Remarque Ce diaporama na pas pour objectif de
Remarque Ce diaporama n’a pas pour objectif de choquer ou de blesser les catholiques. Avoir la foi et adhérer au message de l’Évangile est une chose. Poser un regard critique sur l’histoire d’une institution humaine comme l’Église catholique en est une autre. Car au cours deux millénaires de sa riche histoire, l’Église a été dirigée par des hommes – les Souverains Pontifes – qui, comme tous les autres humains, possédaient des forces et des faiblesses, avaient des qualités et des défauts. Et parmi tous ceux qui ont à un moment de l’histoire occupé le trône de saint Pierre, il s’en est trouvé qui avaient davantage de faiblesses et de défauts que de forces et de qualités. À cet égard, il faut se souvenir que tout au long de l’année du Grand Jubilé de l’an 2000, le défunt pape Jean-Paul II a demandé pardon pour les fautes commises par l’Église envers des peuples et des hommes – preuve que l’Église et certains de ceux qui l’avaient dirigée n’étaient pas exempts de graves erreurs. R. Day
Au cours des trois premiers siècles de son existence, le christianisme fut surtout une religion marginale, clandestine et persécutée.
Les choses vont commencer à changer vers 337, au moment où l’empereur Constantin se fait baptiser. Puis en 380, sous le règne de l’empereur Théodose, le christianisme devient la religion officielle de l’Empire romain. L’évêque de Rome est reconnu comme métropolitain d’Italie et patriarche de l’Occident, tout en demeurant soumis à un pouvoir impérial qui le surveille de près.
« Le rapprochement de l’Église et de l’État au cours du IVe siècle modifie en profondeur l’institution ecclésiale. Il favorise l’émergence de l’évêque comme puissance […] l’évêque devient un homme de pouvoir capable de rivaliser avec les dignitaires les plus éminents de l’Empire en faisant jouer un réseau d’influences. À la figure exemplaire du successeur des Apôtres tend à se superposer celle du dirigeant, recruté dans l’élite sociale et élu à l’issue d’un scrutin politisé. À l’intérieur même de l’Église, de profondes divisions entre les fidèles du Christ aboutissent à des règlements de compte d’autant plus violents que les enjeux du pouvoir s’ajoutent aux divergences d’idées. » (Jean-Pierre Moisset, Histoire du catholicisme, p. 87) Une telle évolution et un tel contexte vont favoriser l’émergence d’un nouveau style de papauté : non plus des pontifes martyrs comme aux premiers temps, mais des chefs spirituels davantage politisés et de plus en plus, malheureusement, des papes indignes.
Les papes indignes (399 – 1054)
« La dignité de saint Pierre ne se perd pas, même dans un héritier indigne. » Cette déclaration étonnante, on la doit au pape Léon Ier, mieux connu sous le nom de saint Léon Le Grand, qui a occupé le trône de saint Pierre de 440 à 461. Pour l’Église catholique, une telle affirmation s’est avérée fort pratique à plusieurs moments de son histoire, alors que le siège apostolique romain était occupé par des personnages dont la dignité était précisément la dernière des vertus et la moindre des préoccupations. À la décharge du pape Léon, on peut avancer qu’il ne pouvait guère imaginer alors quelles fripouilles et quelles canailles finiraient par s’emparer de la papauté. Voici quelques-uns de ces pontifes dévoyés. Saint Léon Le Grand
Anastase Ier (399 à 401) Il serait à l’origine de la censure chrétienne, ayant été le premier à interdire les ouvrages qui ne correspondaient pas à la ligne de pensée autorisée par l’Église. L’expression « les ciseaux d’Anastasie » , qui est devenue synonyme de censure dans les domaines de la presse et de l’édition, tirerait son origine de ce pape que l’Église a canonisé. Étrangement, il avait aussi interdit que les hommes atteints d’une quelconque difformité (boiteux, bègues, bossus, borgnes) soient ordonnés prêtres. Soixante ans plus tard, un de ses successeurs également canonisé – le pape Hilaire – interdira lui aussi de conférer les ordres à des hommes ayant été amputés d’un membre.
