Lu de prs lu de loin Quelques textes

  • Slides: 70
Download presentation
Lu de près, lu de loin. Quelques textes pour découvrir la littérature contemporaine Par

Lu de près, lu de loin. Quelques textes pour découvrir la littérature contemporaine Par Norbert Czarny, critique à En attendant Nadeau.

Trois aspects de la littérature contemporaine • la littérature consentante, académique • la littérature

Trois aspects de la littérature contemporaine • la littérature consentante, académique • la littérature concertante, médiatique et commerciale, le plus souvent sujette à scandale • la littérature déconcertante « à la fois un souci des enjeux, une conscience critique envers son propre travail, une recherche de langue et de formes susceptible d’atteindre des significations demeurées jusqu’ici hors de portée. » Dominique Viart La littérature française au présent Bordas Paris 2005

Un regard juste (il y a quelques années) • Est-ce qu’une part de ma

Un regard juste (il y a quelques années) • Est-ce qu’une part de ma désaffection à l’égard d’un certain roman français […] ne tiendrait pas au fait que rien du poids du monde ne semble peser dans leurs écrits ? Tous les écrivains dont je me suis senti proche […] se sont confrontés dans leur existence et dans leur œuvre aux aléas et aux catastrophes de l’Histoire. » Jacques Henric, Politique Le Seuil 2007

 • Jouer On l’oublierait presque : écrire est jouer avec les mots, sur

• Jouer On l’oublierait presque : écrire est jouer avec les mots, sur les mots, laisser les mots tracer le chemin. Ecrire est inventer un monde. Cela a à voir avec l’enfance, avec le « je serais » et le « on ferait » . Sans cette dimension qui n’exclut pas le sérieux, on ne peut se mettre à écrire. Ou alors on s’ennuie.

Sur certains points de logistique, cependant, la présence de Paul Objat va lui manquer

Sur certains points de logistique, cependant, la présence de Paul Objat va lui manquer : toujours aucune nouvelle. Il n'en sait pas plus que nous sur lui à ceci près que nous autres, un peu mieux informés, avons vu Objat disparaître avec Constance. Or si le général se fout complètement de Constance, pur appât subsidiaire à ses yeux, non moins interchangeable qu'une durite ou qu'un boulon dans le moteur, nous-mêmes ne nous en foutons pas du tout. Constance nous manque autant qu'Objat mais nous en sommes, sur leur destin, réduits aux conjectures. Cette évaporation simultanée a-t-elle fait naître de l'amour ou de l'antipathie ? En cas d'amour, a-til été durable ou pas, passion définitive ou fiasco d'une nuit ? En cas d'antipathie, peut-on croire qu'après le débriefing leurs chemins se sont séparés, chacun se jurant de ne plus croiser celui de l'autre ? Peut-on penser au contraire qu'arpentant le monde ils mènent ensemble une vie ardente et tumultueuse ? On peut le penser. Ça ou autre chose. Jean Echenoz Envoyée spéciale 2016

commencer Ce n'est pas un bon début. Rien de plus ennuyeux que le récit

commencer Ce n'est pas un bon début. Rien de plus ennuyeux que le récit d'un rêve, rien de plus à côté de la plaque, quand il y a la crise, les indignés, les guerres, les révolutions, toi, tu prétends entamer un livre en racontant le rêve de la nuit, et tu t'obstines, tu franchis le pas. Après tout, ça ne t'engage pas, tu pourras tout déchirer, tout effacer, et tu as grande envie d'écrire ce rêve, une envie impérieuse comme qui dirait. Il me semble que c'est la première fois que je rêve l'écriture d'un livre. J'écris le début d'un livre et j'éprouve le bonheur, la joie d'avoir écrit un début à la hauteur, un début sans bavure, un début qui tourne, d'autant que sa construction est circulaire. Marilyne Desbiolles Ceux qui reviennent 2014

Commencer où on peut. Quand Simon m’a raconté cette scène d’amour j’ai trouvé ça

Commencer où on peut. Quand Simon m’a raconté cette scène d’amour j’ai trouvé ça charmant, s’agissant d’un homme et d’une femme vieillissants qui sans doute ne connaîtront plus jamais une émotion de cette qualité, aussi intense, aussi belle dans sa fulgurance. Bref, ça fait une heure que je suis là en train de me demander comment je vais m’y prendre. Eh bien je vais faire comme je fais d’habitude quand je suis embarrassé, je vais commencer, ni par le début ni par la fin mais par le premier bout qui se présente. Christian Gailly Un soir au club

Nouveau départ « Et je me voyais de nouveau, reprendre la route – hors

Nouveau départ « Et je me voyais de nouveau, reprendre la route – hors de question, dorénavant, de repartir où que ce soit à pied – faire en sorte que le décor autour de moi ne cesse plus de changer et de ne m’arrêter que par nécessité, que rien ne s’installe plus, à aucun moment, pas même l’apparence des choses. » Christian Oster Rouler Points Le Seuil

En France, aujourd’hui • Crise et solidarité Observer et dire la crise, le doute,

En France, aujourd’hui • Crise et solidarité Observer et dire la crise, le doute, le malaise, l’excès, le manque : ainsi pourrait-on définir un courant de notre littérature d’aujourd’hui. Mais aussi créer des liens, susciter l’espoir, une foi nouvelle, rêver des utopies.

