Construction et assurances De lharmonisation avorte la libre
Construction et assurances De l’harmonisation (avortée ? ) à la libre prestation de services Prof. Dr. Benoît Kohl Avocat (Stibbe - Bruxelles) Professeur aux Universités de Liège et de Paris II
Historique de l’harmonisation Premiers jalons de l’harmonisation: Marchés publics Reconnaissance des diplômes Normalisation Sécurité et responsabilité des produits défectueux
Droit privé de la construction: premières initiatives: • Résolution du Parlement européen du 13 octobre 1988 «sur la nécessité d’une action communautaire dans le secteur de la construction » . • Etude de C. Mathurin sur « la responsabilité, les garanties et les assurances dans la construction en vue d’une harmonisation au niveau communautaire » (1989) : - Proposition de 14 éléments pour un système harmonisé du droit de la construction (via 3 directives) - Réception par la pratique
Le droit de la construction et l’harmonisation européenne du droit des contrats : vers une garantie décennale européenne ? 1. Constat n° 1 : régime disparate de responsabilité de l’entrepreneur à travers l’Union européenne - Distinction entre « non conformité » et « défaut » inexistante dans bien d’autres Etats membres (cfr. directive biens de consommation / CVIM /. . ) - Prescription des défauts de conformité : - Max 20 ans. : PB ; 6 -12 ans : UK ; 10 ans : BE, FR, SWE, IT, GR ; 5 ans : DE ; 3 ans AUS - Différence selon la loi ou les contrats-types (cfr UK : FIDIC / JCT) - Caratère d’ordre public de la responsabilité (FR / BE / IT / ES). Généralement supplétif - Responsabilité solidaire / in solidum : différence selon les pays (notamment quant aux clauses limitatives)
- Obligation d’assurance de l’entrepreneur ? - Système français (assurance dommage ouvrage + assurance de responsabilité décennale) : unique - Certains Etats membres : Assurance obligatoire du seul concepteur (architecte / ingénieur) : cfr. BE, DE, CH, … NB : parfois en lien avec le monopole de l’architecte : comparaison - Autres Etats membres : Absence d’assurance, mais pratique de l’assurance au travers des contrats modèles, en fonction des certains types d’ouvrages. - NB : pratique des contrats modèles : cfr UK (JCT), NL (UAV), DK (AB), DE (VOB), etc.
Le droit de la construction et l’harmonisation européenne du droit des contrats : vers une garantie décennale européenne ? 2. Constat n° 2 : Convergences dans le secteur du logament - Réglementations afin d’éviter la défaillance financière du promoteur/constructeur France : VEFA : garantie d’achèvement / CCMI : garantie de livraison Belgique : Loi Breyne : garantie d’achèvement (sanction ? ) PB : : section 7. 12/2 du Nouveau Code Civil (mais ne vise pas les garantie d’achèvement ou la responsabilité) UK : Defective premises Act 1972 (responsabilité, mais non garantie d’achèvement) : lien avec l’arrêt Murphy / Brentwood 1991
Le droit de la construction et l’harmonisation européenne du droit des contrats : vers une garantie décennale européenne ? 2. Constat n° 2 : Convergences dans le secteur du logament (suite) - Importance de l’autorégulation (soft law): - NHBC en Angleterre Autrefois GIW / desormais SER => contrats modèles / garanties d’achèvement / garanties contre les défauts (jusqu’à 10 ans / avec certains limites)
Vers une harmonisation ? 1. Avantages /Difficultés 1. Avantages - Transaction cost Argument - Confiance du consommateur - Jusitification de l’action de l’UE( «L’UE, c’est comme une byciclette. . » ) 2. Difficultés - Absence d’acquis communautaire : lien étroit avec le droit des contrats, mais aussi avec le droit des biens ou la réglementation des professions : “l’immeuble s’enracine dans la terre ; le droit la construction prend racine sur le droit propriété - Divergences importantes (cfr ci-dessus) entre les EM : (i) nature de la responsabilité (respons. v. garantie / moyen v. résultat) ; (ii) OP ou supplétif ; (iii) assurance obligatoire ou pas ; (iv) durée de la respons….
