Runion prpare avec Ccile et Georges Marty 1

Réunion préparée avec Cécile et Georges Marty. 1. Étymologie / Définitions 2. Citations choisies 3. Notions / Concepts / Prises de vues : L’opinion selon Platon, Descartes, Kant et Bachelard. 4. Questions / Discussion : 3 questions, 20 mn environ par question. 5. En guise de conclusion Tentative de synthèse de la saison 2014 -2015

Étymologie et définitions § Étymologie : Opinion vient du latin opinio, de même racine que opinari, opiner, émettre une § Définitions : opinion. Larousse sur internet (extrait) : ü Jugement, avis, sentiment qu'un individu ou un groupe émet sur un sujet, des faits, ce qu'il en pense : Exprimer son opinion au cours du débat. L'opinion des critiques. ü Ensemble des idées d'un groupe social sur les problèmes politiques, économiques, moraux, etc. : L'opinion française. Synonymes : Avis, conviction, impression, jugement, point de vue, sentiment. Dictionnaire de philosophie La philo de A à Z (extrait) : Jugement sans fondement rigoureux, souvent dénoncé dans la mesure où il se donne de façon abusive les apparences d’un savoir.

Citations choisies § Par Cécile : « Nos "opinions", nos "convictions" ne sont que de cruelles nécessités. Notre nature veut que nous pensions quelque chose sur tous les sujets. » de Paul Valéry. § Par Georges : « L'opinion est une croyance qui a conscience d'être insuffisante aussi bien subjectivement qu'objectivement. » d' Emmanuel Kant. § Par Jean-Paul : « L’opinion pense mal ; elle ne pense pas : elle traduit des besoins en connaissances» de Gaston Bachelard

Notions / Concepts / Prises de vues L’opinion selon Platon, Descartes Kant et Bachelard. 1. Platon (428 -347 av J. -C) : § § § Pour Platon, l’opinion (doxa) est opposée au savoir (épistêmê) comme l’illusion à la vérité et l’apparence à la réalité (allégorie de la caverne). Dans La République, il divise l’opinion en deux catégories : ü Eïkasia à base d’images et de comparaisons. ü Pistis constituée de croyances à base de la confiance accordée a priori. Platon utilise l’expression "Opinion droite" pour désigner un état intermédiaire de la pensée entre l’opinion rivée aux apparences et la connaissance. Quels rapports l’opinion entretient-elle avec la connaissance ou la vérité ? 2. Descartes (1596 -1650) : § § Dans Méditations métaphysiques, Descartes écrit : « Il y a déjà quelque temps que je me suis aperçu que, dès mes premières années, j’avais reçu quantité de fausses opinions pour véritables, et que ce que j’ai depuis fondé sur des principes si mal assurés, ne pouvait être que fort douteux et incertain ; de façon qu’il me fallait entreprendre sérieusement une fois en ma vie de me défaire de toutes les opinions que j’avais reçues en ma créance, et commencer tout de nouveau dès les fondements, si je voulais établir quelque chose de ferme et de constant dans les sciences » D’où l’importance du doute a priori chez Descartes qui, sans être sceptique (doute ultime de la vérité de ce qu’on pense), en fait un passage obligé (doute méthodique) de la pensée rationnelle. Si une opinion est une croyance, une affirmation non fondée en raison, n’est-elle pas théoriquement faible ?

