indigène. Ils cher chaient plutôt à maintenir l’équilibre de la riva lité franco anglaise. De leur côté, les nations parte naires des Français redoutaient de voir Onontio ( «le père» , nom que l’on donnait au gouverneur fran çais) conclure une paix séparée avec l’Iroquoisie, qui aurait été pour eux une catastrophe. Le fruit était mûr pour un traité paix. La région des Grands Lacs. Détail de la Carte de la Louisiane ou des voyages du Sr. De La Salle, par Franquelin (1684). 18
Dix journées qui ont fait le Québec La Grande Paix de Montréal le 4 La août 1701 Paix (suite) Grande de Montréal À l’été 1701, la jeune ville accueillit donc les 1300 ambassadeurs de 40 nations amérindiennes établies sur l’immense territoire qui s’étendait depuis l’Acadie jusqu’aux Prairies et du bassin de la baie James jusqu’au Missouri. La cérémonie protocolaire du 4 août fut empreinte de solennité. Elle emprunta largement aux traditions diplomati ques amérindiennes: la hache de guerre fut jetée au plus profond de la terre, on échangea les wampum de perles, on fuma le calumet cérémoniel et l’Ar bre de Paix fut érigé sur une grande montagne pour que ses racines s’étendent sur le vaste continent. Sauvage iroquois, par Grasset de Saint Sauveur (1795). Pipe de cérémonie de style iroquois. Coiffe attribuée à une nation iroquoise (c. 1890). 19
Dix journées qui ont fait le Québec La Grande Paix de Montréal le 4 La août 1701 Paix (suite) Grande de Montréal Une page du Codex canadensis de Louis Nicolas (c. 1700). Une page du traité de la Grande Paix de Montréal. Les nations signataires sont représentées par des pictogram mes. 20
Dix journées qui ont fait le Québec La Grande Paix de Montréal le 4 La août 1701 Paix (fin) Grande de Montréal Algonquine et Algonquin (c. 1750). Pour en apprendre plus sur la journée du 4 août 1701 et sur ses conséquences, lire La Grande Paix de Montréal: les Français et les Amérindiens concluent une alliance décisive et le chapitre que signe l’historien et sociologue Denys Delâge dans Dix journées qui ont fait le Québec, sous la direction de Pierre Graveline (VLB éditeur). 21
DIX JOURNÉES QUI Le 10 février 1763 ONT FAIT LE QUÉBEC La signature du traité de Paris Par le traité de Paris, les royaumes de France, d’Espagne et de Grande-Bretagne mettaient fin à une guerre de Sept Ans. Les Anglais sortaient grands vainqueurs de ce conflit d’ampleur mondiale. Mais, en sacrifiant entre autres la Nouvelle -France, les Français étaient convaincus d’avoir tiré leur épingle du jeu… La situation en Amérique du Nord était on ne peut plus mal engagée. En septembre 1760, lors de la capitulation de Montréal, le gouverneur Vaudreuil avait cédé le Canada et toutes ses dépendances aux Britanniques commandés par Jeffrey Amherst. En fait, le traité de Paris venait parachever la Conquête. Publié dans le Journal de Québec en ligne, section VIP, le 21 décembre 2013 César Gabriel de Choiseul, duc de Praslin, signataire du traité de Paris. Étienne François de Choiseul, duc de Stainville, négociateur des Français. 22
Dix journées qui ont fait le Québec La signature du traité de Paris le. La 10 signature février du 1763 (suite) traité de Paris Ce matin du 10 février 1763, César Gabriel de Choiseul observe à Fontainebleau le duc de Bedford parapher le fameux document. Choiseul a sans doute hâte de rencontrer Voltaire, qui lui écrivait, quelques mois plus tôt: «Je suis comme le public, j’aime mieux la paix que le Canada et je crois que la France peut être heureuse sans Québec. » Cette guerre a coûté trop cher à la France, il était temps de sauver les meubles. UNE CESSION CALCULÉE Gabriel Choiseul et son cousin Étienne, principal négociateur du traité, étaient parvenus à convaincre Louis XV de préférer le sucre des Antilles et le poisson au large de Terre Neuve à la fourrure du Canada. Choiseul n’a qu’un regret: celui de ne pas avoir en face de lui William Pitt, le grand vainqueur de la guerre. Tous deux se posent d’ailleurs la même question: que feront les Treize colonies américaines des Anglais sans une menace française à leurs frontières? En quittant la salle, Choiseul glisse à ses conseillers: «Nous les tenons!» Sceaux et signatures du traité de Paris. 23
