Droit du travail et CEDH Droit du travail






























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Droit du travail et CEDH

Droit du travail et CEDH I) Les relations collectives de travail: le droit syndical – – A) Le champ de la liberté syndicale B) Le droit d’adhérer ou de ne pas adhérer à un syndicat C) Le droit de mener des négociations collectives D) Le droit pour un syndicat d’établir ses règlements et de choisir ses membres – E) Le droit de faire grève II) Les relations individuelles de travail – – – A) L’accès au travail B) Protection de la vie privée au travail C) Le licenciement D) Les limites de la liberté d’expression au travail E) La liberté d’expression des lanceurs d’alerte « whistleblowers » ou

I) Les relations collectives de travail: le droit syndical

A) Le champ de la liberté syndicale • Article 11 CEDH: « Toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association, y compris le droit de fonder avec d’autres des syndicats et de s’affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts. » • Arrêt Syndicat national de la police belge c. Belgique, 27 octobre 1975 – Droit de fonder un syndicat et d’adhérer à un syndicat de son choix – Droit d’être entendu et « la liberté de défendre les intérêts professionnels des adhérents d’un syndicat par l’action collective de celui-ci, action dont les Etats contractants doivent à la fois autoriser et rendre possibles la conduite et le développement » (§ 39) • Article 11 ne garantit pas: – Droit à la consultation syndicale; droit à la rétroactivité d’avantages découlant d’une convention collective

B) Le droit d’adhérer ou de ne pas adhérer à un syndicat • Arrêt Young, James and Webster c. Royaume-Uni, 13 aout 1981: « La protection des opinions personnelles offerte par les articles 9 et 10 (art. 9, art. 10) sous la forme de la liberté de pensée, de conscience et de religion comme de la liberté d’expression compte de surcroît parmi les objectifs de la garantie de la liberté d’association par l’article 11 (art. 11). Touche donc à la substance même de cet article (art. 11) l’exercice de pressions, du genre de celles infligées aux intéressés, visant à forcer quelqu’un à adhérer à une association contrairement à ses convictions. » (§ 57) • Arrêt Sorensen et Rasmussen c. Danemark, 11 janvier 2006: « A cet égard, la notion d'autonomie personnelle reflète un principe important qui sous-tend l'interprétation des garanties de la Convention. Cette notion doit donc être considérée comme un corollaire essentiel de la liberté de choix de l'individu implicite dans l'article 11, ainsi que comme un élément confirmant l'importance que revêt l'aspect négatif de cette disposition. » (§ 54)

C) Le droit de mener des négociations collectives • Arrêt Syndicat suédois des conducteurs de locomotives c. Suède, 6 février 1976: « En vue de la défense de leurs intérêts les membres d’un syndicat ont droit à ce qu’il soit entendu. Assurément, l’article 11 par. 1 (art. 11 -1) laisse à chaque État le choix des moyens à employer à cette fin; la conclusion de conventions collectives en constitue un, mais il y en a d’autres. » (§ 40) • Arrêt Demir et Baykara c. Turquie, 12 novembre 2008: « le droit de mener des négociations collectives avec l’employeur est, en principe, devenu l’un des éléments essentiels du « droit de fonder avec d’autres des syndicats et de s’affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts » énoncé à l’article 11 de la Convention, étant entendu que les Etats demeurent libres d’organiser leur système de manière à reconnaître, le cas échéant, un statut spécial aux syndicats représentatifs. » (§ 154)

D) Le droit pour un syndicat d’établir ses règlements et de choisir ses membres • Arrêt Johansson c. Suède, 7 mai 1990: « Le droit de fonder des syndicats comporte par exemple le droit pour les syndicats d’établir leurs propres règlements et d’administrer leurs propres affaires. » • Arrêt Associated Society of Locomotive Engineers & Firemen (ASLEF) c. Royaume-Uni, 27 février 2007: « Il ne s'agit pas d'organes qui se consacreraient uniquement aux aspects politiquement neutres du bien-être de leurs membres : bien souvent, ils sont empreints d'une certaine idéologie et de convictions solidement ancrées en matière sociale et politique. » (§ 50)