Notions / Concepts / Prises de vues (suite) 3. Kant (1724 -1804) : § § Pour Kant « L'opinion est une croyance qui a conscience d'être insuffisante aussi bien subjectivement qu'objectivement. » Ce qui revient à dire que l’opinion est lucide dès lors qu’elle ne se prend pas pour ce qu’elle n’est pas : ü Une opinion dogmatique qui se prend pour un savoir ü Ni une croyance de l’ordre de la foi qu’elle se refuse d’être. Une opinion lucide n’est-elle pas une croyance dont on refuse de se satisfaire ? 4. Bachelard (1884 -1962) : Grand philosophe des sciences et de la poésie G. Bachelard écrit dans un texte célèbre: § « La science, dans son besoin d’achèvement comme dans son principe, s’oppose absolument à l’opinion. [ ]. § L’opinion pense mal ; elle ne pense pas : elle traduit des besoins en connaissances. § En désignant les objets par leur utilité, elle s’interdit de les connaître. [ ] § L’esprit scientifique nous interdit d’avoir une opinion sur des questions que nous ne comprenons pas, sur des questions que nous ne savons pas formuler clairement. § Avant tout, il faut savoir poser des problèmes. Et quoi qu’on en dise, dans la vie scientifique, les problèmes ne se posent pas d’eux-mêmes. [ ] § Rien ne va de soi. Rien n’est donné. Tout est construit. » Insuffisamment raisonnée et construite, l’opinion n’est-elle pas impensée ? Ce qui caractérise l'opinion, n’est-il pas lié à l’incapacité de celui qui la formule à la fonder rationnellement et non à son contenu qui peut avoir une valeur de vérité ?

QUESTIONS 1. De quelle vérité l’opinion est-elle capable ? 2. Opiner est-ce juger ? 3. Sommes-nous libres de nos opinions ?

1. De quelle vérité l’opinion est-elle capable ? Animation Cécile Marty Pour être lucide ne faut-il pas éviter de confondre valeurs et vérité ? Une opinion est-elle une connaissance ?

1. De quelle vérité l’opinion est-elle capable ? 1. Pour être lucide, ne faut-il pas éviter de confondre valeurs et vérité ? § La vérité n'est-elle pas l’objet au moins possible d’une connaissance ? § Que nous la connaissions ou pas, la vérité n'est-elle pas ce qu'elle est, indépendamment de ce que nous voulons ou désirons ? § Connaître la vérité, n’est-ce pas ce qui est objectivement le plus important pour être lucide ? § Toute valeur n'est-elle pas l'objet au moins possible d'un désir ? § Comme le pense Spinoza, n'est-ce pas en effet quand nous aimons ou désirons que c'est bien ou bon et non l'inverse ? § Une valeur, n'est-ce pas ce qui est subjectivement le plus important, dès lors que nul ne peut choisir à notre place ce qui a de la valeur pour soi ? Confondre ce qui est de l'ordre de la vérité et ne dépend pas de ce que nous désirons avec ce qui est de l'ordre des valeurs et en dépend, n'est-il pas le plus sur moyen de se tromper ? 2. Une opinion est-elle connaissance ? § § Toute connaissance ne suppose-t-elle pas : ü Un certain rapport d'adéquation entre la vérité de l'entendement et celle de la chose ? ü Un dépassement des apparences ou des croyances par un approfondissement systématique, rationnel, méthodique et critique de nos représentations de la chose et/ou des phénomènes ? Toute opinion n'est-elle pas opposée à la connaissance comme le sont: ü L'apparence à la réalité ou l'illusion à la vérité ü La croyance à la raison ou les valeurs à la vérité ? Insuffisamment raisonnée et construite, l’opinion ne s'oppose-t-elle à la connaissance ou au savoir ? Seules opinions les plus réfléchies ou approfondies seraient-elles susceptibles de tendre vers la vérité ?