Dix journées qui ont fait le Québec La signature du traité de Paris le 10 février 1763 (suite) La stratégie n’était pas sans mérite, en effet: la France était parvenue à maintenir son statut de puissance maritime, et, 20 ans après la signature du traité, la guerre d’indépendance américaine se solderait comme on sait. En attendant, tant pis pour 150 ans d’héroïsme, tant pis pour la présence de la France en Amérique, et tant pis pour ses alliés indiens – qu’ils aillent aux Anglais! Quant au pauvre marquis de Montcalm… que Dieu ait son âme! William Johnson (c. 1715 1774) a su tirer profit du blocus atlantique pour semer le doute chez les Indiens alliés des Français. Il est, avec William Pitt, l’un des grands responsables de la victoire des Britanniques. Situé sur le lac Ontario, Oswego commande la route qui mène à Albany. Le fort cède devant Montcalm à l’été 1756. On frappe une médaille en l’honneur de cette victoire et on représente l’endroit avec une démesure évidente. La joie des Français sera de courte durée. 24
Dix journées qui ont fait le Québec La signature du traité de Paris le 10 février 1763 (fin) Le gouverneur Pierre de Rigaud de Vaudreuil, par Donatien Nonotte (c. 1755). Vaudreuil signa les Articles de capitulation de Montréal le 8 septembre 1760. Carte de la Nouvelle France par Jean Baptiste Franquelin (1708, détail). Pour en apprendre plus sur la journée du 10 février 1763 et sur ses conséquences, lire «Le traité de Paris: “la France peut être heureuse sans Québec”» , le chapitre que signe l’historien Denis Vaugeois dans Dix journées qui ont fait le Québec (VLB éditeur), sous la direction de Pierre Graveline, directeur de la Fondation Lionel Groulx. 25
DIX JOURNÉES QUI Le 23 octobre 1837 ONT FAIT LE QUÉBEC L’Assemblée des Six Comtés Publié dans le Journal de Québec en ligne, section VIP, le 28 décembre 2013 L’Assemblée des Six Comtés La démocratie québécoise, née en 1791, compte parmi les plus anciennes du monde. Elle ne fut pourtant jamais vraiment . acquise, et les députés du Bas-Canada durent toujours ruser pour assurer le droit de leur peuple de se gouverner lui-même. En la matière, la figure de Louis Joseph Papineau est incon tournable. Dès 1815, année où il prend les rênes du futur Parti patriote, et jusqu’en 1837, il orchestre une véritable guérilla parle mentaire qui aura recours aux pétitions, au boycottage et même à la grève parlementaire. En 1834, pressé par les membres les plus radicaux de son parti, Papineau s’engage sur la voie d’un affrontement frontal. Les 92 Résolutions qu’il fait déposer à la Chambre d’assemblée égrènent un chapelet de récriminations largement répandues dans la population: gaspillage des fonds publics, accès aux terres de la Couronne, octroi des charges publiques, etc. Mais surtout, elles exigent la généralisation du principe électif. La une de La Minerve, journal montréalais favorable au parti de Papineau. 26
Dix journées qui ont fait le Québec L’Assemblée des Six Comtés le 23 octobre 1837 (suite) Dès lors, des assemblées publiques se multiplient dans tout le Bas Canada, qui permettent de compléter la pétition monumentale qui sera envoyée à Londres. L’Angleterre, hésitante, mettra trois ans à répondre, et L’Assemblée des Six Comtés pour cause: en avril 1837, les dix Résolutions Russell mettent le feu aux poudres, opposant une fin de non recevoir aux griefs patriotiques et autorisant même l’exécutif à se saisir des subsides sans l’accord de la Chambre d’assemblée, retirant ainsi aux députés patriotes leur seul véritable pouvoir constitutionnel. LE POINT DE NON-RETOUR La tension est à son comble le lundi 23 octobre, quand Saint Charles sur Richelieu accueille les délégations des comtés de Richelieu, Saint Hyacinthe, Rouville, Chambly, Verchères et l’Acadie. Les conditions sont loin d’être idéales: durant deux jours de débats en plein air, les 5000 participants doivent tendre l’oreille pour entendre les orateurs. Les comptes rendus sont donc peu fiables, mais on sait que Papineau, encore partisan d’une voie modérée, s’abstient de donner le signal du soulè Papineau s’adressant à une foule, par Charles Jefferys (c. 1912). 27