Un basculement Il m'avait fallu atterrir en cet endroit, dans cet état, non seulement

Un basculement Il m'avait fallu atterrir en cet endroit, dans cet état, non seulement pour mettre à l'épreuve mon métier, mais aussi pour sentir ce que j'avais lu cent fois chez des auteurs sans tout à fait le comprendre : écrire est la meilleure manière de sortir de soi-même, quand bien même ne parlerait-on de rien d'autre. Du même coup, la séparation entre fiction et non fiction était vaine : tout était fiction, puisque tout était récit - choix des faits, cadrage des scènes, écriture, composition. Ce qui comptait, c'était la sensation de vérité et le sentiment de liberté donnés à celui qui écrivait comme à ceux qui lisaient. Philippe Lançon Le lambeau Folio

Une guerre civile en France C’était un des petits plaisirs ménagés par la guerre,

Une guerre civile en France C’était un des petits plaisirs ménagés par la guerre, à sa périphérie, que de pouvoir emprunter le boulevard de Sébastopol pied au plancher, à contresens et sur toute sa longueur. En dépit de la vitesse élevée que je parvins à maintenir sans interruption, entre les parages de la gare de l’Est et la place du Châtelet, j’entendais éclater ou crisser sous mes pneus tous les menus débris que les combats avaient éparpillés … Les événements Jean Rolin P. O. L.

Parler pour renaitre Je me dis que la parole est la seule chose qui

Parler pour renaitre Je me dis que la parole est la seule chose qui atténue nos malheurs, qui donne du sens à notre humanité, qui nous explique à nous-mêmes ce que nous faisons là, comme nous le faisons. Si nous n’avions pas la parole, nous serions méchants, nous serions brutaux, nous serions dangereux. Parler nous sauvera de la rancœur, de la violence, du désespoir, nous fera accéder à la gentillesse, la plus grande qualité de toutes les qualités. Eloge des bâtards Olivia Rosenthal

Les yeux du peuple « Il faut écrire ce qu’on ignore. Au fond, le

Les yeux du peuple « Il faut écrire ce qu’on ignore. Au fond, le 14 juillet, on ignore ce qui se produisit. Les récits que nous en avons sont empesés ou lacunaires. C’est depuis la foule sans nom qu’il faut envisager les choses. Et l’on doit raconter ce qui n’est pas écrit. Il faut le supputer du nombre, de ce que l’on sait de la taverne et du trimard, des fonds de poche et du patois des choses, liards froissé, croûtons de pain. » Eric Vuillard 14 juillet Actes sud

Deux amis Personne, qui côtoyait le braque dans l’étable, prit en affection ces deux

Deux amis Personne, qui côtoyait le braque dans l’étable, prit en affection ces deux chiots. Quand la mère devait s’absenter, il se couchait près d’eux, faisant très attention de ne pas les blesser, car il avait doublé de volume depuis son arrivée. Il arrondissait ses deux grosses pattes en manière de berceau ; les petits jouaient là tout à leur aise. Stéphane Audeguy Histoire du lion Personne Le Seuil

Les illusions perdues … Laissez-moi la raconter comme je veux, qu’elle soit comme une

Les illusions perdues … Laissez-moi la raconter comme je veux, qu’elle soit comme une rivière sauvage qui sort quelquefois de son lit, parce que je n’ai pas comme vous l’attirail du savoir ni des lois, et parce qu’en la racontant à ma manière, je ne sais pas, ça me fait quelque chose de doux au cœur, comme si je flottais ou quelque chose comme ça, peut-être comme si rien n’était jamais arrivé ou même, ou surtout, comme si là, tant que je parle, tant que je n’ai pas fini de parler, alors oui, voilà, ici même devant vous il ne peut rien m’arriver, comme si pour la première fois je suspendais la cascade de catastrophes qui m’a l’air de m’être tombée dessus sans relâche comme des dominos que j’aurais installés moi-même, patiemment pendant des années, et qui s’affaisseraient les uns sur les autres sans crier gare » . Tanguy Viel Article 353 du code pénal Editions de Minuit

Un grand roman d’amour, aujourd’hui • « Ne jamais être à la même place,

Un grand roman d’amour, aujourd’hui • « Ne jamais être à la même place, se segmenter dans un grand nombre d’activités et de projets, pour ne jamais se laisser enfermer dans aucune vérité – mais être à soi-même, dans le mouvement, sa propre vérité. Victoria n’éprouvait pas de pitié, de remords, de tristesse ou d’angoisses, car elle les dissolvait par le mouvement et la fragmentation. » • • Eric Reinhardt Le système Victoria • (Stock)

Deux mondes face à face • « Ainsi, c’est cela l’espace, l’existence, quelque chose

Deux mondes face à face • « Ainsi, c’est cela l’espace, l’existence, quelque chose de réel, d’humain, une terre cultivée, patiemment retournée, et non pas ce qu’on désigne par bascôté, bas morceau d’une vie que la vitesse rétrécit de jour en jour. Et vous avez compris tout ce qui était caché dans la peau des voyages, tout ce qui s’était trouvé étouffé dans le bruit d’une modernité. Et cette immobilité retrouvée, soudaine, décidée, provoquait des sensations, élevait des sentiments, engendrait des mots nouveaux. » • Thierry Beinstingel Ils désertent (Fayard)