Vers une harmonisation ? Bref regard vers le passé : 1. Très très loin …. Code d’ Hammurabi : “Si un architecte a construit pour un autre une maison, et n’a pas rendu solide son œuvre, si la maison construite s’est écroulée, et a tué le maître de la maison, cet architecte est passible de mort » 2. Plus récemment : Plan d’action de la commission européenne en matière de droit des contrats du 14 février 2003: - Abandon de l’approche sectorielle spécifique - Améliorer la cohérence de l’acquis communautaire dans le domaine du droit des contrats - Promouvoir l’élaboration de clauses contractuelles standards - Réflexion vers un instrument optionnel en droit des contrats
3. Projets de recherche en droit européen - Principes unidroit (1994) - Principes européens du droit des contrats (PEDC) (Groupe O. Lando) - Groupe d’études sur un Code civil européen (C. Von Bar) - (i) Repose sur les principes européens du droit des contrats - (ii) Suggestions de leur harmonisation en matière de contrats spéciaux - (iii) En particulier: le contrat de service Notamment PEL SC : cfr art. 2: 111 : responsabilité de 3 ans, mais “the running of the period of prescription is suspended as long as the creditor does not know of, and could not reasonably know of, the facts giving rise to the claim including the type of damage” + Maxim. 10 ans (30 en cas de dommages corporels) + “the parties may deviate from the prescription rules”
4. La proposition de règlement optionnel relatif au droit commun européen de la vente (DCEV) (oct. 2011) - Incidence pour le droit de la construction. A priori vise la vente… mais pourrait également toucher le secteur de la construction : - Question de la qualification : A “sale contract “means any contract under which a business transfers or undertakes to transfer the ownership of goods to another person (the buyer), and the buyer undertakes to pay the price; it includes a sales contract under which the seller is to manufacture or produce the goods for the buyer » - Application aux contrats de service « en lien » avec une vente “Any reference to a sales contract in this instrument includes a reference to a sales contract under which the seller undertakes to perform a service for the buyer in relation to the goods »
4. La proposition de règlement optionnel relatif au droit commun européen de la vente (DCEV) (oct. 2011) (suite) - Commentaire 1 : Différentes activités similaires du secteur de la construction pourraient être régies par le droit commun, d’autres pas (complexité accrue pour les opérateurs économiques) - Ex : le cas “IKEA” - Commentaire 2 : Difficultés dans les “chaines” de contrats - Commentaire 3 : Exit les léglisations nationales impératives ou d’OP !! “(2) Issues within the scope of the instrument but not expressly settled by it are to be settled in accordance with the principles underlying it without recourse to national laws”. Ex. : FR / BE : responsabilité décennale Ex : FR /BE : action directe du sous-traitant - Commentaire 4 : Une réllle liberté de choix ? - NB : Discussions actuelles : limitation au seul secteur électronique ? (avis en première lecture au PE : février 2014)
Vers une harmonisation ? Quelques suggestions 1. DCEV : pas assez ambitieux : limite au seul droit de la vente (alors que le contrat de vente est déjà largement harmonisé : garantie des biens de consommation, CVIM, Undiroit etc) 2. Possible harmonisation complète du contrat de construction ? Prématuré : le droit de la construction est trop « ancré » dans la régulation dans nombre d’EM 3. Suggetion d’une harmonisation progressive, en commençant par le secteur protégé du logement - Tendances communes à la protection du consommateur (notamment garanties d’achèvement) - Autorégulation / Corégulation
Du droit européen de la construction au droit européen de l’assurance de construction …. . A. Droit applicable au contrat de construction Cas de l’entrepreneur étranger construisant en France Règlement ROME I. Art. 3 : Liberté de choix Law shopping permettant de s’affranchir p. ex. de la garantie décennale NB : la jurisprudence française ne considère par les art. 1792 et ss. Civ. comme des lois de police (ordre public international) Art. 4 : à défaut de choix, pour un contrat de service, loi du pays dans lequel le prestataire a sa résidence habituelle NB : Quid du contrat VEFA ? Contrat « ayant pour objet un droit réel » ? / Contrat « de prestation de services » ? / Autre contrat (=> principe de proximité)
A. Droit applicable au contrat de construction (suite) Conséquence : A défaut de choix de loi, application du droit étranger au contrat de construction, sauf si le juge décide l’application de l’art. 4. 3: « Lorsqu'il re sulte de l'ensemble des circonstances de la cause que le contrat pre sente des liens manifestement plus e troits avec un pays autre que celui vise au paragraphe 1 ou 2, la loi de cet autre pays s'applique. » Or, l’immeuble étant construit en France, on peut penser que la loi française serait alors applicable, le lieu de situation de l’immeuble construit ou à construire possédant une « attractivité très forte » dans le secteur de la construction immobilière.
