Clinique des croyances Lille 16 novembre 2017 LACTE
Clinique des croyances Lille – 16 novembre 2017 L’ACTE DE FOI À L’ÉPREUVE DE LA MALADIE MENTALE De l’assistance spirituelle en milieu psychiatrique abbé Frédéric LE GAL, H. U. G Genève
Introduction Cf. document à part et situation
I - Vivre sa foi dans la santé mentale
Foi et santé mentale n n n La foi permet-elle de conserver la santé mentale et de la développer? Ou à la recouvrer quand elle est compromise? Dans quelle mesure la santé mentale, l’équilibre et la maturité psychiques sont-ils nécessaires à la foi et la favorisent-ils ? Selon les diverses interprétations et les expériences de vie : La foi peut être libératrice ou aliénante. Quelle expression et quelle transmission de la foi? De ce qui est dit, de ce qui est entendu ou des malentendus qu’elle suscite.
n n n De mauvaises formulations du message relatif à la foi peuvent devenir des communications paradoxales et susciter chez des sujets fragiles un malaise intérieur ou une décompensation. Voire occasionner des altérations, des déformations, et des perversions psychiques. Une pathologie psychique peut introduire une réinterprétation du message de la foi qui n’aurait plus rien à voir avec le dogme ou les aspects de la révélation. La pathologie « privatise » le contenu de la foi et tend à l’asservir à des fins individuelles en la coupant de sa dimension collective et ecclésiale. Elle peut occasionner ainsi une déformation au niveau de la perception du message religieux.
A - Notions autour de la foi n De quoi parlons nous lorsque nous disons avoir la foi? n Avoir la foi : c’est adhérer à des dogmes, à des croyances souvent d’ordre religieux. « Possédant ce même esprit de foi, selon ce qui est écrit : J'ai cru, c'est pourquoi j'ai parlé, nous aussi, nous croyons, et c'est pourquoi nous parlons » . S. Paul 2 Co 4: 13 Parler de la foi, c’est aujourd’hui accepter d’en débattre ensemble et c’est aussi accepter les doutes et les remises en question qu’elle suscite à condition d’en connaître les contours. n n
1 - La foi en Dieu Pour la Bible la foi est la source et le centre de toute la vie religieuse. n Deux racines de la foi en hébreu : aman (amen) évoque la solidité et la sûreté; batah, la sécurité et la confiance. n Le vocabulaire biblique de la foi connaît deux acceptions : n 1 - La confiance qui s’adresse à une personne et engage l’homme tout entier. 2 - Une démarche de l’intelligence à qui une parole ou des signes permettent d’accéder à des réalités qu’on ne voit pas. La foi est d’abord une confiance et une adhésion personnelle de l’homme à Dieu ; elle est en même temps, et inséparablement, l’assentiment libre à toute la vérité que Dieu a révélé. n n
2 - La foi chrétienne n n Pour le chrétien, croire en Dieu, c’est inséparablement croire en Celui qu’Il a envoyé, Jésus-Christ. Dieu nous a dit de L’écouter (cf. Mc 9, 7). En tant qu’adhésion personnelle à Dieu et assentiment à la vérité qu’Il a révélé, la foi chrétienne diffère de la foi en une personne humaine. Les deux sont nécessaires, l’une pose les fondements de l’autre. Par la foi l’homme soumet complètement son intelligence et sa volonté à Dieu. C’est l’obéissance de la foi. Elle n’est en rien servile mais elle est une disposition fondamentale de l’homme à donner son assentiment au Dieu révélateur (cf. DV 5). L’Écriture Sainte appelle " obéissance de la foi " cette réponse de l’homme au Dieu qui se révèle à lui. Obéir (ob-audire) dans la foi, c’est consentir librement à la parole écoutée, parce que sa vérité est garantie par Dieu, la Vérité même.