Honte et colère Pour l’instant, je travaille à cette chose qui me plait. J’ordonne

Honte et colère Pour l’instant, je travaille à cette chose qui me plait. J’ordonne des phrases entre elles. Je pense à la beauté muette parfaite des fleurs. Je me déploie sur l’espace infini de la page où il fait si bon vivre. Je trouve mon équilibre là-dedans. Je suis bien. Un peu à l’écart. Je reste à l’affût. Sur mes gardes. Emmanuelle Richard Désintégration

Les mains créatrices « Pensez à peindre avec vos glaciers intérieurs, avec vos propres

Les mains créatrices « Pensez à peindre avec vos glaciers intérieurs, avec vos propres volcans, avec vos sous-bois et vos déserts, vos villas à l’abandon, avec vos hauts, vos très hauts plateaux … » Un monde à portée de main Maylis de Kerangal Verticales

De loin, on dirait une île… « Ce jour-là, Bruno eut l’impression que, passé

De loin, on dirait une île… « Ce jour-là, Bruno eut l’impression que, passé un seuil d’ombre, flottant sur l’eau de leurs bouches mêlées, il abordait un continent nouveau, ou bien qu’il était projeté au milieu d’étoiles, celles d’un univers lui-même en expansion… La vitesse augmentait, bientôt vertigineuse… » Eric Holder La saison des Bijoux Le Seuil

Un pays qui disparait Monde rural, périphéries de la France ou des villes, des

Un pays qui disparait Monde rural, périphéries de la France ou des villes, des univers disparaissent ou se trouvent marginalisés. Des romanciers les évoquent, les honorent, disent ce peu qui révèle un tout, qui traduit une grandeur passée, des traditions, des existences.

Monde disparu Annette s'appliquait pour ne pas penser au Nord. Elle aurait voulu oublier

Monde disparu Annette s'appliquait pour ne pas penser au Nord. Elle aurait voulu oublier les contours même des choses de là-haut et tout arracher d'elle pour mieux recommencer à Fridières. On devait se couler dans une vie neuve et prendre garde, se prémunir contre tout. Nicole et les oncles n'eussent pas pardonné, elle le sentait, le moindre faux pas, la curée eût été immédiate, rien ne devait déborder de la masse granuleuse des peines anciennes et des humiliations incrustées. Marie-Hélène Lafont L’annonce folio

France 1995, vue de près La mode était, au bord des routes, pour influer

France 1995, vue de près La mode était, au bord des routes, pour influer sur les comportements routiers, à ces silhouettes de contreplaqué peintes en noir dressées dans l’herbe partout où il y avait eu des morts toi, tu imaginais que devant chaque usine ayant licencié son personnel on établirait un champ de pareilles silhouettes de contreplaqué. Mais non, il n’y avait que le bâtiment bleu, le bitume et les pelouses, le grillage blanc impeccable. A peine sur le mur face au bureau du vigile qui t’avait reconnu et adressé un signe de la main, on reconnaissait cependant l’empreinte de l’ancien nom, puisqu’ils avaient démonté les lettres de bois vissées sur le mur sans repasser un coup de peinture. François Bon Daewoo

En périphérie de la France Et puis ces pères qui avaient voulu fuir la

En périphérie de la France Et puis ces pères qui avaient voulu fuir la pauvreté, qu'avaient-ils réalisé en somme ? Ils possédaient tous une télé couleur, une voiture, ils avaient trouvé un logement et leurs enfants étaient allés à l'école. Pourtant, malgré ces objets, ces satisfactions et ces accomplissements, personne n'aurait pensé à dire qu'ils avaient réussi. Aucun confort ne semblait pouvoir effacer leur indigence première. À quoi cela tenait-il ? Aux vexations professionnelles, aux basses besognes, au confinement, à ce mot d'immigré qui les résumait partout ? Ou bien à leur sort d'apatride qu'ils ne s'avouaient pas ? Car ces pères restaient suspendus, entre deux langues, deux rives, mal payés, peu considérés, déracinés, sans héritage à transmettre. Leurs fils en concevaient un incurable dépit. Nicolas Mathieu Leurs enfants après eux Actes sud

Autre périphérie Le temps qu'on dit passé s'attardait encore, au milieu de ce siècle,

Autre périphérie Le temps qu'on dit passé s'attardait encore, au milieu de ce siècle, dans les petites villes enfouies au coeur du pays. Sa lumière morte, son air éteint, ses drames anachroniques, sa misère, ses tenaces noirceurs encombraient la vie de chaque jour. L'heure qui montait au cadran de l'histoire hésitait, au loin. Quinze années durant, peut-être, la nuit mérovingienne, le regard d'une dame du temps du roi François, les catins et les roués de la Régence, le spectre d'un maréchal d'Empire assassiné hantèrent le paysage immobile. Une clarté soudaine, insolite et verte, les éclipsa un beau soir, sans retour, et l'instant qui nous était destiné, le présent, a fait son entrée. Pierre Bergounioux La mort de Brune

Loin de Paris « Je suis un être périphérique, les bordures m’ont fondé, je

Loin de Paris « Je suis un être périphérique, les bordures m’ont fondé, je ne peux jamais appartenir à quoi que ce soit, et au monde pas plus qu’à autre chose. Je suis sur la tranche. Présent, absent. A l’intérieur à l’extérieur, je ne peux jamais gagner le centre. » Olivier Adam Les lisières Flammarion

