JOURNE DTUDE UPBPF NAMUR 1122018 ERIC PIREYRE PSYCHOMOTRICIEN
JOURNÉE D’ÉTUDE UPBPF NAMUR 1/12/2018 ERIC PIREYRE, PSYCHOMOTRICIEN SEXUALITÉ ET IMAGE DU CORPS : L’HYPOTHÈSE DES MÉCANISMES ARCHAÏQUES
PLAN Sensations/perceptions, émotions/sentiments La peau et l’enveloppe L’étape de l’archaïque Morcèlement et angoisse de morcèlement Une sexualité archaïque ? L’étape de l’Œdipe Les traces de l’archaïques : troubles psychomoteurs
SENSATIONS/PERCEPTIONS, ÉMOTIONS/SENTIMENTS • Sensation : Fait physiologique élémentaire. Excitation d’un récepteur sensoriel -> potentiel d’action -> transmission au centre de traitement supérieur du SNC (thalamus, cortex pariétal…)
SENSATIONS/PERCEPTIONS, ÉMOTIONS/SENTIMENTS • « Le traitement de l’information douloureuse […] est régulé par les projections descendantes du cortex cérébral, du système limbique, du noyau paraventriculaire de l’hypothalamus, des neurones endorphiniques β périarqués, de la substance grise périaqueducale, de la formation réticulée, de neurones adrénergiques centraux provenant entre autres du locus coeruleus et sérotoninergiques en provenance du grand noyau du raphé (Felden et Shetty, 2011).
SENSATIONS/PERCEPTIONS, ÉMOTIONS/SENTIMENTS • Perception : Loin d’être un processus passif, la perception apparaît comme un acte de « décision » au niveau cérébral quant à la signification probable des informations sensorielles pour le sujet. Cette décision est largement conditionnée par l’expérience innée ou acquise. La perception est un processus actif par lequel le sujet recherche l’information dont il distingue les traits essentiels qu’il compare entre eux, ceci afin de générer des hypothèses interprétatives qu’il confronte aux données originales (Boisacq-Schepens et Crommelinck (2004).
SENSATIONS/PERCEPTIONS, ÉMOTIONS/SENTIMENTS • « Le caractère indissociable des mécanismes d’analyse périphérique et des processus d’intégration centrale s’oppose au maintien d’un clivage entre sensation et perception » (Boisacq. Schepens et Crommelinck (2004). • Il faut plutôt distinguer perception consciente et inconsciente
SENSATIONS/PERCEPTIONS, ÉMOTIONS/SENTIMENTS « Les émotions se manifestent sur le théâtre du corps, les sentiments sur celui de l’esprit » (Damasio, 2003)
SENSATIONS/PERCEPTIONS, ÉMOTIONS/SENTIMENTS Les émotions sont induites par le cerveau à partir de quelques sites cérébraux : - Sous-corticaux : tronc cérébral, , hypothalamus, télencéphale basal (substance grise périaqueducale), amygdale - Corticaux : cortex cingulaire antérieur, région préfrontale ventromédiane
SENSATIONS/PERCEPTIONS, ÉMOTIONS/SENTIMENTS • « Les émotions sont définies par de multiples modifications du profil chimique du corps, ainsi que par des modifications de l’état des viscères et du degré de contraction des différents muscles du visage, de la gorge, du tronc et des membres » (Damasio, 2003). • « Les émotions sont la série des changements qui se produisent dans le corps et le cerveau, et les sentiments sont la perception de ces changements. Perception des émotions et sentiments sont synonymes » (Damasio, 2017)
SENSATIONS/PERCEPTIONS, ÉMOTIONS/SENTIMENTS • La peur est une émotion • La crainte, l’appréhension et la panique sont des sentiments • Le dégoût est une émotion • L’aversion et l’écoeurement sont des sentiments
SENSATIONS/PERCEPTIONS, ÉMOTIONS/SENTIMENTS • Les grandes transformations (sensations et émotions -> perceptions et sentiments) sont possibles par la corticalisation des sensations et des émotions (cortex cingulaire et insulaire, entre autres) • La corticalisation se développe par la présence, l’émotion, les stimulations sensorielles et la parole de l’autre • Il y a alors subjectivation des sensations et des émotions
• Le sentiment, c’est l’émotion + l’autre
SENSATIONS/PERCEPTIONS, ÉMOTIONS/SENTIMENTS • Ces transformations (= la subjectivation) ne sont possibles que si l’enveloppe se crée • L’enveloppe est la représentation psychique de la peau • Elle se crée quand le bébé : • surmonte les angoisses corporelles archaïques • quand la peau est instrumentée (Bullinger, 2004)
LA PEAU ET L’ENVELOPPE • Epiderme, derme et hypoderme constituent la peau • L’épiderme est constitué, entre autres, d’un empilement de cellules. Sa couche superficielle est imperméable. C’est la couche cornée. • L’imperméabilité cutanée est assurée à ce niveau par les kératinocytes • La peau des enfants ne s’épaissit et ne se kératinise qu’au cours de la première enfance et de l’enfance • « La peau, avant d’être la barrière où le Moi trouve son image, était l’organe de contact et de fusion avec le monde » (Delassus, 2001).
