Day Crations rflexives 2013 Francesco Zizola Aujourdhui presque

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Day Créations réflexives 2013

Day Créations réflexives 2013

© Francesco Zizola

© Francesco Zizola

Aujourd’hui, presque tout le monde qui s’adonne le moindrement à la photographie possède une

Aujourd’hui, presque tout le monde qui s’adonne le moindrement à la photographie possède une caméra numérique et possiblement aussi un logiciel de traitement de l’image. Il n’y a pas si longtemps, ce n’est qu’en allant cher nos photos au magasin que nous pouvions savoir si elles étaient réussies ou ratées. Et nous devions vivre à jamais avec le résultat : luminosité trop claire ou trop sombre, cadrage raté, flou des images. C’est pourquoi il est juste de dire que la caméra numérique a révolutionné l’univers de la photographie pour monsieur et madame tout le monde. Alors à plus forte raison cette technologie de pointe a-t-elle bien servi les photographes professionnels, et notamment ceux qu’on appelle les photojournalistes qui couvrent l’actualité un peu partout sur la planète et publient leur travail dans les médias et sur le Web. De façon souvent plus percutante qu’un long article ou qu’un éditorial, ces images de photographes professionnels frappent notre imagination et s’imprègnent dans notre mémoire, surtout lorsqu’elles nous montrent des situations particulièrement bouleversantes comme des théâtres de guerres, des attentats sanglants, des enfants agonisant de faim, des catastrophes naturelles. Dans la catégorie des photos de la nature, certains paysages sont à couper le souffle et semblent irréels. Il ne s’agit pas là d’une situation nouvelle. La photo que vous verrez sur la diapositive suivante, prise lors de la guerre du Vietnam, est à jamais célèbre et tout le monde s’en souvient. Elle avait d’ailleurs constitué un tournant décisif dans l’opinion négative des Américains face à ce conflit. Ce qu’il y a de nouveau aujourd'hui, en revanche, c’est

Chaque année, des prix prestigieux couronnent le travail de plusieurs photojournalistes et mettent en

Chaque année, des prix prestigieux couronnent le travail de plusieurs photojournalistes et mettent en évidence certaines de leurs photos pour leur qualité, le contexte difficile dans lequel elles ont été prises et l’impact qu’elles ont eu sur l’opinion publique. Dans mes diaporamas antérieurs, je vous ai présenté par exemple le Prix Pictet, le Prix Bayeux. Calvados et le World Press Photo. Ce dernier prix est assurément le plus prestigieux de la planète. Je vous ai aussi proposé des diaporamas sur deux photographes de guerre pour qui j’avais beaucoup d’admiration : Chris Hondros et Tim Hetherington. Mais voilà que cette année, dans le cadre de l’attribution du World Press Photo Award 2013 au photographe Paul Hansen, pour sa photo intitulée «Un enterrement à Gaza» , une question d’ordre éthique a fait surface: jusqu’où devrait-il être permis à un photojournaliste de retravailler sa photo originale, de l’améliorer avec un logiciel comme Photoshop puis de l’éditer avec un effet encore plus dramatique son cliché original? Tant les autres photographes que les membres du jury du World Press Photo savaient que Paul Hansen avait retouché sa photo. Lorsqu’on lui a remis son prix à Amsterdam, il n’a pas voulu discuter de cette question et il a refusé de montrer son cliché original aux deux journalistes allemands qui l’interrogeaient. Dans ces circonstances, il était impossible de comparer les deux photos et de juger de l’importance des altérations qui avaient été faites et avaient indéniablement contribué à l’effet dramatique de cette photo, prise dans la bande de Gaza, sur laquelle on voit des hommes révoltés et éplorés transporter les dépouilles de deux jeunes enfants (Suhaib et Mohammed), suivies de la dépouille du papa (Fuah Hijazi) – tous trois tués lorsqu’une bombe israélienne s’est abattue sur leur résidence.

