Quand la ville contribue lexclusion sociale paroles dans
Quand la ville contribue à l’exclusion sociale : paroles d’aînés Anne-Marie Séguin (INRS-UCS) Véronique Billette (INRS-UCS) Alexandra Guay-Charrette (Université d’Ottawa) Colloque international - Pour une ville inclusive : Innovations et partenariats Québec, 8 et 9 novembre 2016
Projet de l’équipe de recherche Vieillissements, exclusions sociales et solidarités (VIES) et du Centre de recherche et d’expertise en gérontologie sociale (CREGÉS). § Donner la parole aux personnes de 65 ans et plus § Identifier les principaux éléments de leur milieu (extérieur à leur logement) qui contribuent, au quotidien, à leur exclusion sociale à titre d’aîné § Réaliser, à partir des témoignages recueillis, une exposition de photos illustrant les lieux d’exclusion des aînés montréalais, afin que leurs paroles soient entendues sur la place publique § Question de recherche : quels sont les lieux et les situations qui contribuent à l’exclusion sociale des aînés montréalais dans leur quotidien? Contexte, objectifs et question de recherche
§ 6 groupes de discussion regroupant au total 51 personnes, hommes et femmes, de 61 à 92 ans ayant des niveaux variés de capacités physiques et provenant de quartiers de différents niveaux socio-économiques § Certaines utilisaient des aides à la mobilité : déambulateur, triporteur ou quadriporteur § Les personnes âgées ont d’abord été invitées à définir collectivement ce que représente pour elles l’exclusion sociale (co-construction de la définition) § Les aînés ont été invités à identifier et décrire les lieux ou les situations qui contribuent à leur exclusion sociale sous différentes formes § Spontanément, ils nous ont aussi beaucoup parlé de leurs stratégies pour lutter individuellement contre l’exclusion Méthodologie de la recherche
Notre cadre théorique repose sur deux concepts centraux § L’exclusion sociale dans ses différentes dimensions § La justice environnementale dans ses trois dimensions Deux concepts centraux
Des sept formes d’exclusion sociales définies par Billette et Lavoie (2010), quatre ont été souvent évoquées par les aînés § Exclusion territoriale : se manifeste par une diminution de la liberté géographique, un confinement à des espaces, une perte de contrôle sur son milieu de vie et un mauvais accès aux ressources situées dans l’environnement résidentiel. § Exclusion symbolique : se caractérise par les images et les représentations négatives accolées à un groupe d’individus ou encore par la négation de la place qu’ils occupent et de leurs rôles dans la société, allant jusqu’à l’invisibilité. § Exclusion des liens sociaux significatifs : se caractérise par l’absence, la perte ou l’étiolement des réseaux sociaux, ou encore par le rejet ou la maltraitance de la part de ces réseaux. § Exclusion institutionnelle : implique une absence ou une réduction d’accès aux mesures de protection sociale et sanitaire prévues par les institutions sociales et politiques, ainsi qu’une absence de consultation (et donc de pouvoir) des personnes sur les soins – largement normalisés – et les équipements publics qui les concernent. Dimensions de l’exclusion
La notion de justice environnementale se révèle aussi particulièrement pertinente § Justice distributive : conçue en termes de distribution et d’accès aux éléments bénéfiques (ressources) ou négatifs (nuisances) de l’environnement § Justice de la reconnaissance : conçue en termes de respect et de la valeur qu’on attribue aux membres de différentes catégories sociales § Justice procédurale : fait référence à la façon dont les décisions sont prises, qui est impliqué et qui a un pouvoir d’influence La justice environnementale : trois dimensions (Walker, 2012)
§ Conception et entretien des éléments de l’environnement construit § Design et organisation des espaces intérieurs § Comportements des autres usagers dans l’espace § Nécessaire recours à l’Internet et autres nouvelles technologies § Manque de reconnaissance et de respect Une multitude d’acteurs interpelés Catégories d’éléments / situations contribuant à l’exclusion sociale des aînés Une personne âgée : « Moi j’estime que c’est l’exclusion par la ville. Finalement, c’est la ville qui nous ignore »
Problèmes mentionnés fréquemment : § Longs escaliers pour accéder au quai du métro § Absence ou rareté de bancs pour se reposer ou attendre l’autobus § Absence de rampes d’accès aux bâtiments § Trottoirs abîmés ou obstrués § Absence de stationnements près des résidences § Isolement géographique des ensembles résidentiels (loin des commerces) Conception et entretien des éléments de l’environnement construit (1)
Extraits de témoignages : « Chaque fois qu’on va dans des endroits publics, on se doit de téléphoner : est-ce que c’est accessible aux gens à mobilité réduite? Sans arrêt, sans arrêt. » « J’ai dit à la directrice : c’est bien beau de parler du Jardin botanique avec les choses chinoises, c’est tellement beau! Il n’y a pas personne qui est capable d’y aller. Personne n’est capable de prendre le métro en général. » « Bon, ici à [nom d’un grand ensemble résidentiel récemment construit], c’est des problèmes généraux, mais ça gêne beaucoup les aînés et les handicapés. Bon c’est qu’ils nous ont fait un projet où il n’y a pas de stationnement, on n’a pas le droit d’avoir une voiture. » Conception et entretien des éléments de l’environnement construit (2)
