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Day Créations réflexives 2016

Day Créations réflexives 2016

Il y a le Cuba des touristes de passage et le Cuba des Cubains.

Il y a le Cuba des touristes de passage et le Cuba des Cubains. À partir de photographies de Sarah L. Voisin (The Washington Post, mars 2015) et de Suzanne Kreiter (The Boston Globe, juillet 2015) et d’un reportage de Nicolas Garonne ( «En attendant le Cuba libre…» , Le Point, janvier 2015), ce diaporama propose une incursion dans le Cuba des Cubains ou, devrait-on plutôt dire, un voyage au «paradis des frères Castro» . R. Day

Au paradis des frères

Au paradis des frères

Les victoires de la révolution sont l’éducation, la santé et l’indépendance. Ses échecs sont

Les victoires de la révolution sont l’éducation, la santé et l’indépendance. Ses échecs sont le petit déjeuner, le déjeuner et le dîner. » Vieille de quarante ans, la blague a toujours cours dans les rues de La Havane et elle fait rire jaune Mariana, qui, comme tous les Cubains, se demande chaque matin ce qu’elle va mettre dans son assiette. Pour faire ses courses, elle dispose de la libreta – le carnet de rationnement qui, depuis 1962, est censé subvenir à l’alimentation de chaque Cubain. La libreta donne droit à un peu de sucre, de riz, de poulet, d’huile, de café, de pain et de tabac ainsi qu’à quelques autres produits de base. Mais, outre le fait que les rations d’aujourd’hui ne suffisent qu’aux deux premières semaines du mois, la libreta est un livre des songes. «Autrefois, nous avions de la viande tous les neuf jours, on appelait ça la “neuvaine”, raconte Mariana. Puis on est passé à la “vingtaine”. Maintenant, il n’y a plus de mot se terminant par “aine”, parce qu’il n’y a plus de viande. Chaque mois, il y a une nouvelle pénurie. Ce mois-ci, c’est le poulet qui a disparu. Le mois dernier, c’était le papier toilette et le dentifrice. Il paraît qu’il y aura des patates le 15 février. Peut-être. »

Cuba importe 80% de son alimentation. L’île verdoyante a été stérilisée par le fiasco

Cuba importe 80% de son alimentation. L’île verdoyante a été stérilisée par le fiasco des fermes d’État et la décision du régime de tout miser sur la monoculture sucrière. Lorsque, en 1990, Moscou a cessé de payer à un prix artificiellement gonflé le sucre cubain, l’industrie de la canne s’est écroulé. Aujourd’hui, Cuba importe également son sucre.

Il y a quatre ans, le régime a décidé de distribuer des parcelles de

Il y a quatre ans, le régime a décidé de distribuer des parcelles de terre à des paysans travaillant à leur compte. Ancien officier ayant quitté l’armée en 2009, Juan est l’un d’entre eux. Son lopin de 13 hectares est à 30 kilomètres de La Havane. Il cultive des patates douces, des citrouilles, des yuccas et fait un peu d’élevage. «Je n’ai pas de tracteur, dit-il. Je laboure avec des bœufs et sans engrais, le rendement est très faible. Ce que je récolte, je ne peux pas le vendre à La Havane parce que le transport est trop cher. Alors je donne ce qui pousse aux animaux. Mais la vente de viande dans le secteur privé est interdite. » La solution : le marché noir. Plusieurs fois par semaine, Juan prend le bus pour La Havane avec, soigneusement planqués dans ses bagages, quelques volailles ou quartiers de porc. «Il ne faut pas se faire prendre. C’est comme si je transportais de la cocaïne!» Juan est aussi “loueur” de quelques vaches. «C’est comme ça, s’amuse Juan. À Cuba, il faut “luchar”. » Luchar : un mot qui signifie à la fois lutter, s’arranger, inventer, magouiller, contourner le système. Un sport national.

À Cuba, tout tombe du camion et se négocie au marché noir : les

À Cuba, tout tombe du camion et se négocie au marché noir : les immangeables poulets congelés brésiliens, les perceuses électriques, les téléviseurs, les téléphones portables. «Les produits d’importation vendus dans le circuit officiel sont taxés à 280% , explique un Européen installé dans l’île. Ce n’est plus une TVA mais un racket. Sans marché noir, les Cubains n’ont pas accès aux biens en provenance de l’étranger. »

Marché noir, mais aussi corruption. Les fonctionnaires, tous membres des comités de défense de

Marché noir, mais aussi corruption. Les fonctionnaires, tous membres des comités de défense de la révolution, l’organe de flicage de la population, arrondissent systématiquement à coups de petits pots-de-vin – parfois, une savonnette ou un tube de dentifrice suffit – leur maigre salaire d’une vingtaine de dollars. Même la glorieuse médecine cubaine n’échappe pas à la corruption. Les Cubains l’ont rebaptisée «médecine verte» par allusions aux dollars qu’il faut glisser dans les poches pour obtenir une consultation, un examen ou des analyses.

L’armée a aussi sa part du gâteau. L’État lui a confié le secteur du

L’armée a aussi sa part du gâteau. L’État lui a confié le secteur du tourisme, un marché qui vaut 2, 6 milliards de dollars, mais qui, lorsque le nombre de touristes américains passera de 100 000 à 2 millions, croîtra de façon exponentielle. Et nul n’ignore à Cuba que la majorité des voitures neuves – une berline de moyenne cylindrée coûte avec les taxes plus de 300 000 dollars – appartiennent déjà à la haute hiérarchie militaire.

