LE TEMPS DE TRAVAIL Benjamin GERAY Avocat au
LE TEMPS DE TRAVAIL Benjamin GERAY, Avocat au barreau de Grenoble 19 juin 19
PLAN 1) Le champ d’application 2) Le temps de travail effectif 3) Les seuils quantitatifs et les heures supplémentaires 4) Le travail à temps partiel 5) Les forfaits 6) Le contrôle et la preuve du temps de travail 7) Actualité
1) Le champ d’application
Les employeurs concernés • Les employeurs de droit privé ; • Les établissements publics industriels et commerciaux (EPIC). Exclusion : • Les entreprises qui relèvent de la loi du 3 octobre 1940 et ses arrêtés d’application (SCNF, RATP, transports urbains) ; • Les entreprises de transports publics urbains de voyageurs ; • Les établissements publics hospitaliers ; • Et d’une manière générale, l’Etat, les collectivités territoriales et leurs établissements administratifs.
Les salariés concernés • Tous les salariés des employeurs visés précédemment relèvent de la réglementation relative à la durée du travail, quelle que soit la nature du contrat de travail. • Sont assujettis à la durée du travail, mais dans le cadre d’un régime spécial ou aménagé, les dockers, les journalistes, les gérants salariés de succursales, les intermittents du spectacle, les mannequins et les travailleurs à domicile. Exclusion : • Les VRP : en l’absence d’horaire de travail précis et contrôlable, la législation du travail ne leur est pas applicable (le critère déterminant de leur exclusion étant la liberté dans l’organisation de leur activité) ; • Les employés de maison qui travaillent au domicile privé de leur employeur et qui sont soumis à la convention collective du particulier employeur ; • Les assistants maternels et assistants familiaux ; • Les éducateurs et aides familiaux ; • Les concierges et employés d’immeubles d’habitation ; • Les mandataires sociaux : bien qu’assimilés, au regard de la sécurité sociale, à des salariés, les dirigeants de sociétés, en sont pas en cette qualité, liés à leur société par un contrat de travail.
Le cas particulier des cadres dirigeants • Les dispositions relatives à la durée du travail, la répartition et aménagement des horaires (titre II du Livre I de la troisième partie du Code du travail), ainsi que celle relatives aux repos et jours fériés (titre III du Livre I de la troisième partie du Code du travail), ne sont pas applicables aux cadres dirigeants (sauf stipulations contractuelles ou conventionnelles plus favorables). Conséquence (exemples) : pas d’heures supplémentaires, pas de compensation financière liée au travail le dimanche ou les jours fériés, ni de contreparties aux astreintes. • La notion de cadre dirigeant, trois conditions cumulatives : Sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées : § des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps, § qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome, § et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise. (Article L. 3111 -2 du Code du travail et Cass. Soc. 3 juin 2009, n° 07 -44293).
Le cas particulier des cadres dirigeants suite Ainsi pour être cadre dirigeant, il faut avoir : Ø Des responsabilités importantes dans l’exercice de ses fonctions impliquant une grande indépendance dans l’organisation de son emploi du temps. Tel n’est pas le cas d’un directeur industriel travaillant à temps partiel qui n’a aucune autonomie pour organiser ses journées (Cass. Soc. 16 septembre 2015, n° 14 -13830) ; Ø Un pouvoir de décision largement autonome. Ainsi un salarié, responsable commercial marketing qui ne peut indiquer aucun prix sans concertation avec le responsable technico-commercial de l’entreprise n’est pas habilité à prendre des décisions de façon autonome, n’a donc pas la qualité de cadre dirigeant (Cass. Soc. 31 octobre 2012 n n° 11 -18682) ; Ø Un niveau élevé de rémunération. Ø Enfin, la Cour de Cassation a précisé « que ces critères cumulatifs impliquent que seuls relèvent de cette catégorie les cadres participant à la direction de l’entreprise » (Cass. Soc 28 septembre 2016, n° 15 -10736).
2) Le temps de travail effectif
Le temps de travail effectif • La durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives, sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles (Article L. 3121 -1 du Code du travail). • Ce temps est entièrement comptabilisé pour l’application de la réglementation relative au temps de travail. • Sauf exceptions, ne sont pas considérés comme tels : § Le temps de pause, § Le temps de déplacement pour se rendre sur lieu d’exécution du contrat de travail. • A noter que le régime d’équivalence constitue un mode spécifique de détermination du temps de travail effectif et de sa rémunération pour des professions et des emplois déterminés comportant des périodes d’inaction. • En ce qui concerne les astreintes, elles correspondent à des périodes pendant lesquelles le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l’employeur, doit être en mesure d’intervenir pour accomplir un travail au service de l’entreprise.
Critères relatifs au temps de travail effectif • Être à la disposition de l’employeur. Le temps d’attente peut être considéré comme du temps de travail effectif, lorsque le salarié est contraint de rester dans son camion afin de le surveiller. Il est à la disposition de l’employeur et doit se conformer à ses directives (Cass. Soc. 8 février 2017, n° 05 -11372). • Être soumis à l’autorité de l’employeur. Le temps passé par un visiteur médical à des soirées scientifiques organisées par l’entreprise, dès lors que le salarié est à la disposition de l’employeur et doit se conformer à ses directives, sans pouvoir vaquer à ses occupations. Peu importe que pendant ces soirées, qui prennent la forme de cocktails dînatoires, le salarié dispose d’une liberté de mouvement (Cass. Soc. 5 mai 2000, n° 08 -44895). • L’impossibilité pour le salarié de vaquer à des occupation personnelles. Dès lors que le salarié, même s’il n’effectue pas un travail productif, n’a pas la liberté d’activité, son temps constitue un temps de travail. Etant précisé que le temps de présence dans l’entreprise ne constitue pas obligatoirement un temps de présence effectif : le salarié peut, tout en étant présent dans l’entreprise, être délié momentanément de toute obligation de travailler et vaquer librement à des occupations personnelles.
Le temps de pause et de repas • Ces temps ne sont, a priori, pas considérés comme du temps de travail effectif. Il s’agit en effet d’un temps pendant lequel le salarié cesse son activité professionnelle et n’est plus soumis aux directives de l’employeur. Caractéristique de ces temps : Ø Le salarié ne doit pas se trouver en situation de répondre à une demande éventuelle de l’employeur ; Ø Il doit pouvoir vaquer à des occupations personnelles, fût-ce à l’intérieur de l’entreprise. • Ces temps n’étant pas considérés comme du temps de travail effectif, ils ne sont pas rémunérés, sauf dispositions conventionnelles plus favorables. • Il convient de préciser que la rémunération des temps de pause en application d’une convention collective n’a aucune incidence sur leur qualification de temps de travail effectif, notamment pour le calcul des heures supplémentaires (Cass. Soc. 13 octobre 2016, n° 14 -25411). • Des conventions ou usages peuvent néanmoins prévoir que le temps de pause est assimilé à du temps de travail effectif.
Pause quotidienne obligatoire • Le principe : 20 minutes de pause pour six heures d’activité • La loi Travail du 8 août 2016 a précisé dans le nouvel article L. 312116 du Code du travail , que le temps de pause doit être au minimum de 20 minutes « consécutives » . • L’employeur peut être condamné pour non-respect du temps de pause, au seul motif d’une organisation du temps de travail manquant de clarté et de rigueur, sans que le juge ne procède à une vérification de l’effectivité du temps de pause accordé (Cass. Soc. 15 avril 2015, n° 13 -28715).
Le temps d’habillage/déshabillage • Trois situations peuvent être identifiées, le temps d’habillage : § Est assimilé à du temps de travail effectif, par convention, usage ou le contrat de travail ; § N’est pas assimilé à du temps de travail effectif et alors une contrepartie doit être négociée si les conditions légales sont remplies ; § N’est pas assimilé à du temps de travail effectif et si les conditions légales ne sont pas remplies : ce temps ne fait alors pas l’objet, à titre obligatoire, de contrepartie. • Attribution d’une contrepartie, conditions légales cumulatives : § Le port d’une tenue de travail est imposé par des dispositions législatives ou règlementaires, par des clauses conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail ; § Les opération d’habillage et de déshabillage sont réalisées dans l’entreprise ou sur le lieu de travail, qui peut être distinct de l’enceinte de l’entreprise par exemple un chantier, et non au domicile du salarié (Cass. Soc. 26 mars 2008, n° 05 -41476). Pour que la contrepartie soit obligatoire, aucune liberté de choix ne doit être laissée au salarié de se vêtir ou non sur son lieu de travail.