Sabinien (604 à 606) Ce pape n’a régné que deux ans. Ce fut pourtant suffisant pour qu’il se fasse détester des Romains, au point qu’à son décès ceux-ci tentèrent de s’emparer de son cadavre. Quels étaient les motifs d’une telle rancœur du peuple? Eh bien le pontife Sabinien était avaricieux! Peu après son élection, une famine s’était abattue sur Rome. Mais au lieu de distribuer généreusement le blé qu’il possédait, il préféra le vendre…
Paul Ier (757 à 767) Il était le frère du pape l’ayant précédé – Étienne III. Pour éviter qu’on lui souffle la place, Paul Ier est demeuré dans le palais du Latran (alors le lieu de résidence des Souverains Pontifes) pendant toute l’agonie de son frère et, sitôt son décès constaté, s’est fait acclamer par ses partisans. Décrit comme très autoritaire, on rapporte qu’il n’hésitait pas à faire arrêter et exécuter ceux qui s’opposaient à lui.
Étienne IV (768 à 772) Entre la mort de Paul Ier et l’élection d’Étienne IV, les aristocrates romains d’abord, les Lombards ensuite, vont placer sur la chaire de saint Pierre deux antipapes : l’un a la prudence de démissionner dès le lendemain de sa nomination, mais l’autre (Constantin) tient bon pendant un an; au moment où il est finalement déposé, on le promène dans le rues de Rome sur un âne. Mais cette disgrâce est jugée insuffisante par le nouveau pape Étienne IV. En effet, celui-ci demande en plus qu’on crève les yeux de Constantin; puis il le fait enfermer dans un monastère jusqu’à sa mort. Par ailleurs, alors que l’empereur Charlemagne était sur le point d’épouser Désirée de Lombardie, Étienne IV lui écrivit une lettre dans laquelle il décrivait sa future épouse comme une femme « hideuse, puante et lépreuse » .
Pascal Ier (817 à 824) Au moment de son élection, Pascal Ier était abbé d’un monastère. Il fut accusé de complicité dans les meurtres de deux fonctionnaires romains qui avaient contesté ses décisions. Il fut contraint de s’humilier et de jurer sous serment son innocence. Mais il refusa de dénoncer les assassins, lesquels avaient pourtant agi selon ses ordres. Sa mort mit fin opportunément à cette honteuse et gênante affaire. Mais il s’était tellement rendu impopulaire qu’on dut l’enterrer à la sauvette, de crainte que des funérailles solennelles ne provoquent une émeute.
Serge II (844 à 847) En 844, deux Souverains Pontifes sont élus : le premier (Jean) a l’appui du peuple tandis que le second (Serge) est le candidat de la noblesse romaine. L’antipape Jean sera finalement déposé par une assemblée d’évêques; mais l’intervention du pape Serge II lui permettra de rester en vie et d’être seulement enfermé dans un monastère. Le pape Serge II entreprit surtout d’embellir la ville de Rome, travaux qui lui coûtèrent très cher. Non seulement céda-t-il une partie de ses pouvoirs à son frère Benoît, qui était déjà évêque, mais il fut accusé de simonie : c’est-à-dire qu’il se livrait au trafic des sacrements et qu’il vendait des charges et fonctions ecclésiastiques afin de financer les travaux qu’il entreprenait.
Parmi les lourdes dépenses que les embellissements du pape Serge II avaient occasionnées, figurait l’aménagement de la Scala Santa (L’Escalier Saint) à proximité du vieux palais du Latran. Selon la tradition chrétienne, cet escalier composé de 28 marches de marbre blanc serait celui que le Christ avait gravi en se rendant chez Ponce Pilate. Il avait été transporté de Jérusalem à Rome par sainte Hélène, la mère de l’empereur Constantin, en 326.
