Un trouble linterface entre diffrents champs disciplinaires handicap
Un trouble à l’interface entre différents champs disciplinaires (handicap, santé et formation) : La dyscalculie – Une approche didactique Florence Peteers Directrice de thèse : Cécile Ouvrier-Buffet Co-encadrant : Fabien Emprin
Sommaire 1 - Contexte et problématique 2 - Quelques éléments théoriques 3 - Analyse des tests 4 - Conception d’un dispositif de repérage 5 - Conclusion et perspectives 2
Sommaire 1 - Contexte et problématique • Contexte : différents termes et différentes approches • Problématique : hypothèses et questions de recherche • Trois types de résultats 2 - Quelques éléments théoriques 3 - Analyse des tests 4 - Conception du dispositif 5 - Conclusion et perspectives 3
Contexte Selon l’étude menée dans le cadre de la Journée Défense et Citoyenneté 2013, 1 jeune français sur 10 est en difficulté dans l’utilisation des mathématiques dans la vie quotidienne. 4
Dyscalculie, innumérisme ou difficultés ? Différentes terminologies privilégiées suivant le contexte : 5
Trouble vs difficultés Difficulté Ecart de performance par rapport à la moyenne d’origine environnementale, socioculturelle, émotionnelle, pédagogique ou encore liée à un handicap sensoriel ou un retard du développement Provisoire et contextuelle Innumérisme VS Trouble Ecart de performance par rapport à la moyenne d’origine biologique, liée à un dysfonctionnement cognitif Résistant et durable Dyscalculie Définitions issues du rapport de l’INSERM (2007) et Giroux (2011) 6
Définition de la dyscalculie • Début du 20ème siècle : étude de patients adultes ayant subi des lésions cérébrales et présentant des troubles du calcul Introduction du terme « acalculie » par Henschen en 1919 • En 1974, Kosc définit la dyscalculie développementale comme « un trouble structurel des habiletés mathématiques dont l’origine est génétique ou liée à un problème congénital affectant les aires cérébrales qui sont le substrat anatomophysiologique direct de la maturation des habiletés mathématiques sans trouble simultané des fonctions mentales plus générales »
Définition de la dyscalculie • Toucheraient de 5 à 10 % des élèves (Szũcs & Goswami, 2013) • Pas de consensus à propos de la définition (Lewis & Fisher, 2016) • Hétérogènes (Fias, Menon & Szũcs, 2013 ; Karagiannakis et al. , 2016) et affectent plusieurs aspects des compétences mathématiques (Kaufmann et al. , 2013). 8
Définition de la dyscalculie Notre définition de la dyscalculie : « trouble neurodéveloppemental caractérisé par des difficultés persistantes dans les apprentissages en mathématiques, en l’absence de déficit intellectuel et en dépit d’une pédagogie adaptée » Définition inspirée de Lewis et Fisher (2016) 9
Diagnostic • Le diagnostic de dyscalculie se base sur des critères comportementaux et non sur des facteurs biologiques (Giroux, 2011; Lewis & Fisher, 2016). • Critères définis par le DSM-5 et la CIM-10 10
Définition du DSM-5 A. Difficultés à apprendre et à utiliser des compétences scolaires ou universitaires, comme en témoigne la présence d’au moins un des symptômes suivants ayant persisté pendant au moins 6 mois, malgré la mise en place de mesures ciblant ces difficultés. 5. Difficultés à maîtriser le sens des nombres, les données chiffrées ou le calcul (p. ex. a une compréhension médiocre des nombres, de leur ordre de grandeur et de leurs relations ; compte sur ses doigts pour additionner des nombres à un seul chiffre au lieu de se souvenir des tables d’addition comme le font ses camarades ; se perd au milieu des calculs arithmétiques et peut être amené à changer de méthode). 6. Difficultés avec le raisonnement mathématique (p. ex. a de grandes difficultés à appliquer des concepts, des données ou des méthodes mathématiques pour résoudre les problèmes)
B. Les compétences scolaires ou universitaires perturbées sont nettement audessous du niveau escompté pour l’âge chronologique du sujet, et ce de manière quantifiable. Cela interfère de façon significative avec les performances scolaires, universitaires ou professionnelles, ou avec les activités de la vie courante, comme le confirment des tests de niveau standardisés administrés individuellement ainsi qu’une évaluation clinique complète. Pour les individus âgés de 17 ans et plus, des antécédents avérés de difficultés d’apprentissages perturbantes peuvent se substituer à une évaluation standardisée. C. Les difficultés d’apprentissage débutent au cours de la scolarité mais peuvent ne pas se manifester entièrement tant que les demandes concernant ces compétences scolaires ou universitaires altérées ne dépassent les capacités limitées du sujet (. . . ). D. Les difficultés d’apprentissage ne sont pas mieux expliquées par un handicap intellectuel, des troubles non corrigés de l’acuité visuelle ou auditive, d’autres troubles neurologiques ou mentaux, une adversité psychosociale, un manque de maîtrise de la langue de l’enseignement scolaire ou universitaire ou un enseignement pédagogique inadéquat. (American Psychiatric Association 2015, p. 76)