E) Le droit de faire grève Arrêt UNISON c. Royaume-Uni, 10 janvier 2002: – Syndicat de fonctionnaires dont certains membres sont employés par les hôpitaux universitaires de Londres ( « UCLH » ) – UCLH s’engagea dans des négociations en vue de transférer certains pans de son activité à un consortium de sociétés privées – UNISON tenta de parvenir à un accord collectif avec UCLH afin de garantir les conditions de travail et les dispositions des conventions collectives – UCLH refusa; UNISON émit un préavis de grève; procédure visant à interdire la grève

E) Le droit de faire grève Principes généraux: • « l’article 11 peut-il être considéré comme garantissant la liberté des syndicats de protéger les intérêts professionnels de leurs membres. L’octroi du droit de grève représente sans nul doute l’un des plus

II) Les relations individuelles de travail

A) L’accès au travail • Arrêt Thlimmenos c. Grèce, 6 avril 2000: « le droit de jouir des droits reconnus dans la Convention sans être soumis à discrimination est transgressé non seulement lorsque des Etats, sans fournir de justification objective et raisonnable, traitent différemment des personnes placées dans des situations analogues, mais également lorsque, sans justification objective et raisonnable, ils n'appliquent pas un traitement différent à des personnes dont les situations sont différentes. » (§ 38) • Arrêt Alexandridis c. Grèce, 21 février 2008: « l'obligation imposée au requérant de révéler devant le tribunal compétent qu'il n'était pas chrétien orthodoxe et qu'il souhaitait prononcer une déclaration solennelle plutôt qu'un serment religieux a porté atteinte à son droit de ne pas être contraint de manifester ses convictions religieuses » (§ 41)

A) L’accès au travail • Arrêt Lombardi Vallauri c. Italy, 20 octobre 2009: – Professeur d’histoire du droit; entretien avec la Congrégation pour l’éducation catholique – Certaines positions du requérant « s’opposaient nettement à la doctrine catholique » – Saint-Siège refuse de donner son accord pour sa nomination • Mise en balance du droit à la liberté d’expression du requérant et de l’intérêt de l’Université à dispenser un enseignement catholique (§ 44) • « Le poids accordé à l’intérêt de l’Université consistant à dispenser un enseignement inspiré de la doctrine catholique ne pouvait pas aller jusqu’à atteindre la substance même des garanties procédurales dont devait bénéficier le requérant en vertu de l’article 10 de la Convention » (§ 55): Violation de l’article 10 Convention

B) Protection de la vie privée au travail Arrêt Halford c. Royaume-Uni, 25 juin 1997: – Officier de police de sexe féminin la plus gradée de la police britannique; postula en vain à huit reprises au grade d'inspecteur général adjoint – Action pour discrimination fondée sur le sexe devant le tribunal du travail – Conversations téléphoniques écoutées dans le but d’obtenir des informations pouvant être utilisées contre elle au cours de la procédure. § 49: autorité publique dans le droit d'une personne au respect de sa vie privée et de sa correspondance doit être "prévue par la loi". » « Lorsqu'il s'agit de mesures secrètes de surveillance ou de l'interception de communications par les autorités publiques, l'absence de contrôle public et le risque d'abus de pouvoir impliquent que le droit interne doit offrir à l'individu une certaine protection contre les ingérences arbitraires dans les droits garantis par l'article 8 » VIOLATION Article 8 de la Convention: pas prévu par la loi.

B) Protection de la vie privée au travail Arrêt Copland c. Royaume-Uni, 3 janvier 2007: – Assistante personnelle du président d’un établissement d’enseignement postscolaire; collaboration étroite avec le vice-président – A l’instigation du vice-président, les appels téléphoniques, le courrier électronique et les connexions à l’Internet surveillés sur son lieu de travail à l’instigation du vice-président – Vice-président suspendu de ses fonctions • § 44: « la collecte et la conservation, à l’insu de la requérante, de données à caractère personnel se rapportant à l’usage qu’elle faisait du téléphone, du courrier électronique et de l’Internet ont constitué une ingérence dans l’exercice du droit de l’intéressée au respect de sa vie privée et de sa correspondance, au sens de l’article 8» • L’ingérence en l’espèce n’était pas « prévue par la loi » : VIOLATION de l’article 8 de la Convention.

