Aidants Quand lnergie se consume Vronique HabereyKnuessi Professeure
Aidants : Quand l’énergie se consume Véronique Haberey-Knuessi Professeure HES Haute école de santé Arc CH-2000 Neuchâtel Veronique. haberey-knuessi@he-arc. ch
LES AIDANTS «NATURELS» L’aidant est « la personne qui vient en aide à titre non professionnel, pour partie ou totalement, à une personne dépendante de son entourage, pour les activités de la vie quotidienne. Cette aide régulière peut être prodiguée de façon permanente ou non et prendre plusieurs formes notamment nursing, soins, accompagnement à l’éducation et à la vie sociale, démarches administratives, coordination, vigilance permanente, soutien psychologique, communication, activités domestiques » . (Charte européenne de l’aidant familial, avec le soutien de la COFACE, Confédération des organisations familiales de l’Union Européenne, 16 mars 2009). Ø Un contexte historique Ø Un contexte culturel Ø Une réalité économique
LES AIDANTS AUJOURD’HUI Les aidants demandent de la reconnaissance, Nouvel Observateur, 7. 10. 2010 Les aidants à bout de souffle, Que choisir, Mars 2011, n° 490 Aider, c’est tout naturel, Notre Temps, Décembre 2010 Les aidants familiaux, la solution miracle, Travail social actualités, 26. 10. 2011
QUELQUES CHIFFRES Parmi les personnes aidées, 9 sur 10 le sont par l’entourage (selon l’enquête Handicap Santé Ménages de 2008) (De 50 à 120 h/semaine). 1 proche sur 2 s’épuise durant son parcours d’aidant et 1 sur 3 est déjà atteint dans sa santé lorsqu’il sollicite une aide externe (AVASAD, 2015). 13. 000 enfants en situation de handicap sont actuellement sans solution éducative, à la charge entière de leurs parents. Parmi la population âgée de 50 à 64 ans, 40% de personnes souffrent de maladie chronique. D’ici 2030, 46% de personnes seront en situation de handicap. D’ici 2020, il faudrait 18'000 professionnels supplémentaires, alors que 60'000 auront pris leur retraite. L’apport des proches aidants représente 42 millions d’heures dans le même ménage et 21 millions d’heures en dehors du propre ménage (PMS, 2015).
LES AIDANTS, UNE RÉALITÉ DIFFICILE Charge physique Charge psycho -sociale
CHARGE PHYSIQUE Ø Manutentions difficiles Ø Sollicitations constantes du corps Ø Manque de sommeil ou périodes de sommeil entrecoupées Ø Transports dans les différents déplacements La charge physique n’est pas anodine car elle a des répercussions qui dépasse largement le cadre physiologique.
CHARGE PSYCHIQUE Gestion administrative des papiers Rôle de référent familial auprès des institutions Gestion des rendez-vous Responsabilité morale Émotions pénibles en présence de l’aidé : tristesse 47%, inquiétude 47%, impuissance 37%, anxiété 32% (PMS, 2015). Source de préoccupation constante pour 60% (PMS, 2015) Avenir source d’inquiétude Difficulté de déléguer les soins (angoisses générées par la perte de repères) Sentiment d’incapacité d’assumer ses responsabilités (Sinha, 2012) Difficulté dans le changement de rôle Deuil de l’être qui n’est plus celui que l’on a connu Injonction à l’adaptation constante et à la flexibilité. Absorber les angoisses et les frustrations de l’aidé comme seul interlocuteur
CHARGE PSYCHO-SOCIALE Sentiment de grande solitude Isolement et retrait social Difficultés à conserver une activité professionnelle Difficultés financières et dépendance Regard des autres sur le «hors norme» 1 PA sur 3 a renoncé à un soin ou un traitement pour lui-même au cours de la dernière année Accentuation sur l’activité quantifiable au détriment du travail invisible
CONSÉQUENCES 41% des proches ne considèrent pas leur santé comme suffisante pour assumer leur rôle (PMS, 2015) « Pour chaque année passée à s’occuper d’un enfant chroniquement malade, vous vieillissez de six ans » (Dr Sapolsky, neurobiologiste) La probabilité de mourir est de 63% plus élevée pour les aidants qui vivent dans le stress et qui administrent des soins. Un tiers des aidants d’un conjoint âgé décèdent avant la personne qu’ils soutiennent. Les proches aidants sont victimes du stress !
