Frdric Kieffer Avocat au Barreau de Grasse Charles
Frédéric Kieffer Avocat au Barreau de Grasse Charles Simon Avocat au Barreau de Paris Farces et attrapes de la procédure devant le Tribunal judiciaire Formation CNA Jeudi 15 octobre 2020 1
Plan I. III. IV. Les dernières réformes L’introduction de l’instance Le déroulement de l’instance Les suites de l’instance 2
I. Les dernières réformes 15 octobre 2020 – CNA – Farces et attrapes de la procédure TJ 3
La fusion théorique des TGI et des TI au sein du TJ • Les dernières réformes sont d’abord d’ordre organisationnel. • C’est la loi n° 2019 -222 du 23 mars 2019 de programmation 2018 -2022 et de réforme pour la justice qui fusionne TGI et TI dans un TJ. • L’objectif affiché est le suivant : ‐ « il existe actuellement une multiplicité de procédures en matière civile, différentes entre le tribunal de grande instance et le tribunal d'instance, variables selon la nature du contentieux… la procédure civile reste inaccessible pour la plupart des justiciables du fait de sa complexité et de son absence de dématérialisation. « La simplification, pour les justiciables, de ces modes et procédures distincts de saisine doit être recherchée. » • On peut très fortement douter du résultat. 4
Une fusion en trompe-l’œil • Aujourd’hui il n’existe en réalité toujours pas un seul Tribunal judiciaire, il y a au contraire une plus grande balkanisation qu’avant avec : ‐ un TJ « ordinaire » , correspondant à l’ancien TGI ; ‐ des « chambres de proximité » ou « tribunaux de proximité » dont le siège, le ressort et la compétence matérielle sont fixés par décret (art. L. 212 -8 COJ), correspondant aux anciens TI ; ‐ des « juges des contentieux de la protection » , traitant certaines matières de la compétence des anciens TI (art. L. 213 -4 -1 et s. COJ). • Au lieu de deux tribunaux, on en a maintenant un découpé en trois. Bravo la simplification ! 5
Le grand bazar de la procédure civile • Les dernières réformes touchent ensuite la conduite du procès, essentiellement devant le TJ. • C’est le décret n° 2019 -1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile. • Là encore, l’objectif affiché est le suivant : ‐ « le décret détaille par ailleurs la procédure applicable devant le tribunal judiciaire issu de la fusion du tribunal de grande instance et du tribunal d'instance. Il conserve, tout en les simplifiant, les principales caractéristiques des procédures applicables devant ces juridictions. Il unifie ainsi les modes de saisine du tribunal judiciaire et du tribunal de commerce autour de l'assignation et de la requête. » • À nouveau, on peut très fortement douter du résultat. 6
II. L’introduction de l’instance 15 octobre 2020 – CNA – Farces et attrapes de la procédure TJ 7
Deux modes de saisine… avec des textes généraux et spécifiques au TJ • Un des objectifs de la réforme est de limiter les modes d’introduction de l’instance à deux : ‐ l’assignation ; et ‐ la requête • Les règles concernant l’introduction de l’instance sont posées : ‐ aux articles 53 à 59 CPC pour les règles générales, quelle que soit la juridiction ; ‐ aux articles 750 à 759 CPC pour les règles propres au TJ. 8
Des p’tits trous, des p’tits trous : des textes généraux étonnants concernant les requêtes • Pas de révolution a priori dans les textes généraux mais des malfaçons, en particulier à l’article 54 CPC qui concerne l’assignation et la requête. • Il faut mentionner, à peine de nullité, les modalités de comparution et les conséquences d’un défaut pour le défendeur. • Cela n’a aucun sens quand on saisit le tribunal par requête : ‐ conjointe ; ou ‐ ex parte. C’est l’exemple des « référés 145 » où le contradictoire vient éventuellement dans une 2 e phase de la procédure, en cas de demande de rétractation (art. 496 et 497 CPC). • Même quand il faut convoquer l’adversaire, c’est en réalité le greffe du TJ recevant la requête qui ajoute ces mentions dans la convocation (art. 758 renvoyant à 665 -1 CPC). 9