Dix journées qui ont fait le Québec L’Assemblée des Six Comtés le 23 octobre 1837 (suite) vement. Wolfred Nelson, dont le discours suit celui de son chef, n’est pas du même avis: «Eh bien moi, je diverge d’opinion avec M. Papineau et je crois que le temps est venu de fondre nos plats d’étain L’Assemblée des Six Comtés pour en faire des balles!» . Après les discours, on vote par acclamation 13 résolutions qui dénoncent le gouvernement et appellent le peuple à prendre sa destinée en main. Le lendemain, on annonce la tenue d’une assemblée constituante. On l’oublie souvent, mais au même moment les loyaux se rassemblent aussi par milliers au marché Sainte Anne de Montréal. La Constitutional Association, sous la présidence de Peter Mc. Gill et la vice présidence de John Molson, dénonce les patriotes et appelle de toute urgence l’armée à rétablir l’ordre dans la province. Les dés sont jetés, et la rébellion qui suivra sera surtout prétexte à une terrible répression qui explique en partie un siècle de cléricalisme et de démission des élites au Québec. . . Portrait du D r Wolfred Nelson, par Théophile Hamel. 28
Dix journées qui ont fait le Québec L’Assemblée des Six Comtés le 23 octobre 1837 (suite) L’Assemblée des Six Comtés Pendaison de cinq patriotes devant la prison du Pied du Courant. Dessin d’Henri Julien. Le vieux de ‘ 37, illustration d’Henri Julien pour « Le vieux Patriote » , poème de Louis Fréchette (c. 1880). Cette version date de 1904. 29
Dix journées qui ont fait le Québec L’Assemblée des Six Comtés le 23 octobre 1837 (fin) L’Assemblée des Six Comtés Pour en apprendre plus sur la journée du 23 octobre 1837 et sur ses conséquences, lire «L’Assemblée des Six Comtés: du Parti patriote à la rébellion» , le chapitre que signe l’historien Gilles Laporte dans Dix journées qui ont fait le Québec (VLB éditeur), sous la direction de Pierre Graveline, directeur de la Fondation Lionel Groulx. 30
DIX JOURNÉES QUI Le 1 er juillet 1867 ONT FAIT LE QUÉBEC L’Acte de l’Amérique du Nord britannique Publié dans le Journal de Québec en ligne, section VIP, le 5 janvier 2014 L’Acte de l’Amérique du Nord britannique La fédération canadienne est née de la confrontation des visions du nouveau pays projeté. Le pacte constitutionnel qui en est émergé a été élaboré par les représentants politiques des colonies elles-mêmes, alors que les constitutions antérieures leur avaient été imposées par la métropole britannique. 1. 2. 3. John A. Macdonald, qui sera le premier «Premier ministre du Canada» . Annotations et dessins de Macdonald sur une page du rapport de la Conférence de 3 Québec. George Étienne Cartier fut l’allié politique de Macdonald jusqu’à sa mort, en 1873. 1 2 31
Dix journées qui ont fait le Québec L’Acte de l’Amérique du Nord britannique le 1 er juillet 1867 (suite) En 1840, le parlement L’Acte de l’Amérique du Nord britannique de Westminster avait ainsi adopté l’Acte d’Union, qui avait eu pour effet d’unir le Haut Canada et le Bas Canada en une seule entité politique et juridique. Cette loi visait d’abord à mettre fin au problème de la dualité culturelle des colonies britanniques en Amérique du Nord en suscitant l’assimilation de l’un des deux 4 peuples: les Canadiens français. 5 4. Conférence de Québec, en 1864, pour établir les bases d’une union des provinces de l’Amérique du Nord britannique. Rex Woods (1965), d’après Robert Harris (1885). En fait, le tableau met en scène les participants de plusieurs conférences. 5. La première pierre du parlement canadien à Ottawa fut posée en 1860, et la construction s’acheva en 1876. Photographie de William Jamea Topley. 32
