Chapitre 2 Les acteurs gopolitiques I Les acteurs

  • Slides: 50
Download presentation
Chapitre 2 Les acteurs géopolitiques

Chapitre 2 Les acteurs géopolitiques

I. Les acteurs géopolitiques « classiques » On a choisi ici d’appeler acteurs «

I. Les acteurs géopolitiques « classiques » On a choisi ici d’appeler acteurs « classiques » , les acteurs les plus traditionnels des relations internationales. Dans cette catégorie, on peut inclure l’État, notion qui tend à se confondre avec celle de gouvernement mais aussi l’armée et les Eglises. Ces acteurs politiques « classiques » sont de plus en plus concurrencés par de nouveaux acteurs. A. L’État et le gouvernement. 1. L’État. La notion d’État (du latin status: se tenir debout) possède une triple acception. Il s’agit en effet tout à la fois d’une structure, d’une autorité et d’un territoire. * En tant que structure, l’État est formé d’un ensemble d’institutions (dont le gouvernement qui le dirige et l’administration qui le fait fonctionner) dotées de personnels, de budgets et de fonctions différentes. Ces ensembles sont supposés agir en symbiose mais ce n’est pas toujours le cas, à la notion d’intérêt commun peut se substituer celle d’intérêt particulier lié à tel ou tel organisme, telle ou telle coterie, etc. * Cette structure exerce une autorité légitime (dont le monopole de la violence légale) de jure sur son territoire, mais éventuellement de facto audehors. La capitale est le lieu d’où s’exerce cette autorité, elle la symbolise donc. La notion d’autorité est ici plus ou moins confondue avec celle de souveraineté (autorité suprême). * En tant que territoire, l’État est enfin l’espace soumis à l’autorité de cette structure.

Fondamentalement, l’État devrait être l’émanation de l’ensemble de la population vivant sur son territoire

Fondamentalement, l’État devrait être l’émanation de l’ensemble de la population vivant sur son territoire — c’est-à-dire de tous les citoyens. Cependant, très souvent, l’État est présenté comme l’émanation d’une Nation (cf. le concept d’État Nation développé plus bas, III. Les peuples). Or, cette forme d’État marginalise ipso facto certains citoyens : les membres de minorités qui vivent éventuellement sur son sol. 2. Le gouvernement est souvent confondu avec l’État, mais il s’en distingue pourtant. La notion d’État sous-entend une continuité qui n’est pas le propre des gouvernements appelés à tomber à telle ou telle échéance électorale, ou lors d’un coup d’État dans un régime autoritaire. Le gouvernement a en charge la destinée de l’État (notion qui le dépasse et à laquelle on peut accorder une continuité dont le gouvernement ne dispose pas). Le gouvernement, branche exécutive du pouvoir politique, agit au nom de l’État, mais ne peut s’y substituer dans un régime démocratique ce serait en contradiction avec la théorie de la séparation des pouvoirs (exécutif, législatif et judiciaire), formulée par Montesquieu

Beaucoup de problèmes (géo)politiques naissent de ces situations faussées dans lesquelles le gouvernement ne

Beaucoup de problèmes (géo)politiques naissent de ces situations faussées dans lesquelles le gouvernement ne représente plus la population mais une partie de celle-ci. L’État démocratique est le plus susceptible de représenter les intérêts effectifs de la majorité de la population. L’analyse des systèmes politiques est donc un préliminaire essentiel. Le gouvernement confisqué par un parti: les régimes du bloc soviétique L’Union soviétique (1917 -1991) et tout le bloc soviétique (19451989) se caractérisaient par le monopartisme (notons que certains États du bloc socialiste toléraient un multipartisme de façade RDA, Pologne ou Hongrie). Dans ces États, un seul parti, en l’occurrence le parti communiste, quoiqu’il ne portât pas toujours ce nom, était la véritable structure dirigeante calquant et dédoublant tous les niveaux de l’administration. Le rôle dirigeant du PC était la conséquence logique de la volonté d’instaurer la « dictature du prolétariat » dont le PC était en théorie — l’émanation.

3. Souveraineté et non-ingérence. L‘État est souverain sur son territoire, autrement dit : il

3. Souveraineté et non-ingérence. L‘État est souverain sur son territoire, autrement dit : il est indépendant, littéralement il n’est subordonné à aucun autre pouvoir. Néanmoins, l’indépendance totale est un leurre, ainsi les États-unis, archétypes de l’ hyperpuissance , doivent-ils composer avec la communauté internationale. La souveraineté est d’abord un principe juridique admis par la communauté internationale. L’article 2 de la Charte des Nations unies garantit le principe de l’égale souveraineté des États membres et son corollaire la non- intervention dans les affaires intérieures de ces États. Ces concepts sont caractéristiques des relations internationales depuis les traités de Westphalie (1648). Mais la souveraineté n’est pas qu’une question juridique, elle est aussi une affaire de moyens une « capacité » (Jackson, 1999). Certains États ont ainsi une marge de manoeuvre plus grande que d’autres (G 7, membres permanents du conseil de sécurité de l’O. N. U)

4. L’espace du pouvoir La souveraineté de l’État est limitée géographiquement puisque son pouvoir

4. L’espace du pouvoir La souveraineté de l’État est limitée géographiquement puisque son pouvoir s’étend théoriquement sur son territoire et s’arrête à ses frontières internationalement reconnues. Les frontières forment ainsi un élément fondamental du maillage juridique planétaire. Cependant, si l’on considère la souveraineté comme une capacité, on s’aperçoit que les frontières ne sont pas des bornes ultimes et intangibles. L’État agit éventuellement au-delà de ses frontières, ou dans certains cas (les « quasi-Etats » ) il agit en deçà, c’est-à-dire qu’il ne contrôle même pas l’ensemble de son territoire. L’État peut agir au-delà de son territoire d’une manière légale, mais aussi et de manière moins visible par le biais de son « influence » (notion de zone d’influence). L’État peut agir légalement sur le territoire d’autres États non comme acteur souverain mais comme acteur tout court par le biais d’accords bi- (ou multi-) latéraux. Ainsi, la France assure la « sécurité » d’autres États dans un cadre juridiquement reconnu.