Le temps d’habillage/déshabillage (suite) • Exception pour raison d’hygiène : si des conditions d’insalubrité imposent pour des raisons d’hygiène que l’habillage ou le déshabillage soient effectuées sur le lieu de travail , alors même que l’employeur ne l’exige pas expressément (Cass. Soc. 21 novembre 2012, n° 11 -15696). Même solution pour les travaux salissants (Cass. Soc. 27 janvier 2016, n° 14 -12593). • Contrepartie éventuelle : sous forme de repos, financière, matérielle (achat de lessive notamment), sous réserve que ces temps ne soit pas pris en compte au titre du temps de travail effectif ! • Contrepartie peut être fixée par le juge en cas de contentieux.
Astreinte • Définition : Période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente de l’employeur, doit être en mesure d’intervenir pour accomplir un travail au service de l’employeur. • Mise en place : convention, accord d’entreprise, d’établissement ou de branche. La période d’astreinte fait alors l’objet d’une contrepartie financière préalablement définie. • La durée de l’intervention effectuée lors d’une période d’astreinte est considérée comme un temps de travail effectif, tout comme le temps de trajet pour se rendre sur le lieu d’intervention et regagner le domicile (Cass. Soc. 31 octobre 2007, n° 06 -43834).
Astreinte • Constitue une astreinte l’obligation pour le salarié le fait de rester en permanence à son domicile pour répondre à un appel éventuel, tout en pouvant vaquer à ses occupations personnelles (Cass. Soc. 5 novembre 2003, n° 01 -44822). • En revanche, est considéré comme du temps de travail effectif, le temps de présence d’un gardien tenu de rester dans les locaux, d’assurer la fermeture des portes du bâtiment, d’effectuer des rondes et d’alerter un responsable en cas d’incident, ce dont il résulte que le salarié reste, en permanence, à la disposition de l’employeur (Cass. Soc. 28 octobre 1997, n° 94 -42054). • « Exception faite de la durée d’intervention, la période d’astreinte est prise en compte pour le calcul de la durée minimale de repos quotidien et des durées de repos hebdomadaires » (Article L. 3121 -10 du Code du travail).
Le temps de trajet ou de déplacement • Le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail : § Ne constitue pas du temps de travail effectif ; § Fait l’objet d’une contrepartie financière ou en repos lorsqu’il excède le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail ; § Ne peut occasionner de perte de salaire lorsqu’il coïncide avec l’horaire de travail du salarié. • En revanche, lorsque le temps de déplacement professionnel dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il doit faire l’objet d’une contrepartie, soit sous forme de repos, soit financière (Article L. 3121 -4 du Code du travail). • En l’absence d’accord collectif ou d’engagement unilatéral de l’employeur et en cas de contentieux sur la question de la contrepartie, il appartient au juge de fixer le montant de la contrepartie due (Cass soc. 14 novembre 2012, n° 11 -18. 571).
Le temps de trajet ou de déplacement • La charge de la preuve de ce temps de trajet inhabituel impliquant une contrepartie incombe au salarié (Cass. Soc. 15 mai 2013, n° 11 -28 -749). • Etant précisé que la durée de déplacement d’un travailleur type ne se trouvant pas en région parisienne est de 30 minutes, 2 fois par jour. Ce temps de trajet de référence est issu des statistiques de l’INSEE et est repris par la jurisprudence de la Cour de Cassation (Cass. soc. 24 septembre 2014, n° 12 -28664). • Le temps de trajet entre deux lieux de travail est considéré, dans le silence des textes, par la jurisprudence, comme du temps de travail effectif, il s’agit notamment des temps de trajet entre le siège de l’entreprise et un autre lieu de travail tel qu’un chantier (Cass. Soc. 1 er décembre 2009, n° 07 -42796). Le salarié doit être tenu par son employeur de se rendre à l’entreprise avant l’embauche et la débauche pour que le déplacement entre l’entreprise et le lieu de travail soit assimilé à un temps de travail effectif.
Les heures de délégation • Ces heures sont de plein droit considérées comme du temps de travail et sont payées à l’échéance normale de paie. • Lorsqu’un représentant du personnel prend des heures de délégation en dehors de son temps de travail, il est payé en heures supplémentaires, sous réserve que leur utilisation au-delà de la durée légale soit justifiée par les nécessités du mandat (Cass. Soc. 20 février 1996, n° 92 -44968). • Le temps de trajet de l’élu pour se rendre à une réunion à l’initiative de l’employeur doit être rémunéré comme du temps de travail effectif, dès que le trajet est effectué en dehors de l’horaire normal de travail et qu’il dépasse, en durée, le temps normal de déplacement entre le domicile du salarié et le lieu de travail (Cass. Soc. 12 juin 2013, n° 12 -15064).
3) Les seuils quantitatifs et les heures supplémentaires
Durée légale de travail • La durée légale de travail effectif des salariés à temps complet est de 35 heures par semaine (Article L. 3121 -27 du Code du travail). • Le législateur a également défini une durée annuelle de travail, de 1 607 heures, pour les entreprises ayant conclu un accord collectif prévoyant un aménagement annuel du temps de travail. • La durée légale ne constitue ni un maximum absolu ni une valeur impérative : il est donc possible d'y déroger conventionnellement en prévoyant une durée moindre ou au contraire plus importante, sous réserve de respecter les durées maximales.
Durée maximale quotidienne • En principe, la durée quotidienne de travail effectif ne peut dépasser 10 heures, cette durée étant appréciée dans le cadre de la journée civile, qui débute à 0 heure et s'achève à 24 heures. • Cette durée maximale s'entend bien en terme de travail effectif et non en terme d'amplitude. Les heures d'astreinte ou de garde effectuées au domicile du salarié ne sont pas assimilables à des heures de travail effectif. Elles n'entrent donc pas dans le calcul de la durée maximale quotidienne de travail.
Durée maximale quotidienne • Il peut être dérogé à la durée maximale quotidienne de 10 heures par les voies suivantes : § par convention ou accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut une convention ou un accord de branche, en cas d'activité accrue ou pour des motifs liés à l'organisation de l'entreprise. La dérogation ne doit cependant pas avoir pour effet de porter la durée quotidienne de travail effectif à plus de 12 heures ; § par autorisation de l'inspecteur du travail. Le dépassement peut être autorisé en cas de surcroît d'activité imposé notamment pour l'un des trois motifs suivants : travaux devant être exécutés dans un délai déterminé en raison de leur nature, des charges imposées à l'entreprise ou des engagements contractés par celle-ci, travaux saisonniers ou travaux impliquant une activité accrue certains jours de la semaine, du mois ou de l'année. § En cas d'urgence, l'employeur peut dépasser, sous sa propre responsabilité, la durée quotidienne maximale dans les cas énumérés ci-dessus, en présentant immédiatement à l’inspecteur du travail un demande de régularisation, accompagnée de tous les justificatifs utiles.
L’amplitude maximale • L'amplitude de la journée de travail correspond à la période s'écoulant entre le moment où le salarié prend son poste, et le moment où il le quitte. • Elle est déterminée par l'addition des temps de travail effectif et des temps de pause. • Compte tenu de la durée minimale de repos quotidien de 11 heures, l'amplitude journalière de travail ne peut dépasser 13 heures, sauf cas de dérogation à la durée quotidienne de repos.
La durée maximale hebdomadaire • La durée du travail maximale hebdomadaire est soumise aux limites suivantes : § elle ne peut excéder 48 heures sur une même semaine de travail, sauf autorisation par l'inspection du travail pour circonstances exceptionnelles. Dans ce cas, la durée peut être portée à 60 heures au maximum ; § elle ne peut excéder 44 heures sur une période quelconque de 12 semaines consécutives, sauf accord collectif ou, à défaut, sur autorisation de l'inspection du travail. Dans ces deux cas, la moyenne sur 12 semaines est portée à 46 heures maximum. A titre exceptionnel, un dépassement de cette durée de 46 heures en moyenne peut être autorisé. • La limite maximale de 48 heures sur une semaine peut être remise en cause en cas de circonstances exceptionnelles et pour la durée de celles-ci, sans toutefois pouvoir excéder 60 heures par semaine. • La durée maximale de travail s'applique également aux salariés cumulant plusieurs emplois, un employeur ne pouvant conserver à son service un salarié méconnaissant ces dispositions.
La durée maximale hebdomadaire • En cas de cumul par le salarié de plusieurs emplois entraînant un dépassement de la durée maximale de travail telle qu'elle ressort des dispositions légales de sa profession, l'employeur auquel le salarié demande une réduction de son temps de travail n'est pas tenu d'accepter cette modification du contrat de travail. Il doit toutefois le mettre en demeure de choisir l'emploi qu'il souhaite conserver (Cass. Soc. 10 mars 2009, n° 07 -43985). • Le salarié qui, du fait d'un cumul d'emplois, dépasse la durée maximale de travail autorisée et ne fournit pas à son employeur les éléments que celui-ci lui demande afin de pouvoir vérifier sa durée effective de travail peut être licencié pour faute grave (Cass. Soc. 19 mai 2010, n° 09 -40923).