Jean VIII (872 à 882) Marin Ier (882 à 884) Adrien III (884 à 885) Formose (891 à 896) *** Boniface VI (896) Étienne VII (896 à 897) Théodore II (897) Jean VIII Qu’ont en commun ces sept papes qui vont à tour de rôle occuper le trône pontifical pendant un quart de siècle? Eh bien tous ces Souverains Pontifes sont liés à l’un des épisodes les plus horribles et disgracieux de l’histoire de l’Église catholique en Occident. Un épisode sur lequel nos cours de religion ont toujours gardé le silence et que notre clergé, du bas au sommet de la pyramide, évite bien d’aborder dans ses discours et ses homélies. Les diapositives suivantes relatent cet événement.
D’abord à l’élection pontificale de décembre 872, deux candidats se font face : ▪ Jean, archidiacre de Rome ▪ Formose, évêque de Porto Comme Formose n’avait pas caché son ambition d’être pape, les partisans de l’archidiacre Jean, qui devint finalement pape sous le nom de Jean VIII, lui créèrent de multiples complications politiques. On l’accusa entre autres d’avoir aspiré à l’archevêché de Bulgarie alors qu’il était déjà évêque de Porto, de s’être opposé à l’empereur, d’avoir quitté son diocèse sans avoir obtenu l’autorisation du pape, d’avoir célébré la messe pendant que cela lui était interdit et d’avoir conspiré pour détruire le siège pontifical. Formose fut alors excommunié. D’ailleurs, l’excommunication était une sanction très privilégiée par Jean VIII; on rapporte qu’il en vint à lancer tellement d’excommunications que celles-ci perdirent toute leur signification et leur portée. Avec un caractère aussi difficile, le pape Jean VIII avait fini par se faire de nombreux ennemis au sein du clergé et de sa propre famille. On décida donc de l’empoisonner; mais comme le poison n’agissait pas assez vite, on l’acheva à coups de marteau sur la tête.
Après l’assassinat de Jean VIII, Marin Ier règne pendant deux ans (882 à 884). Il accorde son pardon aux assassins de son prédécesseur, ce qui a pour effet d’envenimer davantage les relations entre les divers clans qui gravitent autour du Saint Siège et qui appuient tel ou tel candidat à la papauté.
Puis Adrien III devient brièvement (884885) pontife suprême, grâce au soutien des anciens partisans du pape assassiné. Adrien III, lui, n’a pas le réflexe du pardon. Il décide plutôt de venger la mort du pape assassiné en faisant crever les yeux de l’un des meurtriers – le chef des gardes du palais du Latran. Un tel geste de vengeance n’a cependant pas empêché le Vatican de canoniser le pape Adrien III en… 1891. Adrien III
Le 6 octobre 891, arrive finalement «l’heure de gloire» de Formose. Celui-ci est en effet désigné pape à l’âge de 75 ans. Durant son pontificat de cinq ans, il devra faire face à de multiples querelles impliquant tantôt les souverains de l’époque, tantôt le haut clergé. On dit néanmoins qu’il aurait été un bon pape. Formose décède le 4 avril 896. Une semaine plus tard, son successeur est choisi : Boniface VI. Mais celui-ci ne régnera que deux semaines sur l’Église catholique. Il serait mort d’une sévère crise de goutte… Formose
Étienne VII (896 à 897) Il ne sera pape que 15 mois. Néanmoins, Étienne VII va réussir à dépasser en infamie tout ce que ses récents prédécesseurs avaient accompli. Bien qu’il ait été ordonné évêque d’Agnani par le pape Formose, Étienne VII décide en effet de faire son procès. En janvier 897, il fait donc exhumer le cadavre du pape Formose, le fait revêtir des habits pontificaux et asseoir sur un trône devant un synode d’évêques romains pour répondre des accusations portées autrefois par le pape Jean VIII. Un diacre est chargé de répondre à la place du défunt pape. Étienne VII
Le verdict, prévisible, fut que Formose n’était pas digne du pontificat. Tous ses actes furent annulés et ses ordres déclarés nuls. « Une cérémonie abominable suivit, où le mort fut dégradé, dépouillé de ses vêtements pontificaux auxquels collaient les chairs putréfiées, jusqu’au cilice que portait ce rude ascète; les doigts de sa dextre [main droite] furent coupés, ces doigts indignes [selon ses juges], qui avaient béni le peuple. » (Daniel-Rops, L’Église des temps barbares. ) On jeta ce qui restait de son cadavre dans le Tibre. Un ermite recueillit par hasard sa dépouille dans des filets de pêcheurs et l’enterra. Ce macabre épisode est passé à l’histoire sous le nom de « Concile cadavérique » .