Dix journées qui ont fait le Québec L’Acte de l’Amérique du Nord britannique le 1 er juillet 1867 (suite) On comptait sur le fait que les représentants du Canada Ouest s’uniraient avec leurs compatriotes culturels et linguistiques du Canada Est, ce qui ferait des francophones une minorité permanente au Parlement uni. On espérait que cette minorité en viendrait naturellement à se fondre dans une société anglophone. Mais c’était méconnaître le passé de ce peuple, sous estimer sa détermination à exister. Dans la pratique, l’union législative des deux Canadas dut être adaptée pour reconnaître l’identité distincte des francophones. Les pères de la fédération (car le Canada n’est tout simplement pas une confédération) retiendront cette leçon pour déterminer les matières qui devraient être confiées au parlement central, et celles qui demeureraient sous la juridiction des provinces: le partage des compétences législatives instauré par la Loi constitutionnelle de 1867 prend donc en quelque sorte sa source dans le régime de 1840. L’EXIGENCE DU QUÉBEC : UNE VRAIE FÉDÉRATION Le 1 er juillet 1867 marque l’entrée en vigueur du texte juridique fondateur de l’État canadien. Trois colonies britanniques d’Amérique du Nord ont alors décidé de s’unir sous une forme fédérative de gouvernement: le Canada Uni, le Nouveau Brunswick et la Nouvelle Écosse. D’autres les rejoindraient bientôt. Durant les nombreuses conférences qui ont ouvert la voie à l’Acte de l’Amérique du Nord britannique, la principale considération des leaders politiques du Québec était le renforcement du principe fédératif, garantie constitutionnelle de la survie et de l’épanouissement des Québécois, et condition sine qua non de leur adhésion à une nationalité politique commune. 33
Dix journées qui ont fait le Québec L’Acte de l’Amérique du Nord britannique le 1 er juillet 1867 (fin) Dans le contexte colonial de l’époque, on peut estimer que les espoirs des Canadiens français étaient largement fondés: il leur était permis de croire que le Canada assurerait la pérennité de la collectivité nationale et offrirait les instruments politiques et juridiques nécessaires à la maîtrise de leur destin dans un ensemble étatique plus large. Près de 150 ans plus tard, force est de constater que ces espoirs ont été en bonne partie déçus. L’État canadien d’aujourd’hui est une fédération mononationale qui, sur le plan juridique, nie la dimension nationale du Québec. Pour en apprendre plus sur la journée du 1 er juillet 1867 et sur ses conséquences, lire «L’Acte de l’Amérique du Nord britannique» , le chapitre que signe Eugénie Brouillet, doyenne de la Faculté de droit de l’Université Laval, dans Dix journées qui ont fait le Québec (VLB éditeur), sous la direction de Pierre Graveline, directeur de la Fondation Lionel Groulx. 34
L’émeute de Québec contre la conscription DIX JOURNÉES QUI Le 1 er avril 1918 ONT FAIT LE QUÉBEC L’émeute de Québec contre la conscription Publié dans le Journal de Québec le 12 janvier 2014 Présentée après coup comme un symbole de la résistance nationale des Québécois à leur assujettissement au reste du Canada, la crise de la conscription s’enracine dans un héritage historique et politique plus complexe. En effet, qu’il s’agisse du gouvernement Borden ou de ses opposants libéraux et nationalistes, les politiques d’alors prônent tous l’obéissance à l’ordre établi. La réaction contre ce front commun des élites peut donc aussi être vue comme la manifestation d’une volonté d’affirmation popu laire, encore désorganisée, mais annonciatrice de modernité. Rappel des faits: Alors que la Grande Guerre continue de s’enli ser, le gouvernement conservateur de Robert Laird Borden annonce, en mai 1917, sa décision d’imposer finalement le service militaire obliga toire pour compenser les lourdes pertes subies par le corps expéditionnaire en Europe. La loi adoptée le 29 août a pour objectif de faire passer à 500 000 le nombre de soldats canadiens: c’est une très lourde ponction dans une population totale de 8 millions d’habitants. Depuis, la tension n’a cessé de grimper au Québec, province dont l’économie largement agraire est particulièrement touchée par le manque d’hommes. Dans un contexte où les Canadiens français se sentent, à juste titre, considérés comme des citoyens de second ordre, l’opinion publique se mobilise contre la conscription. 35
