Il y a une chose qui est tout

  • Slides: 9
Download presentation

"Il y a une chose qui est tout le tragique de la vie. Oui,

"Il y a une chose qui est tout le tragique de la vie. Oui, de la vie, c'est que nous ne sommes que des moitiés. Depuis qu'on a commencé à bâtir des maisons et des villes, à inventer la roue, on n'a pas avancé d'un pas vers le bonheur. On est toujours des moitiés. Tant qu'on invente dans la mécanique et pas dans l'amour on n'aura pas le bonheur. " Extrait de « Jean le Bleu » "C’est de nous que doit venir le remède. Ces racines, ces graines de cyprès, toutes ces peinturlures, ça ne sert à rien, c’est moi qui te le dis. Le remède ? C’est dans nos bras et dans notre tête, qu’il est. Dans nos bras, surtout. Les collines, ça se mène comme les chevaux, dur. Tu comprends bien que je les connais ; je n’ai pas chassé sur elles pendant trente ans sans avoir appris leurs façons de faire. Ça va nous tomber sur le poil d’un coin que nous ne surveillons pas et, tout de suite, il faudra présenter la poitrine et faire marcher les bras. Qui gagnera ? Nous. Pas l’ombre d’un doute. C’est un mauvais moment à passer, mais je jouerais qu’on gagnera. Ça c’est toujours vu comme ça. Seulement, pour gagner faut pas bâiller aux santons. " Extrait de « La trilogie de Pan (tome 1) : Colline »

"La mélancolie fait plus de victimes que le choléra… Elle tue dans des proportions

"La mélancolie fait plus de victimes que le choléra… Elle tue dans des proportions qu’on ne connaît jamais, car ses victimes n’étalent pas des ventres verdâtres au long des rues mais cassent leur pipe avec une très grande décence et modestie, dans des coins secrets où elles passent pour avoir été frappées de mort naturelle. Mais outre ces conclusions radicales, la mélancolie fait d’une certaine société une assemblée de mort-vivants, un cimetière de surface, si on peut dire, elle enlève l’appétit, le goût, noue les aiguillettes, éteint les lampes et même le soleil et donne au surplus ce qu’on pourrait appeler un délire de l’inutilité qui s’accorde parfaitement d’ailleurs avec toutes les carences susindiquées et qui, s’il n’est pas directement contagieux, dans le sens que nous donnons inconsciemment à ce mot, pousse toutefois les mélancoliques à des démesures du néant qui peuvent fort bien empuantir, désœuvrer et, par conséquent faire périr tout un pays. " Extrait de « Le Hussard sur le toit » "Tu sais, l'orage couche le blé ; bon, une fois. Faut pas croire que la plante ça raisonne pas. Ça se dit : bon on va se renforcer, et, petit à petit, ça se durcit la tige et ça tient debout à la fin, malgré les orages. Ça s'est mis au pas. Mais, si tu vas cher des choses de l'autre côté de la terre, mais si tu écoutes ces beaux messieurs avec les livres : "mettez de ci, mettez de ça : ah! ne faites pas ça. " En galère, voilà ce qui t'arrive !" Extrait de « La trilogie de Pan, tome 3 : Regain »

"Je ne peux pas oublier la guerre. Je le voudrais. Je passe des fois

"Je ne peux pas oublier la guerre. Je le voudrais. Je passe des fois deux jours ou trois sans y penser et brusquement, je la revois, je la sens, je l'entends, je la subis encore. Et j'ai peur. Ce soir est la fin d'un beau jour de juillet. La plaine sous moi est devenue toute rousse. On va couper les blés. L'air, le ciel, la terre sont immobiles et calmes. Vingt ans ont passé. Et depuis vingt ans, malgré la vie, les douleurs et les bonheurs, je ne me suis pas lavé de la guerre. L'horreur de ces quatre ans est toujours en moi. Je porte la marque. Tous les survivants portent la marque. " Extrait de « Refus d'obéissance » "Je ne pourrai jamais retrouver le vrai visage de ma terre : cet œil pur des enfants, je ne l'ai plus. Quand j'étais petit, je jouais, puis j'avais faim. Ma mère taillait alors une plate tartine de pain, elle la saupoudrait de sel, elle l'arrosait d'huile par un large 8 de la burette penchée ; elle me disait : « Mange. " Ce sel, il me suffisait de humer le vent odysséen ; il était là avec l'odeur de la mer ; ce pain, cette huile, les voilà tout autour dans ces champs de blé vert dessous les oliviers. Ainsi, s'est aiguisée de longue habitude l'ardente faim de mon cœur. Jamais assez de ce pain. . . Jamais assez de ce sel, de cette huile, ma mère. " Extrait de « Manosque des Plateaux »

"Pendant ce temps, d'autres "contingentent" et "dénaturent". Ce qui devrait être abondant, gratuit, répandu

"Pendant ce temps, d'autres "contingentent" et "dénaturent". Ce qui devrait être abondant, gratuit, répandu sur la terre comme le limon des fleuves, ils le contingentent, ils le retiennent, le serrent dans des murs de béton, dans de gros coffres-forts à blé, ils l'enferment, ils poussent les gâches des grosses portes. Ils disent : "Ah ! enfin, c'est en sûreté. C'est des sous, ça sera des sous l'an prochain, plus tard, mais pour l'instant je suis tranquille, c'est enfermé !" Ils disent ça pendant que sur la terre des gens se sacrifient pour avoir un morceau de pain. " Extrait de « Les Vraies Richesses » "Nous n'allons vers rien, justement parce que nous allons vers tout, et tout est atteint du moment que nous avons tous nos sens prêts à sentir. Les jours sont des fruits et notre rôle est de les manger, de les goûter doucement ou voracement selon notre nature propre, de profiter de tout ce qu'ils contiennent, d'en faire notre chair spirituelle et notre âme, de vivre. Vivre n'a pas d'autre sens que ça. Tout ce que nous propose la civilisation, tout ce qu'elle nous apportera, rien n'est rien si nous ne comprenons pas qu'il est plus émouvant pour chacun de nous de vivre un jour que de réussir en avion le raid sans escales Paris-Paris autour du monde. " Extrait de « L'eau vive (1) : Rondeur des jours »