C’est finalement en comparant la photo qui avait été publiée le 21 novembre 2012

C’est finalement en comparant la photo qui avait été publiée le 21 novembre 2012 dans le journal suédois Dagens Nyheter avec le cliché qui avait été soumis en janvier 2013 au concours du World Press Photo que les retouches sont apparues : différence dans la saturation des couleurs, l’exposition de la lumière ainsi que le ciel à l’arrière-plan qui est obscurci.

Voici la photo «retouchée » . Dans cette ruelle sombre et peu éclairée de

Voici la photo «retouchée » . Dans cette ruelle sombre et peu éclairée de Gaza, bordée de murs gris, la surprenante clarté des visages en a surpris plusieurs. Hansen a affirmé que cette «luminosité naturelle» avait été un coup de chance. Mais un autre photographe présent sur les lieux au même moment et ayant pris une photo de la même procession funéraire n’a apparemment pas eu la même veine car il qualifie sa photo de «très ordinaire» et dit qu’il ne s’en dégage pas le même cadrage, la même luminosité presque magique, le même effet

Regardons attentivement et comparons de nouveau On le voit bien ici : il est

Regardons attentivement et comparons de nouveau On le voit bien ici : il est clair que la photo a bénéficié d’un post-traitement avant d’être soumise au concours du World Press Photo. La journaliste Nathalie Collard, du quotidien La Presse , a donc tort d’affirmer, dans un article du 23 septembre 2013, que la photo n’a pas été retouchée.

Voici maintenant quelques exemples de photos qui ont fait l’objet d’un travail d’édition. Vous

Voici maintenant quelques exemples de photos qui ont fait l’objet d’un travail d’édition. Vous verrez d’abord la photo originale, puis celle qui, une fois altérée, a été publiée dans les médias. En comparant l’une et l’autre, vous constaterez que les transformations peuvent, selon le cas, apporter une touche d’esthétique à l’horreur, un effet de dramatisation. Ainsi fignolée, peut-on encore dire que la photo est «objective» et expose la réalité?

Pour cette photo d’une Kenyane collectant des ordures, le photojournaliste américain Micah Albert a

Pour cette photo d’une Kenyane collectant des ordures, le photojournaliste américain Micah Albert a reçu un prix du World Press Photo 2013. Voici sa photo originale…

… et voici sa photo une fois éditée. On ne voit plus du tout

… et voici sa photo une fois éditée. On ne voit plus du tout la jeune femme de la même manière.

La personne sur cette photo se nomme Maxim Kaz. C’est un ancien joueur russe

La personne sur cette photo se nomme Maxim Kaz. C’est un ancien joueur russe de poker. Mais une fois élu échevin du district de Moscou…

… c’est la photo de lui qui a été publiée dans le journal allemand

… c’est la photo de lui qui a été publiée dans le journal allemand Der Spiegel en 2012.

Cette photo présente la construction du barrage Belo Monte, au Brésil…

Cette photo présente la construction du barrage Belo Monte, au Brésil…

… et voici la même photo, davantage contrastée, qui a été publiée dans Der

… et voici la même photo, davantage contrastée, qui a été publiée dans Der Spiegel au début de 2013.

Au moment des manifestations sur la place Tahrir, en Égypte, les conditions d’éclairage n’étaient

Au moment des manifestations sur la place Tahrir, en Égypte, les conditions d’éclairage n’étaient pas toujours idéales pour les photojournalistes…

… c’est donc cette photo, retravaillée et mieux éclairée, qui a été publiée dans

… c’est donc cette photo, retravaillée et mieux éclairée, qui a été publiée dans les médias. De toute évidence, elle projette maintenant un effet plus frappant.

Cette image sombre de combattants a quelque chose d’un peu effrayant…

Cette image sombre de combattants a quelque chose d’un peu effrayant…

… mais avec une petite touche de Photoshop, elle dégage quelque chose d’étrangement beau.

… mais avec une petite touche de Photoshop, elle dégage quelque chose d’étrangement beau.

Le photographe russe Yuri Kozyrev a capté ce cliché d’une manifestation anti-Poutine en février

Le photographe russe Yuri Kozyrev a capté ce cliché d’une manifestation anti-Poutine en février 2012…

… mais voici la photo qu’on a pu voir dans les médias.