A. Droit applicable au contrat de construction (suite) Cfr Cass. 3 e Ch. Civ. 23 septembre 2014 : « Attendu, d’une part, qu’après avoir, à bon droit, retenu que selon la convention de Rome du 19 juin 1980, à défaut de choix de la loi par les parties, la loi applicable est celle de la résidence habituelle du débiteur de la prestation caractéristique, sauf si une autre loi présente des liens plus étroits avec le contrat, la cour d’appel qui a relevé, par motifs propres, que les silos devaient être construits en France, de sorte que la prestation principale devait être exécutée en France, que la langue dans laquelle avait été rédigée la convention était le français, alors même que la société Carnitec avait son siège social en Suisse alémanique, que les prix étaient exprimés en francs français, que le contrat de sous-traitance entre la société Carnitec et la société Reggiori avait été soumis à la loi française, a pu, par ces seuls motifs, en déduire que le contrat présentant des liens plus étroits avec la loi française, celle-ci était applicable » ;
A. Droit applicable au contrat de construction (suite) NB : Quid de l’action du MO contre le sous-traitant (étranger) de l’entrepreneur (étranger)? - A priori, sur base extra-contractuelle - Application du Règlement Rome II Application du droit français, le dommage (vices et malfaçons) survenant en France. NB 2 : Quid de l’action en paiement du sous-traitant (étranger) contre le maître de l’ouvrage français, lorsque l’entrepreneur principal est étranger ? Loi de 1975 = loi de police, applicable en cas de construction sur le sol français (cass, 30 novembre 2007) Le sous-traitant étranger peut bénéficier des mécanismes protecteurs si existence d’un lien de rattachement spécifique avec le droit français au regard de l’objectif de protection (cass. , 27 avril 2011)
Du droit européen de la construction au droit européen de l’assurance de construction …. . B. Droit applicable au contrat d’assurance / Libre établissement 1. Libre prestation de services et liberté d’établissement Article 49 TFUE: « Dans le cadre des dispositions ci-après, les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un État membre dans le territoire d'un autre État membre sont interdites. Cette interdiction s'étend également aux restrictions à la création d'agences, de succursales ou de filiales, par les ressortissants d'un État membre établis sur le territoire d'un État membre. » Article 56 TFUE: « Dans le cadre des dispositions ci-après, les restrictions à la libre prestation des services à l'intérieur de l'Union sont interdites à l'égard des ressortissants des États membres établis dans un État membre autre que celui du destinataire de la prestation. »
Du droit européen de la construction au droit européen de l’assurance de construction …. . 2. Contrôle prudentiel: -Consolidation de la réglementation européenne -Principe de la « licence unique » , contrôle exercé par l’Etat d’origine (home country control). Instauration du régime de la licence unique rendu possible grâce à l’harmonisation minimale de certains aspects essentiels de l’activité d’assurance : conditions d’accès, réserves techniques, fonds de garantie, marge de solvabilité, information du preneur etc… = > cfr Directive 2009/138/CE « Solvabilité II » - En revanche, le droit « privé » du contrat d’assurance en général, n’est pas harmonisé