3 - Spécificités de la foi chrétienne n n La foi est une grâce : La foi est un don de Dieu, une vertu surnaturelle infuse par Lui. Une des trois vertus théologales avec l’espérance et l’amour qui viennent de Dieu. La foi est un acte humain: " Croire " est un acte humain, conscient et libre, qui correspond à la dignité de la personne humaine. Dans la foi, l’intelligence et la volonté humaines coopèrent avec la grâce divine. La foi est un acte de l’intelligence et la raison y a sa part : " La foi cherche à comprendre "(S. Anselme, prosl. proœm. ) ; " Je crois pour comprendre et je comprends pour mieux croire "(S. Augustin (serm. 43, 7) La liberté de la foi : Pour être humaine, " la réponse de la foi donnée par l’homme à Dieu doit être volontaire ; en conséquence, personne ne doit être contraint à embrasser la foi malgré soi. Par sa nature même, en effet, l’acte de foi a un caractère volontaire " (DH 10 ; cf. CIC, can. 748, § 2). Dieu ne contraint pas. Il nous invite à faire un choix libre en répondant à son appel.
B - L’acte de foi n n En quoi consiste l’acte de foi et quelle relation établit-il entre les personnes? Il invite sans cesse à faire un choix et à prendre un risque en face de l’autre, que ce soit dans l’amour humain ou dans la religion. Il engage toutes les puissances de notre être (dimensions corporelle- psychique et spirituelle). Croire n’est pas seulement un acte interne d’acceptation mentale ou intellectuelle il implique une dimension psychologique et constitue ainsi une exigence existentielle pour la personne. Croire vient du latin credere « cred » cœur et « dare » donner. Croire c’est littéralement donner son cœur. Le mot cœur en latin désigne le principe intérieur de la pensée. Il est en ainsi en rapport avec l’intelligence mais aussi il a une incidence sur la volonté et l’affectivité du sujet. Nous pouvons parler du poids psychologique de la foi et de ressenti de la foi.
n n n La nécessité de la foi : Croire en Jésus-Christ et en Celui qui l’a envoyé pour notre salut est nécessaire pour obtenir ce salut (cf. Mc 16, 16 ; Jn 3, 36 ; 6, 40 e. a. ). La foi est déjà le commencement de la vie éternelle. Elle fait déjà goûter aux croyants, la joie et la lumière de la vision béatifique : voir Dieu " face à face " (1 Co 13, 12), " tel qu’Il est " (1 Jn 3, 2). Communauté dans la foi : Si la foi est un acte personnel, une réponse libre de l’homme à l’initiative de Dieu qui se révèle, la foi n’est pas un acte isolé. Nul ne peut croire seul, comme nul ne peut vivre seul. Le croyant reçoit la foi d’autrui, il la transmet à autrui. Je ne peux croire sans être porté par la foi des autres, et par ma foi, je contribue à porter la foi des autres. Par cet acte une communication s’inaugure, un dialogue durable s’instaure, dans lequel le but est la recherche de la vérité.
C - Acte de foi et relations interpersonnelles n n L’acte de foi est acte humain qui ne peut nous ouvrir à Dieu, sans nous ouvrir aux autres. L’acte de foi produit une ouverture à l’autre en nous décentrant de nous-mêmes. Il suppose un dialogue pour cher ensemble la vérité. La foi est adhésion à une parole qui nous pousse à faire un choix et nous sommes libres par rapport à ce choix. La foi est l’ouverture à l’autre qui me parle. Par une écoute confiante en la parole de Dieu, je suis capable de m’ouvrir au Tout Autre qui m’appelle et aux autres qui m’interpellent. Dans la foi, je fais l’expérience d’un Dieu plus grand que ma propre existence qui m’invite à entrer dans une relation nouvelle avec Lui et les autres. Une croissance personnelle sera le fruit de cette relation.
II - La foi à l’épreuve de la maladie Psychique et spirituelle
Épreuves de la foi Deux réalités des épreuves : 1 - ordonnées à la vie : émulation sur le chemin de la perfection/ sainteté - condition de croissance du don de la grâce. 2 - confrontées au mal et à la mort: l’épreuve devient tentation dans sa confrontation au mal moral - combat spirituel. La souffrance, la maladie et le deuil vérifient la qualité de la foi. L’acte de foi doit passer par l’épreuve du temps. Il faut que cet acte dure, non en se répétant mais en se renouvelant: c’est une épreuve à endurer. J’ai à entendre des appels toujours nouveaux et je dois y répondre par un acte de croire à nouveau.
