JEREMIAH HORROCKS UN VISIONNAIRE EXCEPTIONNEL Jeremiah Horrocks Astley

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JEREMIAH HORROCKS, UN VISIONNAIRE EXCEPTIONNEL Jeremiah Horrocks © Astley Hall Museum & Art Gallery,

JEREMIAH HORROCKS, UN VISIONNAIRE EXCEPTIONNEL Jeremiah Horrocks © Astley Hall Museum & Art Gallery, Chorley Pourquoi Jeremiah Horrocks adopte-t-il la thèse des trajectoires elliptiques des planètes, thèse défendue par Johann Kepler, vingt ou trente ans auparavant ? Question oiseuse appelant une réponse simple qui pourrait être à peu près la suivante : En 1609, après une fantastique bataille intellectuelle, Kepler publie l'Astronomia Nova ; il y expose que Mars (et bientôt les autres planètes) ont une orbite elliptique dont le Soleil est un des foyers. Jeremiah est un jeune savant extrêmement doué -génial sans doute- féru d’astronomie et de géométrie. Esprit curieux, cultivé, moderne, il adopte naturellement les percées les plus pertinentes de la science qui le passionne. Vers 1630, en pleine possession de ses moyens intellectuels, il défend donc logiquement les lois de Kepler et voici pourquoi la question est sans grand intérêt ou en tous cas la réponse sans surprise. Si telle était la pièce, elle manquerait de relief et de ressort. Pourquoi, en effet, à la même époque Galilée, comme Descartes, comme Gassendi et presque tous les autres savants, pourquoi n’adopte-t-il pas ces lois. En France, la thèse ne fait qu’un adepte assez connu pour qu’on s’en souvienne encore, Ismaël Boulliau. Les raisons pour ne pas prendre trop à la lettre l’astronomie elliptique sont, au milieu du siècle, assez consistantes. L’ellipse est un « cercle déficient ou malade » , la rotation est un mouvement naturel qui convient aux objets célestes, l’excentricité des planètes est très faible, à peine décelable et on doit pouvoir en rendre compte par cercles excentriques ou épicycles. Bien entendu, quatre ou cinq décennies plus tard, il faudra être ignorant en géométrie astronomique pour nier cette caractéristique des phénomènes planétaires. Isaac Newton sera passé par là avec, notamment, son théorème des forces centrales : si une force en inverse du carré des distances est appliquée à partir d’un centre de force, alors, la trajectoire du mobile concerné par cette force est une conique (cercle, ellipse, parabole, hyperbole). Ce résultat mathématique ajouté à l’obscure toute puissance de la doctrine de l’attraction universelle conduira tous les astronomes dignes de ce nom à devenir képlériens. Répétons-le, lorsqu’il fait ce choix-là, Jeremiah Horrocks ne dispose pas de ces cartes ; il se singularise, il est passionnément képlérien et il acquiert, à partir de ce choix, son statut d’exceptionnel savant. Il y a encore à cher avec précision pourquoi il s’est engagé dans cette voie destinée à devenir « royale » . Les obstacles n’étaient pas minces : de quels instruments d’observation disposait-il ? Du matériel certes très bien choisi, mais pas le meilleur qui soit, ni en quantité, ni en qualité ; de quelles mathématiques disposait-il ? Sûrement puisées aux meilleurs auteurs, Kepler, Viète, Harriot, mais ni du calcul infinitésimal, ni même des méthodes indivisibles ou encore de la géométrie algébrique cartésienne. Son intuition s’est pourtant révélée formidable, non seulement comme une étincelle qui « met le feu à la plaine » ou aux esprits du temps, mais parce qu’elle est le point de départ d’un programme de travail, de recherche, qui impressionne. S’appuyant sur la meilleure interprétation imaginable des lois de Kepler, Jeremiah devient un képlérien critique, il se fait plus précis que le maître et va tirer des conclusions si nettes et originales qu’elles sont susceptibles du test, du tribunal de l’expérience et de la mesure. Ainsi, infère-t-il que Vénus sera alignée avec la Terre et le Soleil une seconde fois dans le siècle, en 1639, ce qui n’était pas prévu même par les modernes contemporains. Non seulement, la prévision théorique est confirmée, fut-ce à l’aide de moyens matériels modestes, mais encore et surtout, elle constitue un marchepied pour un impressionnant déploiement théorique. A partir de ce succès, adossé à des hypothèses validées, Jeremiah en déduit un modèle de la lune d’une importance décisive qui rend compte de l’excentricité et de l’oscillation du grand axe de son ellipse : « our fellow countryman Horrocks was the first to propose that the moon revolves in an ellipse around the earth[1] » écrit Newton dans ses Principia, consacrant la dette qu’il a envers son jeune aïeul ; il avait douté de l’hypothèse du modèle lunaire d’Horrocks Et ce jeune prodige meurt comme une supernova, il passe dans le ciel de la philosophie naturelle à la vitesse d’une comète. Comme les mathématiques ont des Evariste Galois, la musique des Mozart, l’astronomie a son Jeremiah Horrocks et il est inévitable qu’il éveille en nos imaginations des rêveries admiratives et nostalgiques. Comment peut-on saisir la destinée et l’œuvre du jeune anglais ? En réalité, dans une histoire, il y a très exactement ce que celui qui la raconte veut y mettre. L’histoire de Jeremiah Horrocks est un modèle du genre, un archétype. On peut, tout aussi bien la restreindre aux modestes dimensions d’un habile calcul suivi d’une observation astronomique ou, à l’inverse, la laisser exploser comme un soleil en toutes directions : scientifique, romanesque, onirique, esthétique … Jeremiah meurt peu de temps après avoir observé le passage à l’âge de 22 ans… Vénus, dans cette histoire, apparaît comme un défi assez peu raisonnable lancé au jeune et isolé Jeremiah. Il saura en tirer une rationalité nourrie d’aventures, d’imaginations et de prévisions. Vincent Jullien