Dix journées qui ont fait le Québec L’émeute de Québec contre la conscription L`émeute de Québec contre la conscription le 1 er avril 1918 (suite) JOURS DE COLÈRE Au soir du 28 mars 1918, l`arrestation sommaire dans la capitale d’un présumé réfractaire met le feu aux poudres. La population locale en a contre les «spotters» , ces policiers qui touchent une prime de 10 dollars pour chaque récalcitrant remis aux forces armées. Québec s’embrase. Cinq jours durant, les émeutes se succèdent pour finalement tourner au bain de sang. Le 1 er avril, lundi de Pâques, la troupe tire sur la foule. Bilan: quatre morts, des dizaines de blessés et des arrestations par centaines. Au lendemain des émeutes, Borden main tient la pression sur le Québec, non seule ment pour écraser la résistance à la conscription, mais aussi pour prévenir le risque d’une contagion révolutionnaire dans ces années politiquement agitées. À cette fin, Ottawa rend notamment illégales toutes les associations jugées subversives, qu’il s’agisse d’organisations syndicales ou politiques. L’hostilité contre la conscription ne fléchit pas, mais les esprits semblent s’apaiser, car, les mesures d’exemption faisant leur œuvre, une proportion relativement faible de conscrits se retrouve finalement au front avant la fin des hostilités. 36
Dix journées qui ont fait le Québec L’émeute de Québec contre la conscription L`émeute de Québec contre la conscription le 1 er avril 1918 (fin) Présentée après coup comme un symbole de la résistance nationale des Québécois à leur assujettissement au reste du Canada, la crise de la conscription s’enracine dans un héritage historique et politique plus complexe. Pour en apprendre plus sur la journée du 1 er avril 1918 et son contexte, lire «Émeute à Québec contre la conscription: résistance politique ou culturelle? » , le chapitre que signe l’historienne Béatrice Richard dans Dix journées qui ont fait le Québec (VLB éditeur), sous la direction de Pierre Graveline, directeur de la Fondation Lionel Groulx. 37
L’adoption du droit de vote des femmes DIX JOURNÉES QUI Le 18 avril 1940 ONT FAIT LE QUÉBEC Publié dans le Journal de Québec en ligne, section VIP, le 19 janvier 2014 L’adoption du droit de vote des femmes Ce fut un grand jour pour la démocratie québécoise. Le projet de loi qui visait à accorder le droit de vote et d’éligibilité au provincial à la moitié de la population avait enfin été adopté par l’Assemblée législative… Depuis près d’un demi siècle, les organisations féministes du Québec revendiquaient pour les femmes le statut de citoyennes à part entière. Année après année, les projets de loi avaient été rejetés, donnant lieu en chambre et dans la presse à force déclarations misogynes. Le clergé et les élites conservatrices s’opposaient avec acharnement au suffrage des femmes, invoquant le salut de la famille tradi tionnelle, pilier de la société canadienne française. L’heure de pointe sur la place d’Armes (1943). 38
Dix journées qui ont fait le Québec L’adoption du droit de vote des femmes le 18 avril 1940 (suite) Mais le XXe siècle avait changé la donne. Le Québec comptait de moins en moins de mères de familles nombreuses et de plus en plus de citadines; de moins en moins de fermières et de plus en plus de femmes éduquées et salariées. Le premier ministre Adélard Godbout, ancien du gouvernement antisuffragiste de Louis Alexandre Taschereau, l’avait finalement reconnu: «Les circonstances ont changé chez nous comme dans le monde entier… Les conditions dans lesquelles nous vivons font de la femme l’égale de l’homme. » Il était temps. UNE ÉTAPE SUR UNE LONGUE ROUTE Marie Lacoste Gérin Lajoie En 1940, le droit de vote au fédéral était acquis à toutes les Canadiennes depuis 1918, et le Québec était la dernière province à n’avoir pas réglé l’affaire au provincial, accusant 15 ans de retard sur Terre Neuve. On imagine difficilement l’opiniâtreté dont fait preuve celles qu’on appelait encore les suffragettes: les Marie Lacoste Gérin Lajoie, Idola Saint Jean, Marie Thérèse Casgrain, entre autres. En plus de l’opposition traditionaliste, elles ont dû faire face aux critiques de ceux qui voyaient dans l’émancipation des femmes un péril économique. De fait, les salaires des travailleuses étaient moitié moindres que ceux des hommes, et exerçaient une pression à la baisse sur ces derniers. Marie Thérèse Casgrain en 1937 39