Encore des p’tits trous : des textes propres au TJ qui créent des problèmes • Les textes particuliers au TJ modifient sensiblement l’ancienne procédure devant le TI et le TGI et laissent perplexe. • À peine d’irrecevabilité, les litiges portant sur le paiement d’une somme inférieure à 5. 000 euros doivent faire l’objet d’un mode alternatif de règlement des litiges (art. 750 -1 CPC). Cela complexifie la procédure dans des dossiers où on peut penser qu’il n’y a pas d’avocat. • Les assignations devant le TJ en procédure « ordinaire » doivent être délivrées pour une date déterminée mais la plateforme de prise de date n’est toujours pas déployé et la réforme est repoussée jusqu’au 1 er janvier 2021 pour cette partie (art. 55 III. du décret du 11 décembre 2019). Sera‐t‐on prêt dans 2 mois ½ ? 10
Tous à son doliprane : la représentation devant le TJ nouveau • Le point sans doute le plus compliqué : la représentation. • Avant, le schéma était simple : procédure écrite = représentation obligation ; procédure orale = pas de représentation obligatoire. • La réforme casse ce schéma. • En apparence, le nouveau schéma est aussi simple : les parties sont tenues de constituer avocat devant le TJ (art. 760 CPC). • En pratique, c’est l’enfer. 11
Quand la représentation est-elle obligatoire ? • La représentation n’est pas obligatoire notamment (art. 761 CPC) : ‐ devant le juge des contentieux de la protection qui entend de certaines matières sans plafond de demandes. C’est l’exemple des loyers d’habitation (art. L. 213 -4 -4 COJ) ; ‐ devant les chambres de proximité (ou tribunaux de proximité) ; ‐ lorsque la demande porte sur un montant inférieur ou égal à 10 000 euros ou a pour objet une demande indéterminée ayant pour origine l'exécution d'une obligation dont le montant n'excède pas 10 000 euros. 12
Le boxon par l’exemple : les référés TJ « ordinaires » • Le cas du référé préventif est parlant pour montrer les difficultés liées à la réforme : ‐ c’est une procédure orale ; ‐ la demande est indéterminée sans nécessairement se rapporter à l’exécution d’une obligation quelconque ; ‐ en conséquence la représentation est obligatoire et l’assignation qui ne contient pas les mentions obligatoires qui en découle est annulable (TJ Paris, 6 février 2020, RG n° 20/50490). 13
Conséquences du boxon par l’exemple • La représentation obligatoire en référé a d’autres conséquences : ‐ obligation de passer par un postulant pour les avocats de Barreaux extérieurs (art. 5 et 5 -1 de la loi n° 711130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques) ; ‐ obligation de respecter le délai de constitution (art. 763 CPC), éventuellement augmenté du délai de distance (art. 643 et 644 CPC). C’est une rupture par rapport à la jurisprudence antérieure (Civ. 2, 9 novembre 2006, n° 06 -10. 714). • Une même procédure (référé TJ « ordinaire » ) peut donc suivre des règles de procédure totalement différentes selon la situation. • Où est la simplification ? 14
Et comment on prend les dates avec tout ça ? • Pour la procédure TJ « ordinaire » , l’obligation de prise de date a été repoussée comme il a été vu. • Pour les référés TJ « ordinaires » à Paris, il faut prendre la date par RPVA. • Pour les référés TJ devant le Tribunal de proximité et le JCP à Paris, il faut prendre la date en remplissant un formulaire puis en l’envoyant par email. • Où est la simplification ? 15
Incompétence, est-ce que j’ai une tête d’incompétence ? • La réforme était aussi censée simplifier le règlement des exceptions d’incompétence. C’est le nouvel article 82‐ 1 CPC. • Cet article est étranger : ‐ il est situé dans les dispositions communes à toutes les juridictions ; ‐ mais ne concerne que le TJ ! ‐ il ne concerne pas des problèmes de compétence entre deux TJ mais au sein d’un même TJ. 16
Pourquoi faire simple quand on peut faire inextricable ? • Cet article semble en fait régler le cas où une partie à par exemple saisi le TJ « ordinaire » au lieu d’une de ces chambres de proximité. • Est‐ce qu’il pourrait permettre de renvoyer d’un JEX à un JAF par exemple ou d’un JME au Tribunal ? Pas sûr ! • La procédure est inutilement complexe et encourage le dilatoire : ‐ ‐ Le juge règle la question de compétence est avant la 1 re audience par mention au dossier ; mais le juge saisi ou les parties peuvent le contester dans un délai de 3 mois dont on ne connaît pas le point de départ ; c’est le Président du TJ qui tranche dans ce cas, dans un délai non indiqué ; par la suite, les parties peuvent contester la compétence du juge… • On vient donc de créer une usine-à-gaz pouvant faire perdre de nombreux mois avant même la 1 re audience ! 17
III. Le déroulement de l’instance 15 octobre 2020 – CNA – Farces et attrapes de la procédure TJ 18
