Dcisions rationalits et chelles dobservation Dominique Desjeux Professeur
Décisions, rationalités et échelles d’observation Dominique Desjeux Professeur à la Sorbonne (Université Paris 5) Les sciences sociales, Quesais-je? PUF, 2004 www. argonautes. fr
Pour comprendre les décisions l Les décisions relèvent de quatre grandes échelles d’observation Ø Ø Ø Macro-sociale Meso-sociale Micro-individuelle La place et le rôle de l’individu varie en fonction des échelles A chaque échelle le principe qui fonde la rationalité varie
1 - Les échelles d’observation Macro-social Meso-social Micro-individuel neurobiologique Echelle des appartenances sociales Echelle des organisations et des systèmes d’action Echelle des espaces domestiques et des petits groupes Echelle des Individus Échelle du cerveau
Echelle macro sociale Ce que l’on voit à une échelle disparaît à une autre échelle Echelle meso sociale Échelle micro individuelle Échelle neurobiologique L’acteur apparaît ou disparaît en fonction des échelles
Liberté, décision et échelle d’observation Echelle Observation Macro-social Déterminisme Meso/Micro-social Marge de manœuvre Micro-individuel Maximum de liberté même si l’inconscient re-limite la liberté Biologique Déterminisme
Les trois formes de la décision l l l A l’échelle micro-individuelle, la décision est analysée comme un arbitrage Aux échelles micro-sociales et mesosociales, la décision est analysée comme une suite d’interactions entre des acteurs sociaux, en situation et sous contrainte A l’échelle macro-sociale, la décision devient invisible en tant que telle. Elle devient un résultats
Existe-t-il des « décisions absurdes » ? l Le cas de la navette Columbia en février 2003 Ø Ø Ø Un message pose le problème des tuiles et demande des photos, ce qui est refusé par les décideurs La navette se désintègre plus tard à cause du réchauffement des tuiles Y a-t-il eu une décision absurde? (Claude Morel, 2003) Le problème est que ce message faisait parti de centaines d’autres Le problème c’est le « bruit » en amont de la décision qui rend la décision « indécidable » en rationalité « pure » S’il n’y a pas de décision absurde en absolu cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de décision injuste, illégitime ou inefficace
Détermination et indétermination : le paradoxe de la décision Ø Une décision c’est à la fois Ø Ø Ø Une action dans un champs structuré par des contraintes ou des appartenances sociales d’où un effet de détermination mais avec une trajectoire imprévisible dans le temps d’où un effet d’indétermination tout en étant décidée par des acteurs d’où un effet de jeu entre ces deux effets La plupart du temps une décision doit donc se prendre en aveugle Ex: UMTS pour France Telecom ou IRIDIUM pour Motorola Ø
En anthropologie l l Socialement, la rationalité n’existe pas en soi Elle varie en fonction de la diversité des cultures Elle varie en fonction de la variété des logiques sociales Ce qui paraît rationnel ou irrationnel d’un point de vue technique ou économique peut tout à fait être rationnel du point de vue : – – – l l des contraintes matérielles du jeu social, de intérêts, des rapports de pouvoir de la symbolique des acteurs La rationalité se déplace tout au long de l’itinéraire de la décision Ex: Est-il plus rationnel de soutenir les sociétés de câble ou de téléphone dans le Vermont aux USA en faveur d’une franchise par commune ou d’un accord global au niveau de l’Etat
2 – l’échelle micro-individuelle l La décision apparaît: Ø Ø Ø comme un choix Réalisé par une personne A un moment unique C’est à cette échelle que l’opposition rationnel/absurde semble le plus visible Cependant d’un point de vue cognitif on constate aussi des « tunnels cognitifs » qui limite la rationalité de l’acteur (cf. Palmarini)
La décision comme arbitrage l l Modèles des motivations inconsciente et symbolique Modèle coût bénéfice Ø Ø Ø Ø La routine l’aversion (une caractéristique déplait) L’attraction (une caractéristique plait) L’évaluation (plusieurs critères hiérarchisés) La compensation (pas de hiérarchie) L’indifférence (les produits peu implicants) L’économie (prix intéressant sans autre préférence)
3 – L’échelle macro-sociale l l La décision comme arbitrage et processus disparaît Elle s’explique par un effet d’appartenance Elle devient une boite noire Ø Au profit de corrélations entre plusieurs facteurs Le vote et l’âge (N. Mayer) le coût et le gain du mariage (Singly), le goût et la classe (Bourdieu) le suicide et la cohésion sociale (Durkheim) Ø
Le « choix » religieux et les appartenances sociales Francoscopie 2005, G. Mermet
La courbe épidémiologique une vision fluide des décisions à l’échelle macro Des innovateus aux retardataires Retardataires Majorité tardive Majorité précoce 1943, la courbe de diffusion du maïs hybride, Ryan and Gross (E. Rogers, 1962) Adopteurs précoces Innovateurs
4 - Les échelle meso et micro-sociale l La décision apparaît comme Ø Ø Ø l un processus dans le temps La résultante d’une série d’interactions entre acteurs Sous contrainte de situation Sur la base de calculs rationnels et émotionnels Encastrés dans des rapports de pouvoir La rationalité se déplace tout au long du processus
La décision comme flux de tensions l q Le cas de word 6 au ministère de l’Equipement : passer de word 2 à word 6 (1992 -1995) Quelques leçons Ø Ø Un processus de décision n’a souvent ni commencement ni fin en soi Les déclenchements de la décision sont dispersés et aléatoire: Les déclencheurs de la décision peuvent venir de n’importe où (de Seattle aux USA, cf. la version beta; ou d’un bureau d’étude dans un département français) « L’échelle de perroquet » : la décision est prise dans un environnement en mouvement perpétuel Le « Point de Panurge » : on sait que la décision est prise quand tout le monde suit (A. Cottereau)
La décision: une pratique d’accompagnement de la tension Ø Ø La décision est encastrée dans une courbe de la tension avec une « fenêtre de tir » qu’il faut choisir, bien souvent en aveugle Baisse de la tension: le flou est ici un moyen de gérer les tensions en laissant aux acteurs des marges de manœuvre. Prendre une décision trop tôt dans la courbe peut augmenter la tension La décision c’est créer un moment d’ordre dans un univers instable
Les déplacements de la rationalité sociale l l l Le moment qui précède la décision: la rationalité est plutôt visible Le moment du passage à l’action demande de mobiliser de la croyance et de l’imaginaire face aux incertitudes de la situation: la rationalité est moins visible La réception de la décision qui suit la prise de décision: la rationalité change et de divise en fonction des acteurs. Ce qui paraissait rationnel peut devenir irrationnel ou être réinterprété
Conclusion : les jeux de la décision l l l Entre le drame et la dramatisation Le jeu du flou et du précis le jeu de l’oral et de l’écrit Le jeu de l’affectif (sous contrainte) et du rationnel La rhétorique de la transparence…pour les autres Le jeu de la standardisation et de la création Ø La rationalité de la décision varie en fonction des effets de situation et de la position des acteurs Ø La décision relève plus du surf que de la décision à froid
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