Dix journées qui ont fait le Québec L’adoption du droit de vote des femmes le 18 avril 1940 (suite) La victoire du 18 juillet est un fait d’armes majeur dans une lutte qui était loin d’être achevée. D’ailleurs, la Loi électorale du Québec de 1940 reflétait toujours la soumission des femmes: les épouses et les veuves étaient inscrites sur les listes électorales sous les «nom et prénom du mari joints au mot “Madame” lequel [tenait] lieu de l’indication de profession ou métier» ! (art. 3) Maurice Duplessis, qui avait déclaré au moment de l’adoption de la loi: «J’ai toujours été contre le suffrage féminin, et je le suis encore» , s’assurera lorsqu’il redeviendra premier ministre que l’incapacité juridique des femmes mariées soit maintenue. Il faudra se battre encore 25 ans pour obtenir la pleine égalité en droit. Quant à l’éligibilité des Québécoises, elle restera une façade jusqu’à ce que les mœurs des partis commencent enfin à évoluer. Caricature de presse de Marie Lacoste Gérin Lajoie. 40
Dix journées qui ont fait le Québec L’adoption du droit de vote des femmes le 18 avril 1940 (suite) Marie Claire Kirkland Casgrain, première députée du Québec, première députée québécoise, élue dans une élection partielle en 1961 à la suite du décès de son père. Carte de membre de la Fédération nationale Saint Jean Baptiste. La première association féministe du Québec fut fondée en 1907 par Joséphine Marchand Dandurand, Caroline Dessaulles Béique, Marie Lacoste Gérin Lajoie et Marguerite Thibaudeau. 41
Dix journées qui ont fait le Québec L’adoption du droit de vote des femmes le 18 avril 1940 (fin) Travailleuses d’une ferme laitière près de Chicoutimi (c. 1930). Pour en apprendre plus sur la journée du 18 avril 1940 et son contexte, lire «L’adoption du droit de vote des femmes: le résultat d’un long combat» , le chapitre que signe Marie Lavigne dans Dix journées qui ont fait le Québec (VLB éditeur), sous la direction de Pierre Graveline, directeur de la Fondation Lionel Groulx. 42
DIX JOURNÉES QUI Le 22 juin 1960 ONT FAIT LE QUÉBEC L’élection de Jean Lesage Publié dans le Journal de Québec en ligne, section VIP, le 25 janvier 2014 L’élection de Jean Lesage Le soir de la victoire, le chef libéral s’est écrié: «C’est plus qu’un changement de gouvernement, c’est un changement de la vie!» De fait, son élection marque le début de la Révolution tranquille, un événement qui occupe une place centrale dans notre mémoire collective. Dans son programme de 1960, plutôt que de faire une liste de promesses clientélistes, le Parti libéral a voulu dégager une vision cohérente et globale du Québec. Ce qui frappe d’abord, c’est la place accordée à l’État providence et à l’autonomie. L’Union nationale n’a plus l’exclusivité du nationalisme, et l’ «équipe du tonnerre» , avec des personnages marquants comme René Léves que, Paul Gérin Lajoie ou l’ancien chef Georges Émile Lapalme, a le vent dans les voiles. René Lévesque, Jean Lesage et Paul Gérin Lajoie, le 12 novembre 1962. Lesage vient d’être réélu premier ministre. 43
Dix journées qui ont fait le Québec L’élection de Jean Lesage le 22 juin 1960 (suite) Dans son programme de 1960, plutôt que de faire une liste de promesses clientélistes, le Parti libéral a voulu dégager une vision cohérente et globale du Québec. Ce qui frappe d’abord, c’est la place accordée à l’État providence et à l’autonomie. L’Union nationale n’a plus l’exclusivité du nationalisme, et l’ «équipe du tonnerre» , avec des personnages marquants comme René Léves que, Paul Gérin Lajoie ou l’ancien chef Georges Émile Lapalme, a le vent dans les voiles. Il faut dire que le parti de Maurice Duplessis a subi de rudes épreuves: le fondateur avait rendu son dernier souffle en septembre 1959 et, en janvier 1960, ce fut au tour de son successeur, Paul Sauvé, de s’éteindre subitement. Le nouveau chef, Antonio Barrette, doit composer avec un appareil de parti usé par le pouvoir. Son équipe compte certes Daniel Johnson et Jean Jacques Bertrand, mais ces étoiles montantes sont marquées par le régime. L’odeur de la corruption a probablement freiné l’arrivée d’une nouvelle garde de nationalistes conservateurs. On peut penser à Jean Drapeau, héros de la lutte anticorruption, qui avait été maire de Montréal pour la première fois de 1954 à 1957 avant d’être battu par la machine unioniste. Affiche de la campagne de juin 1960. 44