Le « Concile cadavérique » (Assis sur le trône, le cadavre du pape Formose. Près du pontife défunt, le diacre chargé de répondre à sa place. Pointant un doigt accusateur, le pape Étienne VII)
Le comportement d’Étienne VII à l’égard de l’un de ses prédécesseurs va indigner profondément la population de Rome. Au lendemain du sinistre « Concile cadavérique » , une émeute éclate donc dans Rome. Étienne VII est alors arrêté et jeté en prison. Il meurt étranglé dans son cachot en août 897, après avoir été lui aussi dépouillé de ses habits et ornements pontificaux. Successeur d’Étienne VII, le pape Romain n’exercera son pontificat que trois mois. Durant cette brève période, il annule tout ce qui a été fait par son prédécesseur à l’encontre du pape Formose.
On pourrait passer sous silence le très bref pontificat d’un seul mois du pape Théodore II, en 897, si ce n’est qu’à son tour il fait déterrer les restes du pauvre pape Formose… Mais ce sera pour lui donner une sépulture solennelle dans l’ancienne basilique Saint-Pierre. Va alors naître une légende : au passage du corps du défunt pape Formose, les statues des saints s’inclinaient pour le saluer. Théodore II Escamotons les pontificats de Jean IX (898 à 900), Benoît IV (900 à 903) et Léon V (903).
La première Basilique Saint-Pierre, édifiée sur l’ordre de l’empereur Constantin
En août 903, Christophore – un cardinal-prêtre de Saint-Damase et partisan du défunt pape Formose – s’empare, pour des raisons obscures, du pape Léon V qui avait été élu un mois plus tôt seulement. Il le fait jeter en prison; mais lui-même ne se maintiendra sur le trône pontifical que pendant quatre mois puisqu’un autre prétendant à la chaire de saint Pierre – le futur Serge III – marche sur Rome avec une armée et l’envoie rejoindre Léon V en prison. Décidément les papes vont et viennent et si prestigieux soit leur titre, il ne leur confère aucune protection! Léon V
Serge III (904 à 911) Issu de l’aristocratie romaine, l’une de ses premières décisions comme Souverain Pontife sera de faire étrangler dans leurs cellules encombrants papes Léon V et Christophore. Une autre sera de convoquer un synode pour condamner de nouveau le défunt pape Formose : huit ans après sa mort, la papauté a décidément beaucoup de difficulté à lui accorder le repos éternel …
Avec le pontificat du pape Serge III, qui a déjà fait assassiner ses deux prédécesseurs, commence ce qui est habituellement décrit comme la période la plus ténébreuse de l’histoire de la papauté – période passée à l’histoire sous l’expression « pornocratie pontificale » . Il s’agit d’une période où toute une série de Souverains Pontifes, alliés à la puissante famille du sénateur et comte romain Théophylacte de Tusculum qui contrôle l’aristocratie romaine, sont élus par trafic d’influences, se livrent ouvertement à la débauche et exhibent fièrement maîtresses et enfants illégitimes qu’ils favorisent et enrichissent honteusement. Le pape Serge III a d’ailleurs pris pour maîtresse Marozie, la fille du sénateur Théophylacte. Celle-ci n’a que 13 ans… De cette union va naître un fils qui plus tard deviendra lui-même pape. Marozie
Pierre tombale du sénateur et comte Théophylacte de Tusculum (Rome)
Landon (913 à 914) On ne sait pas grand chose de ce pape qui ne régna que de juillet 913 à février 914. Il aurait été le fils d’un riche Lombard prénommé Taino. Bien sûr, il devait son élection à l’influence de la famille du comte Théophylacte de Tusculum. Il avait pris pour maîtresse Théodora « la Jeune» , qui était la fille du sénateur Théophylacte et la sœur aînée de Marozie. De ce fait, Landon était en quelque sorte le « beau-frère » du pape Serge III… Seul fait notoire de ce court pontificat : il fut le dernier pape à porter un prénom original jusqu’à Jean-Paul Ier, en 1978. Entre 913 et 1978, aucun nouveau prénom ne s’est ajouté à la liste papale.
