De lentredeux lentresoi ou le dilemme identitaire dans

De l’entre-deux à l’entre-soi ou le dilemme identitaire dans les marges déportées Par SAFAR ZITOUN Madani Université Alger 2 -LASADET

Objet de cette communication: 1. 2. 3. Examiner la question éminemment complexe de la construction des identités locales dans un contexte de forte mobilité sociale et résidentielle, celui des grandes campagnes de relogement des populations bidonvilloises algéroises en habitat et en « quartiers » d’habitat collectif. Confirmer ou infirmer les constats de forte prégnance des agirs et des référents «communautaires» dans la construction du lien social de proximité relevés dans des enquêtes antérieures en milieu algérien, Contribuer à alimenter la réflexion conceptuelle sur la question de l’influence des modes opératoires de traitement de la question de l’habitat précaire et sur les situations d’entre-deux qu’elle génère dans les processus de configuration de l’entre-soi résidentiel.

Et ce à partir de questionnements portant sur la possibilité : � 1. d’inférer des observations faites sur des opérations de relogement à petite échelle (petits ensembles résidentiels): 1) inclus dans un milieu urbain de qualité, 2) dans une conjoncture de forte concurrence au bénéfice du relogement (2006 -2009) à des situations récentes différentes, complètement opposées � 2. de saisir les dynamiques contrastées des «effets de quartier» dans des sites de relogement hébergeant des populations fortement homogènes ou hétérogènes du point de vue de leurs caractéristiques sociologiques.

A partir de « terrains » nouveaux, (nouveaux sites de relogement): �très excentrés, très marginalisés du point de vue de leur insertion urbaine; �À peuplement fortement homogène (totalité de la population originaire du même site) ou hétérogène (population mélangeant des groupes résidentiels plus ou moins grands provenant de sites différents, ayant des caractéristiques et des vécus urbains contrastés).

Ces sites sont:

Cité Celeste Beni Messous Haï Remli Gué de Constantine

Site de Si Mustapha (est d’Alger) hébergeant depuis une année les 1200 familles provenant du bidonville « Cité Céleste » de Beni Messous (Alger ouest) Bidonville « Cité Celeste » Beni Messous Si Mustapha

Site de Sidi Hammad (3350 logements) hébergeant les familles provenant du quartier Haï Remli (Gué de Constantine) Haï Remli Gué de Constantine Sidi Hammad

Haï Remli avant démolition (Photo satellite)

Haï Remli avant démolition

Haï Remli « libéré » de ses baraques (2016)

Le site d’accueil des populations de Haï Remli: Sidi Hammad

Sidi Hammad accueillant les relogés de Haï remli

Vue de Sidi Hammad

Sidi Hammad : Une population apparemment homogène du point de vue de son origine urbaine : tous les habitants viennent du même site de Haï Remli. Cependant, quand on entre dans les détails, on constate que : 1. Le gros des troupes (74, 6%) vient des wilayas de l’intérieur sud du pays

2. Que la structuration communautaire est très forte à l’intérieur des groupes originaires de l’intérieur du pays, comme le montre le graphique qui détaille l’appartenance à un Arch (fraction de tribu) des résidents de Haï Remli natifs de la wilaya de Médéa Arch des ouled Allane Arch El Houbate 15% 4% 8% 9% 64% Arch Laadaoura Autre arch Pas d'affiliation à un arch

Situation de structuration interne en fonction des appartenances «traditionnelles» qui est à mettre en opposition par rapport à la composition « mélangée » selon le quartier d’origine observée dans un autre site: celui de Chaïba (Koléa) 34 5 50 Site de relogement de Chaïba 193 505 302 Effectifs (nombre de familles) 4, 60% 0, 40% 3, 10% 17, 70% 46, 30% 27, 70% Pourcentages Zeralda (suburbain ouest) Birtouta (suburbain sud) Cheraga (urbain ouest) Magharia (urbain est) Draria (urbain sud) Birkhadem (urbain sud)

Synthèse de ces éléments: � 1. Mouvements de populations de grande ampleur : 49 000 familles (soit 330 000 individus) relogées en périphérie entre 2011 et 2016 � 2. Localisation périphérique lointaine des sites d’accueil (moyenne de 20 km d’éloignement par rapport au site d’origine) � 3. Mais surtout: � maintien du même modus operandi de la part des autorités publiques: relogement par « paquets » (groupes résidentiels, sites d’origine) dans les mêmes sites d’accueil, blocs, immeubles, etc…)

Quels sont les résultats (synthèse) des analyses opérées sur les «petits sites » étudiés entre 2006 et 2009 ? � 1. Recomposition des liens sociaux de proximité en situation de résidence sur la base à la fois: �- Des référents d’appartenances « communautaires » réelles ou interprétées, remobilisées et reconstruites; �- Les configurations de rapports intra et inter groupes résidentiels d’une part et des rapports avec les autorités relogeuses (dans leur diversité) d’autre part qui se sont noués dans l’entre-deux créé avant le relogement (système d’attentes plus ou moins codifiés, promesses, listings, activisme relationnel au sein des administrations, etc…): � 2. Mais surtout: gestion sous forme communautariste de la « précarité symbolique » découlant du relogement.

