La plupart des gens donnent le nom de

La plupart des gens donnent le nom de marguerites à toutes les fleurs blanches dont les pétales rayonnent en cercle, et dont le coeur est jaune. La vraie marguerite des champs, celle qui est au coeur de notre propos, est un chrysanthème, plus précisément un leucanthemum, originaire d’Europe, mais naturalisée dans toute l’Amérique du Nord.

Ah! La marguerite! Celle qu’on effeuille et dont chacun des pétales, en allant choir doucement sur le sol, commande un niveau toujours plus élevé du sentiment amoureux: je t’aime, un peu, beaucoup, à la folie, passionnément. . . Déjà, en son temps, Jules Renard l’appelait la fleur de l’amour qui dévore car, écrivait-il dans son journal, elle a des dents effilées de tous côtés.

Le chanteur Georges Brassens, de son côté, se plaignait de la marguerite. Les serments d’amour l’irritaient. Aussitôt que débute une affaire sentimentale, disait-il, j’y laisse tous mes pétales, comme la marguerite! Quant à moi, jadis, autour des feux de camp du scoutisme, je chantais: «Marguerite, ô Marguerite, si tu veux faire mon bonheur, donnemoi ton coeur» !

Mais oui, il suffirait peut-être que l’on trouve le moyen de faire pousser des marguerites dans le désert pour que les guerres de religion ou de pétrole y soient remplacées par des échanges de sentiments de tendresse. . . Je me suis mis à rêver du jour où toutes les mines et les obus seraient remplacés par un plant de marguerites!

Mais revenons à notre marguerite des champs. Originaire d’Europe, elle fut introduite en Amérique par les premiers colons, probablement dans les fourrages que l’on entassait à fond de cale pour nourrir les animaux destinés aux premières fermes et aux pâturages arrachés à la forêt. Le fumier de ces animaux contenait des graines de marguerite qui avaient tôt fait de germer et de prendre racine! Et bientôt tous les champs étaient recouverts de marguerites.

Le botaniste québécois Marie. Victorin affirmait qu’avec le pissenlit, nulle plante de l'ancien monde ne s'est plus complètement et rapidement naturalisée que la marguerite. Elle blanchit les champs, en été, depuis Terre Neuve jusqu’en Floride! Déjà en 1739 on mentionnait sa présence en Virginie. C’est qu’elle pousse partout la marguerite, même dans les sols secs et pauvres. Sa prolifération est légendaire.

Hélas, sa beauté s’accompagne aussi de vilains défauts. C’est une fleur du mal! Elle étouffe les graminées. Le problème majeur est surtout relié aux fermes laitières, car cette plante ingérée par les vaches transmet un goût amer au lait. Et une fois qu’elle a envahi un champ, il est presque impossible de l’éradiquer. Ses racines obliques progressent dans le sol à une allure vertigineuse.

Pour un pays céréalier comme le Canada, la jolie marguerite est un fléau. Elle se trouve maintenant en immenses quantités depuis l'Atlantique jusqu'aux limites du Manitoba. Elle est l'une des pires mauvaises herbes dans les prairies à foin, où elle ne tarde pas à étouffer l'herbe. L'espèce est mellifère, cependant elle n'est pas fréquentée par les abeilles domestiques, mais seulement par de très petits insectes.

Et pourtant, malgré ses défauts, elle embellit nos étés et pare d'élégance immaculée les champs de verdure!

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