Source : Pouhet A. & Cerisier-Pouhet M. (2015). Difficultés scolaires ou troubles dys ? . Paris : Retz. p. 15 13
Différentes approches difficultés/troubles Source : Giroux, J. (2011). Pour une différenciation de la dyscalculie et des difficultés d’apprentissage in V. Freiman, A. Roy et L. Theis (éds), Actes du colloque du Groupe de Didactique des Mathématiques du Québec. pp. 148 -158. 14
Hypothèses de travail • Première hypothèse : Il est nécessaire d’interroger les liens entre didactique des mathématiques et cognition numérique pour une meilleure compréhension des apprentissages scolaires en mathématiques. • Deuxième hypothèse : Certaines difficultés (pouvant être considérées comme les manifestations d’une dyscalculie) peuvent être surmontées par un enseignement mieux adapté. • Troisième hypothèse : Dans le cas de difficultés plus résistantes, un dialogue entre enseignant et professionnels médicaux et paramédicaux est nécessaire pour l’encadrement de l’élève en difficulté. 15
Questions de recherche Q 1 : Quels sont les points de convergence et de divergence entre didactique des mathématiques et cognition numérique en ce qui concerne la construction du nombre à l’entrée à l’école élémentaire ? Q 2 : Comment concevoir un dispositif pouvant être utilisé par l’enseignant dans la mise en place de remédiations mais aussi par l’orthophoniste dans le cas de difficultés persistantes ? • Q 2. 1 : Quelles tâches (en termes d’habillage et de variables) sont utilisées dans les tests issus de la didactique des mathématiques et de la cognition numérique pour évaluer les compétences numériques de base ? • Q 2. 2 : Comment les choisir et les combiner pour construire un dispositif pouvant être utilisé par l’enseignant pour orienter une remédiation ET par les professionnels médicaux et paramédicaux en cas d’échec de la remédiation ? 16
Trois types de résultats • Synthèse des apports de la didactique et de la cognition à propos de la construction du nombre • Construction et utilisation d’une grille d’analyse de tests destinés à évaluer les compétences numériques de base à l’entrée à l’école élémentaire • Elaboration et mise à l’épreuve d’un premier dispositif de repérage 17
Méthodologie globale Revues de littérature Identification de critères d’analyse Cognition Didactique Appui théorique Conception du dispositif Analyse des tests Identification de tâches et variables communes 18
Sommaire 1 - Contexte et problématique 2 - Quelques éléments théoriques • Du côté de la cognition numérique • Du côté de la didactique (française) 3 - Analyse des tests 4 - Conception d’un dispositif de repérage 5 - Conclusion et perspectives 19
Objectifs Identifier • les connaissances et compétences censées être acquises ou à acquérir à l’entrée à l’école élémentaire ; • les situations/tâches qui mobilisent ces connaissances et compétences ; • les variables/paramètres de ces situations. En cognition numérique ET en didactique des mathématiques 20
Du côté de la cognition numérique • 1941 : La genèse du nombre chez l’enfant, Piaget Pour accéder au concept de nombre, l’enfant devrait d’abord maîtriser la notion de sériation et de classification. La maîtrise de ces structures logiques nécessaires pour appréhender le concept de nombre serait relativement tardive (vers 6 ans environ). • Entre 1980 et le début du 21ème siècle Les capacités arithmétiques sont divisées en composantes élémentaires, chacune constituant un module de traitement autonome (conception modulaire) 21
Du côté de la cognition numérique • Le modèle du triple code (Dehaene & Cohen, 1995) postule l’existence de trois systèmes de représentation mentale des nombres : - le code auditivo-verbal dans lequel les nombres sont représentés par des ensembles de mots - le code visuel-arabe dans lequel les nombres sont représentés par des chiffres arabes - le code analogique qui donne sens au nombre Représentation innée, présentée sous forme d’une ligne numérique mentale et orientée http: //panamath. org/ 22
Du côté de la cognition numérique • La cognition nous éclaire également sur les processus cognitifs en jeu dans différentes activités mathématiques. Par exemple : Modèle à vagues superposées (Shrager & Siegler, 1998) décrivant l’évolution des stratégies dans la résolution d’additions Dépend de différents paramètres : taille des opérandes, écart, type de contrainte, … 23