B) Protection de la vie privée au travail Arrêt Barbulescu c. Roumanie, 12 janvier 2016: Usage de compte email professionnel à des fins personnelles Communications surveillées par l’employeur Licenciement pour infraction au règlement intérieur de la société privée La Cour relève qu’il n’est pas abusif qu’un employeur souhaite vérifier que ses employés accomplissent leurs tâches professionnelles pendant les heures de travail; Les juridictions internes ont par ailleurs utilisé les relevés de ces communications uniquement dans la mesure où ils prouvaient que l’intéressé avait utilisé l’ordinateur de sa société à des fins privées; Juste équilibre entre le droit au respect de la vie privée et de la correspondance du requérant et les intérêts de l’employeur: PAS DE VIOLATION Article 8

C) Le licenciement

C) Le licenciement Arrêts Obst c. Allemagne & Schüth c. Allemagne, 23 septembre 2010: • Directeur pour l’Europe au • Organiste et chef de chœur d’une département des relations paroisse catholique publiques de l’Eglise mormone • Rend sa séparation d’avec son • Se confie sur ses relations épouse publique; nouvelle extraconjugales à sa hiérarchie compagne dont il eu un enfant (marié) • Licenciement pour adultère et • Licenciement sans préavis et bigamie excommunication

C) Le licenciement Obst c. Allemagne: • Le requérant « était ou devait être conscient, lors de la signature du contrat de travail (…) de l'importance que revêtait la fidélité maritale pour son employeur et de l'incompatibilité de la relation extraconjugale qu'il avait choisi d'établir avec les obligations de loyauté accrues qu'il avait contractées envers l'Eglise mormone (…) » (§ 50) • « le fait que le licenciement a été fondé sur un comportement relevant de la sphère privée du requérant (…) ne saurait être décisif en l'espèce. (…) la nature particulière des exigences professionnelles imposées au requérant résulte du fait qu'elles ont été établies par un employeur dont l'éthique est fondée sur la religion ou les convictions » (§ 51) AUCUNE VIOLATION Schüth c. Allemagne: • « si, au regard de la Convention, un employeur dont l’éthique est fondée sur la religion (…) peut certes imposer à ses employés des obligations de loyauté spécifiques, une décision de licenciement fondée sur un manquement à une telle obligation ne peut pas être soumise (…) uniquement à un contrôle judiciaire restreint, (…) sans que soit prise en compte la nature du poste de l’intéressé et sans qu’il soit procédé à une mise en balance effective des intérêts en jeu à l’aune du principe de proportionnalité » (§ 69) VIOLATION

C) Le licenciement Arrêt Fernandez Martinez c. Espagne, 12 juin 2014: – Prêtre sollicite une dispense de l’obligation de célibat – Aucune réponse; contracte mariage civil; 5 enfants – Enseigne la religion catholique dans un lycée public – Pape accueille la dispense de célibat mais perd « l’état clérical » – Décision du ministère de l’Education de cesser ses fonctions, après recommandation de l’Evêché Le requérant se plaint de ne pas pouvoir continuer à enseigner la religion catholique en raison de la publicité donnée à sa situation familiale: violation de l’article 8 de la Convention?

C) Le licenciement • « le requérant faisait volontairement partie du cercle de personnes soumises, pour des raisons de crédibilité, à un devoir de loyauté accru vis-à-vis de l’Église catholique, ce qui limitait jusqu’à un certain point son droit au respect de sa vie privée. De l’avis de la Cour, être perçu comme militant publiquement dans des mouvements qui s’opposent à la doctrine catholique va de toute évidence à l’encontre de cette obligation. Par ailleurs, il ne fait guère de doute que l’intéressé, comme ancien prêtre et directeur de séminaire, était ou devait être conscient du contenu et de l’importance de cette obligation » (§ 141) • « eu égard à la marge d’appréciation de l’État en l’espèce, la Cour estime que l’ingérence dans l’exercice par le requérant de son droit au respect de sa vie privée n’était pas disproportionnée » (§ 152) • Pas de violation de l’article 8 de la Convention

