Peter Bruegel Cadrages dbordements Godefroy DANG NGUYEN Pieter
Peter Bruegel Cadrages / débordements Godefroy DANG NGUYEN
Pieter Bruegel (entre 1525 et 1530 – 1569) • C’est un peintre flamand dont on sait peu de choses, dont il ne reste que peu d’œuvres peintes, qui a vécu durant une période très troublée de son pays, marquée par les guerres de religion et la répression violente de l’Espagne (duc d’Albe). • Son originalité tient autant aux thèmes de ses tableaux, qu’à la façon de les traiter, avec une intégration étonnante entre le paysage et les personnages, des cadrages inouïs, un talent à animer le décor par la représentation de la vie de tous les jours, et une façon subtile de faire passer des messages politiques et moraux. • Et ses moyens picturaux sont totalement étrangers au courant artistique dominant du XVIème, celui de la Renaissance italienne • Dans cette présentation on va s’intéresser plus particulièrement à ses cadrages Godefroy DANG NGUYEN
Des cadrages avec un à-pic Godefroy DANG NGUYEN
Des surplombs (vues de haut) Godefroy DANG NGUYEN
Des perspectives fuyantes Godefroy DANG NGUYEN
Ici deux à-pics (qui donnent un peu le vertige) Ils permettent de séparer l’avant de l’arrière plan. Mais comme il sont placés de biais, ils donnent un curieux sentiment d’instabilité à l’avant plan Ici on ne voit pas très bien où est le point de fuite (s’il existe) Brueghel est le seul peintre flamand de l’époque qui choisit de telles perspectives. Cela vient de son passage en Suisse lors de son retour d’Italie. Il a dû être frappé par de tels à pics en passant les cols Godefroy DANG NGUYEN
Godefroy DANG NGUYEN Le suicide de Saül Il s’agit d’une bataille pour contrôler un col (inspiré de ceux des Alpes). L’à pic là aussi, est vertigineux et ouvre sur un paysage majestueux La scène principale du suicide est aussi reléguée, ici au coin gauche. Saül, roi d’Israël, se suicide après une défaite contre les philistins. Bruegel a implanté la scène dans les Alpes, avec des soldats en armures du XVème
La chute d’Icare Le tableau décrit autre chose que le mythe: un paysage de culture en terrasse au premier plan, au loin un port, des navires. Un lever de soleil sur la mer. Le sujet principal est minuscule : Icare. Un thème mythologique: Dédale a confectionné des ailes pour s’enfuir, lui et son fils Icare, de la prison où ils sont enfermés. En volant, Icare s’approche trop du soleil, la cire qui collait ses ailes fond et Icare tombe dans la mer Bruegel étage les plans; un terre plein et un laboureur, en dessous un berger qui regarde le ciel avec ses moutons, l’à-pic qui tombe dans la mer. Au bord, un pêcheur observant sa ligne. L’à-pic aligne les têtes du laboureur et du berger pourtant situé plus bas. L’un baisse les yeux l’autre les lève Godefroy DANG NGUYEN
Comment interpréter ce tableau? Dans les « Métamorphoses » , Ovide parle d’un laboureur, d’un berger et d’un pêcheur qui voient tomber Icare. Il y a aussi une perdrix, symbole de Perdix, neveu et élève de Dédale, tué par celui-ci qui était jaloux de ses inventions, ce qui avait obligé l’architecte à fuir Athènes. Minerve avait transformé Perdix mort, en Perdrix (oiseau). Le fils de Dédale, lui, meurt en volant, juste retour des choses pour Dedale, et ce sous les yeux de la perdrix. Bruegel avait une bonne connaissance des textes antiques, mais étrangement Dedale n’est pas représenté Laboureur Berger Perdrix Pêcheur Bruegel n’a réalisé qu’un seul tableau mythologique, celui-ci. Le style n’a aucun rapport avec celui de la référence dans ce domaine: celui des peintres italiens. Or Bruegel les connaissait puisqu’il a fait un voyage en Italie en 1552 -53, il les ignore. Godefroy DANG NGUYEN
L’autre interprétation Bruegel a voulu peindre un paysage semblable à ceux qu’il avait vu lors de son voyage en Italie, avec le port au fond qui ressemble à celui de Naples, ces champs en terrasse avec leurs murets de pierre, vus sur la côte italienne. En choisissant ce cadrage extrêmement original il crée une atmosphère : on se croit vraiment immergé dans ce champs surplombant la mer. Celle-ci est rendue avec beaucoup de nuances, avec la luminosité changeante du lever du soleil, et même si la perspective ne semble pas correcte, l’illusion de profondeur est bien là. Les anatomies des personnages, des animaux, cheval, moutons, sont peu décrites. Le paysage d’ensemble prend le pas sur ces personnages Godefroy DANG NGUYEN
Zone verte Zone bleue/ blanc Bruegel procède à un étagement des zones de couleur : du marron en premier plan, au vert en second plan, au blanc/bleu en arrière plan. Cela contribue à l’impression d’éloignement (perspective aérienne). C’est un procédé standard à l’époque, popularisé par le peintre Joachim Patinir. Le bateau en second plan est décrit avec une minutie de détail. Zone marron Godefroy DANG NGUYEN
Le retour des chasseurs Ce tableau fait partie d’un cycle de peintures décrivant les saisons. Il est censé représenter l’hiver Des chasseurs rent chez eux en bas, dans la vallée. Ils passent devant une maison où l’on fait du feu. Au loin des il y patineurs sur la glace, des corbeaux volent dans le ciel et en arrière plan des montagnes barrent l’horizon à droite. On sent vraiment l’atmosphère de l’hiver. Il n’y a pas de soleil, le ciel est uniformément grisvert, et se reflète sur le lac gelé, Les personnages n’ont pas d’ombre. On voit les traces de pas dans la neige Les maisons et les chiens marrons, le feu jaune, (couleurs chaudes) contrebalancent à gauche la dominante blanc, vert, gris et noir du reste du tableau (couleurs froides) Godefroy DANG NGUYEN