En l’occurrence sur le plan des relations de voisinage : � 1. Micro ségrégations territoriales qui épousent les clivages et les « territoires de la stigmatisation » envers les autres ; � 2. Entretien et conservation de l’enfermement dans l’entre-soi primaire (parenté) ou communautariste comme refuge contre la nouvelle « précarité symbolique » à différentes échelles et sphères emboîtées (de la famille « élargie » au groupe d’appartenance, etc…) selon des déclinaisons locales complexes ; � 3. Evacuation de la référence à l’individu, qui se fond, se dissout dans le groupe

Que se passe-t-il quand on passe à une échelle plus grande (grands ensembles de plus de 2000 logements) et dans une conjoncture de moindre concurrence de relogement (abondance de l’offre publique) ? (synthèse) � 1. Processus d’appropriation des territoires qui génèrent en conflits violents (encadré presse)

� Horizons, quotidien national public. Publié le 14 octobre 2015 � Echauffourées à la cité Sidi Hammad � Une cafétéria et un magasin ont été complètement saccagés dans des échauffourées qui ont éclaté dans la nouvelle cité de Sidi Hammad à Meftah (wilaya de Blida). Selon des témoignages, une rixe est survenue, mardi dernier, entre les résidents de cette cité à des jeunes de la cité limitrophe. La bagarre a duré une dizaine de minutes entre ces jeunes armés de gourdins et de pierres. Des blessés ont été recensés. N’était l’intervention des sapeurs-pompiers, le bilan des dégâts aurait été plus lourd. Selon des témoins, c’est suite à un différend opposant un marchand ambulant de légumes et des habitants du plus grand bidonville de la capitale Erramli, relogés récemment dans la nouvelle cité de Sidi Hammad à Meftah, que tout a commencé. Les habitants ont exigé au vendeur « de payer » , en contrepartie du stationnement de sa charrette, ce que ce dernier a refusé. Il fut alors tabassé et sa charrette renversée. Des jeunes de la commune qui ont assisté à la scène sont alors intervenus. Cette bagarre à l’intérieur d’une cité fraîchement livrée à ses nouveaux résidents suscite des questions sur le retour de la violence urbaine.

� 2. Une « mise à la norme » imposée par le groupe dominant, à différentes échelles (immeubles, ilôt, site de relogement dans son entièreté), sans que cela soit perçu comme l’imposition d’une contrainte pour les autres ( « C’est « Normal » que les gens adhèrent à la volonté explicite ou implicite de la majorité » ); � 3. Pas trace des « effets de quartier » (alignement des comportements et des attitudes par rapport à ce qu’on pense être la norme d’urbanité et de civilité qui fonctionne chez les autres urbains de qualité sociale supérieure (Draria)); � 4. Sentiment de vivre dans un Ghetto, qui certes, protège des intrusions et incertitudes externes, mais qui « étouffe » notamment les jeunes.

Exemple de discours: � «J’aurais préféré qu’on reste dans la zone ‘‘ 16’’. On aurait dû reloger ici les gens de Meftah et des villes voisines et nous mettre à El Harrach, Baraki ou Bentalha. On est coupés du monde, ici. Certes, c’est très agréable, la montagne, la forêt. . . C’est un très joli coin pour un vieux retraité, mais pour un jeune, on s’ennuie. D’ailleurs, je ne compte pas rester. Je ne viens que pour crécher. Heureusement qu’il y a les études. J’ai intérêt à avoir mon bac pour me barrer d’ici. »

Conclusions 1(empiriques): � 1. Quelque soit l’échelle de projet de relogement, la pratique du même modus operandi par les autorités publiques (relogement par « paquets » à quelques exceptions près) contribue à 0 reprenduire les cristallisations communautaristes, dans leurs aspects positifs, mais aussi négatifs; � 2. Situation de greffe des populations dans leur nouvel environnement, mais sans logique d’ancrage local

Conclusions (théoriques): � 1. Nécessité de revisiter les approches individucentrées de construction du lien social dans les sociétés du « sud » , ou les référents communautaristes sont encore puissants parce qu’ils s’adossent à des processus d’ordre collectif de peuplement des villes; � 2. Nécessité de faire la part des processus de reclassement, de regroupement et d’ancrage local qui sont portés par les lois du marché des processus «parasités» par l’intervention souvent décisive de règles administratives, politiques émanant des opérateurs publics.

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