Jean X (914 à 928) Ancien archevêque de Ravenne, Jean X accède au trône de saint Pierre grâce à l’influence de Théodora « l’Ainée» , c’est-à-dire de l’épouse du comte Théophylacte de Tusculum… Au cours de son pontificat de 14 ans, il laisse son frère Pierre prendre une part importante dans les affaires pontificales; c’est alors que Marozie, craignant que celui-ci n’en mène trop large, le fait assassiner sous les yeux du pape dans le palais du Latran. En mai 928, Marozie intervient de nouveau : elle fait arrêter Jean X et le fait interner au château Saint-Ange. Peu après, elle ordonne qu’on l’étouffe avec un oreiller. Le peuple romain, habitué à de telles intrigues de palais et aux inconduites des Souverains Pontifes, ne s’en indigne même pas.
Léon VI (928) Étienne VIII (928 à 931) Ces deux souverains pontifes ont été choisis par la redoutable Marozie. Leur mission est simplement d’occuper le trône pontifical en attendant que le fils de Marozie et du défunt pape Serge III puisse y accéder à son tour. Léon VI ne règne que six mois tandis qu’Étienne VIII occupera sa fonction un peu moins de trois ans. Léon VI
Jean XI (931 à 935) Né en 911, Jean XI est le fils bâtard du pape Serge III et de Marozie. Fait cardinal dès l’adolescence, il accède à la papauté à l’âge de 20 ans seulement. Sa mère lui ayant appris à obéir docilement, il ne prend jamais d’initiatives même coiffé de la tiare. Puis en 935 entre en scène Albéric II de Spolète, un fils que Marozie a eu d’un premier mariage – et qui est donc le demi-frère du pape. Apparemment, cet Albéric n’acceptait pas le fait que sa mère se soit remarié, pour une troisième fois, avec Hugues d’Arles. Il assiège donc le château Saint-Ange et il fait prisonniers le pape et sa mère. Jean XI et Marozie demeureront prisonniers jusqu’à leur mort. Les chroniqueurs rapportent qu’Albéric traitait son demi-frère comme un esclave et ne lui permettait de remplir que des fonctions strictement sacerdotales.
932 : Mariage de Marozie avec Hugues d’Arles, alors roi d’Italie. La noblesse romaine considérait ce mariage comme une mésalliance avec «l’étranger» . D’où la révolte fomentée par le propre fils de Marozie, Albéric II de Spolète.
Le château Saint-Ange (Rome)
S’étant autoproclamé « Prince de tous les Romains» et « Patrice de Rome» , Albéric II de Spolète exercera un pouvoir total sur Rome pendant plus de vingt ans. Durant cette période, à l’instar de sa mère Marozie jadis, il désigne les papes. Ainsi, de 936 à 955 se succèdent des papes fantoches à la solde de leur ombrageux et violent protecteur : Léon VII, Étienne IX, Marin II et Agapet II. En matière politique, tous ont intérêt à se conformer aux attentes et prescriptions d’Albéric. Le pape Étienne IX l’apprend d’ailleurs cruellement : ayant conspiré contre Albéric, celui-ci l’emprisonne et lui fait couper le nez. Avant sa mort survenue en 954, Albéric fait jurer au pape Agapet II et à l’aristocratie romaine réunis dans la basilique Saint-Pierre d’élire comme prochain pape son fils bâtard Octavien, qu’il avait fait créer cardinal à l’âge de huit ans.