Dix journées qui ont fait le Québec L’élection de Jean Lesage le 22 juin 1960 (suite) LA CAMPAGNE Mais rien n’est joué: au déclenchement des élections, personne n’ose prédire les résultats et aucun sondage d’opinion n’est là pour briser le suspense. La campagne est finalement assez traditionnelle. Le slogan libéral est «C’est l’temps qu’ça change» et l’Union nationale a choisi «Vers les sommets» , que les rouges ont vite raillé: «Vers les sommets de corruption, de chômage, d’inaction!» . Les unionistes jouent la continuité. On suggère aussi qu’en votant bleu on fait confiance à un homme plus qu’à un programme ou à une équipe. Barret te multiplie les grandes assemblées aux quatre coins du Québec. Il n’a en revanche aucune expérience de la télévision. Lesage, que ses adversaires accusent d’être hautain, mise quant à lui sur la proximité avec les électeurs; on dit qu’il fait une campagne à l’américaine. Le slogan électrisant du Parti libéral du Québec en 1962 45
Dix journées qui ont fait le Québec L’élection de Jean Lesage le 22 juin 1960 (suite) Les unionistes constatent vite qu’ils ont du mal à se présenter comme les seuls défenseurs du Québec. Les publicités présentant Lesage comme un ancien ministre fédéral opposé à l’autonomie fiscale de la province tombent à plat. Il faut dire que le gouvernement Barrette s’entend plutôt bien avec les conservateurs au pouvoir à Ottawa… Alors, on agite l’épouvantail de l’ «infiltration gauchiste» et on présente le Parti libéral comme résolument hostile aux valeurs religieuses… Mais la population est dubitative. Score final: 51, 3 % des votes et 51 députés pour les libéraux, contre 46, 6 % des suffrages et 43 élus pour les unionistes. Paul Sauvé et Antonio Barrette, ministre du Travail dans le cabinet Duplessis, vers 1955. 46
Dix journées qui ont fait le Québec L’élection de Jean Lesage le 22 juin 1960 (fin) Avec le recul, ce qui semble irrésistible dans la campagne libérale de 1960, c’est son énergie, l’espoir qu’elle suscite. Pour les Lesa ge, Lapalme et Léves que, il ne fallait pas seulement durer, mais vivre; pas seulement survivre, mais prendre sa place. Ce n’était peut être pas un «changement de la vie» , mais cette nouvelle attitude face à l’action collective allait transformer le Québec. Pour en apprendre plus sur la journée du 22 juin 1960 et son contexte, lire L’élection de Jean Lesage: "Un change ment de la vie ? ", le chapitre que signe l’historien Éric Bédard dans Dix journées qui ont fait le Québec (VLB édi teur), sous la direction de Pierre Graveline, directeur de la Fondation Lionel Groulx. Ouverture officielle des travaux de construction de l’Exposition universelle de 1967 sur l’île Ronde à Montréal (1963). 47
DIX JOURNÉES QUI ONT FAIT LE QUÉBEC Le 30 octobre 1995 Le 2 e référendum sur la souveraineté Publié dans le Journal de Québec en ligne, section VIP, le 2 février 2014 Le deuxième référendum sur la souveraineté En 1988, quand Jacques Parizeau devient chef du Parti québécois, il en incarne la tendance indépendantiste la plus résolue. La formule est connue: pour lui, le PQ sera souverainiste avant, pendant et après les élections. Les événements sont vite venus aider sa cause. L’invalidation de dispositions fondamentales de la loi 101 ravive le sentiment nationaliste au Québec et amène le premier ministre Robert Bourassa à recourir à la «clause nonobstant» de la Charte canadienne des droits et libertés. La mesure suscite au Canada anglais une réaction qui sera l’une des causes de l’échec de l’accord constitutionnel du lac Meech, en juin 1990. D’un référendum à l’autre… La campagne électorale 1976 dans le comté de Sainte Marie. 48