Problèmes mentionnés fréquemment : “The devil is in the details” § Obligation d’emprunter des escaliers pour se rendre dans des endroits qu’on aimerait fréquenter (par ex. salles paroissiales) § Absence de toilettes dans de nombreux commerces ou encore toilettes situées sur un autre étage ou portes trop lourdes § Allées de magasins trop chargées § Étalages mal conçus : problèmes de visibilité ou d’accessibilité à des produits sur les tablettes élevées si on est en fauteuil roulant § Tourniquet à l’entrée de commerces ou de lieux culturels ou sportifs devenant un obstacle § Mauvaise conception des chaises pour les personnes souffrant de surpoids dans des endroits publics (ex. centres commerciaux) Design et organisation des espaces intérieurs (1)
Extraits de témoignages : « Et moi , si je vais dans un endroit public qui n’est pas accessible aux gens à mobilité réduite, ça me frustre […] un exemple, un centre de radiologie qui n’a pas de cabine pour handicapé! » « Pourquoi c’est difficile de se rendre à [nom du commerce]. Bien il faut que tu montes trois marches. Il faut que tu ouvres des portes […]. C’est plein de paniers puis d’arbres de Noël, puis de revues. » « Des fois, il y a des restaurants où on va […] , mais là, la toilette est en bas. Je ne descends pas à la toilette en bas. » « Mais ici [sa résidence], c’est tout neuf […] Ils mettent une toilette pour les handicapés, qui est plus large, seulement la porte est très lourde, fait que ça prend les deux mains pour pousser, puis avec la marchette, quand je viens à bout d’avancer, il faut que je la lève la marchette [pour passer le seuil]. » Design et organisation des espaces intérieurs (2)
Problèmes mentionnés fréquemment : § Évitement des endroits trop fréquentés, des foules, des jours de grandes soldes § Évitement de certains lieux ou de sortir le soir en raison des vols de sacs à main (mais stratégies pour continuer à sortir malgré la peur) § Absence de courtoisie des autres usagers des lieux Extraits de témoignages : « Puis bon, s’il y a des gens qui me cèdent leur place ça va, mais si les gens ne me cèdent pas leur place, je me sens très, très mal dans les autobus. C’est bondé là! Tu arrives le matin, c’est dur! » « On attendait dans le métro, et le monde me poussait, et je me suis mise à vomir. » « Et puis évidemment les heures d’affluence, il n’y a rien de pire pour les personnes âgées, parce qu’on n’est vraiment pas […] On ne rentre pas là-dedans, parce que ça marche à toute vitesse. » « Quand je veux aller magasiner, il faut que je choisisse mes journées. Le samedi, dimanche, il faut que j’évite pas mal de sortir, parce qu’avec la marchette, je ne peux passer, je dérangerais tout le monde, il faudrait que je m’excuse partout. » Comportements des autres usagers de l’espace
Problèmes mentionnés fréquemment : § Conception unidimensionnelle des aînés comme un fardeau pour la société § Invisibilité des aînés (on les ignore, ils n'existent pas) § Conception de tous les aînés comme des personnes peu compétentes ou ayant un faible niveau de compréhension Le manque de reconnaissance et de respect (1)
Extraits de témoignages : « Il y a un discours actuellement qui m’énerve. Même au gouvernement , quand on écoute le site de l’Assemblée nationale, on a le câble Vidéotron nous à la résidence, et Le manque de puis que ce soit l’Assemblée nationale, que ce soit dans la reconnaissance politique […] C’est de remettre le fardeau sur les aînés. et de respect Qu’ils nous renvoient le message qu’on est inutile, (2) autrement dit, que si on n’était pas là, ça serait bien pour les jeunes! Mais si on n’était pas là, il n’y en aurait pas de jeunes! » « Ce n’est pas parce qu’on est âgé qu’on n’a plus rien à apporter à la société. »
Pour résumer les résultats de l’étude. De nombreuses personnes âgées … 1. Vivent des situations d’exclusion 2. Souffrent de certaines formes d’injustice environnementale On peut se demander si cela est attribuable 1. Au manque de respect ou à la faible valeur qu’on attribue aux personnes âgées dans notre société (justice de la reconnaissance) ? 2. Au manque de pouvoir ou de capacités à faire entendre leur voix auprès des décideurs qui interviennent sur les éléments qui définissent leur quotidien (justice procédurale)? Éléments de synthèse
L’analyse montre : § Que plusieurs de ces situations exigent que le Gouvernement et les municipalités agissent directement dans leurs champs d’intervention pour faciliter l’inclusion sociale des aînés. § L’importance, par le biais de la sensibilisation, de l'information et de la réglementation, d’amener les «producteurs de lieux» privés à les transformer pour répondre aux besoins des aînés avec incapacités. § Plus globalement, la nécessité d’intervenir sur plusieurs plans à la fois et auprès d’une multitude d’acteurs sociaux. Éléments de conclusion
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