L’influence d’un État peut être mondiale, par le biais de l’ONU par exemple. Les

L’influence d’un État peut être mondiale, par le biais de l’ONU par exemple. Les membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU ont ainsi une influence d’ordre mondiale. Ainsi, la capacité à influer sur les 0. I. G est-elle une marque significative de la puissance des États contemporains. On peut considérer que les États sont forts ou faibles, stables ou instables, disposent d’un « rayonnement » mondial, régional (zonal), national ou sont sans pouvoir réel (États « fantoches » ou satellites). Autant d’éléments d’une géographie de la puissance (cf. Il. chap. 3, La puissance).

B. L’armée n’est pas, en théorie, un acteur indépendant. Elle exerce, avec la police

B. L’armée n’est pas, en théorie, un acteur indépendant. Elle exerce, avec la police ou la gendarmerie, si les deux structures se distinguent, la « violence légitime » reconnue à l’État par le droit international. Néanmoins, dans les États non démocratiques, l’armée est souvent un acteur autonome, concurrent des institutions civiles, si elle ne les supplante pas totalement. 1. L’armée en tant qu’acteur autonome Dans de nombreux États, l’armée joue un rôle qui va au-delà de ses prérogatives théoriques que sont la défense du territoire et, éventuellement, le maintien de l’ordre en cas de troubles graves. Elle tend à devenir un acteur politique à part entière voir même dominant. L’armée agissant de manière autonome est une situation plus fréquente dans de nombreux États récemment indépendants (cohésion nationale médiocre). Ces paramètres se rencontrent surtout en Afrique et en Asie. En Amérique latine, après avoir longtemps joué un rôle déterminant, l’armée s’est retirée du devant de la scène politique.

2. L’armée en tant qu’acteur central Dans les États en voie de développement, l’armée

2. L’armée en tant qu’acteur central Dans les États en voie de développement, l’armée est souvent l’acteur le plus puissant. Les chefs d’État sont souvent issus des rangs de l’armée. Ils sont aussi fréquemment renversés par d’autres militaires. On désigne par junte (de l’espagnol junto: ensemble) les directoires politiques formés de militaires. Le rôle dominant des militaires illustre les carences de la démocratie, la fragilité de la « société civile » . Éventuellement, les militaires pallient au manque de conscience nationale dans des États très hétérogènes. Dans presque tous les États nés d’une guerre (civile ou de décolonisation), l’armée tend à conserver un rôle central : Algérie, Pakistan, Viêtnam, Indonésie, Chine populaire, etc. Les transitions démocratiques sont des processus dans lesquels le pouvoir passe de la dictature à la démocratie. La fin d’un régime militaire est ainsi un cas de processus démocratique.

L’Argentine, exemple de transition démocratique Après la Seconde Guerre mondiale, l’Argentine a été marquée

L’Argentine, exemple de transition démocratique Après la Seconde Guerre mondiale, l’Argentine a été marquée par l’alternance de régimes civils et militaires. Ainsi, le régime du président Perón a été renversé en 1955 par un coup d’État militaire. Peron est finalement revenu au pouvoir en 1973, avant de mourir l’année suivante, laissant le pays dans une situation d’instabilité politique. Les militaires reprirent le pouvoir en 1976 tentant de mettre un terme à cette instabilité. La junte était cependant dépourvue de projet politique, elle fit régner une terreur politique (contre les forces de gauche) qui fit plus de 10000 morts et disparus. Cherchant à mobiliser leur opinion publique, les militaires argentins tentèrent d’annexer l’archipel des Malouines (sous souveraineté britannique) au large des côtes de la Patagonie. L’occupation de cet archipel fut suivie d’une guerre (avril à juin 1982) perdue par l’armée argentine. La dictature ne survécut pas plus à cette déroute qu’à la désastreuse situation économique du pays (bien que. . . l’union soviétique achetât en masse ses céréales). L’élection du président Alfonsin en 1983 scella le retour des civils au pouvoir. Malgré quelques tentatives de rébellion, la transition démocratique s’est depuis consolidée.

C. Les Eglises. Chaque Église est liée à une religion Le but des Églises,

C. Les Eglises. Chaque Église est liée à une religion Le but des Églises, leur raison d’être, est le domaine spirituel, néanmoins, elles ne sont certainement pas indifférentes à la « marche du monde » et cherchent même souvent à la canaliser. Les Églises réunissent généralement des personnes de toutes origines sociales et tendent à favoriser le statu quo social et politique. Cette présentation conservatrice, en tant qu’acteur stabilisant la situation géopolitique, est certainement valable dans l’Europe du début du XX siècle, mais n’est pas généralisable. Les Églises peuvent aussi être des acteurs déstabilisants, contestataires. 1. Organisation des Églises. Les Églises ont des modes d’organisation extrêmement variés. Ce sont des organisations plus ou moins strictement hiérarchisées à l’intérieur desquelles on peut distinguer, derrière un dirigeant ou un conseil dirigeant (équivalent d’un gouvernement), le clergé (structure comparable à une administration) et des fidèles.

* Les autorités Certaines Églises disposent d’un chef unique, mais ce cas est relativement

* Les autorités Certaines Églises disposent d’un chef unique, mais ce cas est relativement rare, d’autres d’un directoire. L’Église catholique est une structure hiérarchisée et centralisée soumise à l’autorité d’un chef unique le pape. Les Églises orthodoxes ne sont pas soumises à l’autorité d’un pape unique, mais sont sous l’autorité de plusieurs patriarches. Elles sont « autocéphales » c’est-à-dire indépendantes les unes des autres quoique, la plupart du temps, organiquement liées à un État de référence. Les patriarches de Constantinople et de Moscou ont certes plus d’influence, ou une influence théorique, mais les patriarches nationaux ne leur rendent pas nécessairement de compte. L’islam ne compte pas de chef unique, mais plusieurs autorités, personnalités de référence. Le grand imam de l’université religieuse d’Al-Azhar au Caire, fondée en 973, est de celles-ci. Les docteurs de la loi sunnite les ulémas (singulier âlim) jouent un rôle d’encadrement variable.