Un papillon « J’ai demandé de quoi le livre parlait. Toujours de la même

Un papillon « J’ai demandé de quoi le livre parlait. Toujours de la même chose. La vie qui passe. Le temps qui s’en va. C’est tout simple, il n’y a jamais rien de spectaculaire. Simplement les hommes et les femmes qui naissent, grandissent, désirent, deviennent adultes, aiment, n’aiment plus, renoncent à leurs rêves, au contraire s’y accroche, vieillissent. S’en vont peu à peu, remplacés par d’autres. » Sylvain Prudhomme Par les routes

Mais aussi le monde • Vue de loin Voici quelques auteurs qui parlent de

Mais aussi le monde • Vue de loin Voici quelques auteurs qui parlent de ce monde, embrasse l’Histoire et la géographie, se confrontent au siècle tout juste passé et à celui qui commence. Tous ont en commun d’aimer la langue et de l’écrire au singulier.

Profusion et extinction Un peu en retrait, j'observais son profil grave et ruisselant des

Profusion et extinction Un peu en retrait, j'observais son profil grave et ruisselant des eaux salée de la baignade et douce de la pluie, les cheveux bouclés de sa mère et les yeux noirs, un visage un peu grec. Après tous ces jours d'une promiscuité contre laquelle on n'avait pas manqué de nous mettre en garde, nous serions, me semble-t-il, partis volontiers pour l'archipel Juan Fernândez au large du Chili, puis l'île de Pâques, puis Tahiti sur les traces de Darwin et de Melville et de tous les autres. Silencieux, comme soulevé de terre par une émotion que je n'avais pas éprouvée depuis un après-midi trois ans plus tôt sur l'île Amantanî au milieu du lac, en lévitation survolant les siècles et les continents, retrouvant tout au bout du chemin les lectures échangées au long du parcours, les histoires racontées et discutées dans les cabines de navire et les chambres d'hôtel, le tourbillon de toutes ces vies et des deux nôtres aussi au milieu du maelstrôm, convaincu que, pour cette minute au moins, je faisais bien d'être vivant, comme si depuis vingt-neuf ans j'attendais cette si fragile épiphanie. Patrick Deville Amazonia

Ailleurs, toujours Stop ! Ca va continuer longtemps comme ça ? Musée toi -même

Ailleurs, toujours Stop ! Ca va continuer longtemps comme ça ? Musée toi -même ! Tout d’un coup je m’ennuie. Je m’ennuie moimême alors vous qui me lisez ? Est-ce que par hasard j’aurais entrepris de raconter des souvenirs bien léchés, bien construits, littéraires, l’un s’enfilant dans l’autre, collier, couronne mortuaire ? Est-ce que je serais devenu grand-père, ou académicien (j’en aurais l’âge, mais ne suis ni l’un ni l’autre, autant en profiter). Vous ne me croirez peut-être pas (tant pis pour vous) mais ce livre s’écrit sous vos yeux à mesure que vous le lisez (plus lentement hélas), et tout d’un coup je sens qu’il faut qu’il déraille, et s’il ne le fait pas de lui-même c’est à moi de placer les explosifs sur la voie. Olivier Rolin Extérieur monde Gallimard

Londres brûle ! « Eux, c’est un mouvement. Ils sont désordonnés comme une tempête.

Londres brûle ! « Eux, c’est un mouvement. Ils sont désordonnés comme une tempête. Ils sont le souffle froid, la morsure de l’hiver. Ils ne survivraient pas au soleil du pouvoir, à son glorieux été. » Thomas B Reverdy L’hiver du mécontentement (Flammarion)

Un été de jeunesse totale « Tandis que le récit de ma mère sur

Un été de jeunesse totale « Tandis que le récit de ma mère sur l’expérience libertaire de 36 lève en mon cœur je ne sais quel émerveillement, je ne sais quelle joie enfantine, le récit des atrocités décrites par Bernanos confronté à la nuit des hommes, à leurs haines et à leurs fureurs, vient raviver mon appréhension de voir quelques salauds renouer aujourd’hui avec ces idées infectes que je pensais, depuis longtemps dormantes Pas pleurer Lydie Salvayre Points Seuil

Recommencer « Même si elle n’a pas voulu voir, elle sait que ce soir

Recommencer « Même si elle n’a pas voulu voir, elle sait que ce soir il vient de se passer quelque chose : on ne peut plus laisser Samuel. Maintenant, il faut qu’ils comprennent ensemble ce qui s’est passé. Comment depuis des mois il s’est détruit, comment ils l’ont détruit à force d’indifférence, ou d’aveuglement, car ils ont été aveugles à tout ce qui n’était pas leur guerre, à tout ce qui n’était pas eux, et chacun a été responsable de ce qui arrive ce matin. » Laurent Mauvignier Continuer Editions de Minuit

Quand un monde commence « Devant le spectacle d’un monde qui ne change pas,

Quand un monde commence « Devant le spectacle d’un monde qui ne change pas, c’est le temps que je refuse de voir passer. Et, n’en déplaise à mes chers neveux, je me charge de le retenir. De faire encore, à leur nez et à leur barbe, durer un peu l’éternité. » Charif Majdalani L’empereur à pied Le Seuil.