LA PEAU ET L’ENVELOPPE • Cas particulier des orifices : bouche, organes génitaux et sphincter anal : • lieux de passage extérieur -> intérieur • Tapissés d’une muqueuse fine • Richement innervés
LA PEAU ET L’ENVELOPPE • Bouche : non kératinisée • Grandes lèvres : faiblement kératinisées • Petites lèvres : non kératinisées • Revêtement du clitoris : très fin • Gland : peau « remarquablement fine et non kératinisée » (Kamina, 2008) • Muqueuse du canal : non kératinisée
LA PEAU ET L’ENVELOPPE • Les orifices, comme la peau au début de la vie, sont délimités par une muqueuse très équipée sensoriellement mais dont la finesse et la structure ne délimite pas non plus un dedans et un dehors.
LA PEAU ET L’ENVELOPPE • In utero et longtemps après l’accouchement, la peau ne représente donc pas une limite physique entre dedans et dehors du corps.
LA PEAU ET L’ENVELOPPE • L’enveloppe est la représentation psychique de la peau • Certains patients vivent avec une peau mature mais une enveloppe de tout petit • Psychiquement, leur univers ne différencie pas dedans et dehors du corps • Concevoir sa propre existence et celle de l’autre est impossible • La subjectivité n’est pas acquise • L’énergie sexuelle ne devient pas la libido, théoriquement toujours adressée à l’autre
LA PEAU ET L’ENVELOPPE • Chez ces patients, le cortex s’est mal développé (troubles neurodéveloppementaux) • Le cortex n’est pas structuré classiquement • Les différentes zones corticales et sous-corticales communiquent mal entre elles • La sexualité n’est qu’un ensemble de sensations non corticalisées - donc non subjectives - car non affectées par la présence et la parole de l’autre.
LA PÉRIODE DE L’ARCHAÏQUE • C’est la période délimitée par la naissance et le complexe d’Œdipe
LA PÉRIODE DE L’ARCHAÏQUE • C’est la période de mise en place de l’image du corps • L’image du corps est l’ensemble des traces stockées sous forme de réseaux de neurones au fond du SNC, traces d’une époque où un esprit immature s’est construit en référence à un organisme immature • En surmontant, grâce à l’autre, les angoisses corporelles archaïques et en instrumentant ses systèmes sensori-moteurs (Bullinger, 2004), l’enfant transforme sa peau en enveloppe, développe sa subjectivité et construit son identité.
LA PÉRIODE DE L’ARCHAÏQUE • En développant sa subjectivité, l’enfant corticalise et s’approprie ses sensations et émotions. Il en fait des perceptions et des sentiments • La sexualité, ensemble de sensations et d’émotions, deviendra, le moment venu, génitale • L’énergie sexuelle deviendra la libido • Le désir sexuel surviendra et sera dirigé, lui aussi, vers l’autre • Certaines formes d’angoisse peuvent survenir
MORCÈLEMENT ET ANGOISSE DE MORCÈLEMENT • Il s’agit d’une angoisse corporelle archaïque • « Jusqu’à 6 mois, le bébé percevrait ses pieds et ses mains comme des objets étrangers (Wallon cité par Bernard, 1995) = Morcèlement • « Un sentiment de désintégration du Moi induirait des angoisses de tomber en morceaux » (Winnicott, 1975) = Angoisse de morcèlement • Lié à l’immaturité du cortex pariétal aux débuts de la vie
MORCÈLEMENT ET ANGOISSE DE MORCÈLEMENT • Les zones orales, génitales et anales sont : • Richement équipées sensoriellement • Recouvertes d’une muqueuse fine • Sujettes au morcèlement comme, voire plus que, d’autres zones corporelles car : • Investies de façon particulière par l’environnement humain car « stratégiques » au début de la vie
UNE SEXUALITÉ ARCHAÏQUE ? • Des zones génitales morcelables • + Une non subjectivation des sensations et émotions (pas de perception ni sentiments) • + Une non stabilisation de l’image corporelle (Bullinger, 2004) • = Une non existence de soi-même et de l’autre • + Un non (ou fragile) sentiment d’exister