Les musulmans chiites sont organisés de manière très hiérarchisée et sont tenus de respecter

Les musulmans chiites sont organisés de manière très hiérarchisée et sont tenus de respecter l’autorité des imams. Les plus nombreux (les chiites duodécimains) comptent un clergé hiérarchisé de manière précise dominé par les grands ayatollahs puis des ayatollahs (rnoudjtahib en arabe) et enfin des mollahs. Les « sectes » bouddhistes sont, elles aussi, hiérarchisées entre dirigeants et clergé. Les castes hindoues induisent elles aussi une stricte hiérarchie de la population qui va bien au-delà d’une simple dichotomie entre un clergé et le reste de la population. * Le clergé est formé par l’ensemble des ecclésiastiques, clergé régulier, appartenant à un ordre religieux (moines), ou séculier, mélangé à la population (prêtres, pasteurs, ulémas). Ce clergé se distingue par des traits spécifiques Il forme une caste à part dans l’hindouisme, dans la plupart des sociétés et des États. li joue un rôle social, culturel et politique important. Il joue un rôle mobilisateur et d’encadrement auprès de la société et peut être utilisé à des fins géopolitiques pour certaines causes à la fois nationales et religieuses.

* Les fidèles (de fides, foi en latin) sont tous ceux qui suivent les

* Les fidèles (de fides, foi en latin) sont tous ceux qui suivent les règles de l’Église et sont soumis à l’autorité du clergé. Le degré de pratique détermine souvent un degré de mobilisation des fidèles. Une pratique élevée renforce l’emprise du clergé sur les fidèles et la capacité d’action de la religion en question. La secte bouddhiste zen était ainsi le fer de lance de la mobilisation nationale dans le Japon des années 1930 -1940. * Les sectes La secte désigne un groupe de personnes qui partagent la même doctrine, la même vision, au sein d’une religion. Cependant, le terme possède, en français, une connotation clairement péjorative. Le fonctionnement des sectes est extrêmement variable, des plus tolérantes aux plus rigides, des plus transparentes aux plus opaques et autoritaires. Les membres des sectes sont censés se caractériser par leur « sectarisme » (dogmatisme), elles n’ont cependant pas le monopole du « sectarisme » . Beaucoup d’autres organisations (partis politiques) sont aussi « sectaires » ou intolérantes. . .

2. Liens constitutionnels et juridiques entre Église et État étaient confondus presque universellement au

2. Liens constitutionnels et juridiques entre Église et État étaient confondus presque universellement au Moyen ge et le restent encore très souvent. C’est évidemment le cas dans une théocratie (monarchie de droit divin) et dans les régimes confessionnaux ou cléricaux. Les régimes cléricaux proclament soit une religion d’État, soit une (ou des) religion(s) officielle(s). * La religion d’État est protégée par la Constitution, le président (ou le souverain) doit y appartenir, mais aussi le cas échéant les fonctionnaires. Une religion d’État implique souvent l’existence d’une Église nationale relais du pouvoir * La notion de religion officielle est moins contraignante. Une religion officielle est reconnue par l’État qui garantit son libre exercice, cela peut être le cas dans un État laïc. La notion d’Église officielle institue une différenciation entre des Églises reconnues et des Églises sans existence légale.

Les États cléricaux les plus nombreux sont chrétiens ou musulmans, mais on en compte

Les États cléricaux les plus nombreux sont chrétiens ou musulmans, mais on en compte de toutes religions. Les États cléricaux chrétiens: les États où le catholicisme est religion d’État sont au moins 17 le Vatican bien sûr, mais aussi (par ordre alphabétique) L’Argentine, la Belgique, la Bolivie, le Chili, la Colombie, le Costa Rica, l’Eire, l’Equateur, l’Espagne, le Guatemala, l’Italie, le Nicaragua, le Panama, le Pérou, le San Salvador et le Venezuela, sont des États officiellement catholiques. La Grèce est un État orthodoxe. Les États scandinaves Danemark, Finlande, lslande et Norvège (mais plus la Suède depuis 2001) sont de jure des États luthériens. Le Royaume-Uni dispose d’un système assez complexe puisque l’Angleterre et le Pays de Galles disposent d’une Église d’État (anglicane), et l’Écosse d’une autre (calviniste). Le souverain britannique est chef de l’Église anglicane. Les États cléricaux musulmans : cet ensemble concerne presque tous les États ayant une population à majorité musulmane, où l’islam est religion d’État Le Liban est un Etat clérical multiconfessionnel à la fois musulman, chrétien et druze (il ignore par exemple la notion de mariage civil).

Certains États musulmans peuvent être considérés comme « islamiques dans la mesure où la

Certains États musulmans peuvent être considérés comme « islamiques dans la mesure où la charia (loi coranique) tient lieu de constitution. Ces États sont moins nombreux, puisqu’ils ne sont que 4 Arabie Saoudite, Iran, Pakistan et Soudan. Les autres États cléricaux sont lsraël (juif) ; Népal (hindouiste) ; Birmanie, Bhoutan, Kalmoukie (qui n’est pas indépendante mais une des entités constitutive de la fédération de Russie) et Thaïlande (bouddhistes). L’oppression des minorités religieuses (populations allothrisques) est une des conséquences possibles de l’existence d’une religion d’État. La persécution des religions est parfois considérée comme un des moyens de (tenter) renforcer l’unité nationale. * La laïcité À l’inverse de la religion d’État, la laïcité est la doctrine par laquelle la sphère du religieux est considérée comme strictement privée. Rappelons que moins d’une vingtaine d’États se réclament constitutionnellement de la laïcité. Les États strictement laïcs sont donc très minoritaires Autriche, France, Inde, Irak, Mexique, Portugal, République tchèque, Syrie, Turquie, ainsi que les derniers régimes communistes Chine populaire, Corée du Nord, Cuba et Viêtnam.

3. Le rôle géopolitique des Églises Les Églises jouent un rôle géopolitique variable, de

3. Le rôle géopolitique des Églises Les Églises jouent un rôle géopolitique variable, de concert avec l’État, ou en opposition suivant les situations. * Une « hagiogéographie » Les territoires et lieux sacrés ont une dimension de symboles socioculturels et d’enjeux géopolitiques majeurs. La vie des prophètes deux grandes religions monothéistes (Jésus-Christ et Mahomet) débouche sur une « hagiogéographie » qui transforme les territoires qu’ils ont parcourus en autant de lieux sacrés. * Le sabre et le goupillon La religion peut le cas échéant, justifier la conquête des militaires La colonisation européenne, l’expansion musulmane (djihad) peuvent être citées comme des basculements géopolitiques majeurs, fruits de l’action de ces acteurs agissant en synergie.