D) Les limites de la liberté d’expression au travail

D) Les limites de la liberté d’expression au travail Arrêt Palomo Sanchez et autres c. Espagne, 12 septembre 2011 – Salariés d’une société privée demandant une requalification – Publication d’un bulletin caricatural – Licenciement pour faute grave • § 67: « Ces reproches étaient exprimés en des termes à la fois vexatoires et blessants pour les personnes visées. Or, la Cour rappelle qu’une distinction claire doit être faite entre critique et insulte, cette dernière pouvant, en principe, justifier des sanctions » . • § 68: « les requérants avaient dépassé les bornes de la critique admissible dans le cadre des relations de travail »

E) La liberté d’expression des lanceurs d’alerte ou whistleblowers

Arrêt Guja c. Moldava, 12 février 2008 Premier arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme consacrant la protection d’un lanceur d’alerte • Directeur du service de presse du parquet général • Corruption et trafic d’influence: lettres du vice-président au parquet général • Dénonciation dans un journal • Licenciement Le licenciement consécutif à la divulgation des lettres emporte-t-il violation de l’article 10 de la Convention?

Arrêt Guja c. Moldava, 12 février 2008 • § 70: « (…) les salariés ont un devoir de loyauté, de réserve et de discrétion envers leur employeur. Cela vaut en particulier pour les fonctionnaires… » • § 71: « (…) eu égard à la nature même de leur position, les fonctionnaires ont souvent accès à des renseignements dont le gouvernement, pour diverses raisons légitimes, peut avoir un intérêt à protéger la confidentialité ou le caractère secret. » • § 72: « les agents de la fonction publique, (…) peuvent être amenés, dans l'exercice de leur mission, à prendre connaissance d'informations internes, éventuellement de nature secrète, que les citoyens ont un grand intérêt à voir divulguer ou publier. »

Arrêt Guja c. Moldava, 12 février 2008 • Six critères: 1. Moyens de divulgation disponibles 2. Intérêt public de l’information 3. Authenticité de l’information 4. Préjudice causé 5. Bonne foi du lanceur d’alerte 6. Sévérité de la sanction

Arrêt Guja c. Moldava, 12 février 2008 • « Consciente de l'importance du droit à la liberté d'expression sur des questions d'intérêt général, du droit des fonctionnaires et des autres salariés de signaler les conduites ou actes illicites constatés par eux sur leur lieu de travail, des devoirs et responsabilités des salariés envers leurs employeurs et du droit de ceux-ci de gérer leur personnel, la Cour, après avoir pesé les divers autres intérêts ici en jeu, conclut que l'atteinte portée au droit à la liberté d'expression du requérant, en particulier à son droit de communiquer des informations, n'était pas « nécessaire dans une société démocratique » » .

Heinisch c. Allemagne, 21 juillet 2011 Bucur et Toma c. Roumanie, 8 janvier 2013 • Infirmière gériatrique dans une société privée financée par le Land de Berlin • Violations administratives, carences dans les soins • Dépôt d’une plainte au pénal; diffusion de tracts • Licenciement • Militaire au département de surveillance-enregistrement des communications téléphoniques • Ecoutes illégales • Conférence de presse • Peine de deux ans d’emprisonnement avec sursis

Heinisch c. Allemagne; Bucur et Toma c Roumanie • § 63: « la dénonciation, par des agents de la fonction publique, de conduites ou d’actes illicites constatés sur leur lieu de travail doit être protégée dans certaines circonstances. » (Heinisch, § 62; Bucur et Toma, § 93) • Application des six critères Guja (Heinisch, § 71 -92; Bucur et Toma, § 95 -119) • « les juridictions internes n’ont pas ménagé en l’espèce un juste équilibre entre, d’une part, la nécessité de préserver la réputation et les droits de l’employeur de la requérante et, d’autre part, la nécessité de protéger la liberté d’expression de celle-ci » (Heinisch, § 94)

Whistleblowers et autres arrêts • Folea c. Roumanie, 14 octobre 2008 • Marchenko c. Ukraine, 19 février 2009 • Kudeshkina c. Russie, 26 février 2009 • Poyraz c. Turquie, 7 décembre 2010 • Bargao et Domingos Correia c. Portugal, 15 novembre 2012