Les temps de repos • Tout salarié bénéficie d'un repos quotidien d'une durée minimale de 11 heures consécutives, par disposition d'ordre public. • Il est possible de déroger à la durée minimale du repos quotidien de 11 heures par convention ou accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par convention ou accord de branche dans un cadre défini par décret. Sont visées notamment les activités caractérisées par la nécessité d'assurer une continuité du service ou caractérisées par des périodes d'intervention fractionnées. • Par ailleurs, l'employeur ne peut faire travailler un même salarié plus de 6 jours par semaine, ce repos hebdomadaire devant avoir une durée minimale de 24 heures consécutives auxquelles s'ajoutent les 11 heures de repos quotidien, soit une durée totale minimale de 35 heures.
Les heures supplémentaires • Constituent des heures, les heures effectuées par le salarié au-delà de la durée légale hebdomadaire du travail ou de la durée équivalente, la durée du travail s’entendant des heures de travail effectif. • • Prérequis : demande ou accord de l’employeur Si les heures ne peuvent être effectuées qu’à la demande de l’entreprise, les tribunaux admettent de longue date que cette demande puisse être implicite (Cass. Soc. 20 mars 1980, n° 78 -40979). L’absence d’autorisation préalable n’exclut pas en soit un accord tacite de l’employeur (Cass. Soc. 8 juin 2016, n° 15 -16423). Par conséquent, l’employeur qui a eu connaissance, par les fiches de pointage, de nombreuses heures supplémentaires effectuées par le salarié, à l’exécution desquelles il ne s’est pas opposé, a consenti à leur réalisation et doit les payer (Cass. Soc. 2 juin 2010, n° 08 -40628). Il en est ainsi des heures qui n’ont pas été effectuées contre sa volonté (Cass. Soc. 2010, n° 0870433).
Décompte des heures supplémentaires • Le cadre de droit commun d’appréciation des heures supplémentaires est la semaine civile, qui début le lundi à 0 heures et se termine le dimanche à 24 heures. • Une convention ou un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peuvent fixer une autre période de sept jours consécutifs constituant la semaine pour l’application des disposition sur le temps de travail. • Aménagement sur une période supérieure à la semaine : un cadre plurihebdomadaire d’aménagement du temps de travail peut être mis en place par accord collectif ou part décision unilatérale de l’employeur. Ainsi la période de référence peut être annuelle ou pluriannuelle.
Régime des heures supplémentaires • Le salarié ne peut refuser d’accomplir les heures supplémentaires que l’employeur décide de faire effectuer dans la limite du contingent réglementaire ou conventionnel dont il dispose. Tout refus peut alors caractériser une faute justifiant une sanction (Cass. Soc. 4 décembre 1990, n° 87 -43465). • Toutefois, le caractère obligatoire des heures supplémentaire connaît des limites : § Les heures supplémentaires doivent répondre à des « nécessités de l’entreprise » (Cass. Soc. 9 mars 1999, n° 96 -43718) ; § Le licenciement n’est pas fondé le refus du salarié est justifié par un délai de prévenance trop court, ou en raison de l’inexécution de l’employeur de ses obligations : paiement des heures ou attribution du repos compensateur.
Régime des heures supplémentaires • D’un autre côté, le fait d’effectuer des heures supplémentaires n’est pas un droit. L’employeur peut y mettre fin sans l’accord du salarié même si sa rémunération s’en trouve diminuée. Le salarié ne conserve ainsi le bénéfice des heures supplémentaires que s’il existe une convention de forfait ou si l’employeur s’est engagé contractuellement sur un nombre d’heures supérieur à la durée légale du travail (Cass. Soc. 10 mars 1998, n° 95 -44842).
Contingent annuel • Le contingent vise à instituer une limite au nombre des heures supplémentaires, le décompte s'effectuant dès la première heure supplémentaire et par année civile (sous réserve de la fixation par un accord collectif d’une période annuelle différentes). Au-delà de cette limite, une contrepartie obligatoire en repos s'impose. • Le volume du contingent annuel d'heures est fixé par accord collectif, à défaut d’accord, il est fixé à 220 heures par salarié. • Cet accord fixe alors l’ensemble des conditions à l’accomplissement d’heures supplémentaires au-delà du contingent, ainsi que la durée, les caractéristiques et conditions de prise de la contrepartie obligatoire en repos, consultation des représentants du personnel. • Les salariés concernés : les ouvriers, employés, agents de maîtrise et cadres soumis à l’horaire collectif de travail, ou encore ceux soumis à une convention de forfait en heures (hebdomadaire ou mensuel) prévue à l’article L. 3121 -56 du Code du travail. • Ne sont concernés par les dispositions relatives au contingent d’heures supplémentaires, ni les salariés ayant conclu une convention de forfait en heures sur l’année, ceux ayant conclu une convention de forfait annuel en jours, ni les cadres dirigeants. • Le contingent annuel d'heures supplémentaires doit être décompté individuellement par salarié ; il ne peut, en aucune manière, être globalisé au niveau de l'entreprise ou de l'établissement ni donner lieu à transfert d'un salarié à un autre.
Contingent annuel (suite) • Toutes les heures supplémentaires effectuées au-delà de la durée légale du travail s’imputent sur le contingent d’heures supplémentaires, sauf lorsque : § Le paiement des heures et des majorations afférentes est intégralement remplacé par un repos compensateur équivalent ; § Ces heures ont été effectuées dans le cadre de travaux urgents ; § Ces heures sont des heures de formation dépassant la durée légale du travail ayant pour objet le développement des compétences ; § Ces heures ont été effectuées au titre de la journée de solidarité. • Les heures supplémentaires effectuées dans le cadre du contingent ne donnent pas lieu à une contrepartie en repos, à la différence des heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent, sauf si un accord collectif le prévoit.
Rémunération • Les heures supplémentaires ouvrent droit à une majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent. • La majoration n’est donc pas systématique puisqu’elle peut être remplacée en partie ou totalement par un repos compensateur, soit par convention ou accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par convention ou accord de branche, soit par une décision unilatérale de l’employeur en l’absence de délégué syndical, à condition que les représentants du personnel, s’ils existent, ne s’y oppose pas. • En présence d’un accord : le taux de majoration peut être fixé sans pouvoir être inférieur à 10% (avant la loi Travail, l’accord de branche primait concernant le taux de majoration des heures supplémentaires). Il peut prévoir une taux unique et/ou progressif. • En l’absence d’accord, application du taux fixé par la loi : § 25% pour les huit premières heures supplémentaires (soit de la 36° à la 43° incluse) ; § 50% pour les suivantes (44° incluse) ; • La période et le nombre d’heures de travail sont indiquées sur le bulletin de paie, étant précisé que les heures payées au taux normal et celles qui comportent une majoration sont signalées de manière séparée. • Lorsque l’employeur mentionne intentionnellement sur le bulletin un nombre d’heures inférieur à celui réellement effectué par le salarié, il commet le délit de travail dissimulé.
La preuve • La preuve des heures supplémentaires n'incombe spécialement à aucune des parties. En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. • Le salarié doit fournir au juge des éléments de nature à étayer sa demande en paiement des heures supplémentaires. Il doit produire des éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments. Il doit s'agir au moins d'un commencement de preuve. Une simple allégation ne suffira pas.
La preuve (suite) • Ainsi, les éléments apportés par le salarié sont suffisants pour étayer sa demande de paiement d'heures supplémentaires, lorsque le salarié : § le salarié produit un relevé manuscrit des heures de travail effectuées (Cass. soc. , 24 nov. 2010, n° 09 -40. 928) ; § le salarié produit des captures d'écran d'ordinateur (Cass. soc. 17 nov. 2015, n° 1415142) ; § le salarié produit un relevé d'itinéraires et des attestations, sans que l'employeur ait répondu à ces éléments (Cass. soc. , 16 mai 2012, n° 11 -14268) ; § le salarié, commercial, produit des comptes rendus d'activité, des relevés de vol aérien, la copie de ses agendas mentionnant habituellement ses jours de déplacements et parfois le nom des clients visités. L'employeur entendait se retrancher, à tort, derrière l'autonomie du salarié pour écarter toute justification des heures de travail (Cass. soc. 9 avr. 2015, n° 13 -22790) ;
La preuve (suite) § le salarié a relevé pour chaque jour ses heures d'arrivée et de départ, recopié ces informations sur clé USB et fait procéder à un contrôle par une société informatique qui a confirmé la fiabilité et la véracité des affirmations (Cass. soc. 11 mars 2016, n° 14 -19555) ; § le salarié produit des fiches de saisie informatique enregistrées sur l'intranet de la société, contenant le décompte journalier des heures travaillées, auquel l'employeur pouvait répondre, peu important la référence faite dans ces fiches à une durée de travail de 37 heures alors que le contrat de travail prévoit une durée de 35 heures (Cass. soc. 24 janv. 2018, n° 16 -23743) ; § le salarié fournit son agenda et son planning, éléments propres à justifier les horaires réalisés et qui mettent l'employeur en mesure de répondre. Il importe peu que l'employeur soutienne que ces éléments comprennent des erreurs et des incohérences (Cass. soc. 23 janv. 2019, n° 17 -22414).