Jean XII (955 à 964) Octavien est le fils unique et bâtard du roi Albéric II. En montant sur le trône de saint Pierre, il prend le nom de Jean XII. C’est la première fois qu’un souverain pontife change de nom – une tradition qui s’est perpétuée jusqu’à nos jours. Il n’a que 18 ans lorsqu’il devient pape. Certains avancent même qu’il n’avait que 16 ou 17 ans. Bien qu’il fasse chanter chaque jour des prières pour le repos de son âme, il préfère les femmes, le jeu, les festins et la chasse. Certains avancent qu’il était bisexuel et qu’il avait transformé le palais pontifical en bordel.
En décembre 963, un synode convoqué par l’empereur Othon Ier de Germanie excommunie ce pape indigne pour débauches, parjure, homicide, sacrilège et inceste. Un nouveau pape est nommé : Léon VIII. Mais Jean XII réussit à s’enfuir en emportant avec lui l’argent du Saint-Siège. Il s’en sert pour acheter des partisans et fomenter des troubles. Il réussit même à reconquérir Rome et à récupérer son trône pontifical, tout en se vengeant de sanglante façon de ses adversaires. Mais menacé par l’empereur germanique, il doit s’enfuir de nouveau. Il trouve finalement la mort en mai 964, alors qu’il est battu à mort par un mari jaloux qui l’a surpris au lit avec sa femme. D’autres affirment qu’il serait mort d’apoplexie en plein milieu d’une relation sexuelle. Quelle que soit la version véridique, ce pape aura, par son immoralité, contribué tout comme plusieurs de ses prédécesseurs à dégrader l’institution papale. De tels abus feront en sorte que désormais, et pour longtemps, l’élection des papes devra être approuvée par le pouvoir impérial.
Léon VIII (963 à 965) Ce pape fut élu par acclamation lors du synode convoqué par l’empereur Othon Ier et visant à faire excommunier le pape Jean XII. Bien qu’archiviste de la chancellerie pontificale, Léon VIII était un laïc. Qu’à cela ne tienne : le jour même de son élection il fut ordonné prêtre et le lendemain consacré évêque…
Jean XIII (965 à 972) Après la mort du pape Léon VIII, le pouvoir pontifical demeure sans chef pendant six mois, faute d’accord entre les électeurs et l’empereur. Finalement, Jean de Crescenti est élu; il choisit de porter le nom de Jean XIII. On dit qu’il était le fils de Théodora «la Jeune» et du pape Landon. Élu depuis quelques semaines seulement, son autoritarisme et son obéissance servile à l’empereur suscitent une révolte qui le renverse. Il est traîné dans les rues de Rome, insulté puis emprisonné au château Saint-Ange. Mais fort de l’appui de l’empereur, il parvient à récupérer son trône et à retrouver sa brutalité coutumière. Sa répression contre les émeutiers sera impitoyable : pendaisons, décapitations, aveuglements. Par exemple, un des conspirateurs est promené sur un âne dans les rues, fouetté puis pendu par les cheveux à la statue de Marc-Aurèle sur la place du Latran.