14, vue ignorée « Pour être aperçue, l’histoire cachée sous l’histoire connue doit se

14, vue ignorée « Pour être aperçue, l’histoire cachée sous l’histoire connue doit se dévoiler un tout petit peu … Quand elle est comprise par ceux à qui elle est destinée, l’histoire cachée derrière l’histoire connue peut changer le cours de leur vie, les pousser à métamorphoser un désir diffus en acte concret. » David Diop Frères d’âme Le Seuil

Plus fort que la fiction Ceux qui parlent dans ce livre sont moi. J’ai

Plus fort que la fiction Ceux qui parlent dans ce livre sont moi. J’ai digéré toutes les histoires, je les écoute, les réécoute, je me parcours de la trompe, je suis l’éléphant et je retrouve dans le reflet du point d’eau mes histoires miennes, minces et légères comme l’italique, qui me composent. François Beaune La lune dans le puits Verticales

Basculements « Au cercle, les oiselles se comportèrent très bien. Elles étaient venues en

Basculements « Au cercle, les oiselles se comportèrent très bien. Elles étaient venues en groupe, habillées avec plus de tissu que d’habitude. Elles montrèrent qu’elles savaient prendre un thé entre gens de bonne compagnie, soutenir une conversation dans un français sans faute et rester assises sur le bord de leurs chaises pendant que Madame Dolly leur expliquer ce que voulait dire le mot «Prépondérants » … • Hédi Kaddour Les Prépondérants Gallimard

Quand tout tient par le style Les romanciers rêvent souvent de poésie. Tout dépend

Quand tout tient par le style Les romanciers rêvent souvent de poésie. Tout dépend de ce qu’on entend par ce mot souvent galvaudé. Nous entendrons liberté, curiosité, incertitude, puissance du souvenir qui s’incarne dans les signes les moins visibles. La présence d’un charme, le parfum tenace du chèvrefeuille, un son, rien.

Se (re)trouver J’ai peur qu’une fois que vous avez toutes les réponses votre vie

Se (re)trouver J’ai peur qu’une fois que vous avez toutes les réponses votre vie se referme sur vous comme un piège, dans le bruit que font les clés des cellules de prison. Ne serait-il pas préférable de laisser autour de soi des terrains vagues où l’on puisse s’échapper ? Patrick Modiano Encre sympathique Gallimard

Non, ce qui est sérieux, ce qu'est peindre, c'est travailler comme sur la mer

Non, ce qui est sérieux, ce qu'est peindre, c'est travailler comme sur la mer un galérien rame, dans la fureur, dans l'impuissance : et quand le travail est fini, que le bagne s'ouvre un instant, que la toile est accrochée, dire à tous, princes qui le croient, peuple qui le croit, peintres qui ne le croient pas, que cela vous est venu d'un seul coup, contre volonté et miraculeusement en accord avec elle, sans fatigue presque comme un printemps qui vous pousserait au bout des pinceaux, quelque chose s'est emparé de votre main et l'a portée comme des putti d'un seul doigt tiennent un char, quelque chose qui est Tiepolo revenu, toute la pittura en vous infuse, l'observation de la Nature tant aimée (entendez-vous alors, Madame, ce rire silencieux dans la tête des peintres ? ), l'art enfin, ailé comme un ange et facile comme une maja. Pierre Michon Maîtres et serviteurs

Illumination : c’est de la bête que je dois faire une œuvre, de l’idiot

Illumination : c’est de la bête que je dois faire une œuvre, de l’idiot qui parle, du « rien » , encore un peu de psychologie française, de « personnages » – c’est dans le 4 × 4 de commandement que j’ai écrit, quelques mois auparavant, en attente du chef de bataillon, le prologue d’un livre à paraître deux ans plus tard –, et bientôt l’épopée de l’idiot – par l’idiot, détruire l’humanisme, comprendre le monstre politique ou de camp (le culturel n’a pas empêché la pire déshumanisation) –, de l’idée fixe : qu’est-ce après tout qu’Antigone, qu’Électre… ? le Christ lui-même… plus le mental et les préoccupations sont limités, plus le verbe est beau et ample : l’idée fixe comme percée et éclatement du réel. Pierre Guyotat Idiotie Ld. P

Partir de la banalité Junichirô Tanizaki disait qu’il regrettait le pinceau moins sonore que

Partir de la banalité Junichirô Tanizaki disait qu’il regrettait le pinceau moins sonore que le stylo; les objets de métal ternis; le cristal opaque et le jade trouble; les traînées de la suie sur les briques; l’effritement des peintures sur le bois; la trace de l’intempérie; la branche brisée, la ride, l’ourlet défait, le sein lourd; le déchet d’un oiseau sur la balustrade; la lueur insuffisante et silencieuse d’une bougie pour dîner ou celle d’une lanterne suspendue au- dessus de la porte de bois; Pascal Quignard Les ombres errantes

Un pari de joueur « Il les a envoûtés, c’est comme je te dis,

Un pari de joueur « Il les a envoûtés, c’est comme je te dis, j’y étais, j’ai vu, une possession chamane, il est monté en magie, il s’est hissé en chamanerie et les a rendus forts, il les a haussés de soir en soir, rien qu’en leur parlant. » . Chant furieux Philippe Bordas

Détails d’un temps Quelque chose m’attirait dans ce siècle depuis toujours, mais aussi bien

Détails d’un temps Quelque chose m’attirait dans ce siècle depuis toujours, mais aussi bien m’en éloignait, quelque chose d’effrayant. Aucune époque ne mêle à ce point le charme et les ruines. La grâce est là, oui, mais la terreur aussi : libertinage et guillotine. Marianne Alphant Ces choses-là P. O. L.