… mais voici la photo qu’on a pu voir dans les médias.

Voici l’original d’une photo prise par Francesco Zizola au Sud-Soudan…

Voici l’original d’une photo prise par Francesco Zizola au Sud-Soudan…

… et voici la même améliorée digitalement. Un contraste plus prononcé lui a en

… et voici la même améliorée digitalement. Un contraste plus prononcé lui a en quelque sorte donné vie et mis en évidence ce jeune gardien des animaux.

Pour terminer, retour à la place Tahrir, en Égypte. Ces protestataires se sont abrités

Pour terminer, retour à la place Tahrir, en Égypte. Ces protestataires se sont abrités sous une bâche de plastique. Ils sont flous et difficilement visibles…

… mais avec un peu de travail sur la photo, il a été possible

… mais avec un peu de travail sur la photo, il a été possible de les montrer un peu plus.

Il semblerait que bon nombre de photojournalistes célèbres font aujourd’hui affaire avec « 10

Il semblerait que bon nombre de photojournalistes célèbres font aujourd’hui affaire avec « 10 b Photography» . Cette entreprise, située à Rome, se spécialise dans le «post-traitement» des photos en recourant aux ordinateurs et logiciels les plus sophistiqués. Chaque jour, 10 b Photography reçoit de la part de photojournalistes des centaines de photos à «retravailler» . Passé maître dans l’art de retoucher les photos, Claudio Palmisano a donné un aperçu des techniques qu’il utilise. Par exemple, en assombrissant une section d’une photo, il oblige le regard à se porter vers une partie plus éclairée et qui devrait requérir l’attention. Dans les photos où figurent des soldats, il mettra davantage l’emphase sur le fusil. S’il y a du sang sur une image, il en accentuera la couleur rouge pour que l’effet soit plus saisissant. Palmisano a notamment fait allusion au célèbre et légendaire photographe de guerre James Nachtwey. Il a précisé qu’il pouvait travailler jusqu’à douze heures sur une seule photo de Nachtwey et qu’il pouvait échanger avec lui jusqu’à une centaine de courriels pour discuter des moindres détails relatifs aux modifications de la photo originale.

De toute évidence, cette photo de James Nachtwey a été retravaillée. Mais à quoi

De toute évidence, cette photo de James Nachtwey a été retravaillée. Mais à quoi pouvait bien ressembler sa photo originale?

Tout comme les journalistes, chroniqueurs et éditorialistes pèsent leurs mots, soignent leurs tournures de

Tout comme les journalistes, chroniqueurs et éditorialistes pèsent leurs mots, soignent leurs tournures de phrases et choisissent l’orientation qu’ils veulent donner à leurs textes, il ne faut donc pas se surprendre que photographes et photojournalistes adoptent un comportement comparable dans leur champ d’activités. Nous allons donc continuer à regarder, dans les journaux, les magazines et sur le Web, le fruit de leur travail. Mais chaque fois que nous serons en présence d’une photo que nous jugerons remarquable et qui nous impressionnera par sa qualité (qu’il s’agisse d’une personne, d’un événement ou d’un paysage), il faudrait se souvenir que celle-ci ne reflète peut-être pas toujours et nécessairement l’exacte réalité qui avait été captée sur le cliché original, lequel n’est pas destiné à être publié… R. Day

Documentation • Matthias Krug et Stefan Niggemeir, «Enhanced Reality : Exploring the Boundaries of

Documentation • Matthias Krug et Stefan Niggemeir, «Enhanced Reality : Exploring the Boundaries of Photo Editing» , Der Spiegel , 8 mai 2013 (traduit de l’allemand à l’anglais par Christopher Sultan et adapté en français par R. Day ). • Eric Hazam, «Des experts accusent la photo “Pallywood” de Paul Hansen du Prix World Press Photo 2012» , Le monde juif. info , 14 mai 2013. • Nathalie Collard, «La force de l’image» , La Presse, 23 septembre 2013. Photographies Der Spiegel , 8 mai 2013. Conception R. Day Janvier 2014 Mes diaporamas sont hébergés sur le site : http: //www. imagileonation. com