973 – 985 : les années sanglantes Il n’est guère facile de résumer ces douze années de pouvoir pontifical. Benoît VI est élu en septembre 972 mais doit attendre pendant quatre mois l’accord de l’empereur avant d’entrer en fonctions. Au même moment un cardinal-diacre du nom de Franco, soutenu par le puissant clan romain Crescenti qui s’oppose à l’élection de Benoît VI, est placé sur le trône pontifical sous le nom de Boniface VII. Quant à Benoît VI, il est arrêté, emprisonné puis étranglé en 974 par un prêtre agissant sous les ordres de Boniface VII. Considéré comme un antipape, Boniface VII est déposé par un synode et doit s’enfuir. Benoît VII dirige l’Église de 974 à 983. Jean XIV lui succède en 983 -984. Mais l’antipape Boniface VII revient à Rome, s’empare de Jean XIV et l’emprisonne au château Saint-Ange où il meurt empoisonné (ou de faim) après quatre mois de captivité.
Benoît VII Benoît VI Jean XIV
Après avoir supporté pendant un an ce pontife souillé du sang de ses deux prédécesseurs, le peuple de Rome attaque le palais pontifical en juillet 985. Boniface VII est alors tué à coups de lance. Sa dépouille est traînée dans les rues de Rome. Puis son corps nu est exposé aux insultes de la foule avant d’être abandonné aux pieds de la statue de Marc-Aurèle. Le matin suivant, des moines enlevèrent le corps et lui donnèrent une sépulture chrétienne, et ce même si le comportement de ce pape avait été tout, sauf chrétien. Le Colisée, Rome
Jean XV (985 à 996) Fils d’un prêtre, Giovanni di Gallina Alba fut lui aussi nommé pape grâce au soutien de la famille Crescenti avec qui il entretenait de bonnes relations. Pape pendant presque 11 ans – ce qui constituait à l’époque un long pontificat – on dit qu’il fut peu aimé en raison de son népotisme et de son avidité. Il dût fuir Rome à deux reprises, dont la dernière fois en 995 parce qu’il s’était chicané avec la famille de son puissant protecteur, le sénateur Crescentius. Il était sur la route du retour lorsqu’il mourut.
Grégoire V (996 à 999) Fils du duc de Carinthie et cousin de l’empereur Othon III, Bruno von Khärnten est le premier pape germanique. Né en 973, il n’avait donc que 23 ans au moment d’être choisi pape par son puissant cousin. Durant son bref règne, la famille Crescenti fomenta contre lui une révolte et le remplaça par un pape grec qui prit le nom de Jean XVI. Mais c’était se méprendre sur la riposte de l’empereur et du pape «légitime» . L’antipape Jean XVI fut alors rattrapé dans sa fuite par les soldats de l’empereur. Ceux-ci le torturèrent sans que Grégoire V n’intervienne : oreilles, langue, nez et mains coupés, yeux crevés, promené nu sur un âne dans les rues de Rome. Grégoire V présida même un tribunal au cours duquel Jean XVI fut dégradé, avant de mourir misérablement dans un cachot en 1001. Le moine Nil de Rossano, qui fut plus tard canonisé, reprocha d’ailleurs au pape Grégoire V et à l’empereur Othon III le traitement cruel qu’ils avaient infligé à Jean XVI.
Le tombeau de Grégoire V dans les grottes du Vatican Le pape Grégoire V et l’empereur Othon III
Benoît VIII (1012 à 1024) Jean XIX (1024 à 1032) Ces deux papes qui se suivent sont frères. Le premier se prénomme Théophylacte, le second Romain. Et tous deux appartiennent à la famille Tusculum dont nous avons déjà cité la turpitude.
Benoît VIII rend des ordonnances interdisant le mariage des prêtres et le concubinage des clercs à l’occasion d’un synode tenu à Pavie. Une mesure qui ne peut manquer de faire sourire lorsque l’on se remémore l’histoire de ses ancêtres, laïcs comme papes… On lui reprochera aussi plusieurs actes de cruauté. Par exemple, à la suite d’un tremblement de terre survenu à Rome, il fit décapiter des juifs parce qu’il les tenait responsables de ce séisme. Quant à Jean XIX, il était toujours laïc au moment d’être nommé pape. On remédia à la situation dès le lendemain en l’ordonnant prêtre. On le décrit comme un pape autoritaire et avide; sous son pontificat, la simonie (c’est-àdire le trafic des biens spirituels) prit des proportions considérables.