Du droit européen de la construction au droit européen de l’assurance de construction …. . 3. Droit du contrat d’assurance: Pas d’harmonisation Règlement 593/2008/CE « Rome I » : Sauf pour les grands risques (où le choix est libre), le choix est limité à: o la loi de tout État membre où le risque est situé au moment de la o o conclusion du contrat la loi du pays dans lequel le preneur d'assurance a sa résidence habituelle. dans le cas d'un contrat d'assurance vie, la loi de l'État membre dont le preneur d'assurance est ressortissant dans le cas d'un contrat d'assurance couvrant des risques limités à des sinistres survenant dans un État membre autre que celui où le risque est situé, la loi de l'État membre de survenance Si le preneur d’assurance exerce une activité commerciale, industrielle ou libérale et que le contrat d'assurance couvre deux ou plusieurs risques relatifs à ces activités et situés dans différents États membres, la loi de l'un des États membres concernés ou la loi du pays de résidence habituelle du preneur d'assurance
Du droit européen de la construction au droit européen de l’assurance de construction …. . 4. Spécificités du secteur de l’assurance de construction : §A défaut de choix: « la loi de l'État membre où le risque est situé au moment de la conclusion du contrat » . Pour les assurances « grands risques » : « loi du pays où l'assureur a sa résidence habituelle » §Règle spécifique pour les contrats d’assurance obligatoire: application des règles spécifiques de l’Etat membre qui impose l’obligation (d’assurance) ou application obligatoire du droit de l’Etat membre imposant l’obligation §Article 9: Lois de police. §De façon générale: maintien des règles nationales §Principles of European Insurance Contract law
Du droit européen de la construction au droit européen de l’assurance de construction …. . 5. LPS et Assurance dommage-ouvrage / assurance décennale : quelques ecueils §Police soumise au droit français §Contrôle prudentiel exercé par l’Etat d’origine (NB : quid des règles prudentielles spécifiques au risque décennal (cfr art. R. 331 -17 C. ass. ) ? En principe, pas de contrôle par l’Etat français) §Intervention du fond de garantie limitée aux entreprises soumises au contrôle de l’Etat français : cfr art. L 421 -9. C. Ass. : « Le Fonds de garantie des assurances obligatoires (…) est chargé de protéger les personnes assurées (…) contre les conséquences de la défaillance des entreprises d’assurances agréées en France en soumises au contrôle de l’Etat (…) » . = >Quid en cas de défaut d’une entreprise étrangère établie dans un Etat membre? §Restriction de la liberté de prestation de services ou simple résultat de la divergence des législations
Du droit européen de la construction au droit européen de l’assurance de construction …. . 6. Vers une assurance européenne ? - Principles of European Insurance Contract law -Rapport ELIOS I (projet du PE pour facilités l’accès de PME du bâtiment aux assuranes) : Recommandations : (i) harmonisation des régimes de responsabilité et d’assurance (ii) contrat type d’assurance européen (iii) création d’une agence européenne de l’assurance construction -Rapport ELIOS II (Work Package 3) – décembre 2014 : (i) Établissement d’un mimimum de garantie (par le contrat ou la loi) dans le secteur de la construction) (ii) projet de passer le régulation par le « home member state » au « host member state » (iii) base de données européennes sur les réglementations / Création d’un « médiateur » européen de l’assurance, au service des PME => Début de réponse aux difficultés rencontrées au travers de la LPS ?
QUESTIONS ? Prof. Dr. Benoît KOHL Stibbe Bruxelles : benoit. kohl@stibbe. com Université de Liège : benoit. kohl@ulg. ac. be
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