Le combat de la foi n n n « J'ai combattu jusqu'au bout le bon combat, j'ai achevé ma course, j'ai gardé la foi. » 2 Tm 4: 7 Saint Paul dans sa lettre aux Éphésiens demande à ces derniers d’avoir « toujours en main le bouclier de la Foi » . Ep 6: 16 « La nuit » de la foi : La foi peut être mise à l’épreuve et nous pouvons la perdre. Le monde en lequel nous vivons semble souvent bien loin de ce que la foi assure aux croyants ; les expériences du mal et du péché, de la souffrance, des injustices et de la mort paraissent contredire les données révélées, elles peuvent ébranler la foi et devenir pour elle une tentation. Par ailleurs, une fragilité psychologique ou une maladie peuvent constituer des obstacles à croire et accentue le combat de la foi. Combat de croire pour un malade psychotique.
A - Maladies psychiques n n n Les troubles mentaux regroupent un vaste ensemble de problèmes, dont les symptômes diffèrent. Mais ils se caractérisent généralement par une combinaison de pensées, d’émotions, de comportements et de rapports avec autrui anormaux. Ils comprennent par exemple la schizophrénie, la dépression, l’arriération mentale et les troubles dus à l’abus de drogues. La plupart de ces troubles se traitent, selon l’OMS. Il convient de définir dans la souffrance et les troubles présentés par les gens ce qui relève de la médecine et de la psychiatrie. Pour ce faire, médecins et psychiatres utilisent des instruments scientifiques. « La santé mentale est l’affaire de tous, les médecins et les psychiatres ne peuvent pas tout faire seuls ! » J. Besson
Le diagnostic du psychiatre n Le psychiatre est un médecin qui s’intéresse à l’esprit et au corps, à leurs interactions, articulations psychosomatiques ou somatopsychiques. Il aide le patient à recouvrer sa santé mentale par des moyens médicaux et psychothérapeutiques et il laisse la dimension spirituelle et religieuse au prêtre en en reconnaissant l’importance et la complémentarité. n Médecine = pratique holistique. Les soins ne sont complets que s’ils prennent en compte les trois aspects de la composante humaine : le corps, l’esprit et l’âme. n Pour un psychiatre la figure du mal réside dans cette déliaison de soi avec le monde, figure d’un moi divisé qui a perdu sa liberté.
B - Maladies spirituelles Selon la tradition chrétienne des Pères de l’Église, les maladies spirituelles sont liées aux passions. Elles ont leur source dans l’amour égoïste de soi (philautie). Évagre identifia huit passions ou pensées mauvaises : n - la gastrimargie (gloutonnerie et gourmandise) n - La luxure n - L’avarice n - La tristesse n - La colère n - L’acédie n - La vanité (vaine gloire) n - L’orgueil
Le discernement du prêtre n n n Le prêtre s’intéresse à la vie spirituelle d’une personne et au salut de son âme. Il est là pour aider la personne souffrante à retrouver la santé spirituelle en termes de relations et de sens. Il poursuit le même but d’unification de soi-même et de réconciliation avec Dieu et les autres. Cela n’exclut aucunement une bonne connaissance des sciences humaines - médecine, psychiatrie et psychologie – essentielle pour distinguer assister une personne en souffrance spirituelle. Cela implique qu’il puisse œuvrer dans un esprit de partenariat avec diverses instances religieuses et spirituelles mais aussi avec les réseaux de soins. Ainsi, nous comprenons mieux la nécessité du dialogue entre le psychiatre et le prêtre qui restitue à la personne une santé globale intégrant santé spirituelle et santé psychique.