Dix journées qui ont fait le Québec Le 2 e référendum sur la souveraineté Le deuxième référendum sur la souveraineté le 30 octobre 1995 (suite) C’est dans ces circonstances qu’émerge l’indispensable deuxième homme de la bataille référendaire: indigné par la dilution de Meech, Lucien Bouchard a démissionné en mai 1990 du gouvernement conservateur de Brian Mulroney. Celui qui dirigera un an plus tard le Bloc québécois incarne la dignité blessée des Québécois et rallie nombre de ceux qui avaient espéré une restauration du principe des deux peuples fondateurs. Mario Dumont, quant à lui, engagera un temps la Commission jeunesse du PLQ sur le chemin du souverainisme. Durant la campagne référendaire, il attirera les fédéralistes déçus qui verront dans la souveraineté une position de repli raisonnable. MONTÉE Les deux chefs de la campagne du OUI Élu premier ministre en septembre 1994, Jacques Parizeau lance méthodiquement la machine référen daire. Il semble bien isolé. Son vice premier ministre, Bernard Landry, s’inquiétera même publiquement de la déroute appréhendée du camp souverainiste. Mais l’entente du 12 juin 1995 entre le PQ, le Bloc québécois Jean et Aline Chrétien et l’ADQ permet de rassembler les différentes sensibi le soir du référendum lités du nationalisme et les campagnes complémentaires des trois leaders gagneront en puissance jusqu’au jour fatidique. 49
Dix journées qui ont fait le Québec Le 2 e référendum sur la souveraineté Le deuxième référendum sur la souveraineté le 30 octobre 1995 (suite) En face, le NON est mené en théorie par le chef de l’opposition libérale à Québec, Daniel Johnson, mais ce dernier est très vite éclipsé par le premier ministre ca nadien, Jean Chrétien. Le Cana da ne veut pas se laisser démembrer et il le montre au fil de la campagne, no tamment quand l’establishment fédéraliste finance une grande marche procanadienne dans les rues de Mon tréal. LE JOUR J Le matin du vote, Parizeau et Bouchard se lèvent en pensant qu’ils vont gagner. Les deux chefs ont vu les sondages de la veille, qui accordent 53 % au camp du OUI. C’est énorme. Les Québécois semblent en passe de faire l’indépendance dans un beau calme démocratique. Les électeurs se sont mobilisés comme jamais, avec 94 % de participation. En soirée, les chiffres tombent, d’est en ouest. Ceux des Îles de la Madeleine sont bons. À la télévision, le camp du OUI a un moment d’enthousiasme. La vague semble bien partie: partout, les francophones votent comme on l’espérait… Sauf à Québec, où une partie de la population exprime son rejet des élites en votant pour le NON. On commence à s’inquiéter. Un pays divisé? Le 24 juin 1996, des jeunes qui ont participé à Montréal au défilé de la fête nationale sont rassemblés devant le Stade olympique alors que le fleurdelisé se déchire. 50
Dix journées qui ont fait le Québec Le 2 e référendum sur la souveraineté Le deuxième référendum sur la souveraineté le 30 octobre 1995 (suite) Finalement, la vague s’effondre à Montréal. Les votes anglophone et allo phone s’enregistrent dans une unanimité terrible. L’exercice est raté pour les souverainistes. On connaît le score: 49, 4 % pour le OUI, 50, 6 % pour le NON. À peu près 50 000 votes séparent les deux camps. La défaite vient anéantir d’un coup les immenses efforts de mobilisation et de préparation de l’État québécois. LE DISCOURS Quand il monte à la tribune, Jacques Parizeau veut dire sa vérité et il la dit comme il la voit: le OUI a été battu par «l’argent et des votes ethniques» . Il assène encore: «Les trois cin quièmes de ce que nous sommes ont voté OUI. » Mais il y a les choses dites et la manière de les dire. Ce discours, qui représentait l’accueil officiel des résultats réfé rendaires par les souverainistes, provoquera une crise de conscience chez les souverainistes, qui croiront devoir transformer en profondeur leur définition de la nation pour s’excuser des propos de leur chef. Lisette Lapointe et Jacques Parizeau 51
Dix journées qui ont fait le Québec Le 2 e référendum sur la souveraineté Le deuxième référendum sur la souveraineté le 30 octobre 1995(fin) Le love in fédéraliste du 27 octobre 1995, à Montréal. Pour en apprendre plus sur la journée du 30 octobre 1995 et son contexte, lire « Le référendum sur la souveraineté : il était une fois l’indépendance » , le chapitre que signe Mathieu Bock-Côté dans Dix journées qui ont fait le Québec (VLB éditeur), sous la direction de Pierre Graveline, directeur de la Fondation Lionel Groulx. 52
C’était «Dix journées qui ont fait le Québec» . Mes sincères remerciements aux auteur(e)s de l’ouvrage ainsi qu’aux médias qui l’ont fait connaître. Richard Dufour dufric@videotron. ca
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