La preuve (suite) • A contrario, la demande de paiement des heures supplémentaires n'est pas assez étayée lorsque : § les extraits d'agenda pour certaines semaines et deux attestations émanant d'anciens salariés et dirigeant de la société, produits par le salarié, ne corroborent pas les heures mentionnées dans les tableaux retraçant le nombre d'heures supplémentaires effectuées semaine par semaine, également produits par le salarié (Cass. soc. 3 avr. 2019, n° 16 -29102) ; § le salarié produit un décompte mensuel et non hebdomadaire de ses heures supplémentaires, empêchant l'employeur d'y répondre (Cass. soc. 6 mars 2019, n° 17 -24605) ; § le salarié produit un tableau récapitulatif de ses heures supplémentaires pour les seuls besoins de la cause n'émanant pas de sa main, alors qu'il n'a jamais élevé la moindre protestation et qu'il résulte des bulletins de paie que des heures supplémentaires lui avaient été rémunérées (Cass. soc. 13 févr. 2019, n° 17 -22368) ; § la salariée produit des décomptes sur lesquels elle a uniquement indiqué une durée de travail hebdomadaire de 55 heures. En outre, elle considérait que le fait d'être passé, ultérieurement, en forfait-jours permettait de confirmer rétrospectivement une durée de travail supérieure à sa durée contractuelle de travail, argument rejeté par les tribunaux (Cass. soc. 20 janv. 2016, n° 14 -21346). • le principe de l'appréciation souveraine des juges du fond a des limites : ils ne peuvent pas rejeter une demande de paiement d'heures supplémentaires en considérant que les bulletins de paie remis ne sont d'aucune utilité, en rejetant les attestations remises par des collègues du salarié concerné qui sont aussi en contentieux avec leur employeur et en écartant l'agenda fourni par le salarié le considérant inexploitable (Cass. soc. , 16 mai 2012, n° 10 -27646).
4) Le travail à temps partiel
Définition légale • L'article L. 3123 -1 du Code du travail définit comme salarié à temps partiel tout salarié dont l'horaire de travail est inférieur à un horaire à un temps plein. • Il s'agit des salariés dont la durée du travail est inférieure à la durée légale du travail hebdomadaire (35 heures) ou mensuelle (151, 67 heures) ou annuelle (1 607 heures) ou, si elle est inférieure, à la durée du travail fixée par un accord collectif de branche ou d'entreprise, ou à la durée du travail applicable dans l'établissement. • Il existe deux formes de travail à temps partiel : § le temps partiel avec répartition du travail sur la semaine ou le mois. Cette forme de temps partiel est la forme traditionnelle du travail à temps partiel. Elle constitue le droit commun applicable ; § le temps partiel avec répartition du travail sur tout ou partie de l'année. Cette forme de travail à temps partiel, se caractérise par une variation des horaires de travail sur tout ou partie de l'année.
Durée contractuelle • La durée du travail est obligatoirement fixée par le contrat de travail. Elle est déterminée d’un commun accord entre les parties, sous réserve de respecter une durée minimale hebdomadaire. • Un contrat de travail à temps partiel qui ne précise pas la durée du travail ou sa répartition entre les jours de la semaine ou les semaines du mois fait présumer un emploi à temps complet. • Pour renverser cette présomption, l’employeur doit justifier de la durée convenue. Il doit également prouver que le salarié pouvait prévoir son rythme de travail et n’avait pas à se tenir en permanence à la disposition de l’employeur (Cass. Soc. 9 janvier 2013, n° 11 -16433). • Cette exigence légale de la mention de la durée du travail et de sa répartition s’applique non seulement au contrat initial, mais également à ses avenants modificatifs.
Durée contractuelle • A défaut, le contrat de travail à temps partiel est requalifié à temps plein à compter de la première irrégularité (Cass. Soc. 23 novembre 2016, n° 1518093). • Le contrat à temps partiel doit respecter une durée minimale hebdomadaire de 24 heures ou, le cas échéant, à l'équivalent mensuel de cette durée (104 heures) ou à l'équivalent annualisé (1 102 heures) de cette durée. • Ce plancher horaire est impératif pour tout contrat à temps partiel conclu depuis le 1 er juillet 2014, sauf dans des cas de dérogations : • Demande écrite et motivée du salarié pour 2 raisons alternatives : soit pour faire face à des contraintes personnelles soit pour permettre au salarié de cumuler plusieurs emplois) ; • Contrats d’une durée au plus égale à sept jours ; • CDD conclus au titre du remplacement d’un salarié absent…
Répartition de la durée du travail • Principe : Cadre hebdomadaire ou mensuel. • Les parties ont le choix entre une répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou entre les semaines du mois. • La répartition de la durée du travail sur la semaine ou le mois (et non les horaires de travail) est une mention obligatoire du contrat de travail à temps partiel, sauf pour les salariés des associations entreprises d’aide à domicile. • Cas particulier : cadre plurihebdomadaire ou annuel • Une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche étendu peuvent définir les modalités d’aménagement du temps de travail et organiser la répartition de la durée du travail sur une durée supérieure à la semaine. • La répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine et les semaine constitue un élément du contrat de travail à temps partiel qui ne peut être modifié sans l’accord du salarié.
Répartition de la durée du travail (suite) • En revanche, en cas de répartition de la durée du travail dans un cadre plurihebdomadaire ou annuel, cette dernière n’est pas obligatoirementionnée dans le contrat de travail, c’est à l’accord collectif à l’origine de cette forme de temps partiel qui définit les modalités de partition de la durée du travail. • Le contrat de travail définit les cas dans lesquels une modification éventuelle de la répartition de la durée du travail peut intervenir, ainsi que la nature de cette modification, sous réserve du respect d’un délai de prévenance également inscrit dans le contrat. • La clause du contrat ne doit pas revenir à conférer un pouvoir de modification discrétionnaire de l’employeur. • Le salarié peut s’opposer à cette modification, qui peut être ou non prévue par le contrat. • Si modification est prévue par le contrat, le refus doit être motivé par : • Des obligation familiales impérieuses ; • Le suivi d’un enseignement scolaire ou supérieur ; • L’accomplissement d’une période d’activité fixée par un autre employeur ou une activité professionnelle non salariée ; • Si une telle modification n’est pas prévue par le contrat, l’employeur doit proposer un avenant.
Heures complémentaires • Toutes les heures effectuées au-delà de la durée du travail prévue dans le contrat de travail à temps partiel sont des heures complémentaires. • La réglementation sur les heures complémentaires concernant le plafonds, légal ou conventionnel, prévus du code du travail ayant pour objet de limiter le nombre d'heures que peut effectuer un salarié, constitue des dispositions d'ordre public auxquelles il ne peut être dérogé. • Le nombre d'heures complémentaires effectuées par un salarié à temps partiel ne peut être supérieur : § en l'absence d'accord collectif, au dixième de la durée hebdomadaire ou mensuelle de travail prévue à son contrat ; § ou à un plafond plus élevé ne pouvant excéder le tiers de la durée du travail contractuelle prévue par une convention ou un accord collectif de branche étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement. Cet accord collectif peut porter cette limite jusqu'au tiers de la durée du travail stipulée au contrat, sous réserve que cet accord comporte des garanties (la limitation du nombre des interruptions d'activité au cours d'une même journée, etc. . ). • Majoration : Le taux de majoration des heures complémentaires est de 10% pour chacune des heures complémentaires accomplies dans la limite du dixième des heures prévues au contrat de travail et de 25% pour chacun des heures accomplies entre le dixième et le tiers des heures prévues au contrat de travail.
Contentieux de la requalification • La jurisprudence prévoit de nombreuses situations dans lesquelles le contrat de travail à temps partiel peut être requalifié en temps complet en raison de manquements imputables à l'employeur. • Il s'agit notamment en cas de temps partiel sur la semaine ou le mois : § absence de contrat de travail écrit ; § absence dans le contrat de travail des mentions suivantes : durée du travail de référence, répartition de la durée du travail sur la semaine ou le mois, nombre maximal d'heures complémentaires ; § accomplissement par le salarié d'heures complémentaires au-delà de la limite légale ou conventionnelle, ou de la durée légale du travail. • En cas de temps partiel modulé : § absence de contrat de travail écrit ; § absence dans le contrat de travail de la mention de la durée du travail de référence ; § non-respect de l'écart entre les limites de la durée du travail prévue dans la convention collective et la durée du travail prévue dans le contrat de travail ; § non-respect du délai de communication du calendrier indiquant la répartition de la durée du travail ; § durée du travail qui égale ou dépasse la durée légale hebdomadaire de travail.