Discernement de l’expérience spirituelle n Repérer les éléments de différentiations entre l’expérience spirituelle dite saine/sainte et l’expression pathologique appelée « délires mystiques » . n Difficultés: les signes présentés par les mystiques sont souvent analogues aux symptômes des patients présentant des « délires mystiques » - convictions et contenus religieux. Tous deux éprouvent une indicibilité de l’expérience et une profonde conviction de vivre la réalité. n 1 - Délires à contenu religieux: n n Convictions étranges et inébranlables déconnectées avec les pratiques religieuses traditionnelles et absence d’appartenance à un groupe ou à une communauté religieuse. Sentiment de grandiosité. Position autistique. Contenus « persécutoires » . Projection d’une toute puissance (divine ou diabolique) en soi et sur autrui. Irritabilité. Stérilité. Répétitivité et fixation sur l’expérience vécue. Conflit intra-pyschique - fruit du délire: haine- colère- violence- angoisse- culpabilité. n 2 - Etat mystique: n Humilité - altruisme et altérité - fruits de l’expérience mystique: paix - joie- amour- obéissance - ancrage dans une tradition spirituelle. Unification intérieure et union au Divin. n n
C - Quelles attitudes pastorales de l’Église face à la demande de personnes troublées, perturbées et malades et qui attendent une solution à leurs difficultés spirituelles ou à leurs maux ? n Tenter de rééquilibrer la foi au sein d’une relation de confiance. Faire retrouver les dimensions spirituelles oubliées ou méconnues de la parole évangélique.
1 - Accompagnement spirituel en psychiatrie La foi : Peut être un moyen utilisé par les malades pour dire et nous faire entendre leur souffrance psychique. Double exigence: n n - Pour les aumôniers: Accompagner spirituellement sans nier la réalité de la maladie psychique et des soins requis. - Pour les soignants : Soigner la maladie sans nier la dimension spirituelle des patients en souffrance psychique. La dimension spirituelle est une ressource non négligeable pour la prise en charge du patient. Elle peut aider le patient à entrer dans un processus de guérison par la foi qui redonne sens à sa vie. Un patient schizophrène peut utiliser sa foi pour se soigner. Être aumônier en milieu psychiatrique, c’est accompagner la part croyante, saine, de la personne tout en proposant au patient de l’aider à surmonter des difficultés spirituelles qui pourraient faire obstacle à un processus thérapeutique.
2 - Service d’assistance spirituelle (S. A. S) n n n n n Accueillir toute personne en recherche de sens. Offrir une écoute aux personnes souffrantes et à ceux qui les entourent. Etablir un discernement. Être une présence fraternelle. Proposer un accompagnement et un suivi spirituel spécifique dans la régularité et la durée. Administrer un sacrement : Communion, Confession, Onction des malades. Accompagnement des personnes en fin de vie. Accueillir les familles en deuil. Proposer une parole respectueuse du cheminement de chacun, porteuse de vie et d’espérance au nom de Jésus-Christ, allant, jusqu’à la prière - de libération ou de guérison (pour les cas graves et réservés la prière d’exorcisme) – et la célébration eucharistique. Collaborer avec les paroisses, les médecins et les soignants, et diverses associations d’aide à la personne. Établir si cela est nécessaire un contact avec d’autres religions.
3 - Thérapeutiques sacramentelles proposées après discernement. n Sacramentaux (prières): n n o bénédiction. o Prière de libération : comportement à risque. o Prière de guérison : trauma et blessure. o Prière d’exorcisme: cas de possession avérés et réservés. n Sacrements (de guérison) : n o Pénitence et Réconciliation . Confessions des péchés. o Onction des malades . Maladie graves. o Communion eucharistique. n n
L’exorciste dernier recours! n n En cas de maladies, de maux surtout d’origine psychique recourir au médecin. L’appel à l’exorciste est l’exception. L’exorciste n’est pas un urgentiste! Ne pas confondre les maux d’origine maléfique et les maux d’origine psychique. n Urgence : hôpital, police, pompiers… n Crise spirituelle : SEDES Accompagnement spirituel et/ou psychothérapique : communautés, paroisses et thérapeutes. n
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