"Tous les gens civilisés se représentent le jour commençant à l'aube ou un peu

"Tous les gens civilisés se représentent le jour commençant à l'aube ou un peu après, ou longtemps après, enfin à une heure fixée par le début de leur travail ; qu'il s'allonge à travers leur travail, pendant ce qu'ils appellent "toute la journée « ; puis qu'il finit quand ils ferment les paupières. Ce sont ceux-là qui disent : les jours sont longs. Non, les jours sont ronds. " Extrait de « L'eau vive (1) : Rondeur des jours » "Thérèse était une âme forte. Elle ne tirait pas sa force de la vertu : la raison ne lui servait de rien ; elle ne savait même pas ce que c'était ; clairvoyante, elle l'était, mais pour le rêve ; pas pour la réalité. Ce qui faisait la force de son âme c'est qu'elle avait, une fois pour toutes, trouvé une marche à suivre. Séduite par une passion, elle avait fait des plans si larges qu'ils occupaient tout l'espace de la réalité ; elle pouvait se tenir dans ses plans quelque soit la passion commandante ; et même sans passion du tout. La vérité ne comptait pas. Rien ne comptait que d'être la plus forte et de jouir de la libre pratique de la souveraineté. Être terre à terre était pour elle une aventure plus riche que l'aventure céleste pour d'autres. Elle se satisfaisait d'illusions comme un héros. Il n' y avait pas de défaite possible. C'est pourquoi elle avait le teint clair, les traits reposés, la chair glaciale mais joyeuse, le sommeil profond. " Extrait de « Les âmes fortes »

"Monsieur Astruc se penche encore sur la belle graine. On la voit qui gonfle

"Monsieur Astruc se penche encore sur la belle graine. On la voit qui gonfle la toile des sacs. On la voit sans paille et sans poussière. Il ne dit rien et personne ne dit rien, même pas celui qui est derrière les sacs et qui vend. Il n'y a rien à dire. C'est du beau blé et tout le monde le sait. - C'est pas battu à la machine ? - C'est battu avec ça, dit l'homme. Il montre ses grandes mains qui sont blessées par le fléau et, comme il les ouvre, ça fait craquer les croûtes et ça saigne. " Extrait de « La trilogie de Pan, tome 3 : Regain » "Il n’a rien cassé, rien déchiré en moi, rien étouffé, rien effacé de son doigt mouillé de salive. Avec une prescience d’insecte il a donné à la petite larve que j’étais les remèdes ; un jour ça, un autre jour ça ; il m’a chargé de plantes, d’arbres, de terre, d’hommes, de collines, de femmes, de douleur, de bonté, d’orgueil, tout ça en remède, tout ça en provisions, tout ça en prévision de ce qui aurait pu être une plaie. Il a donné le bon pansement à l’avance pour ce qui aurait pu être une plaie, pour ce qui, grâce à lui, est devenu dans moi un immense soleil. " Extrait de « Jean le Bleu »

"J'ai essayé, dit-il, de me faire une compagnie avec toutes les choses qui ne

"J'ai essayé, dit-il, de me faire une compagnie avec toutes les choses qui ne comptent pas d'habitude. Je vais vous paraître un peu fou et je dois être un peu fou. Je me suis fait doucement compagnie de tout ce qui accepte amitié. Je n'ai jamais rien demandé à personne parce que j'ai toujours peur qu'on accepte pas, et parce que je crains les affronts. Je ne suis rien, vous comprenez ? Mais j'ai beaucoup demandé à des choses auxquelles on ne pense pas d'habitude, auxquelles on pense, demoiselle, quand vraiment on est tout seul. Je veux dire aux étoiles, par exemple, aux arbres, aux petites bêtes, à de toutes petites bêtes, si petites qu'elles peuvent se promener pendant des heures sur la pointe de mon doigt. Vous voyez ? A des fleurs, à des pays avec tout ce qu'il y a dessus. Enfin à tout, sauf aux autres hommes, parce qu'à la longue, quand on prend cette habitude de parler au reste du monde, on a une voix un tout petit peu incompréhensible. " Extrait de « Que ma joie demeure »

"Viens, suis-moi. J'ai ici ma vigne et mon vin ; mes oliviers, et je

"Viens, suis-moi. J'ai ici ma vigne et mon vin ; mes oliviers, et je vais surveiller l'huile moi-même au vieux moulin. . . Tu as vu l'amour de mon chien ? Ca ne te fait pas réfléchir, ca ? . . . Viens, venez tous, il n'y aura du bonheur pour vous que le jour où les grands arbres crèveront les rues, où le poids les lianes fera crouler l'obélisque et courber la Tour Eiffel ; où, devant les guichets du Louvre, on n'entendra plus que le léger bruit des cosses mûres qui s'ouvrent et des graines sauvages qui tombes ; le jour où, des cavernes du métro, des sangliers éblouis sortiront en tremblant de la queue. " Extrait de « Solitude de la pitié » D’autres diaporamas et textes illustrés à découvrir sur nature-et-poesie. fr