Le placement : 15 jours avant l’audience (dit de façon très compliquée, avec un trou) • La réforme crée de façon nouvelle une obligation de placer l’assignation 15 jours avant l’audience, à peine de caducité de l’assignation (art. 754 CPC). • C’est en tout cas l’objectif : le texte est illisible et permet de placer moins de 15 jours avant l’audience si la prise de date et la date d’audience sont séparées de 2 mois à 2 mois et 15 jours. 19
Comment placer ? • Le placement se fait : ‐ obligatoirement par RPVA en procédure TJ « ordinaire » (art. 850 I. CPC) ; ‐ par RPVA aussi pour les référés TJ « ordinaires » à Paris ; ‐ par dépôt au « Service d’accueil unique du justiciable » pour les référés TJ devant le Tribunal de proximité et le JCP à Paris. • Simplification, simplification… vous avez dit 20
Le casse-tête de la constitution en référé avec représentation obligatoire • A priori, la constitution en défense n’a pas été impactée par la réforme. • Sauf qu’il y a désormais des cas de représentation obligatoire en procédure orale (référés…), avec obligation de constitution (art. 760 et 761 CPC). • Formellement, l’usage du RPVA ne devrait pas être obligatoire en procédure orale même avec représentation obligatoire (art. 850 CPC). Mais une constitution purement orale ne devrait pas être possible (art. 764 + 765 CPC) ! • Temporellement, une constitution à l’audience devrait être possible. 21
Vers la fin des plaidoiries et qui peut plaider en référé avec représentation obligatoire ? • A priori, les plaidoiries n’ont pas non plus été impactées par la réforme. • Mais on sent une volonté de les limiter, voire de les faire disparaître : ‐ l’assignation peut contenir l’accord du demandeur pour que la procédure se déroule sans audience (art. 752 CPC renvoyant à l’art. L. 212 -5 -1 COJ). • Surtout, on retombe dans les difficultés en référé avec représentation obligatoire : ‐ l’avocat postulant représente la partie devant le tribunal ; ‐ l’avocat plaidant n’a qu’une mission d’assistance ; ‐ en conséquence, seul le postulant pourrait présenter des arguments nouveaux devant le tribunal, ce qui n’a aucun sens dans une procédure orale ! 22
La question de l’exécution provisoire dans les conclusions en défense • A priori toujours, les conclusions n’ont également pas été impactées par la réforme. • Mais il y a la question de l’exécution provisoire qui est désormais par principe de droit (art. 514 CPC) : ‐ ‐ plus besoin de la demander en demande ; mais symétriquement, il faut désormais systématiquement la contester en défense. • Contester systématiquement l’exécution provisoire est indispensable pour des questions de responsabilité civile professionnelle : ‐ si elle n’a pas été contestée, sa demande d’arrêt est irrecevable en cas d’appel (art. 514 -3 CPC)… ‐ même quand le premier juge ne peut pas l’écarter du fait de la nature de la demande, par exemple en référé (art. 514 -1 CPC). . . ce qui n’a strictement aucun sens ! 23
IV. Les suites de l’instance 15 octobre 2020 – CNA – Farces et attrapes de la procédure TJ 24
Attention à la signification préalable à avocat en procédure orale avec représentation obligatoire ! • A priori toujours, la réforme n’a rien changé aux suites de l’instance. • Mais on a maintenant la question de la signification préalable à l’avocat constitué en cas de représentation obligatoire dans une procédure orale (art. 678 CPC) ! • Devant le JEX par exemple où les décisions sont notifiées par le greffe, les nouvelles obligations entraînaient ipso facto la nullité des notifications faites. • La Chancellerie vient de modifier en catimini ce point par un décret n° 2020‐ 1201 du 30 septembre 2020 qui n’a rien à voir : il est relatif à l'intermédiation financière des pensions alimentaires prévue à l'article L. 582‐ 1 du code de la sécurité sociale ! La notification préalable aux avocats sera désormais faite par la remise d’une copie de la décision par le greffe. • Merci pour tout, nous sentons simplifiés ! 25
Questions ? Frédéric Kieffer Avocat au Barreau de Grasse 15 avenue Robert Soleau – C 30004 06605 Antibes Cedex Tél. : 04 93 34 40 90 Email : frederic. kieffer@wanadoo. fr Charles Simon Avocat au Barreau de Paris 24 rue des Fossés Saint‐Jacques 75005 Paris Tél. : 06 20 23 49 41 Email : charles. simon@chs‐avocat. fr 26
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