5) Les conventions de forfait
Présentation • Les conventions de forfait sont à la fois des outils de simplification salariale (permettant de verser un salaire forfaitaire identique chaque mois en incluant des heures supplémentaires) et d'aménagement du temps de travail (permettant de déroger au respect de l'horaire collectif). • Ainsi, il est possible de fixer la durée du travail sur la base d’un forfait établi en heures (sur la semaine, le mois ou l’année) ou en jours (sur l’année). • Dans tous les cas le forfait nécessite l’accord du salarié et la conclusions d’une convention individuelle de forfait établie par écrit. • Chaque dispositif à ses spécificités et ses règles propres : § Le forfait en heures sur la semaine ou le mois peut concerner tous les salariés, § Alors que le forfait en heures ou en jours sur l’année vise uniquement les cadres « autonomes » et les salariés non cadre disposant d’une réelle autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps.
Forfait en heures hebdomadaires ou mensuelles • Une convention de forfait en heures n’est pas une manière d’éluder la règlementation sur les heures supplémentaires, mais un moyen particulier de paiement de ces heures (forfaits de 38 heures à la semaine, de 165 heures au mois, par exemple). • La rémunération du salarié ayant conclu un forfait est « au moins égale à la rémunération minimale applicable dans l’entreprise pour le nombre d’heures correspondant à son forfait, augmenté, le cas échéant des majorations pour heures supplémentaires » . • En cas de litige, les juges du fond doivent donc nécessairement comparer le montant du forfait convenu et le salaire minimum conventionnel augmenté des heures supplémentaires (Cass. Soc. 5 janvier 2000, n° 9744606).
Forfait en heures hebdomadaires ou mensuelles • La possibilité de conclure une convention de forfait en heures sur une base hebdomadaire ou mensuelle n'est pas subordonnée à l'existence d'une convention ou d'un accord collectif à la différence des conventions de forfait annuel, toutefois : • la rémunération mensuelle forfaitaire incluant les heures supplémentaires doit faire l'objet d'une convention entre le salarié et l'employeur ; • le forfait ne doit pas défavoriser le salarié ; • la convention sur la rémunération forfaitaire doit prévoir le nombre d'heures comprises dans le forfait. • L'employeur doit donc obligatoirement faire figurer dans le contrat de travail ou dans un avenant au contrat une clause en ce sens, qui fixe les conditions d'application de la convention de forfait. • L’accord écrit du salarié est indispensable. • L'employeur est tenu, même en présence de convention de forfait, d'établir les documents nécessaires au décompte (quotidien et hebdomadaire) de la durée du travail, des repos compensateurs et de leur prise effective, à l'exception des emplois de cadres supérieurs.
Forfait en heures sur l’année • Les conventions de forfait annuel en heures ont été instaurées par la loi Aubry sur les 35 heures. Ces dispositions ont été abrogées par la loi du 20 août 2008 pour être simplifiées. • La réglementation des conventions de forfait annuel en heures a été recodifiée par la loi Travail du 8 août 2016 à droit constant, à l'exception de l'ajout de 2 nouvelles mentions obligatoires dans l'accord collectif instaurant le forfait annuel en heures : § la période de référence du forfait, qui peut être l'année civile ou toute autre période de 12 mois consécutifs § ainsi que les conditions de prise en compte, pour la rémunération des salariés, des absences ainsi que des arrivées et départs en cours de période. • Ces 2 nouvelles mentions s'imposent aux accords collectifs conclus à compter du 10 août 2016, lendemain de la publication de la loi Travail. • Les accords collectifs conclus avant la loi n° 2016 -1088 du 8 août 2016, dite loi Travail qui ne comportent pas les nouvelles mentions exigées par cette loi ne sont pas remis en cause et continuent de s'appliquer.
Forfait en heures sur l’année (suite) • La convention annuelle de forfait en heures a pour objet de rémunérer une durée annuelle de travail intégrant les heures de travail normales et un nombre prédéterminé d'heures supplémentaires sur l'année. • La mise en place de ce type de forfait est subordonnée à la conclusion d'une convention ou d'un accord collectif préalable et nécessite également la signature d'un contrat de travail comportant une disposition sur la convention de forfait ou d'un avenant au contrat. • Les salariés concernés sont : § les cadres dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés ; § les salariés qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps. • En revanche, dès lors que les juges relèvent que les salariés concernés sont soumis à un horaire de base correspondant aux heures d'ouverture du magasin, ils peuvent décider que les salariés, de par leurs contraintes qui leur étaient imposées, ne disposaient d'aucune autonomie dans la gestion de leur emploi du temps autorisant le recours à un forfait annuel en heures (Cass. Soc. 23 juin 2004, n° 02 -14861).
Forfait en heures sur l’année (suite) • Selon la jurisprudence, ne dispose d'aucune autonomie dans la gestion de son emploi du temps autorisant le recours à un forfait annuel en heures, le salarié qui est tenu en permanence et de façon stricte, à des consignes lui imposant d'être présent au minimum pendant les heures d'ouverture du magasin pour y accomplir les tâches de réception des marchandises qui lui étaient dévolues (Cass. Soc. 27 juin 2012, n° 11 -12527). • Lorsque le salarié a conclu une convention de forfait en heures sur l'année alors qu'il ne remplit pas les conditions, il est en droit de demander le paiement d'heures supplémentaires. • La conclusion d'une convention individuelle de forfait requiert l'accord du salarié, qu’ainsi que la rédaction d’une convention établie par écrit.
Forfait en heures sur l’année (suite) • L'employeur doit donc obligatoirement faire figurer dans le contrat de travail ou dans un avenant au contrat une clause en ce sens, qui fixe les conditions d'application de la convention de forfait et, notamment le nombre d'heures compris dans le forfait. • L’employeur doit contrôler la durée du travail réellement effectuée par le salarié selon les modalités précisées par l’accord collectif, sinon ce sont les dispositions de droit commun qui s’appliquent.
Forfait en jours (sur l’année) • Le forfait en jours permet de définir une rémunération sur la base d’un nombre de jours travaillés annuellement, sans référence horaire, permettant notamment d’éluder un certain nombre de dispositions en matière de durée maximale quotidienne et hebdomadaire de travail. • La loi Travail du 8 août 2016 n’a pas modifié en profondeur le dispositif, mais a intégré les apports de la jurisprudence concernant le droit à la santé et au repos, et a instauré un dispositif de sécurisation des conventions individuelles. • Jusqu'à cette date, les accords collectifs ne comportant pas de garanties suffisantes pour assurer le respect de la sécurité et la santé du salarié étaient frappés de nullité ainsi que les conventions de forfait conclues sur la base de ces accords collectifs non conformes. • Désormais, les conventions de forfait conclues sur la base d'accords collectifs conclus avant le 10 août 2016 ne comportant pas les mentions légales ajoutées par la loi Travail sont sécurisées à la condition que l'employeur mette en place un certain nombre de modalités permettant de pallier l'absence de ces mentions conventionnelles.
Forfait en jours (sur l’année) • Le cas d’un accord collectif incomplet : l'employeur peut continuer à conclure de nouvelles conventions de forfait-jours sur le fondement d'un accord collectif antérieur à la loi Travail non conforme sous réserve de la mise en place par l'employeur du document de contrôle du nombre de jours travaillés, de l'organisation d'un entretien annuel sur la charge de travail et des modalités permettant d'assurer le respect des temps de repos quotidien et hebdomadaire prévus à l'article L. 3121 -64 du code du travail. • Le cas de la révision de l’accord collectif conclu antérieurement à la loi Travail : la jurisprudence a considéré que la défaillance de l’accord collectif au regard des garanties concernant le droit à la santé et au repos emportait la nullité des conventions individuelles de forfait qui en étaient la déclinaison (Cass. Soc. 9 novembre 2016, n° 15 -15064). La loi Travail a alors a ajouté de nouvelles mentions obligatoire pour y remédier. Il se trouve que toute révision de l’accord collectif (visant notamment à sa mise en conformité) implique de faire signer au salarié une nouvelle convention de forfait. Pour pallier cette difficulté, la loi Travail a prévu que dans un tel cas de figure, il n’y pas lieu à requérir l’accord du salarié et les conventions individuelles antérieurement conclues peuvent continuer à s’appliquer.
Les salariés concernés (Forfait jours) • Peuvent conclure une convention de forfait en jours sur l'année, dans la limite de la durée annuelle de travail fixée par l'accord collectif : § les cadres qui disposent d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés ; § les salariés dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps pour l'exercice des responsabilités qui leur sont confiées. • C'est l'accord collectif qui détermine les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait. Il appartient alors aux juges de contrôler, même d'office, si le salarié est susceptible de relever du régime du forfait jours, c'est-à-dire relève des catégories de salariés éligibles au forfait jours (Cass. Soc. 11 avril 2018, n° 16 -27257).