2. Opiner est-ce juger ? Animation Georges Marty En quoi consiste l'acte d'opiner ? Peut-on juger sans connaître ?

2. Opiner est-ce juger ? 1. En quoi consiste l'acte d'opiner ? § Ce verbe ne suggère-t-il pas un consentement qui revient à affirmer ce à quoi on adhère en fonction de son affectivité, selon que cela nous paraît agréable ou désagréable ? § Donner son avis, sans prendre de recul par rapport au contenu de son affirmation, n'est-ce pas en effet émettre une opinion, autrement dit opiner ? § Si l'opinion se dispense de justifier le contenu, de ce qu'elle affirme, n'est-ce pas parce que celui qui opine confond la réalité de ce qu'il ressent et la réalité effective, ses désirs et la vérité ? § Si l'opinion se présente comme définitive (ce sur quoi, dans l'instant, on ne reviendra pas), ne changera-t-elle pas en fonction de l'affectivité, des besoins et des désirs ultérieurs ? Opiner, n'est-ce pas affirmer de façon péremptoire au risque de prendre ses désirs pour la réalité ? 2. Peut-on juger sans connaître ? § « L'acte de la connaissance, c'est le jugement » écrit Jules Lagneau § De même qu'un jugement en tant que décision de justice suppose la prise de connaissance de tous les éléments d'une affaire, n'en va-t-il pas de même de l'entendement en tant que faculté de connaître en vérité ? § Mais, n'est-ce pas précisément parce que notre faculté de connaître est plus limitée que notre faculté de vouloir ou de choisir que, peu ou prou, nous sommes conduits à opiner ? § Rendre possible l'énoncé de la vérité n'est-elle pas la fonction majeure de tout jugement dont le contenu dépend de notre faculté de connaître ? Alors que celui qui opine affirme sans savoir, celui qui veut juger ne doit-il pas s'efforcer de toujours vouloir mieux connaître ?

3. Sommes-nous libres de nos opinions ? Qu'est-ce qu'être libre et comment le peut-on ? La liberté d'opinion nous donne-t-elle le droit de dire penser n'importe quoi ?

3. Sommes-nous libres de nos opinions ? 1. Qu'est-ce qu'être libre et comment le peut-on ? § Pour les Stoïciens, le sage est libre parce qu’il réussit à se détacher de tout ce qui n’est pas en son pouvoir et à maitriser le reste par sa volonté et son art de vouloir (maîtrise des passions et intelligence de la nature notamment). § Pour Leibniz et Spinoza, la liberté c’est l’indépendance intérieure qui résulte de la capacité de se déterminer en suivant les seuls conseils de la raison et de l’intelligence non dévoyée par les passions qui assujettissent (la liberté ne se distingue pas clairement de la raison). § Pour Kant, la liberté repose sur la capacité de se déterminer en fonction d’une volonté morale sans laquelle il ne saurait être question de liberté (postulat de la raison pratique). Si c’est la raison qui nous libère des passions, notre liberté ne se limite-t-elle pas à son seul domaine d'application ? 2. La liberté d'opinion nous donne-t-elle le droit de penser n'importe quoi ? § La question de la liberté d'opinion sous entendue "publique", dès lors qu'elle pose en fait la question de "la liberté d'expression", n'est-elle pas plus d'ordre politique philosophique ? § En revanche, se demander si je suis libre lorsque j'émets une opinion ou à quelles conditions puis-je l'être, n'est-il pas typiquement une question d'ordre philosophique ? § En effet, ne doit-on pas considérer que : ü Si l’opinion est l’expression de préjugés ou de passions cela constitue une forme d’enfermement de la pensée dans la subjectivité à l'opposé de la liberté. ü Alors qu'au contraire si l'opinion tend à s'édifier par la raison dans un souci de vérité cela constitue le véritable garant de la liberté de la pensée ? Contrairement aux apparences, la liberté d'opinion -par l'usage de la raison qu'elle nécessite- ne nous priverait-elle pas de la possibilité de dire n'importe quoi ? L'usage de la raison n'est-il pas le seul garant de la véritable liberté de nos opinions ?

La raison n'est-elle pas au jugement et à la vérité ce que la passion est à l'opinion et à l'obscurantisme ? Néanmoins, n'est-ce pas parce que nous ne pouvons que tendre à la vérité sans jamais être absolument en mesure de l'atteindre que toute opinion vaut, ne fut-ce que provisoirement ?

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