Vivre avec un cancer Benjamin LAVIGNE 20me Journe
Vivre avec un cancer Benjamin LAVIGNE 20ème Journée de Cancérologie CHENIEUX
Introduction � « Vivre avec un cancer » � Difficile question ! � Difficiles réponses ! � Quel est le parcours de la personne atteinte d’un cancer ? � De l’annonce à la guérison, en passant par la rechute, le retour à la maison… � Phrases de patients vus en consultation. � Ou phrases de proches…
« J’ai un cancer » � « Coup de tonnerre dans un ciel serein » . � Annonce du diagnostic : moment clé. � Bien connu dans le monde médical ; enseignement et recherches abondantes. � Mais quelles attentes du patient ? ◦ ◦ ◦ ◦ (Catan, Ethique&Santé, 2004) Une connaissance mutuelle médecin/patient préalable ; Prise en considération des proches par le médecin ; Respect du désir d’information du patient ; Médecin empathique et disponible ; Annonce progressive et claire ; Présence des proches (si souhaitée) ; Absence de mensonge.
« Qu’est ce que j’ai fait ? » � Sentiment de culpabilité… � Très lié à la société dans laquelle on vit… � Des limites de la prévention, lorsqu’on passe au soin…parce que ça n’est pas si simple !
« Pourquoi moi ? » � Culture du corps jeune et en bonne santé. � Deuil du fantasme d’immortalité. � Transition de rôle, pas évidente à gérer. � Une solution : en vouloir…mais à qui ? ◦ ◦ A soi ? A sa famille, au médecin : irritabilité, colère. A Dieu. Aux autres, à la société.
« Je ne veux pas me faire soigner » � Entendre : « J’ai peur » . � Peur de quoi ? ◦ ◦ ◦ De mourir. D’abandonner les autres. De dépendre des autres. De souffrir. D’être seul. De ne pas guérir. � Laisser le temps…même si le corps médical le regarde avec effroi… � Parler, entendre. � Respecter…mais difficile pour le soignant!
« Je ne veux pas me faire soigner » � Quelle image du cancer ? � « Cancer = ? » ◦ Chimiothérapie ◦ Mort ◦ Douleur � Vision (Enquête EPAC, 2000) négative des traitements médicaux. � Vision négative de la médecine en général (vaccins, MEDIATOR©, laboratoires, etc. ) � Donc rejet des solutions proposées.
« Je ne veux pas me faire soigner » � L’œil du psychiatre : la phrase la plus courante pour masquer une souffrance psychique. � Recher un syndrome dépressif. � Recher des idées suicidaires. � Recher des symptômes psychiatriques en général. � Il n’y en a pas toujours ! Mais il y en a parfois…
« Comment le dire à mon entourage ? » � Comment l’annoncer à mon époux/se ? À mes parents ? À mes enfants ? À mon employeur ? � Pourquoi ne pas le travailler et en discuter en entretien avec le médecin ? � Que doivent savoir chacune de ces personnes ? � Qui sera la personne la plus proche ? La « personne de confiance » ? � Adapter en fonction de l’âge. Ne pas aller plus loin qu’on ne le sente. � Le secret est source d’angoisse : « et si on le découvrait ? »
« J’ai mal » � La douleur : le plus insoutenable ? � Vécue comme la présence du crabe. � « Plus elle est forte, plus le cancer est fort. » � Difficile à traiter, du fait de la composante psychologique importante. � Responsabilité des traitements ? � Quelle douleur est acceptable ? � Une douleur est-elle acceptable ?
« Mon corps est devenu laid » �Chute des cheveux, amaigrissement, plaies, mastectomie, stomies, amputations… �Image du corps dégradée. �Liens avec l’estime de soi. (Dany, Psycho-onco, 2009) �Redonner sens au corps : aborder les sujets des perruques, des foulards, de pansements, de prothèses. �Réapprendre à prendre plaisir avec son corps.
« Mon corps est devenu laid » � « Comment porter un jean taille basse avec une stomie ? » �En profiter pour faire des choses « folles » : cheveux très courts ou très longs. �Deuil du corps passé ; réinvestissement du corps actuel. �Ne pas simplifier ou minimiser : « tout le monde le fait! » . �Mais accompagner l’évolution, être présent.
« Et ma sexualité ? » � Baisse de la libido initiale, mais pas forcément chronique. � Peur de montrer le corps laid (sans sein, avec des cicatrices, avec les côtes saillantes, ou grossi sous corticoïdes, troubles de l’érection ou de l’éjaculation) (Colson, Progrès en Uro, 2012)
« Et ma sexualité ? » � Confiance dans le conjoint. � Réapprentissage du corps nu. � Chez la femme : inquiétude du corps non désirable. ◦ Travail sur le corps, sur la mise en valeur, sur l’acceptation. � Chez l’homme : inquiétude du corps non performant. ◦ Travail sur l’orgasme, les différents types, le corps de l’autre, et les moyens complémentaires.