Les salariés concernés (suite) Détermination des cadres concernés par l’accord collectif : • La Cour de cassation est souple quant aux conditions d'accès au régime des forfaits jours dans la mesure où les partenaires sociaux n'ont pas besoin de définir avec précision les cadres autonomes soumis au forfait jours. • Ainsi, est licite la clause d'un accord collectif définissant les cadres autonomes comme étant ceux dont le rythme de travail ne peut, en raison de leur mission, être soumis à l'horaire collectif de travail du service qu'ils dirigent ou auquel ils sont affectés. Pour la Cour de cassation, cette définition permet d'apprécier le degré d'autonomie du personnel d'encadrement concerné et est conforme aux exigences légales pour deux raisons : § d'une part la convention de forfait doit faire l'objet d'un accord particulier entre l'employeur et le salarié ; § D’autre part, il appartient au juge de vérifier en cas de litiges que les fonctions effectivement exercées par le cadre ne lui permettent pas d’être soumis à l’horaire collectif de travail. (Cass. 26 mai 2004, n° 02 -18756)
Les salariés concernés (Forfait jours) Contrôle de la réalité de l'autonomie du cadre par le juge : • A titre d'exemple, peut être considéré comme un cadre autonome soumis à un forfait jours, un salarié, accompagnateur-interprète, qui prend toute initiative de nature à « optimiser » le séjour des invités, peu importe qu'il intervienne selon un programme préétabli (Cass. Soc. 9 juillet 2003, n° 01 -42451). • En revanche, ne peut être considéré comme un cadre autonome : • le salarié qui, en dépit de l'intitulé de son poste de « concepteur son événementiel » , n'intervenait en réalité qu'en simple exécutant, sans aucune autonomie artistique ou technique, à des événements auxquels était présent un responsable, et alors que la durée de son travail était prédéterminée et que des plannings précis devaient être respectés (Cass. Soc. 27 mars 2019, n° 17 -31715). • le salarié soumis à un planning contraignant imposant sa présence au sein de l'entreprise à des horaires prédéterminés (Cass. Soc. 15 décembre 2016, n° 15 -17568).
Les salariés concernés (Forfait jours) Contrôle de la réalité de l'autonomie du cadre par le juge : • Le salarié qui est en forfait jours ne peut être un cadre dirigeant dans la mesure où ce dernier n'est pas soumis à la législation relative à la durée du travail (Cass. Soc. 7 septembre 2017, n° 15 -24725).
Contenu de l’accord collectif depuis le 10 août 2016 • L’accord collectif préalable à la conclusion d’une convention individuelle détermine : § les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait § la période de référence du forfait, qui peut être l'année civile ou toute autre période de 12 mois consécutifs. Il s'agit d'une clause ajoutée par la loi Travail qui n'est obligatoire que pour les accords collectifs conclus après la publication de cette loi ; § le nombre de jours compris dans le forfait, dans la limite de 218 jours ; § les conditions de prise en compte, pour la rémunération des salariés, des absences ainsi que des arrivées et départs en cours de période. Il s'agit d'une clause devenue obligatoire par la loi Travail ; § les caractéristiques principales des conventions individuelles de forfait, qui doivent notamment fixer le nombre de jours compris dans le forfait ;
Contenu de l’accord collectif depuis le 10 août 2016 (suite) § les modalités selon lesquelles l'employeur assure l'évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié ; § les modalités selon lesquelles l'employeur et le salarié communiquent périodiquement sur la charge de travail du salarié, sur l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, sur sa rémunération ainsi que sur l'organisation du travail dans l'entreprise ; § les modalités selon lesquelles le salarié peut exercer son droit à la déconnexion. l'absence des 3 dernières mentions légales dans les accords collectifs conclus avant le 10 août 2016 ne remet pas en cause les conventions de forfait conclues sur la base de ces accords collectifs à la condition que l'employeur pallie cette absence en mettant en place d’autres modalités.
Contenu de l’accord collectif depuis le 10 août 2016 (suite) Exemple : Lorsque l'accord collectif instaurant le forfait jours est insuffisamment précis sur les modalités de suivi de la charge de travail des salariés en forfait jours, les conventions de forfait conclues sur la base de cet accord collectif ne sont pas pour autant frappées de nullité ou sans effet. Il suffit que l'employeur respecte les modalités supplétives prévues par le code du travail. Ces dispositions supplétives sont les suivantes : • l'employeur établit un document de contrôle du nombre de jours travaillés faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées. Sous la responsabilité de l'employeur, ce document peut être rempli par le salarié ; • l'employeur s'assure que la charge de travail du salarié est compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires ; • l'employeur organise une fois par an un entretien avec le salarié pour évoquer sa charge de travail qui doit être raisonnable, l'organisation de son travail, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, ainsi que sa rémunération.
Situation de l’accord conclu avant le 10 août 2016 • Jusqu'au 10 août 2016, la convention de forfait en jours était frappée de nullité lorsque l'accord collectif instaurant le forfait jours n'était pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restaient raisonnables et assuraient une bonne répartition, dans le temps, du travail et donc à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié (Cass. Soc. 4 février 2015, n° 13 -20891). • Tel était le cas des accords suivants : • Contenu de l'accord 1 : l'établissement par l'employeur (ou par le salarié sous la responsabilité de ce dernier) d'un document de contrôle du nombre et des dates de journées travaillées ainsi que la qualification des jours de repos, un entretien annuel avec le supérieur hiérarchique au cours duquel sont évoquées l'organisation et la charge de travail ainsi que l'amplitude de journées d'activité. Ces mesures ne sont pas suffisantes car elles ne permettent pas de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable, de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et qu'une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé est assurée. Il manque une clause imposant à l'employeur de prendre des mesures correctrices pour remédier à d'éventuels excès (Cass. Soc. 17 janvier 2018, n° 16 -15124).
Situation de l’accord conclu avant le 10 août 2016 (suite) • Contenu de l'accord 2 : l'intéressé doit veiller à bénéficier d'un repos quotidien d'une durée minimale de 11 heures et d'un repos hebdomadaire de 35 heures consécutives et un entretien annuel avec le supérieur hiérarchique est organisé sur la charge de travail et l'amplitude de travail. Ces mesures ne sont pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé et donc à assurer la sécurité et la santé du salarié (Cass. Soc. 8 février 2017, n° 15 -25599).
Situation de l’accord conclu avant le 10 août 2016 (Suite) • Avant le 10 août 2016, la Cour de cassation considérait qu'étaient des stipulations de nature à répondre aux exigences relatives au droit à la santé et au repos, les stipulations énumérées dans les exemples suivants. Ces exemples sont transposables au cadre juridique actuel et peuvent servir de référence lors des négociations d'accord collectif sur les conventions de forfait jours. • Exemple : répond aux exigences relatives au droit à la santé et au repos, l'accord collectif qui assure la garantie du respect des repos, journalier et hebdomadaire, ainsi que des durées maximales raisonnables de travail en organisant le suivi et le contrôle de la charge de travail selon une périodicité mensuelle par le biais d'un relevé déclaratif signé par le supérieur hiérarchique et validé par le service des ressources humaines, assorti d'un dispositif d'alerte de la hiérarchie en cas de difficulté, avec possibilité de demande d'entretien auprès du service de ressources humaines (Cass. Soc. 8 septembre 2016, n° 14 -26256).
Situation de l’accord conclu avant le 10 août 2016 (Suite) • Avant le 10 août 2016, en l'absence de stipulations dans l'accord collectif sur le forfait jours garantissant le respect des durées maximales de travail ainsi que, des temps de repos, quotidiens et hebdomadaires, permettant que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurant une bonne répartition dans le temps du travail du salarié, la convention de forfait jours conclue sur la base de cet accord collectif était frappée de nullité (Cass. Soc. 6 juillet 2016, n° 14 -28156). • Le salarié pouvait alors demander le paiement d'heures supplémentaires. C'est au juge de vérifier l'existence et le nombre de ces heures supplémentaires. Le versement d'un salaire supérieur au minimum conventionnel ne peut tenir lieu de règlement des heures supplémentaires (Cass. Soc. 4 février 2015, n° 13 -20891).
Nécessité de la conclusion d’une convention individuelle de forfait • Pour recourir au forfait annuel en jours, l'employeur doit obtenir l'accord exprès de chaque salarié concerné : clause ou avenant au contrat sur la convention de forfait jours. • En l'absence d'un accord écrit, le forfait jours est inopposable au salarié et ce dernier est en droit alors de demander le paiement d'heures supplémentaires. • La convention de forfait en jours, en l'absence d'écrit est également inopposable à l'employeur. Le salarié ne peut exiger le paiement de la rémunération prévue par accord collectif pour les salariés en forfait jours (Cass. Soc. 8 mars 2012, n° 10 -24305).