LE STRESS, C’EST QUOI ? Réponse du corps soumis à des contraintes très fortes. Anglicisme qui signifie : « effort intense, tension » . Réaction du corps et adaptation à une agression : - physique (intense chaleur, froid, traumatisme, bruit…) - psychologique : émotions fortes, choc Trois phases mises en évidence par Hans Selye : SGA (Syndrome général d’adaptation) 10
SYNDROME GÉNÉRAL D’ADAPTATION 11
SGA : PHASE 1 Phase 1 = Réaction d’alarme : fuite, exploit sportif. Stimulation du système neurologique 12
SGA : PHASE 2 Stade d’adaptation (augmentation du cortisol): tentative de compensation par les mécanismes physiologiques mais essoufflement sur la durée. 13
SGA : PHASE 3 Stade d’épuisement : les mécanismes compensatoires neuro-hormonaux sont mis en échec. Les ressources, physiques et psychiques, sont épuisées. 14
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LES EFFETS DU STRESS Les symptômes physiques peuvent apparaître sur tous les systèmes du corps humain : Ø Cardio-vasculaire : tachycardie, tension, AVC… Ø Céphalées, vertiges… Ø Insomnie, irritabilité, troubles de la concentration ØFatigue, troubles du sommeil (74% des PA) Ø Ulcères d’estomac, problèmes gastro-intestinaux Ø Troubles endocrinologiques : diabète… ØAnxiété, angoisses (50%), voire dépression Ø Danger d’addictions diverses Ø Troubles Musculo-Squelettiques (TMS) (36% des PA) Ø Problèmes dermatologiques Ø Affections des voies aériennes 17
LE BURNOUT, DÉFI DE L’ENGAGEMENT C’est dans les années 1970 que Herbert Freudenberger emploie le premier le terme de burnout pour exprimer un diagnostic caractérisé par un ensemble de symptômes identiques. 18
Herbert Freudenberger 1980 « Je me suis rendu compte au cours de mon exercice quotidien que les gens sont parfois victimes d’incendie tout comme les immeubles; sous l’effet de la tension produite par notre monde complexe, leurs ressources internes en viennent à se consumer comme sous l’action des flammes ne laissant qu’un vide immense à l’intérieur, même si l’enveloppe externe semble plus ou moins intacte. » 19
DIMENSIONS DU BURNOUT (C. Maslach) Dimension 1 • L’épuisement émotionnel Dimension 2 • La dépersonnalisation Dimension 3 • Le sentiment d’incompétence 20
4 PHASES SUCCESSIVES ENTHOUSIASME IDÉALISTE Mobilisation d’énergie STAGNATION Baisse de motivation – réactions psychosomatiques FRUSTRATION Sentiments négatifs - cynisme APATHIE Vide intérieur 21
UNE QUESTION DE PERSONNALITÉ? Type A ØCaractérisé par la nervosité, l’hyperactivité, compétitifs, rapides, perfectionnistes, exigeants, souvent insatisfaits ØNe supporte pas l’attente, besoin de gagner, d’être valorisé ØRisque cardiovasculaire multiplié par 2 ØExtraverti, grande implication au travail, activités multiples ØReprésente 40 à 70 % de la population Type C ØIntériorise tension nerveuse, faux-calme, cache sa souffrance ØRisque élevé de cancers, maladies auto-immunes, infections ØDépendances : alcool, drogue, tabac ØConduites à risque
TYPE B ØCompromis idéal entre le type A et C ØCaractérisé par un tempérament plus lymphatique ØDétendu, patient, amical ØSatisfait ØIntroverti ØParvient mieux à gérer le stress Bruchon-Schweitzer, 2002
CAUSES GÉNÉRALES DU BURNOUT Ø Isolement social, perte de repères familiaux Ø Reconnaissance sociale par le travail Ø Injonction à la performance et à la rentabilité Ø Dépersonnalisation du travail, perte du facteur humain Ø Perte de la collégialité dans le travail Ø Dynamique de compétition, évaluation Ø Horaires irréguliers Ø Pressions multiples, charge de travail… Ø Facteurs inhérents à la personnalité 24 24
DES DÉGATS IMPORTANTS Sur la santé physique et psychique, mais également sur l’identité personnelle. 25
UNE HISTOIRE D’ÉQUILIBRE ! Trouver la juste mesure entre ses ressources et les exigences requises Trouver la juste mesure entre le soin des autres et le soin de soi
DE LA NÉCESSITÉ DE DÉVELOPPER DES RESSOURCES Importance de ne pas rester, ou devenir, victimes du système ! SOUCI DE SOI Développer les ressources personnelles : s’octroyer des temps de ressourcement (relations, café, sieste, musique, ballades), de remise en question (si possible accompagné), écouter son corps et ses limites, étoffer le réseau social, pratiquer des activités différentes, veiller à une alimentation saine, prendre 27 des vacances, connaître ses droits et les faire valoir…
RESSOURCES COLLECTIVES Ø Prendre soin les uns des autres Ø Favoriser le partage et les échanges, prendre part à des groupes de paroles ou d’entraide Ø Prendre la parole par écrit ou par oral, témoigner Ø Réfléchir avec d’autres aux valeurs que l’on souhaite investir et au moyen de les investir au mieux Ø Réfléchir aux limites de son investissement, au point de bascule Ø Prendre position en tant qu’association Ø Faire valoir ses droits 28
CONCLUSION « L’être humain est appelé à être sujet de son existence et non objet des circonstances. » (Malherbe, 2001, p. 124). 29
MERCI POUR VOTRE ATTENTION 30
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