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Day Créations réflexives 2017
Bien que situées au nord du Maroc, Ceuta (19 km 2) et Melilla (12, 3 km 2) sont deux territoires qui appartiennent à l’Espagne depuis le 16 e siècle. Dès son indépendance, en 1956, et depuis, le Maroc en a réclamé plusieurs fois la pleine juridiction, sans succès. Rabat voit cette présence dans son espace géographique comme une survivance anachronique du colonialisme en Afrique, tandis que Madrid maintient que les deux enclaves sont partie intégrante et définitive du territoire national aux termes de la Constitution de 1978. L’adhésion de l’Espagne aux accords de Schengen, en 1991, a eu pour effet que ce pays est le seul de l’Union européenne à posséder une frontière «extra-européenne» .
En raison des profondes disparités économiques entre l’Espagne et son voisin du sud, il n’est pas étonnant que des milliers de Marocains aient cherché à venir s’installer clandestinement à Ceuta et Melilla. Cette émigration marocaine a bien vite été suivie, comme on a pu le voir dans les médias ces dernières années, par celle de diverses populations africaines venues de plus loin, à la recherche d’une vie meilleure en raison des conflits, des famines et de la misère. Or, ceux qui se lancent à l’assaut des clôtures qui marquent la frontière de ces deux enclaves espagnoles et qui réussissent à les franchir atterrissent… en territoire européen. Pour freiner ce flux migratoire, l’Espagne a dû hausser les clôtures existantes, en construire une nouvelle et doubler le tout d’une enchevêtrement touffu de fils de fer. Aperçu du mur de l’enclave espagnole de Ceuta, au Maroc.
Le mur des enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla ne dissuade pas les migrants et réfugiés africains de tenter de les franchir pour venir en Europe.
Le mur des enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla ne dissuade pas les migrants et réfugiés africains de tenter de les franchir pour venir en Europe.
Ceuta et Melilla n’offrent pas seulement la vision affligeante de réfugiés et migrants bravant moult obstacles et dangers afin d’atteindre l’Europe. Elles offrent aussi le triste spectacle des « portadaras » , dénommées aussi « mujeres mulas» ; autrement dit des « femmes-mulets » (en français) ou des « cargo women » (en anglais). Afin de maintenir les relations commerciales traditionnelles que Ceuta et Melilla entretiennent avec l’arrière-pays marocain grâce à leur statut de zone franche (i. e. absence de taxes et de douane) dont elles bénéficient depuis plus d’un siècle, les Marocains résidant dans un rayon de 40 km des deux enclaves peuvent s’y rendre sans visa pour vendre leurs produits frais et ramener chez eux des produits de première nécessité qu’ils vendront à leur retour. Cet accommodement donne forcément lieu à un commerce de contrebande car aucun contrôle n’est effectué sur la nature des colis ramenés au Maroc. Sous les couvertures qui recouvrent ces paquets géants, on trouve toutes sortes de produits : vêtements, chaussures, couches pour enfants, shampoing, produits ménagers, alcool, produits électroniques, etc. Ce transport de marchandises à partir de ces deux villes espagnoles vers les souks du Nord marocain, ce sont quelque 10 000 femmes marocaines (certains textes parlent de 20 000) qui le font chaque jour, sur leur dos. Voici ce qu’écrivait en 2009 Diane Cambon, dans un reportage pour Le Figaro : « Des milliers de femmes transportent chaque jour sur leur dos des fardeaux pesant jusqu’à 70 kilos [154 livres] pour alimenter le commerce entre l’enclave espagnole de Ceuta et le Maroc. Telles des bêtes de somme […], elles sont employées par les commerçants de Ceuta […] Chaque matin, c’est le même rituel. À 8 heures, les 260 entrepôts de la zone sont déjà tous envahis par la horde de porteuses en djellaba […] et à la tête voilée. Devant chaque échoppe, les colis ont été préparés au préalable par les commerçants. À l’aide d’une corde, les hommes fixent les proéminents paquets sur l’échine courbée des femmes. Pas une minute n’est à perdre : pour chaque voyage effectué entre Ceuta et le Maroc, elles empochent cinq euros. Les plus résistantes des porteuses parviennent à en effectuer quatre par matinée. » Plus que des mots, les photos du photographe espagnol Fernando Del Berro nous font voir le quotidien des «femmes-mulets» .
Comme des milliers d’autres, cette femme s’avance avec son fardeau vers la frontière séparant Melilla du Maroc. On constate que les hommes participent eux aussi à ce commerce : au moment de cette photo, tout indique qu’il y avait eu un arrivage de pneus.
Hommes et femmes saisissent les biens qui arrivent par camions près de la frontière. Les femmes transportent les articles appartenant à des commerçants marocains, lesquels peuvent gagner annuellement des millions d’euros avec leur entreprise puisqu’ils ne paient aucun tarif douanier.
Ces femmes attendent quelqu’un vienne les aider à charger les paquets sur leur dos. Pour ce dur travail, elles ne reçoivent quelques euros par voyage. Et la plupart souffrent de graves problèmes musculo-squelettiques.
Un homme aide cette vieille femme à charger son paquet. Les femmes ne transportent pas seulement de la marchandise sur leur dos, mais aussi sur leur poitrine, leurs bras et leurs jambes et ce afin de maximiser chaque voyage.
Cet homme attache divers articles sur la poitrine de cette femme. Plus une «femme-mulet» transportera de marchandise, meilleure sera sa commission.
De certains entrepôts jusqu’à la frontière, il arrive que la distance que les femmes doivent parcourir avec leur fardeau soit de plusieurs kilomètres.
À leur façon de plier l’échine et de marcher courbées, il est évident que la charge que ces femmes portent est très lourde. Certains paquets peuvent atteindre jusqu’à 80 kilos (175 livres).
Environ une douzaine de policiers veillent quotidiennement à ce que ce commerce frontalier plutôt chaotique et inhumain se déroule sans trop de problème et de façon sécuritaire. Ni les autorités espagnoles ni les autorités marocaines n’ont encore adopté de loi destinée à réglementer ce commerce dont plusieurs aspects sont vraisemblablement illégaux.
Documentation ▪ Diane Cambon, « Ceuta, plaque tournante des “femmes-mulets” » , Le Figaro , 26 juin 2009. ▪ Yves Zurlo, « Ceuta et Melilla – Villes espagnoles ou dernières colonies en Afrique? » , Grande Europe , no 28, janvier 2011. ▪ « Morocco’s cargo women » , The Guardian , 10 février 2017. Photographies ▪ Fernando Del Berro, « Morroco’s cargo women – in pictures » , The Guardian , 10 février 2017. Musique S. Umebayashi, «In the mood for love : Yumeji’s Theme» , interprété par Angèle Dubeau & La Pietà CD «Silence on joue : Prise 2 [Sucré]» Conception R. Day Septembre 2017 Mes diaporamas sont hébergés sur le site : http: //www. imagileonation. com
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