* Modifier le maillage politico-administratif L’Eglise orthodoxe serbe a ainsi joué un grand rôle

* Modifier le maillage politico-administratif L’Eglise orthodoxe serbe a ainsi joué un grand rôle dans la récupération du Kosovo par la Serbie en 1912. L’église catholique a été un des moteurs, et partie prenante, de la colonisation occidentale depuis la fin du XVe siècle. C’est pour gagner des ouailles que l’Église catholique romaine a soutenu et arbitré les projets espagnols et portugais (bulle de Tordesillas) ou français (en Afrique notamment).

II. Les nouveaux acteurs. A. Les partis politiques. L’existence de partis politiques implique un

II. Les nouveaux acteurs. A. Les partis politiques. L’existence de partis politiques implique un régime démocratique. L’extension de la démocratie est donc un événement géopolitique majeur qui caractérise le XXe siècle. 1. Le processus de démocratisation dans le monde L’Europe et les États-Unis ont amorcé le processus de démocratisation du monde. Cependant, durant l’entre-deux-guerres par exemple, les démocraties étaient encore minoritaires face aux dictatures. Après 1945, tous les États d’Europe occidentale sont devenus démocratiques à l’exception de la Grèce et des États ibériques (fin de la dictature des colonels en Grèce en 1974, révolution des oeillets au Portugal en 1975, mort de Franco en Espagne en 1977). La démocratisation de l’Europe de l’Est n’a débuté qu’à la faveur de la disparition du « bloc soviétique » en 1989.

En Amérique latine, la démocratisation s’est réalisée lentement. En Asie, les États démocratiques sont

En Amérique latine, la démocratisation s’est réalisée lentement. En Asie, les États démocratiques sont encore minoritaires : l’Inde est depuis son indépendance, la plus grande démocratie du monde. L’ASEAN s’est globalement démocratisée les Philippines après la chute de Marcos, et la victoire de Corazon Aquino (1986), en Indonésie à partir de la chute de Suharto (mai 1998), les processus de démocratisation se déroulent aussi à Taiwan, en Corée du Sud, etc. Au Proche-Orient, la démocratie est exceptionnelle : Turquie, Israël, Liban (partiellement) 2. Partis politiques : typologie. Un parti politique est un rassemblement de citoyens qui se propose, par le biais de son soutien populaire (électorat), d’exercer le pouvoir. Cet objectif suppose l’existence d’une structure permanente, de candidats relevant de cette structure et d’un programme de gouvernement.

On peut esquisser une demi-douzaine de grandes tendances : - Les partis agrariens sont

On peut esquisser une demi-douzaine de grandes tendances : - Les partis agrariens sont liés aux populations rurales et plus souvent aux paysans. - Les partis écologistes contemporains ont, eux, plus souvent une implantation urbaine - Les partis libéraux (au sens français du terme) sont plutôt liés aux intérêts des entrepreneurs. - Les partis socialistes (et plus encore communistes) étaient traditionnellement les défenseurs des intérêts de la classe ouvrière. La diminution de cette classe sociale a abouti à ce que les partis socialistes représentent de plus en plus les intérêts des classes moyennes. - Des partis politiques ont parfois une dimension religieuse, ce sont des partis confessionnaux. Dans les régions de tradition chrétienne, les partis dits « chrétiens » (chrétiens démocrates en Allemagne, chrétiens-sociaux au Benelux, etc. ) jouent un rôle fondamental de même que les partis islamistes dans les régions musulmanes. Dans toutes les régions du monde de tels partis confessionnaux existent.

* Partis politiques et projets géopolitiques Les partis politiques ont, en général, un ou

* Partis politiques et projets géopolitiques Les partis politiques ont, en général, un ou des projets géopolitiques, qu’ils concernent le territoire lui-même (ses frontières) ou la gestion administrative du territoire. En ce qui concerne les frontières, on peut déterminer des projets, ou programmes, visant au statu quo, au séparatisme, au sécessionnisme etc… * Les partis « ethniques » Les partis politiques ethniques représentent des groupes socioculturels liés à un « peuple » . Là encore les projets sont très variables mais toujours en faveur du peuple qu’il représente. * Les partis nationalistes Au sens littéral, ces partis politiques expriment la volonté d’une Nation (entendue comme une forme de « peuple » ) mais on utilise souvent ce terme pour désigner les partis qui ont une vision « nationale » , propre à un État. En général, les partis nationalistes sont favorables, à la centralisation, ils représentent souvent la voix des majorités dans les États qu’ils représentant et s’opposent aux tendances centrifuges qu’incarnent les partis régionalistes, séparatistes ou indépendantistes.

D’un point de vue territorial, les partis politiques ultranationalistes développent souvent des représentations maximalistes.

D’un point de vue territorial, les partis politiques ultranationalistes développent souvent des représentations maximalistes. Dans de nombreux États (et presque tous les États européens) il existe des partis ultranationalistes développant des représentations territoriales maximalistes grande Serbie, grande Croatie, grande Albanie, grande Bulgarie, etc. pour ne citer que les représentations territoriales concernant les Balkans. * Les partis régionalistes Ils expriment les opinions des habitants d’une région. Le parti régionaliste peut être lié à un « peuple » , mais il peut aussi représenter deux peuples sur un même territoire, si la représentation territoriale l’emporte sur les représentations ethniques. Dans certains États, en général centralisés et de faible niveau démocratique, les partis ethniques et/ou régionalistes sont interdits( Turquie depuis les années 1920, mais aussi en Géorgie août 1995). Ces États craignent les sécessions et l’éclatement de leur territoire. Un parti régionaliste est souvent autonomiste ou favorable à la décentralisation.

* Les partis fédéralistes Ces partis se basent sur un projet géopolitique intégrateur, visant

* Les partis fédéralistes Ces partis se basent sur un projet géopolitique intégrateur, visant à surmonter les clivages et barrières nationales ou socioculturelles. Ils ont pour objectif l’intégration régionale (continentale) voir mondiale, et le dépassement du cadre étatique traditionnel. Les partis fédéralistes participent de l’effacement des frontières et des clivages séparant les peuples.

