Externalisation des sources dites patrimoines sensibles entre rticences
Externalisation des sources dites « patrimoines sensibles » : entre réticences et droits d’accès à l’information Aminata KANE Université Lille 3 Laboratoire GERii. CO
Introduction � Globalisation : principe d’accès universel au savoir � Développement de slogan « mémoire du monde » UNESCO, « nous construisons l’avenir de votre mémoire » � Réflexion sur les aspects anthropologiques qui fondent l’ipseité des sources � Ces nouvelles pratiques d’universalisation invitent à reconsidérer dans une démarche scientifique, anthropologique le concept de « mémoire mondiale » dans la mesure ou chaque histoire est vécue, ressentie et réceptionnée différemment.
Objectifs � Questionner le discours colonial du point de vue des conséquences qu’il peut engendrer (lutte pour la reconnaissance, devoir de mémoire, droit à l’oubli…) � Voir dans quelle mesure les pratiques d’externalisation peuvent provoquer certaines émotions chez les populations. � Sachant que les pratiques d’externalisations des sources dites « patrimoine de la souffrance » sont souvent associées à un rappel de la souffrance, « un effet de masse, de « lissage » , d’unification d’éléments disjoints et infiniment problématiques » (Jean-Michel Frodon, 1995). � Des pratiques d’industrialisations de l’histoire (Jacques Walter, 2005) et instrumentalisation (Yves Chevalier, 2000).
Méthodologie �Enquête à destination des 8 pays de l’ex-Afrique- Occidentale Française et de la France. �Les questions proposées sont essentiellement ouvertes, complétées par des réponses à choix multiples. �Il s’agissait de repérer le type d’émotions ressenties par les utilisateurs et les raisons pour lesquelles l’accès à ces archives a susciter chez eux cette/ ou ces réactions.
Histoire coloniale et polémique � Politique d’assimilation, l’esclavage � un dialogue de sourds. � Effet de bombe : évocation par Polémiques � les descendants des colonisés � Une amnésie collective, « trou de mémoire » (Boniface Mongo-Mboussa, 2000), : politique de marginalisation , refus d’instaurer un dialogue de réciprocité pour dépasser l’idéologie coloniale. � La glorification des exploits de la France en outremer et des pratiques d’ « exhibitions coloniales » (Pascal Blanchard et al. 2011) en lien avec l’exposition colonial
Histoire coloniale et polémique � Loi de 2001 (reconnaissance de la traite négrière en tant que crime contre l’humanité), � La loi de 2005 (sur le rôle positif de la colonisation), � La fermeture en 2003 du Musée des colonies � Le discours du président Nicolas Sarkozy en 2007, à Dakar (Sénégal) � « l’image de la France oscille entre repentance et répulsion des anciennes colonies » (Coquery-Vidrovitch, 2009)
Définition de concepts L’émotion: système d’information � Une émotion est une réaction psychologique et physique à une situation, produite dans le cadre d’une action, un vécu, une réaction à un événement, ou à des objets visuels qui rappellent et participent à la réactivation d’une épreuve passée. Elle met en avant les aspects cognitifs, psychologiques et informe sur les effets de l’information reçue sur l’individu. � La souffrance, suppose une dimension réflexive prenant en compte le langage, le rapport à soi, le rapport à autrui, le rapport au sens, le questionnement (Paul Ricœur, 1992, 1994). � La souffrance est le résultat de deux actions « l’inassumable et la responsabilité » qui constituent des données de la conscience, « un contenu psychologique » , qui empêche l’accès au monde. Elle relève davantage d’un contexte passé auquel l’individu s’identifie et le vit dans le présent (Emmanuel Levinas, 1982)
Archives, Images, Pouvoir � « Les documents d’archives n’ont pas seulement le pouvoir de témoigner ou d’informer , mais aussi celui d’inspirer, d’émouvoir » (Sabine Mas, Anne Klein, 2010, p. 6) � Les images sont source de « pouvoirs » (Louis Marin, 1993) avec la capacité d’influer sur la fonction émotionnelle de l’Homme. Elles émettent un discours avec une caractéristique énonciative visant à une dimension interactive avec un pouvoir sur « autrui » . En d’autres termes, elles procèdent d’une communication mettant en jeu des acteurs sociaux. � L’image/ l’archive possède un caractère testimonial, et cette caractéristique lui confère un rôle de « témoin » , qui «ouvre un procès épistémologique qui part de la mémoire déclarée » (Paul Ricoeur, 2002)
Profil des usagers �Etudiants inscrits dans diverses options (sciences de l’information et de la communication, histoire et géographie, philosophie, droit, lettres modernes). �Professionnels, personnel administratif, professeurs, doctorants, enseignants chercheurs et cadres administratifs, ingénieurs, se partagent le reste des réponses avec une tranche d’âge qui varie entre moins de 25 ans et plus de 65 ans.