« Et ma sexualité ? » � En parler au médecin. � Des traitements ? � En parler aux autres patients, aux associations. � Des trucs, des astuces. � Toutes les positions ne seront peut être plus possibles, mais d’autres si… � Retrouver une vie de couple. � Retrouver le plaisir.
« Je vois plus mon médecin que mon mari » � L’hôpital devient la maison. � Des liens se créent. � Telle infirmière devient confidente ; telle autre n’est pas aimée ; tel petit externe est mignon ; tel médecin est insupportable. � L’hôpital comme refuge. � Mais l’hôpital n’est pas la vie ! � Investir les permissions, les sorties.
« Je suis maltraité à l’hôpital » � L’hôpital devient la maison…de l’horreur. � Equipes débordées, pas à l’écoute, voire désagréables. � Douleur non entendue, pas le temps pour parler des inquiétudes. � L’hôpital peut être malade aussi… � En parler au médecin ; ce peut être temporaire ; ce peut être une incompréhension. � Ou aller voir ailleurs…
« Je suis angoissé » � Troubles du sommeil avant les consultations, sites internet toute la journée, tremblements, inquiétudes permanentes… � Très fréquent ; probablement même normal ? � Mais envahissant dans la vie quotidienne ? � Continuum entre normal et pathologique ; à quel moment l’angoisse n’est plus adaptée ? � A quel moment consulter ? � Faire confiance aux professionnels. Donc former les professionnels à la séméiologie psychiatrique…
« Je suis malade mental ? » � « Et si vous alliez voir un psychologue ? » � « Ça y est, je deviens dingue! » � Le psychologue est spécialiste de la souffrance psychique. � Cancer, douleurs, anxiété et tristesse sont étroitement liés. � Améliorer l’un sans l’autre est difficile. Notion de prise en soins globale de l’être. � Trouver un espace de parole à distance de la famille et du médecin.
« Je suis malade mental ? » � « Et si vous alliez voir un psychiatre ? » � « Ça y est, cette fois, c’est sûr, je deviens dingue! » � Quand l’angoisse devient trouble anxieux, quand la tristesse devient dépression… � Le psychiatre est un spécialiste des troubles mentaux. Il apporte son expertise dans le soin au patient dans sa globalité, avec l’oncologue et le reste de l’équipe. � Un autre espace de parole à part…
« J’ai le droit à une coupe de champagne ? » � Hédonie. . . � Impact (Leknes, Nature, 2008) du plaisir sur la santé. � Mieux vaut un plaisir ponctuel qu’un déplaisir permanent. � Traitements, contre-indications, ne doivent pas empêcher de vivre. � Oui à la coupe de champagne, oui au petit morceau de foie gras, et oui à l’huitre. � MAIS…avec modération… � Le plaisir ne doit pas être l’excuse pour l’irresponsabilité.
« Je suis triste » � Le cancer amène à des réflexions sombres : ◦ Je vais peut être mourir. ◦ Je vais peut être abandonner des êtres chers. ◦ Je vais peut être devenir inutile socialement. � Comment ne pas être triste ? ! � Réaction adaptée et normale… � …qui doit trouver écho auprès des professionnels !
« Je suis très triste » � Syndrome dépressif : tristesse…mais pas que! � Décompensation dépressive dans les suites de l’annonce d’une maladie grave. � MALADIE dépressive, qui nécessite des soins. � Médicament ? Pas sur une dépression légère, mais oui sur les autres. � Psychothérapie : l’occasion justement. � Thérapie interpersonnelle ; transition de rôle.
« Je suis faible ? »
« Je suis faible » � On n’a jamais autant étudié le cerveau. � On n’en jamais autant su sur le cerveau. � On n’a jamais autant su qu’on ne savait rien sur le cerveau. � L’annonce d’une maladie grave impacte le fonctionnement cérébral. � En fonction de son vécu, de ses traumatismes passés, de ses cicatrices cérébrales/psychiques. � Certains réagissent par une dépression, d’autres non. � Personne ne le décide. Pas question de faiblesse ! � Seule nécessité : ne pas le laisser de côté!
« Mon traitement ne marche pas » � On avait fini par accorder toute confiance à son médecin. � On y croyait, on a tout fait bien ; on a même refusé la coupe de champagne. � Effondrement ; la médecine ne marche pas. � Limites du soin ; pas forcément efficace au premier coup. � Individualités très fortes. � Reprendre espoir après un premier échec. Y croire de nouveau… très difficile.
« Mon traitement ne marche pas » � Cercle vicieux : ◦ « ça ne marche pas ; ça ne marchera jamais ; je déprime ; l’organisme déprime ; les traitements sont moins efficaces ; ça ne marche pas… » . � Nécessité de rompre le cercle vicieux. � Importance de l’entourage, familial et social. � Importance de l’entourage médical. � Importance de l’hédonie justement ! On a envie de se battre si la vie qu’on mène est agréable… � Il faut donc la rendre agréable pour donner l’envie de se battre !
