Day Crations rflexives 2016 New York le 13

  • Slides: 11
Download presentation
Day Créations réflexives 2016

Day Créations réflexives 2016

New York, le 13 mars 1964 L’assassinat de Kitty Genovese

New York, le 13 mars 1964 L’assassinat de Kitty Genovese

En 1964, 636 meurtres ont été commis à New York. Celui de Catherine Susan

En 1964, 636 meurtres ont été commis à New York. Celui de Catherine Susan Genovese, connue sous le nom de Kitty, aurait pu s’inscrire dans la rubrique des «faits divers» et être complètement oublié après un demi-siècle. Or ce n’est pas le cas. L’assassinat de la jeune femme de 28 ans, gérante d’un bar, a fait l’objet de documentaires, de plusieurs centaines d’articles et d’études, et a même inspiré des émissions comme «Law and Order» et «Girls» . Les circonstances de sa mort ont donné lieu à une chanson, une comédie musicale et plusieurs nouvelles. Encore en avril et juin 2016, le Washington Post et le New York Times publiaient trois articles sur cette tragique affaire – l’une des plus célèbres dans les annales criminelles américaines. La plupart de ceux et celles qui ont fait des études de psychologie, de sociologie, de criminologie ou de droit – du moins aux États-Unis et au Canada – ont entendu parler de Kitty Genovese. Les étudiants en droit de l’Université d’Ottawa, dont faisait partie l’auteur de ce diaporama, avaient été informés des circonstances outrancières de cette affaire lors de leur premier cours de droit criminel, en 1971. William, le jeune frère de Kitty, a raconté que lorsqu’il avait joint les Marines, en 1966, immédiatement après l’appel de son nom son supérieur lui avait demandé si Kitty était sa sœur. C’est dire à quel point l’affaire avait profondément troublé les esprits. En lui-même, le crime était sordide. Winston Moseley, un Noir de 29 ans marié deux fois et père de trois enfants, était dans son véhicule depuis 90 minutes à la recherche d’une victime lorsqu’il aperçut Kitty qui revenait chez elle. Dans une première attaque, il la poignarda dans le dos. Elle réussit néanmoins à s’enfuir dans la cour de son logement et à crier à l’aide. Il revint à son auto pour la déplacer un peu plus loin puis retourna dans la cour où gisait sa victime. Il la viola, la poignarda de nouveau plusieurs fois et la vola. Il déclara être revenu dans la cour pour finir ce qu’il avait commencé. En tout, le crime avait duré une trentaine de minutes. Kitty Genovese succomba quelques heures plus tard alors que Moseley était tranquillement retourné à son emploi d’opérateur de machinerie. Pourquoi ce crime a-t-il si profondément et durablement marqué et choqué les esprits? Pour une seule raison : les témoins présents seraient demeurés impassibles et se seraient limités à être de simples spectateurs.

La scène du crime Le chiffre 1 indique l’endroit où Kitty Genovese fut attaquée

La scène du crime Le chiffre 1 indique l’endroit où Kitty Genovese fut attaquée pour la seconde fois. La première attaque avait eu lieu de l’autre côté de l’immeuble. Le chiffre 2 indique la porte d’entrée de l’immeuble où la victime habitait.

C’est un chiffre publié deux semaines après le crime qui a conféré à cette

C’est un chiffre publié deux semaines après le crime qui a conféré à cette affaire son caractère unique et exceptionnel : 38 Le lendemain du crime, le New York Times avait consacré un bref entrefilet sur ce qui s’était passé la nuit précédente, à 3 h 15, dans le quartier Queens. Mais le 27 mars 1964, à la une du quotidien, le journaliste Martin Gansberg publiait un article intitulé « 37 Who Saw Murder Didn’t Call the Police» [37 témoins du meurtre n’ont pas appelé la police]. Le texte commençait ainsi : «Pendant plus d’une demiheure, 37 citoyens respectables et respectueux des lois dans le quartier Queens ont regardé un assassin traqué et poignardé une femme victime de trois différentes attaques à Kew Gardens dans le quartier Queens. » Puis le chiffre fut augmenté à 38. L’affaire prit une dimension vraiment nationale deux semaines plus tard, à la suite d’un texte du journaliste Loudon Wainwright, du magazine Life, intitulé «The Dying Girl That No One Helped» [La jeune femme agonisante que personne n’a secourue].

Le premier ouvrage consacré à l’affaire Genovese ne tarda pas à paraître quelques mois

Le premier ouvrage consacré à l’affaire Genovese ne tarda pas à paraître quelques mois plus tard. Intitulé «Trente-huit témoins» , son auteur, A. M. Rosenthal était l’éditeur en chef new yorkais du Times. Sur la page couverture, on pouvait lire : «Ses voisins silencieux regardaient pendant qu’une jeune femme était poignardée à mort pendant 35 minutes au cours de trois attaques distinctes. » Comment ne pas voir dans le contexte de ce crime l’indifférence en milieu urbain, une forme de désintégration de la société américaine moderne, la perte d’un sentiment de responsabilité débouchant sur l’inaction? L’affaire dérangeait au plan moral et suscitait nombre de questionnements sur lesquels se penchèrent rapidement intellectuels et universitaires. Toujours, le point de départ de la réflexion s’articulait autour d’un chiffre effarant : 38. Comment 38 honnêtes citoyens avaient-il pu pendant une demiheure regarder une jeune femme se faire assassiner sans lui porter secours, sans même appeler la police?

