NEUROPATHOLOGIE NEUROMDIATEURS ET TABAC TABAC ET MALADIES MENTALES
NEUROPATHOLOGIE, NEUROMÉDIATEURS ET TABAC (TABAC ET MALADIES MENTALES) DIU de Tabacologie - année 2009 -2010 R de Beaurepaire CH Paul Guiraud 94806 Villejuif
Maladies psychiatriques ou neuropsychiatriques et tabac Maladies psychiatriques et tabac: § Psychoses (schizophrénie) § Dépression (uni ou bipolaire) § Syndrome de déficit de l’attention/hyperactivité (ADHD) Maladies neuropsychiatriques et tabac: § Syndrome de La Tourette § Maladie d’Alzheimer § Maladie de Parkinson
Consommation de tabac chez les personnes institutionnalisées (étude PGV) 100% 80 81% 71% 86% 68% 60 32% 40 20 0 schizo dep uni /bipol tb prso alcool autres pop gén
Interactions biologiques entre le tabac et le cerveau Les composants du tabac: § plus de 3000 composants, § le plus connu est la nicotine (agoniste nicotinique), § d’autres composants sont potentiellement actifs sur le cerveau (métabolites de la nicotine, bêta-carbolines, anabasine, IMAO), Les interactions entre les maladies mentales et la nicotine: § sont en partie liées au rôle propre des récepteurs nicotiniques (rôle important dans les fonctions cognitives), § mais surtout aux interactions entre la nicotine et d’autres neurotransmetteurs (dopamine et sérotonine, qui ont un rôle majeur dans les maladies mentales), § et probablement aussi à d’autres mécanismes (neuroplasticité)
extracellulaire intracellulaire Récepteur nicotinique
Les récepteurs nicotiniques § Constituent un sous-type des récepteurs à l’acétylcholine, l’autre étant le récepteur muscarinique, § Récepteurs canalaires présents de façon assez diffuse dans tout le cerveau, § Sont constitués par l’assemblage de sous-unités ( , ß), l’assemblage le plus courant étant 4ß 2 (suivi par 3, 7, ß 4), § La consommation de tabac désensibilise les récepteurs nicotiniques puis augmente leur nombre (upregulation), ce qui s’oppose à leur désensibilisation (mais phénomènes très complexes), § Les récepteurs nicotiniques interagissent avec les autres systèmes de neurotransmetteurs, et les états successifs de désensibilisation/upregulation chez les fumeurs ont un rôle dans les effets psychologiques, affectifs et cognitifs du tabac en interagissant sur les systèmes dopaminergiques et sérotoninergiques, § L’arrêt du tabac provoque un syndrome de sevrage qui a une base biologique, qui consiste en des anomalies dans le fonctionnement de tous les systèmes de neurotransmetteurs.
Effets centraux de l’administration de nicotine Augmentation régionale de l’activité cérébrale § dans l’aire tegmentale ventrale et ses projections (dopaminergiques dans le noyau accumbens) § dans les circuits des émotions (sérotonine, glutamate) § dans les circuits de la vigilance (plusieurs neurotransmetteurs, surtout noradrénaline) § dans les circuits de la coordination motrice (plusieurs neurotransmetteurs, peut-être surtout la dopamine) Contemporain de modifications comportementales (activité motrice, vigilance, mémoire, plaisir, activation autonomique) Effet anti-stress
SN ATV raphé locus coeruleus Neurotransmetteurs et maladies psychiatriques: Faisceaux dopaminergiques, sérotoninergiques et noradrénergiques
Tabac et maladies mentales: situation de la question: Quelles sont les interactions biologiques entre le tabac et les maladies psychiatriques qui peuvent expliquer que les malades mentaux fument plus que la population générale? § La consommation de tabac: o peut-elle améliorer certains symptômes psychiatriques (hypothèse de l’automédication)? o peut-elle aggraver d’autres manifestations des maladies (par exemple en augmentant la fréquence du suicide)? o peut-elle avoir une relation avec certains autres éléments (autres dépendances, personnalité, délire)? § Ces effets du tabac sont-ils liés à une interaction avec les neurotransmetteurs, ou le tabac a-t-il d’autres effets, par exemple plastiques (toxicité neuronale ou neuroprotectection)?