Godefroy DANG NGUYEN Vallée La perspective qui construit ce paysage est étonnante. Le premier plan de biais semble plonger à pic vers la rivière à droite et la crête des arbres indique le dénivellé dans le milieu du tableau Plus à gauche une série de toits descend plus doucement et au fond c’est une colline couverte d’arbres qui mène à la vallée En haut à droite un massif montagneux avec deux pics, fait face au premier plan surélevé où se trouve les chasseurs. Entre les deux, la vallée avec ses deux lacs et sa rivière, animés d’une foule de personnages Ligne de séparation entre la colline qui surplombe à gauche, la vallée et les montagnes à droite
Un tableau à regarder de loin et de près Bruegel sait très bien jouer du blanc pour donner une épaisseur. On sent le poids de la neige sur les toits et sur les branches des arbres, au premier plan le relief bosselé que la neige a recouvert, et la végétation qui perce sous le manteau. En bas à droite sur la rivière, deux femmes portent des coiffes blanches et des habits colorés, mais les personnages patinant sur le lac ne sont que des taches noires, éparpillées sur la surface verte. Il faut s’approcher pour mieux les voir. Femmes Godefroy DANG NGUYEN
Spectateurs Chacune de ces taches noires représente une silhouette Patineurs malhabiles Course Danseurs Chute Vu de près, le lac semble être animé d’une vie débordante, créée par ces taches. Enfants qui jouent à la toupie Patineurs qui jouent au « curling » Ce tableau est incontestablement un des chefs d’œuvre de Bruegel, par sa composition, son animation, la gestion très subtile des couleurs. Godefroy DANG NGUYEN
Un étrange tableau Godefroy DANG NGUYEN Le sujet principal est illustré par les personnages en bas. C’est une allégorie: Un gros homme perché sur un tonneau (Le Carnaval) « combat » une vieille sorcière (Le Carême) assise sur une chaise tirée par deux femmes. La lance du Carnaval est une broche avec une tête de porc, celle du Carême une palette avec des poissons. A gauche, côté auberge, on est occupé à faire la cuisine, à droite, côté église on fait l’aumône. Normalement Carnaval intervient après le Carême. Pourquoi se rencontrent-ils donc? A droite une église sans cierge , d’où sortent deux cortèges de personnages vêtus d’une capuche noire Un fou de dos avec une lanterne (en plein jour) guide un couple : Le monde est devenu fou. Est-ce une discrète allusion aux guerres de religion qui secouent son pays? (Carnaval =protestants, Carême = catholiques). On ne sait pas.
Une vision par en dessus. Ici le point de vue est par en dessus, comme si c’était une photo prise d’un drone. Ce cadrage se retrouve dans plusieurs tableaux de Bruegel. Il y a très peu de ciel au fond. Donc le « drone » pique vers le sol qui paraît se relever vers le haut. Cela donne la possibilité de mettre beaucoup de personnages dans le tableau. Les maisons donnent la structure de la composition. Elles entourent un vaste espace où sont distribués de multiples personnages, répartis en petits groupes aux allures les plus étranges, occupés dans des activités diverses. Ce grouillement crée la vie. Mais derrière chaque saynète il y a peut être une signification cachée: ainsi côté Carnaval on joue aux dés (jeu de hasard) côté Carême à la toupie (jeu d’adresse) Godefroy DANG NGUYEN
Noces paysannes Cette fois-ci c’est une scène d’intérieur, les personnages sont en gros plan. La nourriture semble le sujet principal : boisson versée dans les cruches, soupe que l’on passe à table, gamin qui lèche son assiette. Ceci est une première dans la peinture occidentale. Jusqu’à Bruegel, même dans les scènes de banquet on ne voyait pas les convives manger (R. S. et R Hagen). La mariée en arrière plan est devant la tenture verte du mur du fond. Elle a les yeux mi-clos et ne mange pas, au contraire d’autres convives. Sa mère et son père sont à sa droite. Le marié est absent. Godefroy DANG NGUYEN
Noces paysannes La table en perspective fuyante n’est pas originale, ce qui l’est ce sont les serveurs au premier plan qui apportent la soupe : Ils apparaissent comme les personnages majeurs du tableau. Il n’y a pourtant pas d’ironie ni de moquerie dans ce tableau. Les visages ne sont pas caricaturés. Les couleurs (Bleu, rouge, blanc) sont bien distribuées sur un ton général ocre, ce qui égaie le tableau. Godefroy DANG NGUYEN
Conclusion • Bruegel est sans conteste un artiste très original pour son époque. Il semble cacher une grande humanité derrière ses tableaux qui paraissent anecdotiques, ou même parfois ironique vis-à-vis du « petit peuple » de son pays. • Sa représentation des activités quotidiennes, ses paysages neigeux font de lui un peintre unique au XVIème siècle • Et il a aussi une science du cadrage qui est également très particulière et qui ne sera retrouvée que bien plus tard, par Degas et par la photographie, au XIXème. Godefroy DANG NGUYEN
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