Nécessité de la conclusion d’une convention individuelle de forfait • Le caractère intentionnel du délit de travail dissimulé ne peut se déduire de la seule application d'une convention de forfait illicite (Cass. Soc. 28 février 2018, n° 16 -19054). • Toutefois, appliquer le forfait jours sans un accord écrit du salarié peut être constitutif du délit de travail dissimulé dans la mesure où le caractère intentionnel de l'absence de mention des heures supplémentaires sur le bulletin de paie résulte de l'absence de cet accord écrit et du fait que le salarié travaille régulièrement un nombre d'heures supérieur à la durée légale (Cass. Soc. 27 juin 2012, n° 11 -10491).
6) Le contrôle et la preuve du temps de travail
La détermination de la durée du travail effectuée • Le principe, un décompte individuel : Quelles que soient les modalités d'organisation du travail, l'employeur est tenu de comptabiliser et de contrôler la durée du travail individuellement pour chaque salarié. • Ces informations donnent lieu à l'établissement de documents susceptibles d'être communiqués à l'inspection du travail, aux délégués du personnel, aux salariés et, le cas échéant, au juge prud'homal. • Les documents à établir obligatoirement varient selon que les salariés travaillent dans le cadre d'un horaire collectif ou d'un horaire individuel, mais ils ont tous la même finalité : établir la durée du travail effective de chaque salarié. • Leurs modalités d'établissement pratiques sont laissées à la libre appréciation de l'employeur. • Peu importent les moyens (registre, fiche, badge) et le responsable du décompte : hiérarchie, salarié spécifiquement chanrgé du contrôle des temps de travail ou le salarié lui-même.
La détermination de la durée du travail effectuée (suite) • Selon le ministère du travail, trois types de systèmes contrôle de la durée du travail peuvent être distingués : § les systèmes reposant sur un enregistrement automatique, notamment informatique. A ce titre celui-ci doit être fiable et infalsifiable. Cette disposition est, selon le ministère, destinée à faire obstacle à l'écrêtement périodique et automatique des heures du travail excédant certains paramètres fixés par certains logiciels ; § les systèmes reposant sur un enregistrement manuel pouvant constituer une des modalités d'enregistrement de la durée du travail effectuée lorsque les salariés ne sont pas soumis à un horaire collectif ; § les systèmes auto déclaratifs, adaptés notamment pour les salariés dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée, par exemple les « salariés itinérants dont le lieu de travail est par définition mobile et qui disposent d'une grande autonomie dans la gestion de leur emploi du temps » .
Décompte en cas de durée du travail collective • Horaires collectifs uniformes : • La durée du travail est considérée comme collective lorsque tous les salariés d'un atelier, d'un service ou d'une équipe travaillent selon le même horaire. • Les horaires à temps partiel ou les systèmes d'horaires individualisés n'entrent pas dans le cadre d'un horaire collectif. • L'horaire collectif est établi et affiché par l'employeur, selon l'heure légale, et indique les heures auxquelles commence et finit chaque période de travail ainsi que les heures et la durée du repos. • Le document est affiché, daté, et signé par l'employeur ou son délégataire dans chaque lieu de travail. Si les salariés sont employés à l'extérieur, l'horaire est affiché dans l'établissement auquel ils sont rattachés. En cas de modification d'horaire, la rectification est affichée dans les mêmes conditions. • Aucun salarié ne peut être employé en dehors de cet horaire, sauf en cas d'heures supplémentaires ou en cas d'heures de dérogation permanente. • Ces documents sont complétés par des documents établis individuellement et remis aux salariés.
Décompte en cas de durée du travail collective (suite) • Horaires collectifs de travail en équipe : • Lorsque la durée du travail est organisée par accord d'aménagement au-delà de la semaine ou par décision unilatérale (Articles L. 3121 -41 et L. 3121 -45), l'affichage comprend la répartition de la durée du travail dans ce cadre d'organisation. • En outre, l'employeur établit le nombre de semaine que comporte la période de référence ainsi que, pour chaque semaine de cette période, l'horaire de travail et la répartition de la durée du travail, sous réserve des précisions conventionnelles autres. • Dans le cadre de la modulation (ancien art. D. 3171 -6 abrogé du code du travail), l'affichage comporte l'horaire de travail et le programme indicatif de la modulation. • Les modifications de durée ou d'horaire de travail sont affichées en respectant un délai préalable de 7 jours ou celui prévu par l'accord collectif. • Les documents relatifs aux horaires collectifs et ceux sur l'organisation du travail en équipe (travail par relais, par roulement ou par équipes successives) peuvent être constitués sous format électronique lorsque des garanties de contrôle équivalentes sont maintenues. • Le droit d'accès pour les salariés aux informations nominatives prévues par l'article 39 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés est applicable. • En cas de traitement automatisé des données nominatives, l'employeur communique, à sa demande, à l'agent de contrôle de l'inspection du travail, le récépissé de la déclaration préalable faite à la CNIL.
Décompte en cas de durée du travail individuelle • Lorsque les horaires de travail sont effectués sous une forme individuelle, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée du travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective pour chaque salarié. • Les horaires individualisés constituent un horaire individuel. • A ce titre le pointage uniquement des heures d'entrée et de sortie de l'entreprise (soit l’amplitude journalière de travail) et entre ces deux horaires, l'absence de décompte des temps de pause et de repos, interdit la vérification du temps de travail effectif des salariés (Cass. Crim. 25 janvier 2000, n° 98 -85266). • La durée du travail individuelle est décomptée : • quotidiennement, par enregistrement par tous moyens des heures de début ou de fin de chaque période de travail ou par relevé du nombre d'heures de travail accomplies. La circulaire du 17 mars 1993 précise que l'indication d'une amplitude journalière sans mention de la durée des coupures et des pauses ne suffit pas ; • et par récapitulation hebdomadaire du nombre d'heures effectuées. • Les salariés travaillant dans le cadre d'une convention de forfait en heures ne relèvent pas de ces dispositions si l'accord prévoit d'autres modalités de décompte. • Pour les salariés travaillant dans le cadre d'une convention de forfait en jours, le décompte s'effectue par récapitulation annuelle des journées ou demi-journées de travail de chaque salarié.
Contrôle de la durée du travail • Légalement, l'employeur est tenu de conserver les documents établissant la durée du travail, pour les présenter à l'inspection du travail pendant : § 1 an s'agissant des décomptes d'horaires individualisés et des astreintes accomplies chaque mois par le salarié ainsi que la compensation correspondante ; § 3 ans pour les documents comptabilisant le nombre de jours de travail pour les conventions de forfait jours. • Mais en pratique, elle est donc soumise à la prescription triennale (loi n° 2013 -504 du 14 juin 2013) compte tenu des éventuelles demandes de rappel de salaire qui peuvent être formulées par les salariés. Auparavant, la prescription était quinquennale. • La Cour de cassation précise qu'en cas de litige sur le nombre des heures de travail effectuées, « l'employeur doit être en mesure de fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié dans la limite de la prescription quinquennale » (Cass. soc. , 9 avr. 2008, n° 07 -41418).
7) Actualité
Forfait-jours : quel est le point de départ du délai de prescription ? • Avant la loi Travail du 10 août 2016, la convention de forfait en jours conclue sur la base d’un accord collectif ne prévoyant pas de stipulations garantissant le respect des durées maximales de travail et des repos journaliers et hebdomadaires était systématiquement frappée de nullité (Cass. soc. 11 juin 2014, n° 1120. 985). • Le salarié pouvait alors demander le paiement d’heures supplémentaires, et il appartenait au juge de vérifier leur existence et leur nombre (Cass. soc. 29 juin 2011, n° 09 -71. 107). • Remarque : depuis l’entrée en vigueur de la loi Travail, l’employeur peut valablement conclure une convention de forfait en jours avec son salarié sur la base d'un accord collectif insuffisamment protecteur s’il respecte les dispositions supplétives prévues à l’article L. 3121 -65 du code du travail sur le contrôle et le suivi de la charge de travail et le respect des temps de repos. • Dès lors, se pose la question du point de départ du délai de prescription de la demande de nullité de la convention de forfait en jours : s’agit-il de la date de signature de la convention de forfait ? Ou de la date d'exécution des heures supplémentaires dont le salarié demande le paiement ? • La Cour de cassation s’est récemment prononcée sur le sujet pour la première fois : le salarié peut contester la validité de son forfait en jours tant que la demande en rappel de salaire des heures supplémentaires qui y est rattaché n’est pas prescrite. • Cass. soc. 27 mars 2019, n° 17 -23314
Cass. soc, 27 mars 2019, n° 17 -31715 • Forfaits-jours : l'employeur ne doit pas organiser totalement l'activité de son salarié. Le salarié, dont le travail est « totalement organisé et imposé par l'employeur » ne dispose pas d'une autonomie suffisante lui permettant de bénéficier d'une clause de forfait annuel en jours. • Un salarié engagé au sein de la Société Euro Disney avec le statut cadre bénéficie d’une convention individuelle de forfait annuel en jours. Licencié, il conteste le bien-fondé de cette clause et réclame notamment un rappel de salaire au titre d’heures supplémentaires et diverses indemnités. Pour ce faire, il indique qu’il était soumis à des plannings précis, et que, de par sa nécessaire collaboration avec d’autres services soumis à des horaires précis, il était lui-même soumis à des horaires prédéterminés.