« Mon mari a un cancer » � Le boulot d’aidant. � Ne pas sous-estimer sa propre souffrance. � Ne pas croire que parce que l’autre est le « vrai » malade, on n’a pas le droit de craquer. � Vertu des groupes de parole. � Se préserver un espace de communication également. � Pourquoi pas aller voir un « psy » aussi ?
« Mon mari a un cancer » � Trouver sa place : � Être présent aux consultations ? Aux examens ? Aux entretiens ? Aux hospitalisations ? � Si l’autre le veut…mais si on le veut aussi. � Accepter de ne pas pouvoir tout porter. � Être à l’écoute. Savoir entendre. Sans forcément répondre. Parce qu’on ne peut pas toujours répondre ! � Ne pas minimiser : « ça va aller ! » � Confier ses limites.
« Ma fille a un cancer » � La maladie de l’enfant ; le plus insoutenable ? � Quand un enfant nait, on ne remplace pas des angoisses existantes par les nouvelles ; on les rajoute au stock existant! � La mort de l’enfant n’est pas naturelle dans la société. � Inacceptable ! Donc irrecevable ? � Pourtant, il faut avancer! Car l’enfant a besoin de ses parents pour le soutenir au cours de l’épreuve à venir ; notion de « tuteur de résilience » . (Paradis, Presse médicale, 2008)
« Mon père a un cancer » � Inversion des rôles : je deviens le parent de mon parent. � Quels bénéfices ? � Résurgence de conflits anciens et cachés, lorsqu’on devient « dominant » dans la relation. � Difficultés à l’accepter pour le parent « initial » . � La « bonne distance » de Winicott. Jusqu’où aller ? ◦ Il n’est peut être pas utile d’assister à l’examen de prostate de son père…
« Je suis guéri ? » � « Vous êtes en rémission. » � Qu’est ce que ça veut dire ? ◦ Un peu guéri ? ◦ Pas tout à fait ? ◦ Ça peut revenir ? � Là encore, confronté aux limites de la médecine…pour le patient comme pour le médecin ! � Possible deuil symbolique : deuil du statut de malade. � Transition de rôle…pas toujours simple.
« J’ai peur de retomber… » � Rémission = épée de Damoclès… � Chaque consultation est source d’angoisse. � « La première grippe ressemble à l’état dans lequel j’étais… » � Et la vie peut devenir insupportable. � « Et si… » � Là encore, deuil de l’immortalité, puisqu’on a été confronté à la mort.
L’après-cancer chez les adolescents � Adolescents entre 14 et 25 ans, guéris d’une leucémie : � 10% y pensent tous les jours. � 30% a peur de la rechute. � 90% disent avoir une vie agréable. � 70% disent qu’ils auraient pu mourir. � 85% disent que la maladie a été le moment le plus important de leur vie. � 75% disent qu’elle a modifié des choses au sein de leur famille. (Vauvre, Archives de pédiatrie, 2005)
« J’ai eu un cancer » � Vécu loin de la maladie… � Il faut reprendre ses repères, sans chimio hebdomadaire, sans consultation quotidienne. � Parfois avoir réfléchi à la mort bouleverse les idées, les priorités… � Et se reconfronter à la vie « de tous les jours » n’est pas forcément évident. � Parfois, le malade était protégé par la famille pendant la maladie ; on lui a caché les difficultés financières, les problèmes de santé de l’aîné, la mort de l’oncle…et on lui dit tout quand ça va mieux!
« J’ai eu un cancer » � Premier ◦ ◦ ◦ retour au travail : « Comme tu as maigri ! » « Tu as l’air en forme ! » « Si ça ne va pas, n’hésite pas ! » « Il y a le dossier 432 à revoir, n’oublie pas ! » « Pendant ton congé, on t’a remplacé ! » � La vie a continué pendant qu’on souffrait. � On peut nous avoir idéalisé / méprisé / oublié… � Et il faut reprendre. � Là encore et toujours, le rôle de l’entourage social, familial, et éventuellement psychologique.
Conclusion � « Comment � En vivre avec un cancer ? » vivant… � Mot-clé : PLAISIR ! � Comment vivre du plaisir en ayant un cancer ? � Difficile…mais les conséquences neurobiologiques sur l’organisme sont réelles! � Pas une injonction au plaisir (ce serait assez maladroit…) ; mais une recherche à deux (voir à plusieurs). � Encourager la prise de plaisir au maximum !
Conclusion � Mot-clé : COMMUNICATION et VERITE ! � L’objectif du corps médical est de permettre une vie la plus « normale » possible, non pas « malgré » la maladie (quelle qu’elle soit d’ailleurs), mais « avec » la maladie. � Ses ressentis, ses émotions, ses doutes, ses inquiétudes, ses colères…. � Parler de tout avec son médecin ; parler de tout avec son patient. � Ne pas rester seul…
Merci de votre attention « Il faut ajouter de la vie aux jours lorsqu’on ne peut pas ajouter de jours à la vie. » Jean BERNARD
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