Tabac, plaisir et mémoire Lors du pic sanguin de nicotine: § libération rapide de dopamine dans le noyau accumbens = expérience de plaisir, effet euphorisant § libération de dopamine et stimulation nicotinique frontale = sensation de clarté intellectuelle § inscription corticale et limbique de l’expérience = mise en mémoire de l’expérience § mise en place progressive de la dépendance = envie de répéter l’expérience de plaisir Réorganisation des récepteurs nicotiniques (up-régulation) et de la mémoire émotionnelle rendant intolérable le manque de nicotine
Mécanismes biologique de la dépendance § activation par la nicotine des neurones de l’ATV o stimulation des récepteurs 4ß 2 des neurones dopaminergiques o stimulation des récepteurs 7 des terminaisons glutamatergiques § augmentation de la dopamine (DA) dans le noyau accumbens o dans les compartiments extracellulaires o maintien durable d’une teneur élevée en DA extracellulaire o liens entre dopamine et mémoire § up-régulation des récepteurs nicotiniques 4ß 2 §intolérance à l’arrêt de la stimulation des récepteurs nicotiniques dans le cerveau (nombreuses conséquences)
DL CC S NAC CO H A ATV Voie méso-accumbens: système de plaisir
Noyau Accumbens (NAS) gaba Aire tegmentale Ventrale (ATV) DA glu
Opiacés Noyau accumbens gaba Amphet Cocaïne MDMA Ethanol Opiacés THC Nicotine gaba Aire tegmentale ventrale DA Nicotine glu
Noyau Accumbens (NAS) DA a 4 b 2 gaba Aire tegmentale Ventrale (ATV) a 4 b 2 DA a 7 + glu Ach
Noyau Accumbens (NAS) DA a 4 b 2 gaba Aire tegmentale Ventrale (ATV) Diffusion lente et constante a 4 b 2 DA a 7 + glu Ach
Noyau Accumbens (NAS) Effets de la VARÉNICLINE, agoniste partiel 4 2: bloque les effets de la nicotine sur le système ATV-NAS a 4 b 2 gaba Aire tegmentale ventrale (ATV) a 4 b 2 DA a 7 + glu Ach
DL CC S NAC H A ATV CO
DL CC S NAC CO H A ATV Voie méso-accumbens: système de plaisir
DL CC S NAC CO H A ATV Boucle cingulaire: détection des indices environnementaux
DL CC NAC S CO H A ATV Afférences limbiques: mémoire du manque
Noyau accumbens gaba CORTEX Cognitions, Motivation, Contrôle, Exécution, Motricité, Addiction AMYGDALE DA Transition du système addictif Apprentissage et Neuroplasticité
Tabac et maladies mentales: principea général § Le plaisir: une fonction naturelle § Ce qui est commun aux maladies mentales: = incapacité à éprouver du plaisir (anhédonie) §Fumer (comme prendre des drogues) constitue une forme d’automédication contre cette incapacité à éprouver du plaisir).
Tabac et neuroleptiques Les neuroleptiques constituent le traitement de base de la schizophrénie § Les neuroleptiques bloquent les systèmes dopaminergiques o neuroleptiques classiques: forts bloqueurs D 2 o neuroleptiques atypiques: bloqueurs D 2 faibles, 5 -HT 2 A forts § Le blocage D 2 fort bloque le système de plaisir o c’est une des bases de l’hypothèse de l’automédication § Les neuroleptiques atypiques o diminuent peut-être la consommation de drogues (clozapine) o rôle de la sérotonine? Le tabagisme chez les schizophrènes est-il une automédication contre les effets bloqueurs dopaminergiques des neuroleptiques?
Tabac et symptômes extrapyramidaux des neuroleptiques • Des études ont montré que les schizophrènes fumeurs avaient moins de symptômes extrapyramidaux secondaires aux neuroleptiques (syndrome parkinsonien, dyskinésies aigues, akathisie) • D’autres études ont montré que les schizophrènes fumeurs avaient plus de dyskinésies tardives Le lien entre les effets de la consommation de tabac sur symptômes extrapyramidaux et l’hypothèse de l’automédication n’est pas bien établi.
Tabac et récepteurs nicotiniques alpha-7 §Il existe une diminution des récepteurs alpha-7 dans le cerveau des schizophrènes (surtout dans l’hippocampe) §Cela s’accompagne de troubles cognitifs (anomalies du traitement des informations visuo-spatiales) §La nicotine exogène permet de normaliser ces anomalies cognitives §Les schizophrènes pourraient fumer pour auto-médiquer ces troubles §L’industrie développe des molécules qui stimulent sélectivement les alpha-7 (potentiellement utiles dans le traitement des troubles cognitifs chez les schizophrènes, et pour éviter qu’ils ne fument pour auto-médiquer ces troubles).
Tabac et symptômes cliniques de la schizophrénie Beaucoup d’études ont cherché à corréler la consommation de tabac à des symptômes cliniques chez les schizophrènes: les résultats sont très contradictoires § § Des études (assez peu) ont montré une relation entre tabagisme et symptômes négatifs Des études (plus nombreuses) ont montré des liens entre tabagisme et symptômes positifs La majorité des études n’a rien trouvé Des liens avec certains symptômes spécifiques comme l’anxiété ou l’impulsivité ont été retrouvés Ces études présentent de grandes difficultés méthodologiques, mais, globalement, elles ne sont pas très en faveur de l’hypothèse de l’automédication
Tabac et schizophrénie: résumé Les schizophrènes pourraient fumer: 1. Pour alléger les effets bloqueurs des neuroleptiques sur les systèmes de plaisir (base de la théorie de l’automédication), 2. Pour s’opposer à certains effets extra-pyramidaux des neuroleptiques, 3. Pour lutter contre l’incapacité fondamentale des schizophrènes à éprouver du plaisir, 4. Pour améliorer les fonctions cognitives déficitaires chez les schizophrènes: déficit d’activité des récepteurs 7 (peut-être génétiquement déterminé), 5. Parce qu’ils sont impulsifs et délirent? 6. Pour « faire comme tout le monde » , ou « parce qu’ils s’ennuient » , ou pour « avoir une identité » : attitudes comportementales d’identification à un rôle ou à un groupe, ou pour encore d’autres raisons?