 «À Cuba, tout le monde fraude d’une façon ou d’une autre , explique

«À Cuba, tout le monde fraude d’une façon ou d’une autre , explique un universitaire à la retraite qui, pour augmenter sa modeste pension, se fait payer pour faire des files d’attente pour des tiers. «C’est un outil de répression extrêmement subtil pour les autorités. Chaque Cubain est coupable de quelque chose au regard de la loi et il sait que la police en a forcément connaissance parce que rien n’échappe aux comités de défense de la révolution. Au moindre embryon de rébellion de sa part, et je ne parle pas d’une opposition politique structurée, il peut être convoqué et sanctionné pour une broutille. Ça incite à la prudence. » Avocats qui conduisent des taxis, professeurs d’université qui font les guides, architectes qui enseignent la batanga ou la salsa à des touristes empotés, ingénieurs qui servent dans les paladares (les restaurants privés autorisés depuis trois ans) : le pays vit une fuite de ses élites vers les activités qui permettent d’accéder aux cucs (le peso échangé par le gouvernement contre les monnaies fortes des touristes) et d’échapper à la pénurie.

Le jour, Cosette enseigne la pédagogie aux futurs enseignants. Sans trop d’illusions sur sa

Le jour, Cosette enseigne la pédagogie aux futurs enseignants. Sans trop d’illusions sur sa mission. «Le gouvernement veut que tous les étudiants obtiennent un diplôme. Alors ils passent leurs examens avec des crayons à papier pour que nous puissions gommer et corriger les copies trop nulles. » Le soir, Cosette abandonne les copies bâclées pour les rues de Havana Vieja. Direction le Malecon, le parc de la Fraternité ou la Pâtisserie française, le bar où des tablées d’Européens aux tempes grises attendent l’arrivée des filles qui, comme Cosette, font les jineteras, les «cavalières» , doux euphémisme pour les travailleuses du sexe. «Avec mon salaire de professeur de 20 dollars, je n’y arrive pas, raconte Cosette. J’ai besoin de cucs pour manger, pour aider ma famille, pour me faire quelque plaisir. À Cuba, devant un billet de 50 cucs, rares sont les femmes, ou les garçons, qui hésitent. J’ai des amies médecins qui font la jinetera avec moi. Tout le monde le sait, pour vivre il faut “luchar”. Des Cosette, il y en a des milliers dans les rues de La Havane ou sur les plages de Varadero à la recherche d’une passe, de «fiançailles» qui durent le temps du séjour du touriste, ou, ça arrive, d’un mariage avec un étranger. «Il n’y a pas de véritables bordels, mais c’est Cuba qui est un bordel à ciel ouvert , explique un Italien qui réside six mois par an dans l’île. Le sexe représente une part importante de l’industrie du tourisme. Il y a aussi beaucoup de gays qui passent plusieurs mois à Cuba chaque année. Comme souvent, l’attitude du gouvernement est ambiguë. La prostitution est interdite mais tolérée. Les jineteras sont parfois convoquées par la police, surtout les Noires. Les autorités pensent que les Noirs, hommes ou femmes, gênent les touristes. »

 «L’utopie socialiste a créé un monstre , explique un observateur privilégié de la

«L’utopie socialiste a créé un monstre , explique un observateur privilégié de la société cubaine. Même la génération qui reste fidéliste parce qu’elle est attachée au charisme de Fidel Castro a compris que le système économique est surréaliste, ubuesque. Pour ne pas parler des jeunes. Mais il y a un attachement aux conquêtes de la révolution : école, système sanitaire, l’idée d’une certaine égalité sociale. C’est justement l’augmentation des inégalités depuis un ou deux ans qui alimente un nouveau malaise social. Les Cubains veulent des changements économiques radicaux, mais leur modèle de société n’est pas celui des États-Unis. Certes, il y a aussi la peur du régime. Mais les opposants n’ont pas la cote chez les Cubains. Ou ils ignorent leur existence, ou ils les prennent pour des agents de la CIA. Il n’y aura pas de printemps cubain comme il y a eu un printemps arabe, ou alors il faudra des années. »

 «Il y a deux aspects [à la réconciliation Cuba/États-Unis]. C’est une bonne chose

«Il y a deux aspects [à la réconciliation Cuba/États-Unis]. C’est une bonne chose sur le plan économique pour le peuple cubain, qui souffre depuis si longtemps d’une asphyxie culturelle et politique. On peut espérer que le développement économique entraînera le régime vers des progrès démocratiques et que la vie sera plus respirable pour les pauvres. Mais rien n’est moins sûr. Le pouvoir peut pratiquer une grande ouverture à l’extérieur et continuer à enfermer le peuple sous une dictature encore plus dure. C’est ce qui se passe en Chine : toutes les concessions faites à l’extérieur nécessitent d’être plus brutal en politique intérieure. Ce qu’il faut à Cuba, c’est une ouverture vers la démocratie plus que vers le capitalisme mondialisé. Le capitalisme peut parfaitement prospérer sous la tyrannie. La démocratie n’est pas un sous-produit de la croissance économique. » Mario Vargas Llosa

Photographies • Sarah L. Voisin, The Washington Post, mars 2015 • Suzanne Kreiter, «Cuba’s

Photographies • Sarah L. Voisin, The Washington Post, mars 2015 • Suzanne Kreiter, «Cuba’s moment of transition» , The Boston Globe, 20 juillet 2015 Commentaires et citations Nicolas Garonne, «En attendant Cuba libre…» , Le Point, 29 janvier 2015 Musique Jason Greenberg, «Esperanza» CD «Siesta : Relaxing Guitar» Conception R. Day Février 2016 Mes diaporamas sont hébergés sur le site : http: //www. imagileonation. com

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