Du côté de la didactique Pour construire le concept de nombre, l’enfant doit (Douady, 1986) : • apprendre à utiliser les nombres en tant qu’outils pour résoudre des problèmes, les concepts mathématiques prenant sens à travers leurs usages mémoriser et communiquer une position (aspect ordinal) ou une quantité (aspect cardinal), anticiper le résultat d’une action sans avoir à la réaliser • apprendre à connaître les nombres et leurs propriétés, ce qui va lui permettre de décontextualiser ses connaissances et de les réinvestir dans d’autres situations. Numération écrite, orale, décomposition des nombres, propriétés des opérations 24
Du côté de la didactique Les recherches en didactique ont mis en évidence une série de situations (au sens de Brousseau, 1998) faisant intervenir ces différents aspects du nombre ainsi que les variables de ces situations sur lesquelles il est possible de jouer pour provoquer des changements de stratégies ou complexifier la tâche. Exemple : Construction de collections équipotentes Variables Caractère déplaçable des objets Collections plus ou moins identifiables Nombre d’objets Eloignement des collections Briand, Loubet & Salin (2004) 25
Du côté de la didactique Exemple : situation fondamentale de l’énumération (Briand, 1999 et Margolinas, 2010) Variables Taille de la collection Organisation spatiale Caractère manipulable des objets Conditions matérielles Briand, Loubet & Salin (2004) 26
Bilan de l’état de l’art • Des connaissances et compétences parfois communes, parfois différentes • Des situations/tâches qui ne mettent pas toujours en jeu la même chose • Des variables/paramètres parfois communs, parfois spécifiques Comment les agencer pour l’analyse des tests ? 27
Sommaire 1 - Contexte et problématique 2 - Quelques éléments théoriques 3 - Analyse des tests • Méthodologie d’analyse • Analyse des 11 tests sélectionnés • Analyse comparative 4 - Conception du dispositif 5 - Conclusion et perspectives 28
Création d’une grille d’analyse • Pour analyser tout type de test (issus de la cognition ou de la didactique) • Objectif : permettre d’identifier les connaissances et compétences évaluées dans les tests, les tâches utilisées et les caractéristiques de ces tâches. Critères d’analyse = variables/paramètres identifiés dans les revues de littérature 29
Création d’une grille d’analyse • On distingue 5 types de tâches : - les tâches où le nombre est utilisé pour exprimer une quantité ou une position ; - les tâches de résolution d’opération, où le nombre est utilisé pour anticiper un résultat ; - les tâches portant sur les codes numériques et le transcodage ; - les tâches visant à évaluer la représentation mentale du nombre ; - les opérations logiques. 30
Création d’une grille d’analyse • Pour chaque type de tâche on distingue éventuellement différents sous-types et différents critères (variables/paramètres identifiés dans les revues de littérature) 31
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Tests analysés 35
Exemple : le dénombrement dans le Zareki-R Connaissances/compétences évaluée (en théorie) Dénombrement Tâche utilisée Quantifier une collection (compter le nombre d’éléments de la collection) Variables (fixées) 5 à 18 éléments Disposition aléatoire Objets non manipulables Objets identiques Réponse orale ou écrite Prise en compte de la coordination comptage/pointage, du principe d’ordre stable et de l’énumération 36
Exemple : Construction de collection équipotente dans le Tedi. Math Connaissances/compétences évaluée (en théorie) Dénombrement Tâche utilisée Construction de collection équipotente Variables (fixées) 7 éléments Disposition aléatoire Collection modèle non manipulable Jetons Collections proches 37
Exemple : Transcodage dans le Zareki-R Connaissances/compétences évaluée (en théorie) Transcodage du code oral au code écrit Tâche utilisée Dictée de nombres Variables (fixées) Nombres de 2 à 4 chiffres Présence de nombres avec 0 Une seule dizaine complexe Peu de primitives lexicales Items choisis : 14 – 38 – 1200 – 503 – 169 – 4658 – 756 – 689 38
Analyse comparative • Regroupement des tâches en fonction des cadres théoriques mobilisés dans les tests • Etude et comparaison des variables choisies dans ces tâches 39
Analyse comparative • Regroupement des tâches en fonction des cadres théoriques mobilisés dans les tests • Etude et comparaison des variables choisies dans ces tâches 40
Exemple : Dénombrer pour quantifier Zareki-R WJ Math. Eval Examath Taille coll. 5 à 18 2à 6 9 à 19 Tedi-Math 5 à 12 UDN-II 3 à 21 4 étapes ECPN Maternelle Variable 2à 7 3 à 11 variable, 40 max 53 ERMEL Eval. Num. C 2 Dispo. aléatoire aligné, aléatoire, schème aléatoire Caract. manip. Non Non Nature identique différent Code arrivée O/E O O O Non identique O Oui Oui Identique identique O O O aléatoire Oui Identique O aléatoire Non identique E 41