3. La géographie électorale Le bon découpage électoral n’existe pas dans la mesure où

3. La géographie électorale Le bon découpage électoral n’existe pas dans la mesure où il s’oppose toujours aux intérêts d’une catégorie de la population. Certains découpages empêchent un parti politique de devenir majoritaire, ou limitent au maximum l’espace où il est majoritaire. Ainsi, le découpage électoral soutient ou entrave le développement politique. Le charcutage électoral n’est cependant pas une science exacte (comme la géopolitique en général), les électeurs restent maître du jeu…

B. Les groupes armés 1. Les différents types d’acteurs armés Les groupes armés ou

B. Les groupes armés 1. Les différents types d’acteurs armés Les groupes armés ou guérillas sont les acteurs de conflits de basse intensité et, si elles sont structurées comme de véritables armées, de haute intensité. * Les groupes armés, versant militaire de partis politiques Un certain nombre d’organisations ou partis politiques disposent d’un versant militaire, plus ou moins clandestin et (si l’État est démocratique) d’un versant civil constitué par un parti politique. Tel est le cas au Pays basque ou en Irlande du Nord. * Les groupes armés contre les partis politiques Les groupes armés peuvent résulter de scissions parmi les représentants d’un peuple. Les tenants d’une « ligne dure » , favorables à une confrontation militaire, peuvent se distinguer des tenants d’une ligne politique. Dans ce cas, les groupes armés n’ont pas de lien organique avec un parti politique et surtout peuvent même s’y opposer. Le Kosovo illustre assez bien cette situation.

Au Kosovo Pendant plusieurs années, au moins de 1989 à 1997, les représentants des

Au Kosovo Pendant plusieurs années, au moins de 1989 à 1997, les représentants des Albanais du Kosovo étaient regroupés dans l’union démocratique du Kosovo (UDK) dirigée par Ibrahim Rugova. Celui-ci avait privilégié une ligne non violente face au pouvoir serbe. Déçus des fruits de cette politique, de nombreux Albanais du Kosovo se sont lancés dans la guérilla. Ainsi, a été formée l’armée de libération du Kosovo. La première apparition publique de guérilleros remonte à novembre 1997, mais dès 1995 des coups de mains armés étaient signalés. Au début de l’année 1999, l’UCK revendiquait 30000 combattants et contrôlait l’essentiel des campagnes, hors des grands axes routiers. Après la prise de contrôle par les forces de l’OTAN du territoire kosovar, I’UCK a été officiellement démantelée le 19 septembre 1999. Elle reste néanmoins «réactivable » et perdure comme parti politique et, vraisemblablement, comme structure clandestine armée.

* Les milices. Le mot milice (du latin militia service militaire) désignait à l’origine

* Les milices. Le mot milice (du latin militia service militaire) désignait à l’origine des troupes levées par les communes pour renforcer l’armée régulière. Le sens actuel désigne par « milice » tout groupe armé et organisé par une entité autre que l’État. Ce peuvent être des partis politiques (comme au Liban entre 1975 et 1990), ou des groupes ethniques, confessionnaux ou sociaux qui décident de s’organiser militairement. Les milices peuvent appuyer l’armée régulière dans les États qui ne disposent que d’une modeste armée permanente. Elles peuvent aussi s’y opposer. Les milices se développent avec l’insécurité. * Armées privées, seigneurs de guerre Les seigneurs de la guerre (warlords) ont régné en Chine au début du XXe siècle. On peut considérer comme tels certains acteurs des guerres civiles du XXe siècle (Liban, Afghanistan) ou des chefs de gangs menant des guerres urbaines larvées (Los Angeles). L’Afrique est largement concernée par ce phénomène. Au Liberia, Charles Taylor et ses hommes ont contrôlé l’essentiel du pays après leur soulèvement en 1989.

* Les mercenaires. De plus en plus d’États n’ont guère d’armée mais font appel

* Les mercenaires. De plus en plus d’États n’ont guère d’armée mais font appel ponctuellement à des sociétés privées spécialisées dans le mercenariat (Executive Outcomes ou Sandline International parmi les plus connues). Ces armées privées, formées le plus souvent d’anciens membres des services secrets ou d’anciens militaires au chômage après un conflit, se mettent au service d’acteurs qui y mettent le prix… Le caractère belligène de ces acteurs paraît incontestable. 2. Le terreau socio-économique des groupes armés. L’existence de groupes armés, ou de guérillas, résulte souvent de situations apparemment sans issue, aussi bien sur le plan politique qu’économique. D’un point de vue politique, l’éclosion de groupes armés est éventuellement la conséquence de situations paroxystiques comme une occupation armée (on pense à la France durant la Seconde Guerre mondiale). Sinon, l’existence de groupes armés reflète généralement un déficit démocratique.

D’un point de vue économique, on considère souvent le terrorisme comme une conséquence de

D’un point de vue économique, on considère souvent le terrorisme comme une conséquence de la pauvreté. Ces mouvements armés, qu’ils se développent en milieux ruraux ou urbains, ont effectivement souvent une base sociale pauvre, économiquement marginalisée dans les campagnes, déracinée dans les villes où elles se sont installées à la suite de l’exode rural. La paupérisation croissante de la population mondiale rend effectivement les postures violentes de plus en plus fréquentes (territoires « libanisés » , « zones grises incontrôlées, mégalopoles ultraviolentes). Cependant, le râle de la pauvreté trouve aussi ses limites. Ainsi, les dirigeants des guérillas ont souvent une certaine instruction, ce sont même souvent des membres potentiels des classes dirigeantes dont l’ascension dans la hiérarchie sociale ou administrative se trouve bloquée. Intellectuels frustrés qui — comme Pol Pot dirigeant des khmers rouges (Cambodge) qui fut instituteur — se lancent dans la déstabilisation de leur pays ou d’États voisins. Dans certains cas (attentats du 11 septembre 2001 aux États-unis), on s’aperçoit que les terroristes sont parfaitement intégrés à la société.

3. Logiques commerciales des mouvements armés La guérilla coûte cher, c’est pourquoi la survie

3. Logiques commerciales des mouvements armés La guérilla coûte cher, c’est pourquoi la survie des groupes armés passe généralement par la mise en place de logiques commerciales et financières ayant pour but d’assurer la pérennité du mouvement L’impôt révolutionnaire qui n’est qu’une forme de racket est une première forme de logique financière. L’entrée des mouvements armés dans la logique commerciale a de nombreuses conséquences. Tout d’abord, leur position d’acteur militaire les conduit à privilégier dans le domaine économique les activités illégales et criminelles(drogue, trafic d’armes etc. …), car ils sont à même d’y faire valoir leurs avantages comparatifs. Les liens unissant les mouvements armés et les mafias sont donc évidents, cependant ils ne sont que conjoncturels, en effet « la logique mafieuse reste le profit; la logique des guérillas reste le pouvoir.