Personne n’a jamais su vraiment, à commencer par les premiers concernés – les gens

Personne n’a jamais su vraiment, à commencer par les premiers concernés – les gens du quartier eux-mêmes – d’où provenait ce chiffre de 38 citoyens insensibles et irresponsables. Mais comme le chiffre avait été cité par des journalistes respectés dans deux grandes publications réputées – The New York Times et le magazine Life, personne n’a songé à le contester au départ et il est demeuré ancré dans les esprits et les souvenirs. Depuis, les recherches ont révélé que s’il y avait bel et bien eu des témoins de ce crime, leur nombre n’atteignait pas 38. Interrogé avant sa mort, A. M. Rosenthal a fini par reconnaître qu’il ne pouvait pas jurer qu’il y avait réellement eu 38 témoins. Il a dit que ce chiffre lui avait été fourni par le chef de police Michael J. Murphy. En 2004, Charles Skoller, l’ancien assistant du procureur du district Queens, a émis l’avis qu’il n’y avait pas 38 témoins. Selon lui, il n’y aurait eu que six témoins. Il a aussi été démontré qu’il y avait eu deux attaques séparées et non trois et que les témoins présents n’avaient pas vu l’intégralité de l’agression, celle-ci étant survenue à deux endroits différents. Certains ont entendu des cris, mais ils ont pensé qu’il s’agissait d’une querelle de couple ou d’une chicane d’ivrognes. Contrairement à ce qui avait été affirmé, deux personnes ont téléphoné à la police. Et malgré le danger, et sans savoir ce qui se passait réellement, une dame de 70 ans – Sophia Farrar – s’est rendue auprès de la victime et l’a tenue dans ses bras jusqu’à l’arrivée de la police. Pourtant, son geste courageux n’a jamais été rapporté par les médias.

L’affaire Kitty Genovese a refait surface dans les médias américains en mars 2016, lorsqu’on

L’affaire Kitty Genovese a refait surface dans les médias américains en mars 2016, lorsqu’on a appris que son assassin – Winston Moseley – venait de mourir à l’âge de 81 ans dans la prison à sécurité maximale de Dannemora, dans l’État de New York. Il n’avait jamais bénéficié d’une libération conditionnelle et était considéré comme un des détenus ayant purgé la plus longue peine dans le système carcéral (sa peine de mort avait été commuée en emprisonnement à perpétuité en 1968). Au moment de prononcer la sentence, le juge l’avait qualifié de «monstre» et avait ajouté qu’il n’hésiterait pas à activer lui-même le commutateur de la chaise électrique. La foule avait applaudi. Au moment de son crime, Moseley ne possédait pas de casier judiciaire. On apprit par la suite qu’il traînait néanmoins un lourd passé méconnu de délinquance, dont des vols, du voyeurisme, ainsi que le viol et le meurtre de deux autres femmes. En 1968, au cours d’une évasion, il avait pendant trois jours terrorisé la population de Buffalo, commettant des invasions de domicile, des prises d’otages et des viols.

Dans son sillage, le meurtre de Kitty Genovese a causé bien des victimes collatérales.

Dans son sillage, le meurtre de Kitty Genovese a causé bien des victimes collatérales. William, le frère de Kitty, a raconté que la mère de Kitty ne s’était jamais remise de la mort de sa fille aînée. Jusqu’à son décès en 1992, ses enfants lui dissimulaient tous les articles qui étaient publiés sur les circonstances du crime. Quant à William, au lieu de poursuivre ses études collégiales, il s’engagea dans l’armée, partit combattre au Viêt Nam et y perdit les deux jambes. Aujourd’hui, il déplore que l’image de sa sœur en soit seulement une de victime et qu’on ait oublié la grande sœur aimée, la jeune femme farceuse, la gérante de bar active. Quant aux citoyens qui habitaient le quartier à l’époque, ils ont dû pendant des années traîner l’image de gens insensibles et irresponsables. Malgré l’inexactitude du chiffre 38, ce tragique événement a eu quelques retombées positives. Il a amené, en sociologie et en psychologie, une réflexion sur le comportement humain et sur l’absence de cohésion sociale dans les grands milieux urbains où l’anonymat prévaut et où le chacun pour soi est la règle. Autre élément digne de mention : cette affaire a été à l’origine de l’implantation graduelle du système d’urgence 911. Dernière leçon à retenir, et non la moindre : ce n’est pas parce qu’un événement est rapporté dans les médias, même ceux bénéficiant d’une bonne réputation, que tout ce qui est écrit ou dit est rigoureusement exact. En cette époque où tant d’information de toute sorte circule quotidiennement sur Internet et les réseaux sociaux, faire preuve de moins de naïveté et de plus de discernement pourrait être un judicieux enseignement à retenir du «syndrome Kitty Genovese» . R. Day

Sources documentaires ▪ Stephanie Merry, «Her shocking murder became the stuff of legend. But

Sources documentaires ▪ Stephanie Merry, «Her shocking murder became the stuff of legend. But everyone got the story wrong» , site Web du Washington Post , 29 juin 2016. ▪ David W. Dunlap, « 1964 – How many witnessed the murder of Kitty Genovese? » , site Web du New York Times , 6 avril 2016. ▪ Martin Well, «Winston Moseley, convicted in Kitty Genovese murder, dies at 81» , site Web du Washington Post , 5 avril 2016. Illustrations Photographies prises sur les sites Web du Washington Post et du New York Times et sur d’autres sites du Web. Conception R. Day Octobre 2016 Mes diaporamas sont hébergés sur le site : http: //www. imagileonation. com