Indice d’extraction de nicotine par groupe diagnostique (cotinine/créatinine/nombre de cigarettes fumées par jour) 0. 04 ** * 0. 03 0. 02 0. 013 0. 008 0. 011 0. 013 Autres Tr. Perso. Alcool. Bipolaires Schizo. 0
Tabac et dépression § Tabagisme chez les déprimés: o les fumeurs sont deux fois plus nombreux chez les déprimés o les fumeurs se suicident deux fois plus que les non fumeurs o les déprimés ont beaucoup plus de mal à arrêter le tabac o l’arrêt du tabac se complique souvent de troubles dépressifs § Le tabac est-il une automédication? o anhédonie dans dépressive o y -t-il des antidépresseurs dans le tabac? §Des antidépresseurs sont utilisés dans le sevrage tabagique: o le bupropion (Zyban®) o les IMAO
Mode d’action des médicaments « d’aide à l’arrêt du tabac » : liens potentiels avec les maladies mentales Mécanisme d’action des nouveaux traitements: modifient l’activité dopaminergique méso-accumbens § Substituts nicotiniques: reproduisent les effets de la nicotine (peu efficaces chez les malades mentaux) § Varenicline: agoniste partiel des récepteurs nicotiniques 4 2 (dangereux chez les malades mentaux? ) § Rimonabant: blocage des récepteurs CB 1 (cannabis) § Bupropion: inhibiteur du recaptage de la noradrénaline et de la dopamine (antidépresseur et antitabac)
R-1 R-présyn ± PI AMPc R-2 ± ATP NT Neurotransmetteur (DA, NA) R-3 T MAO COMT R-4 métabolite Mode d’action du bupropion (inhibiteur du recaptage de NA et 5 HT)
Mécanisme hypothétique d’action du bupropion (inhibiteur du recaptage de la dopamine et de la noradrénaline): § augmentation de la teneur extracellulaire en dopamine o reproduit partiellement ce que fait la nicotine: = diminution de la compulsion à recher du tabac? § augmentation de la teneur extracellulaire en dopamine o mécanisme noradrénergique: effet antidépresseur o peut-être sérotoninergique (Dong et Blier): = capacité à différer?
Action de la nicotine sur les systèmes sérotoninergiques § En aigu: inhibe les neurones sérotoninergiques § En chronique: désensibilise les neurones sérotoninergiques (ce que font les antidépresseurs) § À long-terme, effet différent de celui des antidépresseurs? Questions non résolues: §Effets antidépresseurs ou dépressogènes du tabac? §Effets anxiolytique du tabac? §Effets sur les symptômes affectifs du sevrage tabagique? Des composants du tabac autres que la nicotine agissent sur les systèmes sérotoninergiques (IMAO, bêta-carbolines)
Tabac et maladie hyperkinétique §Clinique: o hyperactivité, impulsivité, troubles de l’attention o tabagisme §Traitement: méthylphénidate (proche du bupropion) §Les malades fument plus que la population générale §La nicotine a des effets favorables sur les troubles attentionnels D’où l’hypothèse de l’automédication par le tabac chez les patients hyperkinétiques
Tabac et syndrome de La Tourette §Clinique: o tics verbaux, tics moteurs, obsessions et compulsions §Traitement habituel: halopéridol (antagoniste DA) §Les malades fument plus que la population générale §La nicotine pourrait avoir une efficacité : o non lié à l’effet dopaminergique: l’effet cholinergique? o ou désensibilisation des récepteurs nicotiniques de ATV? L’effet de la nicotine ne semble pas en rapport avec une automédication
Alzheimer et Parkinson § Protection par le tabac: effet neuroprotecteur de la nicotine § Effet favorable de la nicotine sur le plan cognitif
Tabagisme maternel (1) En prénatal, néonatal et enfance: § avortements spontanés § un retard de croissance § des malformations vélo-palatines § un petit poids à la naissance § une diminution de la circonférence crânienne § un risque accru de mort subite du nourrisson § une augmentation du risque de tumeur cérébrale § des troubles précoces de l’audition A l’âge adulte: §des troubles cognitifs §une augmentation du tabagisme et de la dépendance aux drogues §une augmentation de fréquence de la maladie hyperkinétique §une augmentation des états dépressifs §une augmentation des comportements de violence, de délinquance et des conduites criminelles
Tabagisme maternel (2) Effets sur le développement d’une hyperstimulation nicotinique pendant la gestation: § § § arrêt de la prolifération neuronale différenciation neuronale prématurée poids du cerveau diminué à la naissance diminution du volume du cortex anomalies de structure de l’hippocampe Actions très importantes sur les systèmes de neurotransmetteurs (dopamine, sérotonine, noradrénaline), qui sont modifiés dans un sens favorisant les troubles psychiatriques à l’âge adulte
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