Parler des autres pour se dire Raconter des vies est une façon de raconter

Parler des autres pour se dire Raconter des vies est une façon de raconter sa vie, de lui donner du sens dans l’insignifiance ou la rumeur. C’est aussi une façon de mettre « le couteau dans la plaie » . On risque de s’y blesser ; écrire est à ce prix.

Se dévoiler « Il y avait eu cette matinée pendant laquelle Livio avait longuement

Se dévoiler « Il y avait eu cette matinée pendant laquelle Livio avait longuement pris la parole. Il avait bravé le regard de tous, debout pendant une heure sur l’estrade, et n’avait pas dévié de son cap quand il avait raconté l’existence et le combat de Magnus Hirschfeld dont personne dans la classe n’avait entendu parler. » Brigitte Giraud Jour de courage Flammarion

Soudés « Nous avions peur. De tout, de rien, des autres, de nous-mêmes. De

Soudés « Nous avions peur. De tout, de rien, des autres, de nous-mêmes. De la petite comme de la grande histoire. Des honnêtes gens qui, selon les circonstances, peuvent se muer en criminels. De la réversibilité des hommes et de la vie. Du pire, car il est toujours sûr. Cette appréhension, ma famille me l’a transmise très tôt, presque à la naissance. Christophe Boltanski, La cache Livre de poche

La prison du silence « Se taire. Oui, se taire. Ne plus savoir ce

La prison du silence « Se taire. Oui, se taire. Ne plus savoir ce que parler veut dire. Ce que dire veut dire. Ce qu’un mot désigne, ce qu’un nomme. Oublier que les mots parfois forme des phrases » . Le silence, comme le jeu, espérait-il, l’aiderait à apaiser ses tourments. » Santiago H Amigorena Le ghetto intérieur P. O. L

Pris en tenaille « La bienveillance n’est qu’une chimère au regard de cette tenaille

Pris en tenaille « La bienveillance n’est qu’une chimère au regard de cette tenaille qui le tient tout entier. Ce que l’on nomme amour n’est ni doux ni tendre, rien n’en est proche comme la haine, soupire-t-il. Il n’a rien entendu de plus bête que ces gens qui, par amour, disent vouloir le bonheur de ceux qu’ils aiment. C’est une maladie dont je souffre, ajoute-t-il. Nicolas hoche la tête avec pitié. Nathalie Azoulai Titus n’aimait pas Bérénice P. O. L.

Père, et fils « Il avait besoin de tout garder, au cas où il

Père, et fils « Il avait besoin de tout garder, au cas où il en viendrait à oublier, non pas le contenu mais les expériences, les semaines et les soirées, les initiatives, le parcours, le chemin, celui qu’il avait accompli seul et qui l’avait mené du prolétariat à l’action sociale, du rugby au yoga, du bal des pompiers au festival de musique baroque d’Ambronay, de Clairvaux-les-Lacs à Lons-le-Saunier. Pierric Bailly L’homme des bois (folio)

Ce qu’apprennent les garçons « Quelques jours plus tard se tiendrait à Courbourg l’annuel

Ce qu’apprennent les garçons « Quelques jours plus tard se tiendrait à Courbourg l’annuel carnaval, lointaine résurgence des feux de la Saint-Jean, lesquels avaient longtemps donné lieu à des réjouissances dans cet ancien village de campagne, avant que l’exode rural ne les fisse peu à peu tomber en désuétude, mais que le comité des fêtes de la municipalité, pour animer un peu l’ambiance de ce qui était devenu une cité- dortoir, avait récemment décidé de réactiver dans le dessein d’en faire l’événement culturel de l’année. » • Eric Laurrent Les découvertes • (Minuit)

Retrouver l’autre soi. « Aucun autre projet d’écriture ne me paraît, non pas lumineux,

Retrouver l’autre soi. « Aucun autre projet d’écriture ne me paraît, non pas lumineux, ni nouveau, encore moins heureux, mais vital, capable de me faire vivre au-dessus du temps. Juste « profiter de la vie » est une perspective intenable, puisque chaque instant sans projet d’écriture ressemble au dernier. » • Annie Ernaux Mémoire de fille

Drôles et mélancoliques Il ne prend pas la peine de lire les résumés, il

Drôles et mélancoliques Il ne prend pas la peine de lire les résumés, il se fie au titre, à l’affiche et à son propre instinct. Parfois il se trompe et se trouve obligé de voir un film extrêmement ennuyeux sans le moindre baiser, le moindre décollage d’avion le moindre borborygme rigolo pour le récompenser de sa patience. Il reste jusqu’à la fin, parce que c’est son habitude, et il ne dit jamais sa déception. Il aurait trop peur qu’on lui déconseille de retourner au cinéma. Florence Seyvos Le garçon incassable Editions de l’Olivier