Exemple : Subitizing et estimation Zareki-R Domaine numérique Variables physiques Ostensif d’arrivée 9 à 80 Non contrôlées O 1à 6 Non contrôlées O Contrôlées O WJ Math. Eval Examath 1à 9 8 à 99 Tedi-Math UDN-II 42
Sommaire 1 - Contexte et problématique 2 - Quelques éléments théoriques 3 - Analyse des tests 4 - Conception du dispositif • Objectifs et méthode de conception • Structure générale • Quelques expérimentations 5 - Conclusion et perspectives 43
Dispositif de repérage de difficultés en mathématique 44
Construction du dispositif de repérage Appui sur les revues de littérature Revues de littérature Analyse des tests Choix de tâches et variables en lien avec les connaissance ou compétences qui ne sont pas évaluées dans les tests ou en l’absence de consensus dans les tests analysés Conception du dispositif Appui sur les tests analysés Choix de tâches couramment présentes dans les tests et variables associées 45
Exemple : quantifier une collection 46
Structure du dispositif de repérage 47
A propos du dispositif de repérage • Support numérique permettant l’affichage des consignes et l’encodage des résultats (performance, stratégies, erreurs) + partie manipulatoire • Différents niveaux de difficulté • Retour indicatif immédiat (code couleur en fonction du taux de réussite) 48
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Premières expérimentations Première validation des tâches et variables choisies : analyse comparative des résultats obtenus par 18 élèves de 7 à 9 ans, classés en 3 catégories : • élèves n’ayant pas de difficultés en mathématiques (selon leur enseignant) • élèves signalés en difficulté par leur enseignant sans être diagnostiqués et/ou suivis par un professionnel médical ou paramédical • élèves diagnostiqués et/ou suivis par un professionnel médical ou paramédical. 50
Premières expérimentations SD = Sans difficulté D = Signalés en difficulté SM = Suivi pour trouble 51
Premières expérimentations • Des tâches peu discriminantes • Des tâches qui posent problème aux élèves en difficulté (suivis ou non) repérer une position, épreuves relatives au système décimal, aux opérations analogiques (de type transformation), aux faits arithmétiques, au calcul réfléchi et aux opérations à énoncé verbal • Des stratégies spécifiques à ces élèves utilisation des doigts, recomptage du tout (pour le surcomptage) • Des tâches qui posent problème aux élèves en difficulté (non suivis) tâches complexes nécessitant une anticipation de la procédure de résolution ainsi que la mémorisation des quantités en jeu • Des tâches qui posent problème aux élèves suivis Les tâches évaluant la maîtrise de la suite numérique, d’organisation des nombres et de transcodages 52
Sommaire 1 - Contexte et problématique 2 - Quelques éléments théoriques 3 - Analyse des tests 4 - Conception du dispositif 5 - Conclusion et perspectives 53
Conclusion et perspectives • Mise au point d’un dispositif de repérage de difficultés en mathématiques tenant compte des spécificités de chaque champ disciplinaire (cognition numérique et didactique) et permettant de renforcer la place et le rôle de chacun (orthophoniste et enseignant) dans l’encadrement des enfants en difficulté d’apprentissage. Quelle évolution ? Nécessité de le normer ? Quel système de cotation ? • Une méthodologie de conception et d’analyse reproductible et flexible Analyse d’autres tests ? Ajout d’autres critères ? D’autres contenus mathématiques ? 54
Conclusion et perspectives • Des apports croisés des recherches en didactique et cognition numérique concernant les connaissances et compétences nécessaires à la construction du nombre Quelles connaissances/compétence à maîtriser ? Existe-t-il un cheminement d’apprentissage unique ou des cheminements différents ne passant pas nécessairement par la maîtrise des mêmes connaissances et compétences ? C’est entre autres pour répondre à ce besoin d’articulation de cadres théoriques qu’a été créée une équipe de Recherche Internationale sur les Troubles d’Enseignement et d’Apprentissage des Mathématiques (RITEAM) -> http: //riteam. ch/fr/ 55
Conclusion et perspectives • Mise en évidence de biais dans l’analyse des tests issus de la cognition numérique utilisés pour diagnostiquer les troubles des apprentissages en mathématiques ainsi que l’hétérogénéité des tâches proposées dans ces tests Quelle validité et portée du diagnostic ? Et encore beaucoup d’autres questions : Quelle remédiation envisager ? Quel impact pour la formation des enseignants et des orthophonistes ? 56
Merci de votre attention 57
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