Benoît IX (1032 à 1044 / 1045 / 1047 à 1048) Fils du comte de Tusculum, et prénommé lui aussi Théophylacte, il est le neveu des deux papes précédents. Il doit sa nomination aux intrigues de son père. Il était toujours laïc au moment de sa nomination et des sources le dépeignent comme un homme aux mœurs dissolues. Il est l’un des plus jeunes papes de l’histoire – sinon le plus jeune. En effet, certains affirment qu’il n’avait que 12 ans au moment de monter sur le trône de saint Pierre. D’autres disent qu’il en avait plutôt 15… Le pontificat de Benoît IX se déroule en trois étapes. En septembre 1044, le clan rival des Crescenti le force à quitter Rome et impose un antipape du nom de Sylvestre III. En mars 1045, Benoît IX parvient à reprendre brièvement le pouvoir, mais deux mois plus tard il vend moyennant une forte somme d’argent son siège pontifical à son oncle et parrain qui prend le nom de Grégoire VI.
En décembre 1046, sous la pression de l’empereur germanique Henri III, un concile se réunit et élit pape l’évêque bavarois de Bamberg, qui prend le nom de Clément II. Mais ce dernier meurt moins d’un an plus tard et le clan Tusculum en profite pour réinstaller Benoît IX sur le trône de saint Pierre en octobre 1047. Entretemps, Grégoire VI a dû abdiquer, ayant été prouvé qu’il avait acquis sa tiare moyennant argent. Quant au pape Clément II, Benoît IX l’avait fait tout simplement empoisonner. Finalement, l’évêque Bruno de Toul ceint la tiare en 1049 et prend le nom de Léon IX. Cousin de l’empereur, il combat le clan Tusculum et excommunie Benoît IX et ses proches. Grégoire VI
Clément II Saint Léon IX
Avec cette toute dernière parade de Souverains Pontifes – parade combien disgracieuse! –, l’Église catholique franchissait grosso modo le cap de ses premiers mille ans d’existence. Bien que six siècles plus tôt le pape saint Léon Le Grand avait affirmé que la dignité de saint Pierre ne pourrait jamais se perdre quand bien même un pape se couvrirait d’indignité, comment ne pas être surpris que cette Église pas loin de la décadence ait pu perdurer et se répandre sur le continent européen, alors que ses leaders spirituels se comportaient comme des vauriens en complète rupture avec les enseignements du Christ? C’est qu’au milieu de tous ces papes indignes davantage préoccupés de pouvoir, de richesse et de plaisirs, s’insinuaient de temps en temps des Souverains Pontifes vertueux et davantage branchés sur l’essence du message évangélique; et aussi des gens de bien, plus humbles, qui s’efforçaient de donner l’exemple en adoptant un mode de vie le plus en symbiose possible avec les Saintes Écritures. Mais, comme nous le verrons, l’Église catholique n’en avait pas encore terminé avec une papauté indigne. Un autre millénaire se pointait à l’horizon.
Fin de la première partie
Documentation Jean-Pierre Moisset, Histoire du catholicisme, Paris, Éditions Flammarion, 2006. Georges Suffert, Tu es Pierre ~ L’histoire des vingt premiers siècles de l’Église, Paris, Éditions de Fallois, 2000. Daniel Brun, Dictionnaire chronologique des papes, Paris, Éditions Maxi-Livres, 2005. Daniel-Rops, L’Église des temps barbares, Paris, Fayard, 1956. Le Vatican ~ Influence, finances, patrimoine, Historia Spécial, juillet-août 1999. Wikipédia et autres sites Internet Illustrations Internet Musique Cantigas de Santa Maria ~ Conclusion (Alfonso X El Sabio), interprété par La Capella Reial de Catalunya sous la direction de Jordi Savall Conception R. Day Janvier 2009
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