Se faire une place « Et certains jours, devant ce regard couleur de nuit

Se faire une place « Et certains jours, devant ce regard couleur de nuit privé de lune et d’étoiles, d’une brillance intense, elle se sent saisie de froid, de chagrin autant que d’amour fou pour l’enfant mutilée dans son corps et dans son temps, et le pourquoi de sa propre présence au monde, et de celle de chaque vivant, resurgit intact, abrupt. » Sylvie Germain Petites scènes capitales 2013

A l’ami disparu « François était un homme d’écoute. Il savait ouvrir l’oreille, et

A l’ami disparu « François était un homme d’écoute. Il savait ouvrir l’oreille, et c’est pourquoi il « pouvait susciter l’affection la plus profonde. Car l’amitié n’est rien d’autre que cela : une écoute. C’est-à-dire l’ouverture à une pulsation, une vibration. » Michaël Ferrier François, portrait d’un absent Gallimard

Un autoportrait « Pour souffrir, je souffrais, je me suis longtemps employé à faire

Un autoportrait « Pour souffrir, je souffrais, je me suis longtemps employé à faire de ma vie un enfer et il serait bien sûr exagéré de dire que je le faisais exprès, mais enfin j’en tirais, outre le confort paradoxal qu’il y a à ne pas oser être heureux, le bénéfice secondaire d’espérer que cette souffrance fasse de moi un grand écrivain. » Emmanuel Carrère Il est avantageux d’avoir où aller

Vies errantes, de femmes Wanda entre dans un bar et s'assoit à une table

Vies errantes, de femmes Wanda entre dans un bar et s'assoit à une table en formica rouge dans un recoin de fenêtres. On ne sait pas dans quelle ville se passe la scène, mais dès qu'on voit ce recoin de fenêtres, la table en formica dans l'angle des rideaux plis épais qui sentent la cigarette et la bière, on sait que ce bar en Pennsylvanie est à l'à-pic exact du malheur, pas un malheur plein d'emphase, pas un malheur grandiose agrafé à l'Histoire, non, un malheur fade qui a l'odeur d'un tissu à carreaux pendu aux fenêtres d'un café de province. Supplément à la vie de Barbara Loden Nathalie Léger P. O. L 2012

Pièges de l’intrigue On est persuadé de lire une histoire à suspens. Et on

Pièges de l’intrigue On est persuadé de lire une histoire à suspens. Et on se retrouve ailleurs. On s’est laissé prendre au jeu, toujours le jeu.

Fausse piste Plutôt que de me sentir ému, plutôt que d'être submergé par l'émotion

Fausse piste Plutôt que de me sentir ému, plutôt que d'être submergé par l'émotion comme je l'avais été une demi-heure plus tôt à la Plaine, je pensais simplement que c'était émouvant. Je le pensai en ces termes : « C'est, en effet, très émouvant. » Je percevais l'émotion que la situation recelait, je me rendais compte que la scène que j'étais en train de vivre était très émouvante, mais je n'éprouvais pas moi-même cette émotion, comme si, l'esprit tendu et attentif, à l'écoute des sentiments que je ressentais ou que j'aurais dû ressentir, j'étais incapable de les éprouver vraiment, je ne pouvais que les observer de l'extérieur, et, dans cette nuance, dans cette infime distinction, je voyais une constante de mon caractère, une raideur, une rigidité, une difficulté que j'ai toujours eue à exprimer mes émotions. Jean-Philippe Toussaint La clé USB Editions de Minuit

Moderne et écologique J'ai été touchée que, malgré la charge d'un ménage si considérable,

Moderne et écologique J'ai été touchée que, malgré la charge d'un ménage si considérable, le couple se réserve des soirées à deux. Puis j'ai été intriguée par la posture d'AIban. Fixant désespérément son assiette, il semblait endurer le poulet basquaise comme on purge une peine carcérale. Car Inès avait beau s'enorgueillir de sa progéniture, de sa déco design et généralement de toute sa personne, elle avait aussi besoin d'être valorisée en tant que femme. Une Femme avec un grand F, dans la pleine mesure de sa féminité épanouie, parce que les hommes me regardent, sais-tu Alban, comme tu ne me regardes plus, et si tu ne me regardes plus je meurs; oui j'ai besoin de savoir que tu m'aimes, Alban, ou je me tue Julia Deck Propriété privée Editions de Minuit

Impatience Ma tante commençait à rédiger. Je la guettais par la porte entrouverte. J’ai

Impatience Ma tante commençait à rédiger. Je la guettais par la porte entrouverte. J’ai suivi de loin, une seconde, le tracé de la plume crissant sur le papier. Un premier trait penché. Continue, ma tante… ! : à l’ordre de… Je me suis approché : Tu marques Marcello Martini, n’oublie pas, je reviens dans une minute… Je suis descendu en vitesse saluer la directrice. Qui ne s’est pas levée à mon entrée. Vu son sourire, elle ne semblait pas mécontente de me voir partir. » Yves Ravey Trois jours avec ma tante Minuit

Rapt « Notre enquête porte sur cet oubli-là, sur des figures destinées à l’oubli,

Rapt « Notre enquête porte sur cet oubli-là, sur des figures destinées à l’oubli, effacées par un temps qui, s’il n’est pas dans la nuit de l’histoire, est dans un clair-obscur, ou mi - ombre mi - lumière, comme ne sachant pas, ne parvenant pas à se déterminer. Ce sera donc aussi l’histoire de la disparition d’un événement. » Bertrand Schefer Série noire POL