Article L 3121 -65 du code du travail Modifié par Ordonnance n° 2017 -1718 du 20 décembre 2017 - art. 1 • I. -A défaut de stipulations conventionnelles prévues aux 1° et 2° du II de l'article L. 3121 -64, une convention individuelle de forfait en jours peut être valablement conclue sous réserve du respect des dispositions suivantes : • 1° L'employeur établit un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées. Sous la responsabilité de l'employeur, ce document peut être renseigné par le salarié ; • 2° L'employeur s'assure que la charge de travail du salarié est compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires ; • 3° L'employeur organise une fois par an un entretien avec le salarié pour évoquer sa charge de travail, qui doit être raisonnable, l'organisation de son travail, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que sa rémunération. • II. -A défaut de stipulations conventionnelles prévues au 3° du II de l'article L. 3121 -64, les modalités d'exercice par le salarié de son droit à la déconnexion sont définies par l'employeur et communiquées par tout moyen aux salariés concernés. Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, ces modalités sont conformes à la charte mentionnée au 7° de l'article L. 2242 -17.
Cass. soc, 30 janv. 2019, n° 17 -26259 • Heures supplémentaires : partage de la preuve • La charge de la preuve des heures supplémentaires ne doit pas reposer sur le seul salarié. Ainsi, les juges du fond ne peuvent pas débouter le salarié de sa demande de paiement d’heures supplémentaires en retenant que le décompte mensuel évoqué par le salarié correspondait à une simple estimation du temps passé à sa tâche, que ce dernier n’avait jamais formé de réclamation sur les heures supplémentaires qu’il prétendait avoir effectuées et qu’il bénéficiait d’une très large autonomie dans l’organisation de son temps de travail. Ils ne pouvaient en déduire que les décomptes produits ne permettaient pas à l’employeur de répondre de façon efficace et circonstanciée à ses revendications. • Cette solution s’inscrit dans la droite ligne d’une jurisprudence ancienne et constante (Cass. soc. , 3 juill. 1996, n° 93 -41. 645) qui s’appuie sur une interprétation stricte de l’article L. 3171 -4 du code du travail selon lequel : "la preuve des heures supplémentaires n’incombe spécialement à aucune des parties. En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectuées, l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles".
Heures supplémentaires : éléments admis ou rejetés • La demande de paiement des heures supplémentaires n’est pas assez étayée et doit être rejetée lorsque : • le salarié, directeur d’une société, fournit ses agendas, un récapitulatif des remboursements de taxi établi par lui, soit à des heures matinales soit à des heures tardives, un décompte des heures de travail réalisées établi par jour et par semaine sur toute la durée contractuelle et de très nombreux courriers électroniques, échangés pour l’essentiel à des heures tardives, matinales ou pendant la pause méridienne, alors qu’il ne précise pas les décomptes sur les pauses pour le déjeuner ou le dîner, et qu’en tant que directeur au statut de cadre autonome, il disposait d’une large latitude et indépendance pour organiser son emploi du temps (Cass. soc. 5 décembre 2018, n° 17 -21881) ; • le salarié produit un tableau récapitulatif de ses heures supplémentaires pour les seuls besoins de la cause n’émanant pas de sa main, alors qu’il n’a jamais élevé la moindre protestation et qu’il résulte des bulletins de paie que des heures supplémentaires lui avaient été rémunérées (Cass. soc. 13 février 2019, n° 17 -22368). • En revanche, étaye sa demande de paiement d’heures supplémentaires, le salarié qui fournit son agenda et son planning, éléments propres à justifier les horaires réalisés et qui mettent l’employeur en mesure de répondre. Il importe peu que l’employeur soutienne que ces éléments comprennent des erreurs et des incohérences (Cass. soc. 23 janvier 2019, n° 17 -22414).
Prise d’acte de la rupture et heures supplémentaires • Une cour d’appel ne peut dans le même temps ordonner une expertise sur l’accomplissement d’heures supplémentaires non payées, et analyser la démission du salarié en une prise d’acte produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse en raison de manquements de l’employeur sur ces mêmes heures (Cass. soc. , 9 janvier 2019, n° 1724803). • Toutefois, lorsque la situation présente un caractère ancien, le nonpaiement de toutes les heures supplémentaires ne constitue pas un manquement suffisamment grave de nature à justifier la prise d’acte de la rupture du contrat de travail. En l’espèce, le salarié avait attendu plusieurs années avant de demander une régularisation salariale (Cass. soc. 14 novembre 2018, n° 17 -18890).
Cass. soc. 14 novembre 2018, n° 17 -16959 • Un salarié a-t-il droit au paiement d'heures supplémentaires en cas d'opposition de son employeur ? • Selon la Cour de cassation, doivent être majorées les heures supplémentaires demandées par l’employeur ou effectuées avec son accord, même s’il est implicite, et, depuis deux arrêts du 14 novembre 2018 publiés au bulletin, les heures supplémentaires qui ont été rendues nécessaires par les tâches confiées au salarié. • Dans cette espèce, le salarié s'était engagé par avenant à solliciter l'autorisation préalable de l'employeur avant d'effectuer des heures supplémentaires. Ce dernier a refusé le paiement de ces heures au motif, d'une part, que le salarié n'avait pas respecté son obligation contractuelle de le solliciter préalablement, et d'autre part, qu'il s’était opposé à leur réalisation en mettant le salarié en demeure puis en le sanctionnant par un avertissement. • Pour la Cour de cassation, « le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l'accord au moins implicite de l'employeur, soit s'il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées » . • Or, tel était le cas puisque la Cour d’appel d’Orléans a constaté que sa charge de travail, qui avait donné lieu à la réalisation et au paiement d’heures supplémentaires pendant la période précédant la signature de l’avenant, s’était maintenue puis accrue après celle-ci.
Cass. soc. 24 octobre 2018, n° 17 -20691 • Les cadres aussi ont droit au paiement des heures supplémentaires. • La qualité de cadre et l’existence d’une liberté d’organisation dans le travail ne suffisent pas à exclure le paiement des heures supplémentaires. C'est ce que rappelle utilement la Cour de cassation dans un arrêt du 24 octobre 2018. • En effet, les cadres comme les non cadres sont soumis aux règles relatives aux heures supplémentaires qui sont d'ordre public (C. trav. , L. 3121 -28). Seuls les cadres qui ont signé une convention de forfait en jours et les cadres dirigeants, qui ne sont pas soumis à la législation sur la durée du travail, peuvent s'en affranchir. • La Cour d’Appel de Limoges ne pouvait donc retenir que « la reconnaissance du statut de cadre et l’impact que cela peut avoir sur la réalisation d’heures supplémentaires, à défaut de pointage, pour des salariés autonomes et susceptibles de se déplacer » permettait d'écarter le paiement des heures supplémentaires.
Temps de trajet au sein de l’enceinte de l’entreprise : temps de travail effectif ? • Un salarié demandait la requalification d’un temps de trajet en temps de travail effectif en raison de contraintes particulières imposées au moment de l’arrivée dans l’entreprise. • En l’espèce, le salarié devait se soumettre à un contrôle de sécurité lors de son arrivée sur le lieu de travail et devait utiliser un véhicule spécifique, une navette, dans l’enceinte de l’établissement. • Pour qualifier une partie de ce temps de trajet de temps de travail effectif (dix minutes par trajet, vingt minutes par jour), la cour d’appel avait relevé que « ces contraintes résult[aient] de la spécificité de son emploi et de ses conditions de travail » et que « le salarié n’a[vait] d’autre choix que de se soumettre aux règles de sécurité applicables dans l’enceinte où [était] situé son lieu de travail et ne dispos[ait] pas de la liberté de vaquer à ses occupations personnelles » .
Suite • Cette décision a été cassée par la chambre sociale de la Cour de cassation, au motif que la cour d’appel n’avait pas démontré « que le salarié se trouvait à la disposition de son employeur et devait se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles » . Pour les juges en effet, « la circonstance que le salarié soit astreint de se déplacer vers son lieu de travail, à l’intérieur de l’enceinte sécurisée de l’infrastructure aéroportuaire, au moyen d’une navette, ne permet pas de considérer que ce temps de déplacement constitue un temps de travail effectif » . • L’existence de contraintes pendant le temps de trajet ne suffit donc pas à caractériser un état de disponibilité et l’absence totale de liberté du salarié. • Cass. Soc. 9 mai 2019, n° 17 -20740
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