C. Acteurs économiques et médiatiques. 1. Les entreprises vouées à l’exploitation des ressources naturelles

C. Acteurs économiques et médiatiques. 1. Les entreprises vouées à l’exploitation des ressources naturelles ou à la fabrication de produits finis sont souvent les plus concernées par les problèmes géopolitiques dans la mesure où elles appuient leur activité sur le territoire. A l’inverse, les firmes et entreprises plus spécifiquement financières (banques, assurances, etc. ) sont beaucoup plus déconnectées des contraintes territoriales et raisonnent moins en termes de territoire. Dans beaucoup de pays, l’extraction des richesses naturelles est assurée par des compagnies nationales. Ainsi, Petrobras au Brésil a le monopole de l’exploitation pétrolière. Des compagnies privées peuvent concurrencer des compagnies nationalisées (d’Etat) ou se partager l’ensemble des richesses. Les contrats miniers définissent les droits et contraintes de l’Etat et des compagnies dans l’exploitation des richesses et induisent une compétition territoriale entre acteurs. Dans une concession, l’Etat n’exerce qu’un contrôle indirect se contentant en général d’encaisser des recettes sur l’exploitation du territoire concerné.

* Implication directe. On sait que l’United Fruit a joué un rôle politique énorme

* Implication directe. On sait que l’United Fruit a joué un rôle politique énorme en Amérique latine en s’associant étroitement au pouvoir en place pour conserver ses avantages ou pour renverser les gouvernements si ceux-ci remettent leur position en question. Les firmes pétrolières ont souvent joué un rôle de cet ordre dans les pays producteurs de pétrole, que ce soit en s’opposant à l’État ou en le soutenant face à ses adversaires. * Implication indirecte. Elle résulte par exemple de l’appui de groupes financiers aux médias afin de créer ou modifier des représentations territoriales. Les acteurs économiques utilisent leur potentiel financier. Dans l’Amérique des années 1960, il existait ainsi un lobby pro-guerre du Viêtnam, afin que le gouvernement américain se lance dans ce conflit pour passer commande auprès de grands groupes militaroindustriels. Les entreprises liées aux lobbies militaro-industriels sont évidemment des acteurs économiques tout désignés.

* La puissance des multinationales Les grandes firmes multinationales sont des acteurs majeurs des

* La puissance des multinationales Les grandes firmes multinationales sont des acteurs majeurs des relations internationales qui réalisent environ 50 % du commerce mondial de marchandises. Elles sont essentiellement originaires du Nord (32 % des États-unis, 31 % d’Europe, 25 % du Japon, le reste de Suisse, du Canada, d’Amérique latine et d’Extrême-Orient principalement). Les multinationales sont aussi puissantes que beaucoup d’États (la comparaison entre le budget de certains États et le chiffre d’affaire de certaines multinationales est de ce point de vue révélateur). Mais peut-on les considérer comme opposés aux États en général, ou à certains États Les liens entre multinationales et leur pays d’origine sont variables mais suffisamment forts pour faire craindre qu’elles ne soient les précurseurs d’un impérialisme. Cependant, « depuis les années 1980, ce sont plutôt les pays d’origine des multinationales qui expriment des craintes; les investissements à l’étranger représentent des pertes d’emplois nationaux et des transferts de technologie en faveur des pays d’accueil » (Sachwald, 2000).

2. Les médias ne se sont imposés que récemment en tant qu’acteur, mais ils

2. Les médias ne se sont imposés que récemment en tant qu’acteur, mais ils n’en sont pas moins puissants. Ainsi, on a développé la notion de quatrième pouvoir qui vient concurrencer et remettre en cause es trois pouvoirs classiques décrits par Montesquieu. Les médias sont rarement des acteurs indépendants, ils sont au contraire souvent contrôlés par un autre acteur en général économique (groupes industriel ou financier) ou politique (Etat ou parti). Le niveau de liberté d’expression offert par l’État est un paramètre important. Certains États offrent une grande liberté aux médias, d’autres restreignent le plus possible leur activité ou tentent de la contrôler. Cependant, la diffusion de programmes télévisés par le satellite diminue la capacité de contrôle des Etats sur les médias. Rares sont les territoires où l’on ne capte pas de canaux étrangers. L’information (ou les images de l’information) est mondiale, transnationale, et ne peut être contenue ni par des frontières, ni par des pôles effectuant un rôle de triage sur les réseaux. De ce fait, et suivant les cas, les médias sont autant le support de la propagande des Etats que des contradicteurs.

Médias et révolutions Le rôle géopolitique des médias a bien été souligné lors des

Médias et révolutions Le rôle géopolitique des médias a bien été souligné lors des révolutions qui ont mis bas le bloc soviétique en 1989. En mettant en évidence les carences des régimes socialistes et en faisant miroiter les avantages matériels (mais aussi politiques) des démocraties occidentales, les télévisions ont grandement contribué à la déstabilisation des régimes communistes. On peut par exemple souligner le rôle de la télévision ouestallemande sur la révolution en RDA ou le rôle de la télévision hongroise (beaucoup plus libérale dès 1986 que celle de ses voisins socialistes) sur le soulèvement de Timisoara, ville roumaine proche de la frontière hongroise où la télévision magyare était beaucoup regardée. C’était aussi le cas de la télévision finlandaise en Estonie, pays où les mutations post-soviétiques ont avancé rapidement. L’Estonie a ainsi longtemps été (ce n’est pas non plus le seul facteur d’explication) la seule des anciennes républiques soviétiques, retenue par l’UE pour la première vague d’adhésion. Le pouvoir de nuisance des chaînes de télévision est tel que certains États ont interdit les antennes paraboliques (Roumanie socialiste, Iran, Afghanistan des talibans).