Archives coloniales et émotions � « Il est toujours très dur de forcer quelqu’un à épouser votre idée. De voir comment un de vos proches a été malmené, indigné et transporté vers d’autres horizons en laissant derrière lui tout ce qu’il a de plus cher ; les deux guerres, la traite négrière, le camp de Thiaroye, la prison de Dori…. sont autant de faits qui peuvent attiser la colère et l’injustice » .
Archives coloniales et émotions �Rapport aux documents audiovisuels et lieux de mémoire �Exposition coloniale diffusée par l’INA �Lieux de mémoire: ex Musée des colonies, les fresques de la porte dorée
Externalisation des archives: Positions des enquêtés � « L’accès à ces archives pourrait faire ressurgir des sentiments anciens de mal traitement, de domination, de torture, d’esclavage etc. chez les descendants des colonisés. Il est donc possible que « l’accord » qui est créé entre colonisateurs- colonisé soit dérangé » . � Sachant que les africains assument leur histoire � Inscription dans un processus de « willful amnesia » � Distanciation vis-à-vis des archives coloniales/ � Questionne la fiabilité des archives
Causes des réticences � « Mes deux oncles et mon grand-père ont été emmenés à la guerre sans leur consentement. Le seul fait que des personnes aient accès d’un seul clic aux documents rappelant que des membres de ma famille ont été esclaves, déportés, maltraités ou utilisés comme chair à canon me brise le cœur » . � « Aucune échelle ni instrument ne peut jauger la douleur engendrée par la vue de certaines images insoutenables. - Gorée une fois devant la porte d’aller sans retour tu as la haine… » .
Points négatifs �Taux d'illétrés : un favoritisme �Accès aux outils informatiques �La commémoration au risque de l'instrumentalisation �Manque recul par rapport aux exigences de réparation
Points positifs � La mise en ligne : favoriser la recherche et l’accès aux données produites par l'administration coloniale � Enrichir le débat sur les effets positifs et les impacts négatifs de la colonisation française en Afrique � Connaissance de l’histoire aussi douloureuse soit-elle, constitue un premier pas vers la guérison � La reconnaissance peut contribuer à l'esprit de dépassement. � Devoir de mémoire / connaissance du passé, réparation, � Refus de la politique du droit à l’oubli � Solutions politiques: positionnement de la France face à colonisation
Au-delà de l’usager: la loi � Loi de 1978 et 1979 : politique d'accès contradictoire � Les délais oscillent entre 30 ans et 150 ans ou jamais selon le contenu des documents � La date d’accès d’un document marque la frontière de la mémoire et son usage comme source de l’histoire � « La date à partir de laquelle deviennent librement consultables documents, qui en vertu de leur contenu ne le sont pas » ( Krzystof Pomian, 1992) � Ces exemples montrent également, comment dans pratiques courantes, s’établit le secret sur les pans de l'histoire connus par la société et comment se constitue le secret par la mémoire alors le les faits n'avaient guère été secret (Jean-Jacques Becker, 2000, p. 2) � « Archives « secrètes » secrets d’archives » (Sébastien Laurent (2003) , « Mal d’archives » (Jacques Derrida, 2002) ( « Archives interdites, une histoire confisquée » (Sonia Combe, 2010)
Au-delà de l’usager: la loi � « Les archives contemporaines sur lesquelles pèsent les dispositions spéciales d’une législation elle-même de plus en complexe se caractérisent généralement par régime de conflictualité. Ces archives sensibles pour les historiens, les archivistes , ou les citoyens concernent très largement la sphère du politique. Leur émergence dans la sphère publique a marqué le début d’une très grave crise » ( Laurent Bastien, 2003).
Conclusion � Le poids de l’histoire, et l’accès à certaines images, est un prétexte pour consolider un mouvement de révolte surtout lorsqu’elle est sujette à controverse. � Cela montre comment « logiques de la mémoire et logiques de la justice entrent parfois en tension » (Claudia Delf, Luciane Messina, 2014) � Rôle de L’UNESCO , CADA, , (ICA), et de l’ONU. � Les travaux de Louis Joinet � Positionnement des Humanités numériques et comment poser un environnement de recherche pour les « archives sensibles »
Conclusion � Humanités numériques et structures du patrimoine � Le préambule (2011) des HN fait appel aux services d’Archives, Musées et bibliothèques. � Activité en commun : numérisation de documents historiques et culturels, des images et artefacts dans le but d’améliorer l’accès à ces documents et de favoriser une meilleure compréhension des matériaux en leur possession (Mustafa El Hadi, al. , 2015) � Le numérique tend à faire de ces structures patrimoniales de véritables pôles de désertions, elles prônent pour une conquête des usagers et valorisation des savoirs au moyen d’outils numériques innovants.
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