UNE SEXUALITÉ ARCHAÏQUE ? • Dans ces conditions : • Les zones génitales peuvent être « utilisées » pour les sensations qu’elles procurent et qui permettent de stabiliser temporairement « l’image corporelle » • « Les conduites répétitives y parviennent mais limitent considérablement l’accès à d’autres objets du milieu » (Bullinger, 2004)
UNE SEXUALITÉ ARCHAÏQUE ? • Les conduites « d’exhibitionnisme ou masturbatoires » peuvent être involontairement « entretenues » par les adultes, professionnels ou familiaux • Les conduites masturbatoires ne donnent pas forcément lieu à orgasme • C’est la quête sensorielle
UNE SEXUALITÉ ARCHAÏQUE ? • La quête sensorielle active l’émotion qui laisse place à « l’ébranlement tonique » (Bullinger, 2004) • L’ébranlement tonique permet transitoirement de ressentir les limites de l’organisme • La sexualité archaïque n’est qu’une manière d’utiliser le flux sensoriel pour se sentir exister
UNE SEXUALITÉ ARCHAÏQUE ? • Considérée comme cela, la sexualité archaïque n’est rien d’autre qu’un moyen de lutter contre l’angoisse de morcèlement et/ou de se sentir exister • L’adulte peut y projeter, éventuellement mais à tort, une sexualité tournée vers l’autre et réprimer, légitimement dans ce cas, les comportements « inadéquats » • En grandissant, l’enfant accèdera à l’orgasme mais restera, le plus souvent, dans une quête sensorielle « stérile »
L’ÉTAPE DE L’OEDIPE • Au fil du développement, les mécanismes archaïques sont refoulés dans l’inconscient • L’enfant entre dans un autre type de fonctionnement psychique
L’ÉTAPE DE L’OEDIPE • Le complexe d’Œdipe « correspond à un ensemble organisé, conflictuel et largement inconscient, de productions psychiques associant affects et représentations, fantasmes et souvenirs, concourant à un même effet global de mouvements amoureux et hostiles sur les parents » (Le Guen, 2008).
L’ÉTAPE DE L’OEDIPE • Ce passage permet une vie en société adaptée « au mieux » • L’autre existe et est pris en compte subjectivement (théorie de l’esprit) • La vie va être influencée par le souci de s’insérer dans la société • Avec un travail et/ou une vie sentimentale et/ou parentale
L’ÉTAPE DE L’OEDIPE • L’angoisse change de nature • Les angoisses archaïques cèdent la place à l’angoisse de castration • L’angoisse archaïque de morcèlement, par exemple, ne disparait pas pour autant • Elle influence potentiellement toujours notre vie à notre insu
L’ÉTAPE DE L’OEDIPE • L’angoisse de castration est inconsciente également • Elle se « déplace » et « se pose » sur d’autres parties du corps ou des fonctions, par exemple psychomotrices • Troubles spatio-temporels, de la latéralité, de la motricité fine…
L’ÉTAPE DE L’OEDIPE • L’angoisse de castration ne se pose pas au hasard • Elle vient là où des fragilités ont été développées au cours de la période de l’archaïque • Ex : morcèlement des bras -> troubles de la motricité fine • C’est une véritable réorganisation du fonctionnement psychique • Une réorganisation qui tient compte des évènements de l’étape antérieure • « J’aime bien discuter avec vous ! »
BIBLIOGRAPHIE • Bernard, M. (1995). Le corps. Paris : le Seuil. • Boisaq-Schepens, N. , Crommelinck, M. (2004). Neurosciences. Paris : Dunod. • Bullinger, A. (2004). Le développement sensori-moteur et ses avatars. Ramonville-Saint-Agne : Erès. • Damasio, A. (2003). Spinoza avait raison. Paris : Odile Jacob. • Damasio, A. (2017). L’étrange ordre des choses. Paris : Odile Jacob. • Delassus, J. -M. (2001). Le génie du fœtus. Paris : Dunod. • Felden, D. , Shetty, A. (2011). Atlas des neurosciences humaines de Netter. Paris : Masson. • Kamina, P. (2008). Petit atlas d’anatomie. Paris : Maloine. • Le Guen, C. (2008). Dictionnaire freudien. Paris : PUF. • Winnicott, D. W. (1975). La crainte de l’effondrement. Nouvelle revue de psychanalyse, 11, 35 -44.
- Slides: 37