On peut aussi rappeler que le génocide rwandais a été facilité par les médias

On peut aussi rappeler que le génocide rwandais a été facilité par les médias racistes liés au pouvoir hutu. La radio des Mille Collines a appelé, en 1994, au massacre des Tutsis et des opposants hutus (J. -P. Chrétien & Reporters sans frontières, 1995). À l’inverse du rôle déstabilisent que l’on peut prêter dans certains cas aux médias, les analystes politiques soulignent le rôle stabilisateur qu’ils peuvent avoir. On peut ainsi se demander, de manière provocatrice, si une population qui regarde beaucoup la télévision est encore susceptible de s’ériger en acteur contestataire

III. Les peuples. A. Typologie des peuples. On peut génériquement appeler « peuple »

III. Les peuples. A. Typologie des peuples. On peut génériquement appeler « peuple » tout groupe humain distinct d’un point de vue socioculturel et qui joue le rôle d’acteur en géopolitique. Sous cette appellation, on peut donc regrouper des ensembles de natures très différentes. 1. L’ethnie Le concept d’ ethnie (du grec ethnos: peuple ou Nation) est, comme le souligne son étymologie, très proche, sinon identique à celui de peuple. Ainsi, Jean-Michel Hoerner (1996, p. 44) citant S. Brouk, rappelle que: « les ethnies sont une forme particulière de communauté sociale, dont les caractères sont les suivants langue et territoire uniques, culture et mode de vie similaires, communautés du destin historique et, dans certains cas, appartenance à un même État » .

2. La race. La notion de « race » , très en vogue avant

2. La race. La notion de « race » , très en vogue avant la Seconde Guerre mondiale, est tombée en désuétude après les errements nazis obsédés par ce concept central dans leurs représentations. Les nazis ont poussé le plus loin cette notion de race en développant l’anthropométrie, science du corps humain, basée sur la mesure systématique des crânes, des mâchoires, etc. Les nazis tentèrent d’imposer le concept de race supérieure « dolichocéphale nordique » notamment par rapport aux « brachycéphales noirs » , soit une hiérarchisation des races. L’approche génétique a montré l’inanité de ces classements. Ainsi, la notion de race ne paraît pas recevable d’un point de vue scientifique. Certains États ont néanmoins reconnu les races de manière juridique: l’Allemagne nazie, lois raciales dites «lois de Nuremberg» , 1935 et Afrique du Sud, apartheid Ces phénomènes de ségrégation légale induisent une opposition sinon, éventuellement, des affrontements entre les groupes désignés. Ils ne sont donc pas sans conséquences géopolitiques.

3. La Nation. Le concept de Nation apparaît de toute évidence comme une idée

3. La Nation. Le concept de Nation apparaît de toute évidence comme une idée politique plus que géopolitique. Elle donne une raison d’être à un État, elle le légitime. D’un point de vue géopolitique, une Natjon pourrait se définir ad minima comme un peuple ayant formulé un projet géopolitique : un État réel ou rêvé, doté d’un territoire et d’une capitale, ainsi la Nation se distinguerait du peuple entité qui n’a pas de projet géopolitique clair au delà de la conscience de sa propre existence. En tout cas, le caractère « national » de bien des États paraît tout à fait discutable. Ce qui fonde la Nation, c’est le désir de vivre ensemble. Si l’aspect spontané (notamment d’un point de vue linguistique) est généralement indubitable, les Nations apparaissent plus souvent comme des constructions, liées à des acteurs et à des projets (géo)politiques. L’ambiguïté du terme « national » est évidente. Le membre d’une minorité nationale (groupe doté d’autres caractères socioculturels que la Nation dominante) est citoyen d’un Etat, mais pas membre de la Nation dominante.

4. Tribus, clans, castes et gangs Le vocabulaire offre une grande variété de termes

4. Tribus, clans, castes et gangs Le vocabulaire offre une grande variété de termes pour définir ces groupes souvent numériquement peu nombreux mais éventuellement influents et importants pour comprendre la manière dont une société est structurée. * Les tribus. Elles sont des regroupements d’individus, de taille souvent modeste, marqués par une culture commune (langue, religion) et souvent un territoire ancestral. Cette structure sociale archaïque existe souvent dans les sociétés d’éleveurs nomades et de paysans. La notion de « tribus urbaines » ne paraît pas inintéressante pour autant. Il existe plusieurs types de tribus. Elles sont souvent unies par une ascendance unique, plus ou moins mythique, la tribu est alors formée des « fils de » (Ait en berbère, Ibn en arabe, Ben en hébreu).

* Les clans. Ils sont des regroupements de taille encore plus modeste qui peuvent

* Les clans. Ils sont des regroupements de taille encore plus modeste qui peuvent souvent se rapprocher de familles élargies. A l’origine, il s’agissait d’un groupement social irlandais (du gaélique c!ann, descendant). Le clan constitue souvent une fraction du groupe tribal. On retrouve ce type de regroupement dans de nombreuses sociétés. C’est le cas dans le monde arabe, où un bon exemple nous en est fourni, entre autres, par le clan des Hachémites (le clan des gardiens des lieux saints) actuellement en Jordanie et dépossédés de leur rôle par les Saoud.

* Les castes Ce mot d’origine portugaise désigne un regroupement d’individus à l’intérieur de

* Les castes Ce mot d’origine portugaise désigne un regroupement d’individus à l’intérieur de la société (donc une subdivision des peuples, mais pas des Nations, l’idée de Nation, ensemble intégrateur paraît antinomique avec ce type de clivage). Il s’agit d’un sous-ensemble distinct socialement mais pas d’un point de vue culturel (linguistique par exemple). Une caste est donc presque synonyme de classe (ou groupe) sociale. Les membres d’une même caste développent une approche identique de la société et sont liés par un esprit de solidarité. Dans certaines sociétés, les castes jouent un rôle organisationnel fondamental. Ce fut le cas en Europe à l’époque de l’Ancien Régime (noblesse, clergé). C’est encore le cas aujourd’hui en Asie, en Inde, ou dans le monde bouddhique (Japon).

* Les gangs. Dans les grandes métropoles multimillionnaires, les gangs apparaissent comme des formes

* Les gangs. Dans les grandes métropoles multimillionnaires, les gangs apparaissent comme des formes modernes de tribus ou de castes. Ils se caractérisent par une forte solidarité, venant compenser la dilution éventuelle des liens familiaux, ethniques ou sociaux. Les gangs se caractérisent aussi par leur territoire (quartiers) souvent délimité par des tags (inscriptions murales ayant valeur de bornes frontalières). Les gangs sont des acteurs incontournables de la vie des mégalopoles, et sont en lutte permanente entre eux, esquissant un découpage plus ou moins invisible de la cité. La transformation des gangs en groupes paramilitaires est une évolution possible en cas de conflit (Sarajevo de 1992 à 1995).