Des mots aux actes Hé, c’est que vous avez bien grandi, j’ai failli ne

Des mots aux actes Hé, c’est que vous avez bien grandi, j’ai failli ne pas vous reconnaître. Elle ne savait plus quoi me dire. J’aurais préféré qu’elle ne pose pas sur moi ce regard compatissant. Je savais qu’elle pensait à ma mère et aux rumeurs d’empoisonnement qui avaient couru à la mort de mon père. Elle leva les sourcils en hochant la tête de haut en bas. Je regardai sur la caisse électronique le montant qui était affiché. Je sortis de ma poche les quelques billets qui me restaient. Je n’étais pas mécontent de dépenser de l’argent, ça me donnait l’impression de vivre. (p. 79 -80) Vincent Almendros Prendre la mouche Editions de Minuit

La conversation amoureuse Plus tard, quand il serait désœuvré, songea-t -il, il aurait tout

La conversation amoureuse Plus tard, quand il serait désœuvré, songea-t -il, il aurait tout le temps de regretter les moments dont il n'avait pas su profiter et de rejouer les scènes qu'il avait ratées. Il pourrait même en récrire les dialogues. . . Car leur vie ensemble avait été en fin de compte une longue conversation, continuellement recommencée, jusqu'à ce que l'un des deux manque à l'appel, et que l'autre - lui, en l'occurrence - se retrouve seul, lesté de tout ce qu'il n'avait pas réussi à lui dire. Patrick Lapeyre La Splendeur dans l’herbe folio

Connaître la ville « J’entre dans un café comme dans un roman. Début in

Connaître la ville « J’entre dans un café comme dans un roman. Début in medias res. Je prends l’histoire en cours, au milieu d’une phrase, les premiers mots sont des visages, une impression d’ensemble. Une façon de piquer ma curiosité. Captatio benevolentiae. J’attends une surprise, quelque chose de nouveau. Qui m’attire – ou me repousse. Didier Blonde Cafés etc. Mercure de France

L’instant révélateur Mais cette année-là, tous les cerisiers avaient soudainement fleuri un peu plus

L’instant révélateur Mais cette année-là, tous les cerisiers avaient soudainement fleuri un peu plus tôt que d'ordinaire. Alors, un vent froid s'était mis à souffler sur la ville. La neige était tombée tout à coup et, partout dans les jardins, le blanc des flocons s'était ajouté à celui des fleurs. Cela faisait sur le sol une mince et fondante couche de blanc où, sous la semelle, les cristaux se mêlaient aux pétales. Depuis plusieurs dizaines d'années, le phénomène ne s'était pas produit. Pendant les quelques heures qu'a duré ce mirage météorologique, on ne parlait que du caractère exceptionnel de la fête. Une grande foule s'était répandue dans les parcs pour jouir du moment. La neige unissait son symbole à la fleur pour dire deux fois à quel point le monde où nous vivons est éphémère et ce qu'il y a de splendeur dans l'évanouissement même des choses que nous aimons. Philippe Forest Sarinagara

Commencer On ne sait pas ce que sera le deuxième roman. Le premier a

Commencer On ne sait pas ce que sera le deuxième roman. Le premier a impressionné. On attend.

Dire l’amour C'était complètement irraisonné, de partir, de laisser l'enfant et mon métier, de

Dire l’amour C'était complètement irraisonné, de partir, de laisser l'enfant et mon métier, de prendre un billet d'avion sur un coup de tête et une voiture pour cette ville qui n'évoque rien à personne. Et si c'était pour ça ? et si c'était pour ça, que j'étais venue me perdre ici, parce que ça n'évoque rien à personne ? Cette ville, je la fais mienne, ce lopin de terre, je le fais mien, cette vie, je la fais mienne. Pauline Delabroy-Allard Ça raconte Sarah

Un père et sa fille Sa vraie personnalité, enfin débarrassée des hardes puantes de

Un père et sa fille Sa vraie personnalité, enfin débarrassée des hardes puantes de l’alcool, était ressortie : un contemplatif fin mais gauche, gentil mais brutal, généreux mais autocentré, dévoré par l’anxiété et la timidité, incroyablement empêché. Un touriste de la vie. Anne Pauly Avant que j’oublie Verdier

Pour conclure, avec un écrivain Oserai-je employer le mot vérité ? Voilà. Ce sont

Pour conclure, avec un écrivain Oserai-je employer le mot vérité ? Voilà. Ce sont les écrivains qui me disent la vérité. Allons plus loin : je ne connais d’autre vérité que celle que j’aime à entendre. Et j’éprouve aujourd’hui la même surprise émerveillée que dans l’enfance à l’appel d’une voix familière. Il y a toutes sortes de façons sans doute d’aller à la vérité. Ce qui ne trompe pas, c’est l’accent, l’hésitation à peine perceptible de la voix, au bord de la confidence, au seuil du récit, à l’heure de la parole. Rien de tranchant, rien d’agressif, au contraire. C’est cela que j’écoute, cette retenue que je guette, et la pudeur la plus farouche me touchera, réduisant en fumée les roulades péremptoires des hâbleurs. Les voix qui me parlent détiennent au plus profond le secret du silence. Jean Claude Pirotte Rue des Remberges Le Temps qu’il fait 2003