Le Pouvoir le Politique seize sicles pour retrouver

Le Pouvoir, le Politique : seize siècles pour retrouver Aristote. . . et s'en débarrasser (IVe s. avant-XIIIe s. après) Guy Lobrichon (Université d’Avignon)

Plan I. Le projet d’Aristote II. De l’Antiquité au Moyen ge : l’héritage de deux notions majeures III. Le déverrouillage du IXe siècle IV. Le repentir ? Une main tendue à Aristote (XIIe-XIIIe siècles) V. Le « Politique » au XIIIe siècle ou comment digérer Aristote

Trois régimes 3 régimes justes : la monarchie (le pouvoir est exercé par une personne), l’aristocratie (le gouvernement est aux mains d’une élite qui se donne pour but le bien commun), la démocratie (le gouvernement exercé par le peuple, directement, sans élection et représentation civique, nous dirions nationale). 3 régimes injustes : la tyrannie (la personne au gouvernement ne pense plus qu’à son intérêt), l’oligarchie (quand les dirigeants sont mauvais),

De l’Antiquité au Moyen ge : l’héritage de deux notions Un couple lexical : potestas, auctoritas Du monde romain antique à la réception chrétienne Lc 20, 25: « rendez à César ce qui est à César » Mt 6, 24: « Nul ne peut servir deux maîtres » Rm 13, 1 -3: « Il n’y a de pouvoir que de Dieu et celui qui s’oppose au pouvoir s’oppose à l’ordre voulu de Dieu » (non enim est potestas nisi a Deo; et qui potestati resistit, Dei ordinationi resistit).

Lettre de Gélase Ier, évêque de Rome, à l’empereur Anastase (494) « Il y a deux choses, empereur auguste, par lesquelles ce monde est régi au titre du principat, l’auctoritas consacrée des pontifes et la potestas royale » (Duo sunt quibus principaliter hic regitur mundus, auctoritas videlicet sacrata pontificum et regalis potestas).

L’évolution du couple auctoritas-potestas dans le haut Moyen ge La faute d’Adam et Eve a jeté l’humanité dans la fragilité, dans l’abîme du péché ; la rédemption apportée par le Christ exige des hommes qu’ils redressent la tête et se placent dans une vision de salut. Cette vision, c’est l’Église qui l’enseigne, par ses évêques et par leurs assistants, au premier rang desquels sont les rois. Tous doivent travailler à restaurer le monde. Comment ? En guidant les hommes, par l’exercice de l’amour et de la miséricorde, par la défiance envers des pouvoirs trop terrestres, enfin par l’annonce eschatologique de la fin des temps et du retour annoncé du Christ.

Le déverrouillage du IXe siècle Au couple auctoritas/potestas on a ajouté un élément essentiel, le ministerium. L’exercice du pouvoir implique un contrat réciproque ( « consensuel » ) d’assistance et de conseil, garanti par le fief, c’est-à-dire par un bien foncier ou par une dignité, symbolisé par un objet physique et garanti dans la durée par l’hérédité, une transmission au sein d’une lignée familiale. Des indices d’une pensée de l’État

Le repentir ? Une main tendue à Aristote (XIIe-XIIIe siècles) Charité Alexandre II (1061 -1073) : « la charité n’a pas une valeur moindre que la potestas » (non minor fuit charitas quam potestas : PL 146, 1417 B). Loi Raison Plénitude du pouvoir

Le « Politique » au XIIIe siècle ou comment digérer Aristote, mangé à la sauce chrétienne • La triade autorité – pouvoir - souveraineté : le noeud pouvoir public – juridiction – relation vassalique – office • Puissance et Majesté • Le gouvernement des cités • Le Peuple

Les trois régimes, d’Aristote à Thomas d’Aquin Régime juste Régime injuste Aristote monarchie aristocratie démocratie (politeia) Thomas d’Aquin royauté aristocratie république (politeia) tyrannie oligarchie anarchie tyrannie oligarchie démocratie