5. Les minorités. On peut établir une typologie des groupes minoritaires suivant leur situation

5. Les minorités. On peut établir une typologie des groupes minoritaires suivant leur situation géopolitique. On distingue quatre postures géopolitiques fondamentales: — Une minorité vit sur le territoire d’un seul État et ne dispose pas d’un État de référence. Dans cette situation, on trouve les Coptes en Égypte, les Sorabes en Allemagne (population slavophone de Lusace, à l’est du pays); les Alaouites en Syrie ; les Bretons en France, etc. Du fait de l’absence de relais à l’extérieur, cette situation paraît plus favorable à l’assimilation au groupe dominant. — Une minorité vit sur le territoire de plusieurs États et ne dispose pas non plus d’un État de référence. Dans cette situation, on trouve, entre autres, les Kurdes du Proche-Orient, les Inuits, les Tsiganes qui sont en situation minoritaire sur le territoire d’une trentaine d’États au moins, les Basques et les Catalans (Espagne et France) ; les Peuls en Afrique occidentale, etc. C’est aussi la situation de beaucoup de peuples amérindiens en Amérique latine (Guaranis). Dans ces deux premières postures, des acteurs nationalistes et sécessionnistes peuvent recher la création d’un État.

— Une minorité vit sur le territoire d’un seul État et dispose d’un État

— Une minorité vit sur le territoire d’un seul État et dispose d’un État de référence, souvent voisin — cité entre parenthèses. C’est la situation des Papous d’lrian jaya en Indonésie (Papouasie-Nouvelle. Guinée), des suédophones de Finlande (Suède), des Tadjiks d’Afghanistan (Tadjikistan), etc. — Une minorité vit sur le territoire de plusieurs États et dispose d’un État de référence. Tel est le cas des Chinois d’Asie du Sud-Est, mais aussi des Hongrois d’Europe centrale puisqu’un quart de la population hongroise totale vit dans les sept États limitrophes de la Hongrie La situation est à peu près comparable pour les Albanais dont au moins un tiers vit hors d’Albanie et pour les Russes dont plus de 10% vivent hors de Russie. Ces deux dernières postures géopolitiques paraissent favoriser le rattachisme des minorités et l’irrédentisme de l’État de référence. Dans le cadre de la fédération de Russie, le cas des Tatars de la Volga peut ainsi (actuellement) s’opposer à celui des Tchétchènes. La situation géographique de ces deux peuples peut expliquer leurs desiderata géopolitiques différents: les Tchétchènes, qui veulent une indépendance totale, vivent aux marges méridionales de la Russie, leur territoire est adossé à la frontière géorgienne ; les Tatars, quant à eux, ne réclament qu’une souveraineté renforcée sans vouloir faire sécession, mais cela s’explique largement parce qu’ils vivent enclavés au milieu du territoire de la fédération de Russie.

6. Les diasporas sont des populations dispersées après une phase migratoire. Elles vivent sur

6. Les diasporas sont des populations dispersées après une phase migratoire. Elles vivent sur le territoire de nombreux États. Dans une acceptation courante, on parle de diaspora pour tout groupe plus ou moins disséminé, on parle ainsi souvent de la « diaspora chinoise » de l’Asie du Sud-Est, sinon parfois de la diaspora corse » , etc. Les diasporas sont, là où elles vivent, des populations minoritaires, mais contrairement aux minorités, leur origine exogène est claire. Comme les immigrés, ce sont des groupes allogènes. Lacoste a proposé une utilisation plus restrictive du terme de diaspora en ne l’utilisant que pour désigner des groupes dont les membres vivant hors de leur territoire d’origine sont plus nombreux que ceux qui y sont restés. Cette définition serait donc recevable pour les Arméniens, les Irlandais, les Juifs, les Cap-Verdiens, ou les Palestiniens par exemple, mais pas pour les Chinois, qui sont bien plus nombreux en Chine qu’outre-mer. Les relations entre la diaspora et le pays d’origine sont complexes. Elles sont toujours sentimentales et vont du soutien politique à la mère-patrie (Arménie) à l’opposition la plus radicale au gouvernement (Chinois d’outre-mer).

7. Les populations immigrées Les populations ou communautés immigrées sont formées d’individus ayant migré

7. Les populations immigrées Les populations ou communautés immigrées sont formées d’individus ayant migré dans un autre État que celui dont ils sont originaires. Les minorités sont donc la conséquence directe des flux migratoires. En général, ces flux migratoires relient les régions pauvres aux régions riches, plus que des régions de forte natalité à des régions de faible natalité. En conséquence, les États du Nord concentrent les plus importantes populations immigrées et notamment les États-unis et l’Europe occidentale mais pas le Japon qui reste peu perméable aux flux migratoires. De même, certains États du Sud, en général des pays producteurs de pétrole, ont des populations immigrées significatives. Les immigrés sont parfois majoritaires dans les pays du golfe persique : 75 % de la population du Koweït est immigrée, les chiffres sont aussi très importants dans les royaumes voisins. Les flux empruntent en général des réseaux anciennement établis. Ils relient souvent d’anciennes métropoles et leurs ex-colonies. L’existence de populations immigrées complique la carte socioculturelle du monde. Elle favorise les brassages culturels (mythe du melting-pot américain) mais peut aboutir à la constitution de ghettos hermétiques qui contredisent cette vision intégratrice.

Intégration ou l’exclusion L’intégration peut être souhaitée ou refusée par les migrants ou la

Intégration ou l’exclusion L’intégration peut être souhaitée ou refusée par les migrants ou la population du pays d’accueil. Des partis politiques nationalistes, comme le Front national en France peuvent s’opposer à l’intégration des minorités. Ces oppositions génèrent des tensions politiques surtout en cas de récession économique. Souvent, après une génération, les immigrés s’intègrent dans l’État qui les accueille, sinon ils forment une nouvelle minorité nationale, mais ne peuvent plus être juridiquement considérés comme des immigrés surtout s’ils sont citoyens de l’État où ils vivent.