Isidore Ducasse Posies II NB materiale didattico per
Isidore Ducasse, Poésies II NB: materiale didattico per il corso magistrale di Letteratura Francese a. a. 2019/20, prof. Fabio Vasarri
Structure • Presque la moitié du texte de Poésies II consiste en réécritures de maximes ou de pensées des moralistes français, notamment de Pascal, La Rochefoucauld (XVIIe s. , pessimisme) et Vauvenargues (XVIIIe s. , plus «optimiste» ). • Structure (symétrie) : • (début) Vauvenargues + Pascal • (milieu) La Rochefoucauld • (fin) Pascal + Vauvenargues
Le plagiat • Le plagiat est nécessaire. Le progrès l’implique. Il serre de près la phrase d’un auteur, se sert de ses expressions, efface une idée fausse, la remplace par l’idée juste. • Une maxime, pour être bien faite, ne demande pas à être corrigée. Elle demande à être développée. Un pion [surveillant scolaire] pourrait se faire un bagage littéraire, en disant le contraire de ce qu’ont dit les poètes de ce siècle. Il remplacerait leurs affirmations par des négations. Réciproquement. S’il est ridicule d’attaquer les premiers principes, il est plus ridicule de les défendre contre ces mêmes attaques. Je ne les défendrai pas. [Donc, Il ne s’agit pas tout simplement d’affirmer le contraire d’une maxime, mais de la développer].
Réécriture et plagiat (Dante) • Exemple simple, antiphrastique : • Lasciate ogni speranza, voi che entrate, Dante, Inferno, III, 9. • Vous, qui entrez, laissez tout désespoir (Poésies II). Cf. Chants de Maldoror, III, 5 (strophe du lupanar, inscription: « Vous, qui passez sur ce pont, n’y allez pas”).
La Rochefoucauld Dans ce cas aussi, il y a un renversement assez simple: • Si nous n’avions point de défauts, nous ne prendrions pas tant de plaisir à en remarquer dans les autres (La Rochefoucauld, maxime 31). • Si nous n’avions point de défauts, nous ne prendrions pas tant de plaisir à nous corriger, à louer dans les autres ce qui nous manque.
La Bruyère • [Querelle des Anciens et des Modernes, fin XVIIe s. ] • Tout est dit, et l’on vient trop tard depuis plus de sept mille ans qu’il y a des hommes, et qui pensent. Sur ce qui concerne les mœurs, le plu s beau et le meilleur est enlevé ; l’on ne fait que glaner après les anci ens et les habiles d’entre les modernes (Jean de La Bruyère, Les Caractères, “Des ouvrages de l’esprit”). • Rien n’est dit. L’on vient trop tôt depuis plus de sept-mille ans qu’il y a des hommes. Sur ce qui concerne les mœurs comme sur le reste, le moins bon est enlevé. Nous avons l’avantage de travailler après les anciens, les habiles d’entre les modernes.
Pascal • En écrivant ma pensée, elle m’échappe quelquefois ; mais cela me fait souvenir de ma faiblesse, que j’oublie à toute heure ; ce qui m’instruit autant que ma pensée oubliée ; car je ne tends qu’à connaître mon néant (Pascal, Pensées, article sixième, I). • Lorsque j’écris ma pensée, elle ne m’échappe pas. Cette action me fait souvenir de ma force que j’oublie à toute heure. Je m’instruis à proportion de ma pensée enchaînée. Je ne tends qu’à connaître la contradiction de mon esprit avec le néant.
Le « roseau pensant » de Pascal • L’homme n’est qu’un roseau, le plus faible de la nature; mais c’est un roseau pensant. Il ne faut pas que l’univers s’arme pour l’écraser; une vapeur, une goutte d’eau suffit pour le tuer; mais, quand l’univers l’écraserait, l’homme serait encore plus noble que ce qui le tue, parce qu’il sait qu’il meurt; et l’avantage que l’univers a sur lui, l’univers n’en sait rien (Pascal, Pensées, art. sixième, V). • • L’homme est un chêne. La nature n’en compte pas de plus robuste. Il ne faut pas que l’univers s’arme pour le défendre. Une goutte d’eau ne suffit pas à sa préservation. Même quand l’univers le défendrait, il ne serait pas plus déshonoré que ce qui ne le préserve pas. L’homme sait que son règne n’a pas de mort, que l’univers possède un commencement. L’univers ne sait rien : c’est, tout au plus, un roseau pensant.
Vauvenargues • Dans un cas, Ducasse mentionne explicitement sa source, son hypotexte: • La raison et le sentiment se conseillent et se suppléent tour à tour. Quiconque ne consulte qu’un des deux et renonce à l’autre, se prive inconsidérément d’une partie des secours qui nous ont été accordés pour nous conduire (Vauvenargues, maxime 150). • • La raison, le sentiment se conseillent, se suppléent. Quiconque ne connaît qu’un des deux, en renonçant à l’autre, se prive de la totalité des secours qui nous ont été accordés pour nous conduire. Vauvenargues a dit « se prive d’une partie des secours » . • Quoique sa phrase, la mienne reposent sur les personnifications de l’âme dans le sentiment, la raison, celle que je choisirais au hasard ne serait pas meilleure que l’autre, si je les avais faites. L’une ne peut pas être rejetée par moi. L’autre a pu être acceptée de Vauvenargues.
Vauvenargues Vers la fin de P. II, on trouve aussi deux réécritures du même hypotexte: • On ne peut juger de la vie par une plus fausse règle que la mort (Vauvenargues, maxime 140). • On ne peut juger de la beauté de la vie que par celle de la mort. • On ne peut juger de la beauté de la mort que par celle de la vie.
Poésie et philosophie • Rien n’est plus naturel que de lire le Discours de la Méthode après avoir lu Bérénice. Rien n’est moins naturel que de lire le Traité de l’Induction de Biéchy, le Problème du Mal de Naville, après avoir lu les Feuilles d’Automne, les Contemplations. […] Les poètes contemporains ont abusé de leur intelligence. Les philosophes n’ont pas abusé de la leur. Le souvenir des premiers s’éteindra. Les derniers sont classiques.
Poésie et philosophie • Quelques philosophes sont plus intelligents quelques poètes. [La philosophie est supérieure à la poésie, le précepte (la maxime, le principe moral ? ) est supérieur à la tragédie]. • Jusqu’à présent, l’on a décrit le malheur, pour inspirer la terreur, la pitié. Je décrirai le bonheur pour inspirer leurs contraires.
Tics, tics, et tics… • La poésie doit être faite par tous. Non par un. Pauvre Hugo ! Pauvre Racine ! Pauvre Coppée ! Pauvre Corneille ! Pauvre Boileau ! Pauvre Scarron ! Tics, tics, et tics. • [Phrase célèbre. Apologie de la poésie impersonnelle ou collective selon les surréalistes; liée aussi à la technique de la réécriture, qui suppose plusieurs auteurs]. • [Liste: hétéroclite, auteurs classiques et romantiques. Ducasse vise la littérature en général].
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